III. UN PAYS DOTÉ DUNE FORTE CULTURE SCIENTIFIQUE

Vue de Buenos Aires, la coopération scientifique est une pièce maîtresse de notre politique d'influence en Argentine . Les enjeux et l'excellence du dialogue politique en matière de coopération scientifique franco-argentine militent pour la proposition d'un échange à haut niveau des deux ministères en charge de la science.

A. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

1. Organisation de l'enseignement supérieur

Le système d'enseignement supérieur argentin, régi par une loi de 1995, est composé de deux catégories d'établissements : les universités et les établissements d'enseignement supérieur non universitaires. Les deux systèmes demeurent faiblement articulés avec notamment peu de passerelles entre les formations de même domaine. Il faut y voir en grande partie la conséquence des différents types de formations proposées par ces établissements. Ainsi, alors que les universités proposent des formations délivrant un diplôme au terme d'un minimum de quatre années d'études, les établissements non universitaires offrent des formations souvent plus courtes et professionnalisantes, même si ces cursus courts se développent rapidement dans les universités depuis quelques années.

D'après la dernière publication statistique du ministère argentin de l'Éducation, on recense, en 2010, 47 universités nationales publiques, 46 universités privées, 7 instituts universitaires publics, 12 instituts universitaires privés , une université départementale (Université autonome d'Entre Ríos - Province d'Entre Ríos), une université internationale (Faculté latino-américaine de sciences sociales, FLACSO), une université étrangère (Université de Bologna, Italie) et des centaines d'établissements non universitaires.

Opérant dans un cadre concurrentiel au sein duquel le politique n'est pas absent, les universités rivalisent d'ingéniosité pour conquérir et fidéliser la population étudiante, par des approches qui vont de la recherche de l'excellence académique (grandes universités nationales, universités privées élitistes) jusqu'aux techniques de marketing publicitaire.

Étant données la nature fédérale de la République argentine et l'autonomie très forte des établissements, le système universitaire n'est pas unifié, ni au plan académique, ni au plan territorial . Les universités ont développé des réseaux multiples, les établissements de la capitale fédérale ou de province disposent de plusieurs antennes dans d'autres provinces.

Les universités sont autonomes et organisées en facultés. Elles peuvent avoir des centres dans plusieurs régions. La formation équivalente à notre niveau de licence se fait en quatre ou cinq ans, selon la discipline et l'établissement, sans titre intermédiaire.

Depuis la crise politico-économique de 2001, les formations de master et doctorat sont fortement développées, tant au niveau des effectifs que des formations proposées avec, à l'heure actuelle, près de 1 900 masters (« posgrados ») accrédités. En effet, la crise a considérablement renforcé, au sein de la société argentine, l'idée selon laquelle la formation universitaire reste le moyen le plus sûr pour accéder à un meilleur niveau de vie , ainsi qu'à une condition sociale plus favorable.

Les universités publiques ont accueilli, en 2008, 1 283 482 étudiants, soit 84 % du nombre total d'étudiants, dont 301 599 pour l'Université de Buenos Aires (UBA). En ce qui concerne l'évolution du nombre de nouveaux inscrits, entre 2001 et 2008, mise à part une légère augmentation entre 2001 et 2002, la baisse a été constante.

Les universités privées ont accueilli, en 2008, 317 040 étudiants (16 % du nombre total d'étudiants). Il est à noter que le nombre de nouveaux inscrits, après avoir diminué entre 2001 et 2002, a augmenté de manière constante entre 2002 et 2008, en moyenne de 7,8 %. En 2008, 65 581 étudiants sont sortis diplômés de l'université publique, et 29 328 de l'université privée. Le rapport entre nouveaux inscrits et diplômés pour l'année 2008 est donc de 24 % pour l'université publique et de 31 % pour l'université privée. La durée moyenne des études dans l'université publique est de plus de 7 ans.

Les disciplines les plus prisées par les étudiants de l'université publique sont les sciences sociales (37 % des nouveaux inscrits en 2008), les sciences appliquées (28 %), loin devant les sciences humaines (18 %), les sciences de la santé (13 %) et les sciences exactes (4 %).

