2. Le renouvellement de l'État

Trois lois vont marquer la fin de la décennie :

- la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (loi n° 99-533), dite « loi Voynet » ;

- la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (loi n° 99-586), dite « loi Chevènement » ;

- la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi n° 2000-1208) 44 ( * ) .

Ces trois lois forment une unité cohérente : elles prennent en compte l'élargissement des territoires sur lesquels se bâtit un projet, se conduit la planification.

Elles intéressent donc la décentralisation, mais elles consacrent l'État dans un nouveau rôle.

Elles en font ou peuvent en faire un authentique partenaire. C'est pour cela qu'elles furent également célébrées par de hauts fonctionnaires qui y virent un nouveau challenge pour leurs compétences et leurs missions 45 ( * ) .

Les faits s'imposent : agglomérations et pays (ou bassins de vie) structurent le nouveau paysage territorial. Les périmètres de la commune, de l'intercommunalité sont trop restreints, trop fragmentés. Ils ne correspondent plus aux réalités vécues de nouvelles mobilités. De nombreux chantiers - tels que les SCOT - demandent des ouvertures.

Le temps est aux projets cohérents, transversaux, d'une planification globale.

Les acteurs de la décentralisation s'en emparent ou doivent s'en emparer mais l'État ne peut être absent.

L'État garant, l'État stratège se doit d'être un État partenaire : « un partenaire actif des collectivités au niveau déconcentré, au coeur de nouvelles dynamiques territoriales ».

Au moment où la décentralisation prend en considération « le temps long » avec les SCOT, les PDU, les PLH, les dossiers de voirie, où les documents d'État s'imposent avec les ZPPAUP (Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysage), les SDAGE (Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux), les SAGE (Schéma d'aménagement de gestion des eaux)..., l'État local acquiert une nouvelle légitimité 46 ( * ) .

Il doit avoir sa place dans la construction de ce « polycentrisme maillé », paysage institutionnel complexe en transition.

a) La loi n° 99-533 du 25 juin 1999, dite « loi Voynet »

A l'origine de la loi du 25 juin 1999 dite d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et modifiant la loi « Pasqua » du 4 février 1995, nous trouvons le changement de majorité à l'Assemblée nationale et de Gouvernement.

Diverses critiques sont avancées pour justifier ce nouveau texte :

- la loi « Pasqua » (même si elle a engagé une réflexion pertinente sur le territoire) aurait eu « une coloration fortement ruraliste » , le pays faisant l'objet de tous les soins au détriment de la ville 47 ( * ) ;

- insuffisamment européenne, elle aurait été inspirée par une logique de l'offre et atteint « ses limites avec l'impossible mise en oeuvre du schéma national d'aménagement du territoire... Soucieux de répondre à l'ensemble des sollicitations, (ce schéma) ne fixait pas de choix stratégiques clairs. Il est remplacé par huit schémas qui portent des besoins » 48 ( * ) ;

- ce nouveau texte introduit un changement de démarche : à une démarche de construction successive d'un schéma national et de schémas régionaux, « il substitue une approche plus intégrée et interactive, avec une première phase de définition des cadres, orientations ou stratégie - schéma de services, schémas régionaux, stratégie de contrats - puis une deuxième phase consacrée aux documents eux-mêmes prenant en compte les contributions concertées de la première phase, les schémas régionaux devant être compatibles avec les schémas de services. Ces huit schémas nécessitent une approche interrégionale et une mise en perspective à l'échelon européen » 2 .

Gérard Larcher reconnaît à la loi de 1995 une faiblesse : « nous ne nous sommes pas donné les moyens économiques suffisants » 49 ( * ) .

Jean François-Poncet, président de la commission spéciale du Sénat, ne dit pas autre chose : « Comme les crédits nécessaires à une politique d'envergure ne furent pas au rendez-vous, ce texte fondateur ne bénéficia ni du temps ni des moyens qui lui auraient permis de marquer le territoire de son empreinte » 50 ( * ) . Mais il conclut : « Ce n'est pas en votant tous les cinq ans une grande loi conçue pour vingt ans mais jamais appliquée qu'on fera bouger les choses » 51 ( * ) .

