2. Augmenter de façon significative les moyens consacrés à l'accompagnement

Souhaiter un meilleur accompagnement du demandeur d'emploi et une personnalisation du service rendu conduit naturellement à se poser la question des moyens alloués à Pôle emploi .

a) S'adapter aux variations de la conjoncture

Pôle emploi, comme ses homologues étrangers, doit faire face à des pics d'activité, quand la conjoncture se dégrade, qui lui imposent d'augmenter temporairement ses moyens en personnel.

En 2009-2010, les moyens de Pôle emploi ont augmenté pour faire face à la crise, notamment par le recrutement de personnels en CDD (1 840 personnes durant l'été 2009 et 1 000 personnes fin 2009), mais moins que dans d'autres pays comparables. A cet égard, Christian Charpy a indiqué que « pendant la crise, notre homologue britannique avait embauché 18 000 personnes ; il en débauche aujourd'hui autant. Notre homologue allemand avait recruté 6 000 personnes, mais 20 % de ses salariés sont en CDD. L'activité de Pôle emploi est étroitement liée à la conjoncture économique, et il faut lui permettre d'y adapter ses effectifs » .

La souplesse de gestion permise par les recrutements en CDD rencontre des limites car la convention collective de Pôle emploi plafonne le nombre de salariés en CDD à 5 % de ses effectifs . En 2010, ce pourcentage a été dépassé puisque Pôle emploi comptait 8 % à 9 % de son personnel en CDD. La suppression de 1 500 postes en CDD étant prévue en 2011, Pôle emploi va revenir dès cette année en-dessous de ce plafond.

La question de la modification de ce plafond peut être posée, même si elle relève de la négociation avec les partenaires sociaux. Elle n'est toutefois pas prioritaire pour la mission : une crise de la gravité de celle que vient de connaître notre pays ne se produit que très exceptionnellement et le plafond fixé paraît donc suffisant pour répondre aux variations habituelles de la conjoncture.

Par ailleurs, un autre élément de souplesse réside dans le recours à la sous-traitance, qui a concerné 320 000 demandeurs d'emploi en 2009-2010, et dans le partenariat entre Pôle emploi et ses cotraitants, notamment les missions locales.

La mission souhaite en revanche insister sur la nécessité pour Pôle emploi d'avoir un comportement exemplaire en ce qui concerne les perspectives de reclassement des personnes embauchées en CDD ou en contrats aidés. Pôle emploi étant le spécialiste de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, il ne serait pas compréhensible qu'il ne se soucie pas du devenir de ces personnes, embauchées à titre temporaire, avant même la fin de leur contrat. Pôle emploi a nommé une dizaine de conseillers interrégionaux chargés d'aider les titulaires de contrats aidés à retrouver un emploi, mais les salariés en CDD ne doivent pas être négligés.

b) Faire face aux besoins pérennes

La comparaison internationale effectuée par l'IGF montre que le service public de l'emploi français n'est pas le mieux doté en personnel et que les effectifs consacrés à l'accompagnement, rapportés au nombre de demandeurs d'emploi, sont plus faibles qu'au Royaume-Uni ou en Allemagne .

Cette comparaison ne porte pas seulement sur Pôle emploi mais, plus largement, sur le service public de l'emploi (SPE). Pour définir le périmètre du SPE, l'IGF a retenu les quatre missions assumées par Pôle emploi, à savoir l'accueil des demandeurs d'emploi, leur indemnisation, l'accompagnement et le placement et enfin les services aux entreprises.

Pour la France, huit organismes concourent à l'exercice de ces missions : Pôle emploi, les missions locales, les maisons de l'emploi, les caisses d'allocations familiales (Caf), les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), les Cap emploi, l'association pour l'emploi des cadres (Apec), la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et l'Unedic, étant entendu que seuls les agents affectés aux missions précitées ont été retenus pour le décompte des effectifs.

Les opérateurs privés de placement (OPP) n'ont pas été pris en compte parce que leurs effectifs sont mal connus. L'IGF a toutefois comparé les budgets consacrés dans les trois pays à la sous-traitance : il apparaît que le budget français est à peine supérieur à celui de l'Allemagne et égal à un peu plus du tiers du budget britannique. Le recours à la sous-traitance ne saurait donc compenser les écarts constatés en ce qui concerne les effectifs du SPE.

En valeur absolue, les effectifs du SPE français - 62 056 équivalents temps plein (ETP) dont 46 576, soit les trois quarts, à Pôle emploi - sont supérieurs à ceux du SPE britannique (53 844 ETP) et inférieurs à ceux du SPE allemand (127 450 ETP). Mais, quand ces effectifs sont rapportés au nombre de demandeurs d'emploi, le SPE français a un taux d'encadrement plus faible que celui de ces deux pays 44 ( * ) . L'écart est plus important lorsque l'on prend en compte le nombre de demandeurs d'emploi au sens des administrations nationales .

