2. La régionalisation

Le mouvement de régionalisation répond à une attente ancienne.

Pierre Mendès-France fut un avocat pertinent de la région dans son essai « Pour une République moderne » , publié en 1962 238 ( * ) .

Aujourd'hui, chacun comprend l'utilité de cette jeune collectivité, même si des débats sont entretenus sur ses frontières, l'esprit d'appartenance qu'elle suscite plus ou moins selon les territoires, la faiblesse de ses compétences, de ses moyens.

L'idée d'avoir une collectivité qui s'investit dans la stratégie, la prospective, la coordination, la cohérence fait l'unanimité.

Au cours de ces trente dernières années, nous observons la progression de son action dans « les domaines stratégiques comme le développement économique, la formation professionnelle ou les transports » 239 ( * ) .

L'insatisfaction régionale - qui existe - ne doit pas se nourrir de nostalgie mais bien au contraire d'espoir, d'approfondissement et d'expansion.

Le président de l'ARF, Alain Rousset, juge ainsi la décentralisation : « Elle a réduit les inégalités en France, modernisé les compétences qui ont été transférées. Parallèlement, les collectivités locales sont en équilibre. Elles ne sont pas endettées 240 ( * ) » .

Les regrets sont autant de conquêtes à parfaire : affirmer plus de compétences en matière de formation professionnelle, d'apprentissage, de développement économique ; réduire une faiblesse financière, alléger la tutelle financière de l'État, retrouver une autonomie fiscale... Tout cela conditionne l'avenir du potentiel scientifique, technique, culturel, économique de nos territoires avec les contrats de plan, puis de projets.

A une première approche statistique, nous ajouterons des commentaires.

a) L'approche statistique globale


• Évolution des dépenses des régions 241 ( * )

1980

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1989

2005

2006

2007

2008

2009

Dépenses totales

5

7,7

11,3

14

18,2

23

24,5

40,5

19,5

21,7

24,4

26,6

28

Investissement

4,5

6,7

8,1

8,8

11,1

13,2

15,4

26,2

9

9,9

10,3

11,4

12

Investissement
hors remboursement

4,3

6,5

7,9

8,4

10,6

12,4

14,6

24

7,7

8,2

9

9,49

10

Subvention équipement

3,6

5,6

6,6

7,1

8,2

9,6

9,9

12,3

4,5

4,9

5,3

5,4

5,7

Équipement

0,06

0,1

0,3

0,4

0,7

1,6

3

7,5

2,5

3,1

3,44

3,76

3,81

(en milliards de francs)

(en milliards d'euros)


• Évolution des ressources totales

1980

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1989

2005

2006

2007

2008

2009

Ressources totales

5,3

7,6

12,1

15,4

18,1

23,3

29,4

40,4

19,5

21,7

24,4

26,6

28

Ressources fiscales

3,5

4,4

7,2

8,8

11

12,5

15,9

21,3

6,9

8,3

10,5

11,7

12,2

Dont impôts locaux

1,5

2

3

4,1

4,7

5,2

6,9

10

4

4,4

4,4

4,6

5

(en milliards de francs)

(en milliards d'euros)

Au cours de ces 25 dernières années, les grandes tendances financières régionales sont les suivantes 242 ( * ) :

- la dynamique régionale n'a cessé de croître tout spécialement à partir de 2002 suite aux nombreux transferts de compétences (TER, formation professionnelle et TOS - techniciens, ouvriers et de service - pour l'entretien des lycées). Les budgets de la région ont changé d'échelle (de 3 milliards d'euros en 1985 à 28 milliards en 2009) ;

- au cours des années 80, les dépenses d'investissement dominaient. Avec les transferts de la dernière décennie, une inversion s'est produite au bénéfice des dépenses de fonctionnement. 1998 a été l'année de transition ;

- l'investissement a constamment progressé (qu'il s'agisse d'investissements directs ou indirects par subventions).

Trois compétences dominent budgétairement 243 ( * ) :


• l'enseignement 244 ( * ) ;


• la formation professionnelle et l'apprentissage ;


• le transport ferroviaire régional.

2005

2006

2007

2008

2009

Enseignement

3,96

3,89

5,18

6,11

6,55

Formation professionnelle
et apprentissage

3,47

3,99

4,88

4,88

4,92

Transport ferroviaire

2,75

2,88

3,16

3,36

3,3

(en milliards d'euros)

Les ressources régionales ont connu de nombreuses modifications : l'autonomie fiscale régionale décroît. Elle a représenté 42 % au milieu des années 90. Elle n'est plus aujourd'hui qu'à 10 %. Si l'épargne brute reste stable, l'épargne nette a tendance à baisser depuis 2007 : la région ne bénéficie pas de la dynamique des droits de mutation.