Au fond, il estime que « la métropolisation est un concept en voie d'être dépassé dans les pays les plus avancés et que l'espace rural est le lieu d'une nouvelle modernité ». Saisissant l'opportunité de ce débat, Claude Belot en appelle à la péréquation pour équilibrer la France du « vide » (milieu rural) et la France du « trop plein » (banlieues), rappelant, à la suite de Gérard Larcher, que l'égalité est un objectif à atteindre plutôt qu'un acquis. Jean-Pierre Raffarin parle de la « victoire sémantique » de Madame Voynet qui fait adopter un nouveau vocabulaire 52 ( * ) .

Il est d'accord pour faire de la liberté une voie pour atteindre la justice, du développement une condition de l'aménagement. Tout ceci passe par une logique du contrat : « Le contrat est l'outil majeur de l'aménagement du territoire, (il) est le lieu de l'équilibre, le lieu où les volontés s'articulent... il est l'occasion pour l'État d'affirmer la cohérence dont il est en charge ».

Encore faut-il, selon le futur Premier ministre, que ce contrat soit lisible, transparent, identifiant (savoir qui fait quoi), d'où son attachement au principe de « chef de file » : « C'est pour le citoyen, le moyen de voir que les collectivités territoriales, les acteurs locaux travaillent ensemble dans la bonne direction et que chacun assume sa responsabilité vis-à-vis des autres ».

Abordant le pays, il est très clair : « Le pays ne fragilise que les départements qui ne s'intéressent pas à lui. Quand un département s'intéresse au pays, le pays renforce le département » .

Il résume sa pensée de la manière suivante : « Priorité au développement, logique de contrôles, avenir du pays mais aussi - c'est très important - la région comme pivot de la contractualisation ».

Et de préciser : « la guerre département-région n'aura pas lieu parce qu'elle est absurde ».

Sa conception du pays ne fait pas l'unanimité dans ses propres rangs. Paul Girod trouve le projet de loi concernant le pays « extraordinairement encadré », excessivement contraignant et rigide 53 ( * ) .

Tout au contraire, Gérard Miquel (président d'un pays de 60 communes réunissant 20 000 habitants) va justifier le pays : « Les pays sont avant tout des territoires pertinents pour bâtir et faire émerger des projets cohérents. Ils doivent reposer sur une forte participation des acteurs locaux... lieux privilégiés de démocratie participative favorisant l'expression de la créativité, de l'initiative, du dynamisme et de la solidarité de nos concitoyens » 54 ( * ) .

Il n'est pas de ceux qui estiment qu'il y a antinomie entre le conseil général et le pays :

« Le conseil général me semble en effet, la collectivité locale de proximité la mieux placée pour réfléchir, coordonner et animer les démarches territoriales du pays. Sa place est prépondérante dans cette nouvelle organisation du développement local dans nos campagnes. Son rôle est important dans la mise en place des pays, tant en matière de délimitation que dans l'organisation de la démarche mais aussi dans l'aide à l'émergence des structures maître d'ouvrage... Les conseils généraux s'ils savent être les garants de cette nouvelle organisation, devront également mettre en place des outils de niveau départemental pouvant servir l'ensemble de ces territoires de projet.

C'est seulement à cette condition et avec cette volonté d'accompagner au plus près du terrain, l'émergence de ces pays que les conseillers généraux prendront naturellement leur place et qu'ils pourront mener une politique efficace d'aménagement de leurs territoires » .

Mais que souhaitait exactement le Gouvernement Jospin ?

Il reprenait la notion de pays créée par la loi du 4 février 1995. Elle avait rencontré l'intérêt des élus : au 15 décembre 1998, il en existait 71.

Pour Philippe Duron, rapporteur, « cadre d'implantation, d'animation et de coordination, le pays n'existe que par les énergies et les organismes ou institutions publics ou privés qu'il fédère autour d'un projet territorial commun. Le pays n'est donc pas un nouvel échelon administratif ».