Effectifs des SPE rapportés au nombre de chômeurs

Effectifs en ETP pour 10 000

France

Allemagne

Royaume-Uni

Pour 10 000 chômeurs au sens du Bureau international du travail (BIT)

215

420

221

Pour 10 000 chômeurs au sens des administrations nationales

159

377

349

Source : Inspection générale des finances

La répartition des effectifs par mission montre que le taux d'encadrement en France est inférieur pour trois des quatre missions, et notamment pour l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Il n'est supérieur que pour les services aux entreprises. Le SPE français se caractérise également par un niveau élevé d'effectifs résiduels. Sous ce terme, l'IGF vise les personnels affectés aux fonctions support nécessaires à l'exercice des quatre missions prises en compte pour l'étude.

Décompte des effectifs par catégories de missions,
rapporté au nombre de bénéficiaires réels des prestations

Missions du SPE

France

Royaume-Uni

Allemagne

Accueil et information du demandeur d'emploi

Effectif brut (ETP)

6 459

6 182

17 112

ETP pour 10 000 demandeurs d'emploi entrants

17

24

27

Indemnisation du demandeur d'emploi

Effectif brut (ETP)

9 068

8 607

28 902

ETP pour 10 000 bénéficiaires d'allocations

21

59

60

Accompagnement du demandeur d'emploi

Effectif brut (ETP)

20 621

27 515

45 405

ETP pour 10 000 chômeurs BIT

71

113

150

ETP pour 10 000 demandeurs d'emploi au sens des administrations nationales

53

178

134

Services aux employeurs

Effectif brut (ETP)

6 307

2 417

5 410

ETP pour 10 000 chômeurs BIT

22

10

18

ETP pour 10 000 demandeurs d'emploi au sens des administrations nationales

15

16

16

Effectifs résiduels

Effectif brut (ETP)

19 600

9 123

30 622

ETP pour 10 000 chômeurs BIT

68

37

101

Total

Effectifs bruts (ETP)

62 056

53 844

127 450

Source : Inspection générale des finances

Le Royaume-Uni accorde une priorité beaucoup plus nette que l'Allemagne et la France à l'accompagnement du demandeur d'emploi (51 % des effectifs contre un tiers seulement en France). En revanche, l'Allemagne affecte une plus forte proportion de ses effectifs aux missions d'accueil et d'indemnisation du demandeur d'emploi (13 % et 23 % des effectifs). La France consacre un effort plus important aux relations avec les employeurs (10 % des effectifs) que les deux autres pays (4 %).

Répartition des effectifs des SPE par catégories de missions

Source : Inspection générale des finances

La mission d'accompagnement des demandeurs d'emploi semble donc être le parent pauvre du SPE français .

c) Des redéploiements d'effectifs sont indispensables

Pour renforcer les effectifs consacrés à l'accompagnement des demandeurs d'emploi, la mission préconise de poursuivre, par priorité, les redéploiements internes afin de tirer le meilleur parti des économies d'échelle et des synergies que la fusion doit permettre de dégager.

Toutefois, il ne faut pas surestimer l'ampleur des effectifs qui pourraient être ainsi redéployés . Sur ce point, la mission invite à considérer avec prudence l'estimation de l'IGF, selon laquelle 32 % des effectifs du SPE seraient affectés à des fonctions support. Pôle emploi indique, pour sa part, que seulement 18,7 % de ses effectifs étaient affectés, fin 2009, aux fonctions support.

D'abord l'IGF s'est intéressée au SPE dans son ensemble, ce qui l'a conduite à intégrer dans ses calculs les effectifs de la DGEFP, des Direccte ou de l'Unedic, qui assument des fonctions de conception et de direction, ce qui contribue mécaniquement à augmenter la part des fonctions support par rapport à une évaluation qui concernerait seulement Pôle emploi.

Ensuite, elle a fait figurer dans les fonctions support des « effectifs non ventilés », c'est-à-dire qui n'ont pu être répartis avec certitude entre les quatre fonctions d'accueil, d'indemnisation, d'accompagnement et de service aux entreprises, ce qui représente 12 388 ETP à Pôle emploi. Mais l'IGF note qu'il existe une « perméabilité » entre ces effectifs non ventilés et les autres catégories d'effectifs et elle estime qu'environ 3 500 ETP classés dans les effectifs non ventilés participeraient, en fait, aux missions opérationnelles de Pôle emploi. Cette estimation serait cohérente avec les données fournies par Pôle emploi.

