2. Encourager le recours aux procédures dérogatoires

Certains projets portuaires, ou présentés par RFF pour desservir les ports, doivent pouvoir bénéficier, essentiellement à titre dissuasif, de procédures dérogatoires . Ainsi, il pourrait être utile de recourir à la procédure des projets d'intérêt général (PIG) pour accélérer la réalisation de projets de l'État ou de collectivités territoriales en établissant leur document d'urbanisme. Les projets concernés sont notamment les « opérations d'aménagement ou d'équipements ». Tout projet qui remplit l'ensemble des conditions posés par l'article R. 121-3 du code de l'urbanisme peut être qualifié de PIG par arrêté préfectoral en vue de sa prise en compte par les documents d'urbanisme. Si une commune refuse de réviser ou modifier son plan local d'urbanisme ou ne répond pas dans un délai d'un mois, le préfet peut engager et approuver, après avis du conseil municipal et enquête publique, la révision ou la modification du PLU. Un tel mécanisme a récemment été retenu pour les opérations et projets inscrits dans les contrats de développement territorial prévus par la loi sur le Grand Paris.

3. Garantir une saine et loyale concurrence dans les ports en créant notamment un « HHLA à la française »

Il existe un risque que les grands manutentionnaires sous-utilisent les terminaux alloués par les grands ports maritimes, en dépit des objectifs de trafic posés dans les conventions d'exploitation de terminaux (CET) et des pénalités prévues . L'exemple de Dunkerque montre que le risque n'est pas théorique. En 2001, le port avait confié son terminal conteneurs à une filiale de Maersk, et l'activité y avait alors stagné, comme si l'opérateur avait « gelé » le terminal, sans intention de l'utiliser véritablement. Le port a pu reprendre difficilement la main et a réussi à changer d'opérateur. Cette inquiétude s'est aussi fait jour à Anvers, où les autorités portuaires ont craint que les groupes PSA et Hutchison, les deux plus grands manutentionnaires du monde, délaissent le port flamand au gré des évolutions du marché international. En effet, les conventions ne prévoient pas une gamme proportionnée de sanctions, et bien souvent, les ports ne souhaitent pas ouvrir un conflit avec un manutentionnaire de rang mondial, de peur de ternir l'image du port.

C'est pourquoi votre groupe de suivi souhaite que les ports renforcent la concurrence lors de l'élaboration des nouvelles conventions de terminaux . Concrètement, les ports doivent mettre en place une « surveillance stratégique » sur les terminaux, grâce à un arsenal de « mesures graduées », c'est-à-dire des dispositions précises, proportionnées et progressives pour sanctionner un manque de trafic. Les conventions doivent être suivies avec vigilance. Ces dispositions ne doivent pas être perçues comme un acte de défiance des autorités portuaires françaises à l'égard des manutentionnaires, mais plutôt comme des mesures de saine gestion des occupations du domaine public et d'utilisation des infrastructures publiques.

En outre, les directoires pourraient s'inspirer des mesures mises en oeuvre au port de Rouen. De fait, ce port a mis en place des outils juridiques intéressants pour promouvoir la concurrence entre entreprises :

- des zones banales ont été instituées sur une partie des terminaux. Renouvelée tous les ans, ces zones jouxtent les quais faisant l'objet d'une convention d'exploitation de terminal (CET). De fait, l'opérateur qui exploite ces zones bénéficie également du CET. Mais la « contestabilité » de cette zone, c'est-à-dire la simple possibilité de changer l'exploitant, est un moyen efficace pour le port d'obliger l'entreprise concernée à accroître ses performances ;

- un terminal est ouvert à tous les armateurs , ce qui permet aux petits armateurs d'accoster.

Enfin, il est nécessaire que soit créé à terme un « HHLA à la française » , en particulier dans les ports d'outre-mer. Les ports français doivent en effet poursuivre une double stratégie de développement : d'une part, attirer les grands manutentionnaires mondiaux à l'instar des ports d'Anvers et de Rotterdam ; d'autre part, instituer des sociétés privées de manutentionnaires à capitaux publics comme à Hambourg et Brême. Cette société privée serait constituée de capitaux exclusivement ou majoritairement publics, étant précisé que les collectivités territoriales dépendantes de l'activité du port ont vocation à prendre des participations dans cette unité. Dans un premier temps, le port serait seulement actionnaire minoritaire, afin d'éviter tout conflit d'intérêt. Les ports ont l'habitude de conclure des conventions de démarrage de lignes fluviales puis de se retirer du capital. Le port se désengagerait ensuite très vite du capital du manutentionnaire. Une telle société permettrait de stimuler la concurrence inter-portuaire car elle ne serait pas affiliée à un armateur en particulier, et à « faire cesser une situation de monopole pour un trafic commercial donné » , comme le soulignait le rapport de votre rapporteur en 2008 48 ( * ) . Le ministère n'a pas souhaité utiliser cette formule juridique, pourtant permise par la loi suite à un amendement du rapporteur du Sénat, car il a estimé qu'elle devait demeurer exceptionnelle et qu'elle risquait d'envoyer un signal négatif aux syndicats en remettant en cause le coeur de la réforme. En tout état de cause, votre groupe de suivi considère que la création d'une société privée de manutention portuaire, composée exclusivement ou majoritairement de capitaux publics (provenant essentiellement des collectivités territoriales) est indispensable dans les grands ports maritimes français pour développer la concurrence.


* 48 Cf. le rapport sur le projet de loi portant réforme portuaire, de M. Charles Revet, Commission des affaires économiques du Sénat, 14 mai 2008, n° 331, 2007-2008, p. 32.

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