La loi « Voynet » s'apparente à une « loi de méthode » rappelant des valeurs, précisant le rôle de l'État, de ses partenaires et arrêtant « le cadre de la recomposition territoriale de la France ». Elle participe à une « refondation » de l'État, le replaçant au centre d'un partenariat chargé, clairement identifié.

Toujours selon M. Duron, il faut nourrir une nouvelle génération de contrat de plan État-région, renégocier le contenu des politiques européennes des fonds structurels.

Le temps d'un aménagement volontariste et centralisé, le temps d'un État planificateur est terminé 55 ( * ) .

Avec la loi du 2 mars 1982, la région promeut l'aménagement du territoire avec celle du 29 juillet 1982, elle participe à la négociation et à la conclusion des contrats de plan.

L'État se dote de partenaires. Il reste à bâtir « une culture du partenariat » , à remodeler un territoire qui ne peut plus être celui de l'Assemblée Constituante 56 ( * ) .

Le temps est venu des « espaces projets », des « espaces de vécu professionnel et social de nos contemporains », des « bassins d'emploi », des « bassins de vie ». Il faut, aussi, compter avec l'Europe dont le centre de gravité glisse vers l'Est. Tout ceci, justifie le mot « refondation ».

Quel est le contenu de la loi du 25 juin 1999 ?

Elle commence par fixer la finalité de l'aménagement du territoire et de son développement durable : ils concourent à l'unité de la notion, aux solidarités entre citoyens, à l'intégration des populations. Ce sont donc des outils au service du progrès social, économique, environnemental. Ils favorisent la solidarité entre entreprises et territoires, l'égal accès aux savoirs, aux services publics.

L'article 1 er fait de la modulation des aides publiques une forme de « péréquation des ressources en fonction des charges ».

Aménagement et développement relèvent de l'État respectueux d'une conduite partenariale et de subsidiarité.

La politique d'aménagement et de développement intéresse les vingt prochaines années : elle se traduit par des schémas de services collectifs, par l'allocation de ressources budgétaires, par des contrats conclus avec les collectivités territoriales, les EPCI, les personnes morales publiques et privées, les contrats de plan avec la région.

Le schéma régional d'aménagement du territoire :

- il renforce les pôles de développement à vocation européenne et internationale, soutient « le développement local organisé dans le cadre des bassins d'emploi et fondé sur la complémentarité et la solidarité des territoires ruraux et urbains » ;

- il se réfère explicitement aux pays « présentant une cohésion géographique, historique, culturelle, économique et sociale » , au sein desquels le développement local favorise « la mise en valeur des potentialités du territoire en s'appuyant sur une forte coopération intercommunale et sur l'initiative et la participation des acteurs locaux » ;

- il s'appuie sur l'organisation des agglomérations, la gestion maîtrisée de l'espace et « la répartition de la fiscalité locale ».

La loi en appelle notamment à la juste péréquation des ressources et à des interventions différenciées, « selon l'ampleur des problèmes de chômage, d'exclusion, de désertification rurale rencontrés... ».

Huit schémas de services collectifs sont prévus : enseignement supérieur et recherche ; culture ; santé ; information et communication ; schémas multimodaux des services collectifs de transport des voyageurs et de marchandises ; énergie, espaces naturels et ruraux, sport.

Un projet de loi, à déposer dans les deux ans, doit prévoir les orientations à retenir.

Un Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire est mis en place tout comme un Fonds national de l'aménagement et du développement.

Le schéma régional de l'aménagement et du développement du territoire devient le plan de la région : il localise les grands équipements, les infrastructures et les services d'intérêt général.

A l'initiative de la région, des schémas interrégionaux peuvent être élaborés. Chaque assemblée parlementaire constitue une Délégation parlementaire à l'aménagement et au développement de territoire (elle comprend 15 membres).

L'article 25 traite du pays :

« Lorsqu'un territoire présente une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale, il peut être reconnu à l'initiative des communes ou de leurs groupements comme ayant vocation à former un pays ». Son périmètre est arrêté par le préfet après avis de la Conférence régionale de l'aménagement et du développement du territoire et consultation de la Commission départementale de la coopération intercommunale.