Pôle emploi prévoit de ramener, d'ici la fin de l'année 2011, la part des fonctions support à 17 % des effectifs , ce qui permettrait de mettre plusieurs centaines de personnes supplémentaires au contact des demandeurs d'emploi. Lors de sa deuxième audition, le 21 juin 2011, Christian Charpy a confirmé cet ordre de grandeur. Il a indiqué que les effectifs des directions régionales et de la direction générale seraient réduits, en admettant qu'il n'est pas facile de demander à un cadre qui n'a pas démérité et qui se retrouve sans affectation du fait de la fusion de retourner immédiatement sur le terrain...

Les possibilités de transférer des effectifs de la fonction d'indemnisation vers le placement apparaissent assez réduites, dans la mesure où les effectifs consacrés à cette mission ne semblent pas excessifs.

Ces redéploiements ne peuvent être réalisés que progressivement et avec un effort de formation des personnels concernés. On ne forme pas, en un jour, un agent administratif au métier de conseiller pour l'emploi, qui exige de solides connaissances et un véritable savoir-faire. On ne peut non plus contraindre les agents à changer de métier et tous n'ont pas forcément les aptitudes pour exercer le métier du placement.

d) Pour un renforcement ciblé des moyens de Pôle emploi

C'est pourquoi la mission plaide également pour un renforcement ciblé et raisonnable des moyens humains de Pôle emploi , permettant de se rapprocher de la cible de soixante demandeurs d'emploi par conseiller qui figurait dans la première convention tripartite. Cette recommandation, mûrement réfléchie, lui paraît compatible avec une gestion responsable des finances publiques, indispensable dans le contexte de déficits élevés.

Il ne faut pas oublier, en effet, que toute diminution du temps passé par un demandeur d'emploi au chômage est source d'économies, soit pour l'Unedic, s'il perçoit l'ARE, soit pour l'Etat, s'il perçoit l'ASS, soit pour les conseils généraux s'il touche le RSA. Si les demandeurs d'emploi passaient, en moyenne, un mois de moins au chômage, l'assurance chômage économiserait environ 2,2 milliards d'euros . Chaque mois, l'Unedic dépense en effet cette somme pour assurer l'indemnisation des demandeurs d'emploi.

Comme Véronique Hespel, inspectrice générale des finances, l'a rappelé devant la mission, c'est ce type de calcul qui a incité les Britanniques à mettre l'accent sur l'accompagnement des demandeurs d'emploi : selon ses termes, « les Britanniques ont décidé d'intensifier le suivi car cette approche est la moins coûteuse » .

Encore cette évaluation comptable ne prend-elle pas en compte les coûts sociaux du chômage, qui est un facteur de déstructuration de la société, notamment dans certains quartiers de nos villes où il atteint des niveaux particulièrement élevés.

La mission observe que le CESE a appelé à « accroître les moyens de Pôle emploi » afin de diminuer le nombre de chômeurs suivis par chaque conseiller et d'offrir une meilleure personnalisation des services rendus.

Sur la base des constats établis par l'IGF, la Commission européenne a considéré, le 7 juin 2011 dans une série de recommandations en matière de politiques économiques et sociales pour chacun des vingt-sept pays membres de l'Union, que les ressources consacrées en France à l'accompagnement des demandeurs d'emploi restent « insuffisantes » alors que son taux de chômage est supérieur à la moyenne européenne et que son chômage de longue durée est orienté à la hausse (3,9 % en 2010 contre 2,9 % en 2008) 45 ( * ) .

Pour la mission, l'augmentation des moyens est indissociable du retour à une logique de gestion par la performance. Ces moyens supplémentaires pourraient être affectés à des dispositifs bien identifiés , comme ceux que la mission a pu observer pour le suivi des titulaires de la CRP et du CTP ou pour l'accompagnement renforcé des jeunes, de manière à ce que les résultats obtenus puissent être évalués avec précision. Les moyens alloués seraient réversibles, les dispositifs n'offrant pas de résultats probants n'ayant pas vocation à perdurer. Ces dispositifs pourraient être ciblés sur des publics qui rencontrent des difficultés particulières d'accès à l'emploi , comme les jeunes, les titulaires du RSA, les personnes handicapées ou les chefs de famille monoparentale.