La distinction fondamentale entre les cycles se fait entre les études de « grado » (allant de la sortie du secondaire jusqu'à l'obtention de la « licenciatura ») et de « posgrado » (« especialización », « maestría » et doctorat). Le cycle de « licenciatura » compte 4 ou 5 ans selon la discipline, la « maestria » 2 ans, et le doctorat 3 ans.

Le nombre d'années d'études, notamment au niveau de « grado », est cependant une notion très théorique, dans la mesure où la pratique des études à temps partiel - généralement en cours du soir, en raison d'une activité professionnelle - est extrêmement répandue.

Le taux d'étudiants exerçant une activité professionnelle peut même dépasser les 60 % dans certaines disciplines, comme en philosophie et lettres.

La « licenciatura » est traditionnellement reconnue par les établissements français comme équivalente à un niveau de Master 1.

De fait, le niveau atteint par les 21 % de diplômés argentins ayant une « licenciatura » leur permet tout à fait d'entamer un Master 2 à orientation professionnelle ou de recherche.

L'Argentine a « produit » depuis 1947 trois prix Nobel scientifiques dans les domaines de la physiologie et de la chimie appliqués à la médecine. Elle possède différents centres d'excellence répartis sur l'ensemble de son territoire avec, il est vrai, une très forte concentration au sein de la géante « Universidad de Buenos Aires », référence dans de nombreux domaines. L'État fédéral s'efforce d'équilibrer, par le renforcement d'unités décentralisées, les poids relatifs de la capitale et des provinces.

Ainsi, certains centres d'excellence ont été développés en fonction de spécialisations régionales, autour de problématiques spécifiques. Notons, à titre d'exemple, que la chimie, la biochimie, le génie des procédés et la modélisation se sont fortement développés au sein de l'Université du « Litoral » (Santa Fe). Un pôle de transformation de la production primaire (céréales, lait) est situé dans la région pampéenne. Enfin, des centres importants en nivologie-glaciologie et sismologie, en technologies de l'irrigation, ont connu un développement dans les universités du piémont andin (Cuyo).

La forte crise économique de 2001 a été lourde de conséquences pour l'enseignement supérieur, agissant sur l'organisation des universités, du fait des coupes budgétaires dans les universités publiques . Depuis 2007, le gouvernement actuel a fixé plusieurs objectifs pour améliorer la situation des universités publiques, en fonction desquels seront attribués des fonds additionnels au cours des prochaines années, sous la forme de contrats entre le ministère de l'éducation, le ministère de la science, de la technologie et de l'innovation productive et les universités.

Le recrutement des professeurs et chercheurs se fait par concours. Cette pratique a également cours pour l'accès à l'internat (résidence) dans les spécialités médicales, mais il n'existe pas d'établissement apparenté à nos grandes écoles, basant la sélectivité de son recrutement sur le concours d'entrée.

2. Coopérations avec les établissements d'enseignement supérieur français

Il n'y a pas d'accord d'équivalence de portée nationale, sauf pour le « bachillerato » (équivalent du baccalauréat). En Argentine, comme en France, chaque université détermine le niveau de reconnaissance qu'elle attribuera au diplôme présenté par un étudiant qui souhaite y poursuivre sa formation.

Environ 350 accords interuniversitaires franco-argentins existent actuellement et 25 doubles diplômes au niveau master. Chaque année, 1 000 étudiants argentins partent en échange en France dans le cadre de ces accords.

L'Argentine, après plusieurs années de relatif effacement, retrouve une place de choix dans les politiques internationales des universités françaises. La mobilité vers la France connaît une nette amélioration depuis deux ans , passant de 295 visas délivrés en 2006 à 382 en 2009. Près de 720 étudiants argentins sont actuellement inscrits dans les universités françaises. Or l'Argentine bénéficie pourtant d'une forte tradition historique de coopération et de recherche avec les universités et les laboratoires français. Aussi la progression de la mobilité étudiante vers la France devrait-elle repartir à la hausse, d'autant que la crise économique qui a particulièrement frappé l'Argentine semble s'éloigner.