Le pays élabore une charte, crée un comité de développement.

L'article 26 institue un projet d'agglomération : il concerne les communes d'une aire urbaine de plus de 50 000 habitants. Un comité de développement est créé dans l'aire urbaine.

L'article 27 ouvre la possibilité de contrat de ville et d'agglomération 57 ( * ) .

L'article 48 évoque l'existence « d'organismes de réflexion et d'études appelés agences d'urbanisme » ; « elles peuvent prendre la forme d'association ».

b) La loi n° 99-586 du 12 juillet 1999, dite « loi Chevènement »

La loi du 12 juillet 1999 - dite loi Chevènement - relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a eu pour premier titre « organisation urbaine et simplification de la coopération intercommunale ».

Devant l'Assemblée nationale, le ministre de l'Intérieur, présente ce texte comme une nouvelle étape de la décentralisation pour un double objectif : permettre la décision au niveau le plus pertinent, assurer un développement du territoire équilibré géographiquement et socialement.

L'instrument pour parvenir à ces fins : l'intercommunalité.

Celle-ci n'est pas une chimère : dans un pays à forte identité communale, la coopération intercommunale suit une dynamique positive ; au 1 er janvier 1999 la France compte 1 679 EPCI à fiscalité propre réunissant 18 876 communes et comptant 34,5 millions d'habitants.

Jean-Pierre Chevènement rend hommage à ce mouvement : « nos communes qui puisent leur permanence dans l'Histoire ont su depuis longtemps se regrouper, d'abord pour gérer des services spécialisés, ensuite pour orienter le développement local ».

Des déséquilibres perdurent : des régions, des villes demeurent à l'écart et le mouvement fléchit. Si en 1996 on comptait la création de 211 EPCI, en 1997, nous en sommes à 131, en 1998 à 103.

Depuis 1992, il n'existe que 5 communautés de villes et le partage de la richesse avec la TPU n'a pas rencontré le succès espéré.

Si l'on considère le fait urbain - trait dominant de la société française - il faut admettre que « la civilisation de la ville se cherche », freinée par la crise sociale, marquée par « l'apartheid spatial », un projet de société qui tourne à vide.

Si développement, aménagement, coopération sont à l'ordre du jour, nous voyons bien que la réalité physique de l'agglomération n'a pas, en général, de correspondance politique et juridique capable de prendre les décisions qui s'imposent. Il faut bâtir un outil pour appréhender l'agglomération, le bassin de vie.

Ce décalage existe également dans le milieu rural qui connaît des fractures tout aussi profondes.

Il faut ériger une institution qui prenne en compte la vie, le territoire autour d'un bourg centre ou d'une petite ville. Il faut trouver une bonne dimension pour investir dans des services de base, organiser les mutualisations nécessaires.

Nous pouvons facilement résumer l'apport de la loi Chevènement :

- elle simplifie et adapte les structures avec les communautés d'agglomération, les communautés de communes et les communautés urbaines ;

- concernant les compétences, nous retrouvons un schéma classique qui distingue les compétences obligatoires, les compétences facultatives. Très logiquement, le périmètre doit correspondre à celui des aires urbaines définies par l'INSEE (40 % des habitants participent à un flux interne domicile-travail) ;

- la solidarité donnera corps à un projet cimenté par une taxe professionnelle à taux unique à mettre progressivement en place sur une période maximale de 12 ans. La communauté de communes accueille le district et la communauté de villes peut se transformer en communauté d'agglomération ;

- décision déterminante : toute communauté d'agglomération créée avant le 1 er janvier 2005 recevra une DGF de 250 francs par habitant (soit le double de celle accordée à la défunte communauté de villes).

A l'issue de la navette parlementaire, la commission mixte paritaire aboutira à un accord, après 18 heures de discussion. Dominique Perben, ancien ministre, député, souligne l'importance du projet, « la complexité effarante » de notre organisation (« c'est la Chine des mandarins » 58 ( * ) ). Il reconnaît la progression de l'intercommunalité mais également ses dysfonctionnements. Au passage, il fait remarquer la bonne gestion des collectivités territoriales (« les comparaisons en matière d'endettement ne sont pas en faveur de l'État » ). Il s'interroge toutefois sur la « TPU systématique ».