La dette totale est passée de 10,14 Mds€ à 17 Mds€ en 2010 245 ( * ) .

Ces statistiques globales méritent un complément : il ne surprendra personne qu'il souligne de futures disparités.

b) Les disparités

Depuis l'accession de Mayotte à ce statut, le 31 mars dernier, la France compte 26 régions au sens de l'article 72 de la Constitution : 21 en métropole et 5 en outre-mer. S'y ajoutent, même si elles ne relèvent pas juridiquement de la catégorie des régions, la Nouvelle-Calédonie (qui n'a pas le statut de collectivité territoriale) et la collectivité territoriale de Corse (qui constitue une collectivité à statut particulier au sens de la Constitution). Celle-ci présente de telles similitudes avec les régions au sens strict du terme qu'elle leur est habituellement assimilée dans les analyses statistiques, constituant de facto une 22 e région métropolitaine.

Les régions se caractérisent par de grandes disparités, dont quatre exemples seront donnés ici.

(1) Les disparités démographiques

Sur nos 22 régions métropolitaines, 4 comptent plus de 4 millions d'habitants ; 7 entre 2 millions et 3 999 999 millions, 9 entre 1 million et 1 999 999, 2 moins de 1 million.

L'écart va donc de 302 966 (la Corse) à 11 659 260 (Île-de-France). Le Limousin compte 29,3 % de personnes de plus de 60 ans contre 17,5 % pour l'Île-de-France. La part des moins de 20 ans va de 20,4 (Corse) à 26,9 % (Nord-Pas-de-Calais).

(2) Les disparités dans le maillage communal des territoires

Le nombre de communes par région varie de 360 (la Corse) à 3 020 (Midi-Pyrénées) ; celui des communes de plus de 100 000 habitants va de 0 (Corse, Poitou-Charentes) à 5 (Île-de-France) ; celui des communes de moins de 10 000 habitants va de 357 (Corse) à 2 988 (Lorraine) ; celui des communes de moins de 7 000 habitants va de 294 (Corse) à 2 389 (Midi-Pyrénées).

(3) Les disparités financières

Les ratios financiers, présentés en euros, nous donnent les indications suivantes :

- dépenses réelles de fonctionnement par habitant : écart de 202 (Bretagne) à 1 320 (Corse) ;

- imposition directe par habitant : écart de 10 (Corse) à 107 (Midi-Pyrénées) ;

- dépenses d'équipement par habitant : écart de 26 (Basse-Normandie) à 389 (Corse) ;

- dette par habitant : écart de 89 (Aquitaine) à 1 055 (Corse) ;

- DGF par habitant : écart de 74 (Pays-de-la-Loire) à 155 (Limousin).

Autres données :

(4) Les disparités sociales

En 2009, le taux de chômage allait de 7,8 % (Bourgogne, Languedoc-Roussillon) à 12,6 % (Midi-Pyrénées).

Le PIB par emploi va de 61 434 € (Basse-Normandie) à 99 676 (Île-de-France).

Le PIB par habitant va de 22 894 € (Languedoc-Roussillon) à 46 984 € (Île-de-France).

Les régions vont devoir trouver un nouveau rapport entre ressources et projets, un nouveau partenariat avec l'État et avec les autres collectivités territoriales. Déficits publics, gels des dotations modifient le contexte.


* 238 Pierre Mendès-France : « Pour une République moderne », Gallimard, 1962.

* 239 Philippe Richert, ministre des Collectivités territoriales, in « Région Magazine, 25 ans de régionalisation 1986-2011 », mars-avril 2011, p. 10.

* 240 Alain Rousset « Région Magazine » Op. cit., p. 8.

* 241 DGCL, « Les collectivités territoriales en chiffres », éditions 1992, p. 50, et 2011, p. 65.

* 242 « Région Magazine, 25 ans de régionalisation 1986-2011 », mars-avril 2011.

* 243 « Les collectivités locales en chiffres 2011 », DGCL, p. 65.

* 244 La décentralisation des lycées a modifié le cours de la vie de la région.

* 245 2006 : 11,11 ; 2007 : 12,56 ; 2008 : 13,99 ; 2009 : 15,68. Cf. op. cit. p. 65.

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