La délégation a constaté l'importance du programme de coopération médicale qui relève d'une grande tradition en Argentine et est officiellement en place depuis 1982, d'abord sous l'appellation « Médecins Résidents étrangers » et aujourd'hui « Faisant fonction d'interne ». Ce programme a permis la mobilité de 3 500 médecins argentins, en majorité des chirurgiens.

L'attention de la délégation a été appelée sur les conséquences de la réforme des modalités de mise en oeuvre de ce programme initiée en 2010, qui se traduit par une forte diminution des départs . On comptabilisait 100 départs en moyenne par an, ce chiffre est passé à 10 par an, 20 dossiers présélectionnés sur 50 demandes présentées.

Jusqu'en 2010, le recrutement des candidats au départ dans le cadre d'une mobilité de coopération médicale s'effectuait directement par les chefs de service. Les candidats au départ élaboraient leur dossier avec les services de l'Ambassade. Cela permettait de trouver le professeur souhaité par le médecin partant, de constituer le dossier, d'entrer en contact avec l'hôpital et de l'accompagner jusqu'à son départ en France. Les partants s'inscrivaient ensuite à la faculté en vue de l'obtention du diplôme en France.

Depuis 2010, ces médecins sont maintenant tenus de passer par une procédure lourde gérée depuis Strasbourg où une commission présélectionne les candidatures sur la base de différents critères dont la qualification du médecin et le niveau en français . Le Scac accompagne désormais le médecin dans le montage du dossier (diplômes argentins, lettre de motivation, de recommandations, attestation de connaissance du français) pour le présenter à Strasbourg selon un calendrier précis.

Le système en place jusqu'en 2010 permettait aux médecins partant de choisir leur médecin de référence là où le nouveau système demande d'effectuer un choix sur la base d'une liste de postes vacants diffusée et adressée au SCAC, portant lourdement préjudice au programme.

En effet, le réseau existant entre médecins français et argentins permettait de s'appuyer sur un système de recommandations fiables , d'autant plus que tous les médecins partaient avec le niveau AFSA (attestation de formation supérieure approfondie). Par ailleurs, ce dispositif permettait aux médecins/chirurgiens argentins de sélectionner les meilleurs spécialistes dans leur domaine pour finaliser leur formation.

En 2010, un examen de connaissances médicales en français a été demandé aux médecins ; les médecins argentins l'ont passé avec succès mais, compte tenu de l'échec essuyé dans de nombreux autres pays, il a été supprimé en 2011.

Surtout, un niveau d'études en langue française (DELF B2) est exigé pour prétendre au départ. Ce point ne constitue pas un véritable handicap (même s'il s'agit d'un niveau très élevé). Pour l'heure, il diffère surtout le départ d'un à 2 ans selon les cas, délai qu'il est parfois possible de réduire en formant une personne entre le moment où le dossier est présenté à Strasbourg (février) et le moment où l'attestation de diplôme de DELF doit être remise (mai). Reste que ce facteur explique la chute vertigineuse du nombre de partants pour 2010 (30 dossiers ont été refusés en raison du niveau de français).

Ce nouveau système s'avère peu fonctionnel. Les professeurs des hôpitaux en contact depuis des années avec notre Ambassade ont fait part de leur crainte de voir s'affaiblir la coopération médicale en raison de ces nouvelles dispositions et l'expérience le prouve.

Les médecins français regrettent cette situation car ils souhaiteraient choisir leurs propres médecins en relation avec leurs référents argentins et les médecins en mobilité veulent choisir leur médecin de référence dans leur domaine de spécialité.

La délégation forme le voeu que cette question puise être remise à l'étude.

Il existe actuellement une 2 e option pour prétendre au départ, la convention d'accueil qui, si elle exige également un pré-requis en français, permet le contact direct entre hôpitaux et médecins en mobilité. La différence réside dans le statut et surtout les acquis, le FFI validant un diplôme universitaire français là où un médecin partant dans le cadre d'une convention signée avec l'hôpital ne voit pas sa formation sanctionnée par un diplôme français et ne revient en Argentine qu'avec une lettre de recommandation.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page