Plus sceptique, son collègue Francis Delattre, observant la législation sur la coopération intercommunale, ne peut s'empêcher de citer le mythe de Sisyphe : il a compté depuis le 15 juillet 1971, 8 lois successives !

Gilles Carrez soutient l'idée de la TPU (« un progrès indiscutable ») mais il regrette que le projet de loi oppose rural et urbain, privilégie celui-ci et contraigne trop l'Île-de-France 59 ( * ) .

Pierre Méhaignerie considère que la TPU entraînera nécessairement l'élection de conseillers communautaires au suffrage universel direct et que cela conduira « fatalement à la transformation du département et du mode d'élection des conseillers généraux ».

Sur un autre registre, il estime que « le pouvoir d'achat des familles et des entreprises doit désormais devenir la priorité...Les consommations collectives ont peut-être atteint, dans certains domaines, y compris les collectivités locales, une limite ».

L'ancien ministre, Robert Poujade, favorable au projet, regrette la faiblesse des villes françaises : « Elles sont faibles démographiquement, économiquement, financièrement. Dans l'esprit européen elles n'ont ni la dimension, ni en tout cas les moyens d'action qui leur permettraient d'affronter à armes égales la compétition et de redevenir des villes modèles ». Selon lui, les villes sont stigmatisées alors qu'elles doivent faire face à des coûts de centralité élevés, à la précarité et à la marginalité.

Au Sénat, Daniel Hoeffel se demande si deux structures (communautés de communes et communautés urbaines) n'auraient pas suffi.

Comme d'autres, Michel Mercier craint que le renforcement de la coopération intercommunale ne se traduise par un alourdissement des prélèvements obligatoires.

Il reconnaît les avantages de la TPU qui fait disparaître les concurrences fiscales, promeut l'aménagement du territoire et la mutualisation des ressources. Il fera appel à la responsabilité des élus et s'interroge sur le devenir de la TP : sera-t-elle « rationalisée » ou supprimée ?

Certains sénateurs, lors du débat, ne pourront s'empêcher de se montrer quelque peu provocateurs. Citons, à titre d'exemple, Alain Vasselle, qui veut interdire toute fonction élective aux fonctionnaires (de l'État, hospitaliers, territoriaux). Son amendement, déposé en ce sens, a un « caractère provocateur » ( dixit Daniel Hoeffel), est « à la limite anticonstitutionnel » (Jean-Pierre Chevènement) 60 ( * ) .

Au nom de l'économie, de la simplification, le Sénat vote un amendement dispensant le président d'un EPCI d'adresser un rapport-bilan aux communes de moins de 3 500 habitants.

Une majorité sénatoriale s'opposera au fléchage des élus communaux pour siéger à l'intercommunalité. Elle s'opposera également à la création par l'assemblée délibérante de l'EPCI de comités consultatifs qu'ils s'intéressent « aux affaires d'intérêt intercommunal relevant de sa compétence » ou aux services publics exploités en régie ou délégation.

Les opposants invoquent la simplification, l'économie, le découragement des élus.

Dominique Braye (sénateur des Yvelines) ne réussit pas à convaincre ses collègues : « Il ne s'agit pas là d'une obligation, il s'agit d'une faculté offerte aux EPCI...il faut donner la possibilité d'agir à ceux qui ont la volonté d'aller auprès des habitants pour s'informer et les faire participer... L'expérience m'a montré qu'il ne fallait jamais se priver d'avis ni d'idées extérieurs susceptibles de renforcer l'efficacité des réalisations intercommunales » 61 ( * ) .