Sur ce point, la mission est en phase avec les partenaires sociaux qui, dans leur lettre paritaire du 6 mai 2011, ont indiqué que « pour satisfaire aux besoins des demandeurs d'emploi, le nombre de ces derniers suivis par un agent doit être adapté et réduit sur la base d'un accompagnement personnalisé et éventuellement renforcé en fonction de la distance à l'emploi des intéressés. L'évaluation de la distance à l'emploi doit être opérée dès l'inscription des demandeurs à Pôle emploi. Les jeunes, les seniors et les chômeurs de longue durée doivent faire l'objet d'une attention particulière parce qu'ils sont confrontés à des difficultés spécifiques » .

A plus long terme, des effectifs supplémentaires ne seraient pas superflus, même dans l'hypothèse d'une baisse durable du chômage . Aujourd'hui, Pôle emploi ne remplit pas, ou à la marge, certaines de ses missions, comme l'accompagnement des salariés qui veulent progresser dans leur carrière ou se reconvertir. Or il se trouve là des possibilités de développement considérable de son activité. Pour donner un point de comparaison, 70 % des cadres qui font appel aux services de l'association pour l'emploi des cadres (Apec) ont un emploi et cherchent des conseils pour évoluer. Un SPE puissant resterait donc utile dans une perspective d'accompagnement des évolutions de carrière et de sécurisation des parcours professionnels , même dans le contexte de l'après-crise.

En tout état de cause, la mission juge qu'il ne serait pas opportun de poursuivre la baisse des effectifs de Pôle emploi, amorcée en 2011, tant que le chômage restera à un niveau élevé.

e) Réfléchir aux modalités d'attribution des aides à la reprise d'emploi

La mission n'a pas eu l'occasion de se pencher de façon approfondie sur les conditions d'attribution des aides à la reprise d'emploi mais celles-ci semblent poser des difficultés qu'il conviendrait d'aplanir.

Trois des huit propositions formulées par le médiateur dans son rapport pour 2010 portent sur cette question. En ce qui concerne l'attribution des aides, le médiateur invite à remettre au centre la finalité de la reprise d'emploi et à réformer, en conséquence, des conditions réglementaires trop restrictives ou, à tout le moins, à mettre en place un dispositif de révision des situations litigieuses quand l'application d'une décision aboutit à dissuader la reprise d'emploi au lieu de l'encourager. Il recommande d'accorder les règles de procédure avec la finalité des dispositifs d'aide à la reprise d'emploi, par exemple en revoyant les délais dans lesquels ces aides doivent être demandées. Enfin, il suggère de faire évoluer le dispositif d'aide à la mobilité vers plus de cohérence, notamment en assouplissant les conditions d'attribution de l'aide au déménagement.

Dans leur lettre paritaire du 6 mai 2011, les partenaires sociaux attirent également l'attention sur ce point puisqu'ils écrivent que « certains demandeurs d'emploi accèdent difficilement aux aides proposées par Pôle emploi alors qu'ils ont de réels besoins en la matière. Ces difficultés d'accès constituent un frein supplémentaire au retour à l'emploi dans un contexte encore fortement dégradé. Il convient donc de revoir les modalités d'accès à ces aides pour renforcer leur efficacité » .

Enfin, le CESE déplore pour sa part que l'enveloppe financière consacrée à ces aides soit « très contrainte » : son montant est de 414,2 millions d'euros en 2011, en baisse de 11,2 % par rapport à 2010.

Une revalorisation de cette enveloppe serait cohérente avec un effort accru en faveur de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, dont elle est le complément naturel. La mission insiste notamment sur l'enjeu des aides à l'obtention du permis de conduire , le manque de mobilité étant en effet, hormis peut-être dans les grandes villes, un obstacle majeur à l'accès à l'emploi des jeunes 46 ( * ) .


* 44 Il est intéressant de noter que cette situation n'est pas nouvelle : en 1997, l'OCDE, dans un « Rapport sur les services publics de l'emploi belges et français », a comparé les effectifs des SPE de six pays et a estimé que la France était, avec le Japon, le pays où le nombre de chômeurs inscrits rapporté au nombre d'agents du SPE était le plus élevé.

* 45 Cf. La recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2011 et portant avis du conseil sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 (7 juin 2011).

* 46 Le 11 avril 2011, le conseil d'administration de Pôle emploi a adopté une délibération relative aux modalités de l'aide à l'obtention du permis de conduire automobile. Cette aide, plafonnée à 1 200 euros et versée en une seule fois, est réservée aux demandeurs d'emploi d'au moins dix-huit ans inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi depuis au moins six mois, sauf dérogation justifiée par une promesse d'embauche nécessitant le permis de conduire. La demande d'aide doit être formulée préalablement à l'entrée en auto-école. Le coût de cette aide s'impute sur le montant de l'enveloppe allouée aux aides de Pôle emploi.

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