*

* *

A la suite de ces deux lois, le Premier ministre fait une conférence de presse le 26 octobre 2000 au cours de laquelle il met en avant :

- l'approche territoriale de chaque ministère conjuguée avec l'intérêt collectif et la cohérence nationale ;

- l'importance de la consultation régionale et du débat au sein des deux délégations parlementaires à l'aménagement et au développement durable du territoire ;

- une « déconcentration plus large » , « une nouvelle étape de la décentralisation », qui doivent favoriser de nombreux cadres territoriaux d'interventions publiques fondés sur le contrat, adaptés à la réalité des territoires et au rythme des nouvelles temporalités vécues par nos concitoyens ;

- la complexité de la société, qui implique une interactivité croissante des acteurs.


* 44 Nous ne détaillerons pas cette loi, dite « loi SRU ».

* 45 Ces hauts fonctionnaires étaient réunis au sein du Comité des directeurs pour le développement urbain, créé en 1999 et présidé par Jean Frébault.

* 46 Jean Frébault voit une chance de dialogue entre l'État local et l'État central pour définir des périmètres, « construire ensemble » un point de vue.

* 47 Rapport Philippe Duron n° 1288 - Assemblée nationale, 22 décembre 1998 p. 12 et suivantes.

* 48 Philippe Duron op.cit. Le Schéma national d'aménagement du territoire n'avait pas été validé par le Gouvernement Juppé. Seul l'avant-projet avait été approuvé par le Conseil interministériel pour l'aménagement du territoire d'Auch du 10 avril 1997. Il y a eu néanmoins 46 décrets d'applications et 52 circulaires.

* 49 Gérard Larcher - Sénat 26 mai 1999, p. 3362

* 50 Jean François-Poncet - Sénat 23 mars 1999, p. 1660.

Très critique à l'égard du projet de loi, il y voyait « un texte pauvre », « un texte déséquilibré » écartant la notion de chef de file et profitant au Gouvernement qui arrête seul par décret les schémas de service.

* 51 Jean François-Poncet, op.cit.

* 52 Jean-Pierre Raffarin - Sénat 23 mars1999, p. 1688 et suivantes. Lors de cette intervention, il mettait l'accent sur la création d'entreprises avec l'institution d'un « Fonds commun de placement de proximité » pour collecter l'épargne locale.

* 53 Paul Girod - Sénat 23 mars 1999, p. 1690. Jean Puech craint l'imagination des fonctionnaires d'État se substituant aux élus locaux. Il prend ses distances par rapport aux pays craignant que ceux-ci « se substituent aux élus, aux acteurs locaux » - Sénat 23 mars 1999, p. 1634.

* 54 Gérard Miquel - Sénat, 23 mars 1999, p. 1691 et suivantes.

* 55 En 1950, Eugène Claudius-Petit, ministre de la Construction et de l'Urbanisme, crée au sein de son ministère, une direction de l'aménagement du territoire. En 1953, Olivier Guichard crée la DATAR : il faut rééquilibrer Paris et la province, l'État industriel et l'Ouest agricole. C'est le temps des villes nouvelles, des métropoles d'équilibre, de la redistribution.

* 56 Philippe Duron - op.cit - p. 20.

* 57 Ces contrats associent État-région, ils suivent le projet d'agglomération, le contrat de plan État-région. Avec ces contrats, l'État poursuit les objectifs suivants :

- le partage de la ressource fiscale liée aux « activités économiques,

- la meilleure répartition des charges centralité,

- la maîtrise de l'étalement urbain,

- la réduction des différentes formes de spécialisation fonctionnelle,

- l'organisation de la mixité sociale et urbaine.

* 58 Sous le Gouvernement Juppé, Dominique Perben avait déposé un projet de loi relatif au développement de la coopération intercommunale (21 mai 1997). Ce projet simplifiait le système institutionnel (districts et communautés de villes devenaient des communautés de villes), favorisait la TP d'agglomération, répartissait plus équitablement la DGF entre les groupements et harmonisait la représentation des communes dans les EPCI.

* 59 Le futur rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale considère la réforme de la l'assiette de la TP avec la disparition de ce qui reste de la part salaire comme « la première étape de la disparition générale de la TP ».

* 60 Le communiste Robert Bret voit là l'exclusion de la citoyenneté de 5 millions de nos compatriotes.

* 61 JO des Débats du Sénat, Débat du 8 avril 1999, p. 2337.

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