CONCLUSION

La crise italienne constitue un précédent dans le sens où les marchés ne stigmatisent plus les failles d'un modèle économique, comme en Irlande, au Portugal, en Espagne ou en Grèce, mais condamnent l'absence de crédibilité des politiques de rigueur et de relance adoptées par un gouvernement et un parlement. Une telle pression a débouché sur l'annonce de la démission du président du Conseil, sans que celle-ci ne suffisse in fine à tempérer les inquiétudes des investisseurs.

Cette démission intervient après celle du Premier ministre grec et l'organisation d'élections anticipées en Irlande, au Portugal et en Espagne qui ont débouché sur un renversement de la majorité en place. La crise de la dette souveraine a conduit, de fait, à une crise politique au sein de chacun des pays confrontés à des problèmes de refinancement sur les marchés. Ces événements traduisent un écart croissant entre les populations et les gouvernements obligés de répondre à la crise par des politiques de rigueur. Par delà, c'est l'ensemble du projet monétaire européen qui semble affecté par une crise de confiance, l'euro étant désormais synonyme de moins-disant social et d'austérité.

La crise italienne vient par ailleurs une nouvelle fois illustrer le décalage entre le temps politique et celui des marchés. La zone euro ne gagnera la bataille de la crédibilité qu'en anticipant les réactions des marchés, c'est-à-dire en se dotant des instruments capables de prévenir une dérive des comptes ou de la dette dans un des États membres mais aussi en repensant les règles en matière de solidarité financière entre les pays de manière à assurer à la zone une stabilité durable. Faute d'une telle évolution, le débat artificiel sur son éclatement continuera à prospérer.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission s'est réunie le mardi 16 novembre 2011 pour l'examen du présent rapport.

M. Simon Sutour, président :

Alors qu'il y a un an la crise de la dette souveraine ne concernait que la Grèce et l'Irlande, la situation prend désormais une autre ampleur avec les menaces qui pèsent aujourd'hui sur l'Italie, dont le poids économique au sein de la zone euro est énorme.

M. Aymeri de Montesquiou :

Je souhaitais m'attarder sur l'importance des entreprises exportatrices italiennes. Le nombre de PME exportatrices dans la péninsule est en effet deux fois supérieur à celui de l'Allemagne et trois fois à celui de la France. Au Kazakhstan, le champ pétrolifère du Kashagan a été concédé au géant italien ENI pour 130 milliards d'euros. Cette société a souhaité sous-traiter 60 % de l'exploitation de ce terrain à des PME italiennes. Celles-ci arrivent à capter un certain nombre de parts de marchés parce qu'elles savent s'associer, à l'image du consortium Finmeccanica . Elles chassent en meute ! Le rapporteur indique pourtant dans son propos qu'il existe des freins à l'internationalisation des PME italiennes, quels sont-ils ?

M. Jean-François Humbert :

Si le succès à l'export des entreprises italiennes est patent, notamment dans le secteur textile, je souhaitais néanmoins souligner que l'État n'a pas encouragé une telle internationalisation et qu'il restait un certain nombre d'obstacles à l'utilisation optimale des capacités exportatrices de l'industrie italienne. Je pense à l'absence d'aide à la recherche et développement ou aux difficultés à accéder aux marchés financiers. La frilosité des banques locales mais aussi la gestion familiale de certaines de ces entreprises peuvent également apparaître comme des obstacles.

M. Aymeri de Montesquiou :

Les atouts industriels du nord du pays devraient tempérer les craintes concernant les investissements des banques françaises en Italie. Pourtant, certains comparent l'exposition des banques françaises à la dette italienne à leur exposition à la dette grecque. Qu'en est-il réellement ?

M. Jean-François Humbert :

Une telle comparaison peut apparaître hasardeuse tant, je le répète, les fondamentaux économiques ne sont pas les mêmes. Je relèverai simplement que les montants sont plus importants en Italie : 24 milliards d'euros pour la BNP Paribas en Italie contre 5 en Grèce par exemple.

M. Jean-Paul Emorine :

La présentation de la situation italienne par le rapporteur peut quelque peu nous rassurer. Nous sommes effectivement loin d'une situation à la grecque. Certes, la dette publique rapportée au PIB atteint un niveau alarmant mais il convient de prendre en compte le faible endettement des ménages et des entreprises. Ce dernier est en effet moins important que dans nombre de pays qui ne disposent pas des mêmes atouts industriels.

On sent bien que la crise italienne est avant tout une crise de confiance à l'égard des autorités. Le nouveau président du Conseil, Mario Monti, que j'ai pu rencontrer en juillet dernier, devrait permettre assez vite de tourner la page et appliquer une politique adaptée. Qu'il s'attaque notamment à l'économie informelle qui représente 17 % du PIB, soit 260 milliards d'euros !

Jean Monnet disait que l'important, ce n'est ni d'être optimiste, ni d'être pessimiste mais d'être déterminé. Si l'Italie est déterminée elle dépassera rapidement ses difficultés.

M. Richard Yung :

Je ne suis pas non plus pessimiste pour l'Italie, qui dispose d'atouts économiques indéniables. En économie comme en sport, il y a toujours un Italien sur le podium ! En Algérie, leurs entreprises du BTP viennent ainsi d'emporter de très nombreux marchés, au détriment des sociétés françaises d'ailleurs. Les PME italiennes chassent en meute avec succès, sans besoin réel d'aides d'État.

Le rapporteur s'est attardé sur la solidité du secteur bancaire local. Satisfait-elle au fameux ratio de fonds propres  de 9 % ?

M. Jean-François Humbert :

L'Autorité européenne des Banques a récemment indiqué qu'il manquait 14,8 milliards d'euros aux établissements italiens dits systémiques pour atteindre ce ratio.

M. Simon Sutour, président :

Notre récent déplacement en Croatie corrobore les propos de nos collègues Montesquiou et Yung, les entreprises italiennes connaissent beaucoup de succès à l'international.

M. Jean Bizet :

Je souhaitais souligner le fait que, face à ce type de crise, la solution fédérale était de plus en plus admise par un certain nombre d'États membres. Nous avons trop mésestimé l'importance d'une gouvernance économique de la zone lorsque nous avons lancé le projet de monnaie unique dans les années quatre-vingts. Elle prend aujourd'hui tout son sens.

Il convient également de réfléchir, au sein du couple franco-allemand mais pas seulement, au rôle que sera amené à jouer la Banque centrale européenne. Son cahier des charges limite son rôle à la lutte contre l'inflation. Or, le Fonds européen de stabilité financière, même doté d'un véhicule spécial destiné à accueillir les fonds des pays émergents, ne peut faire face à une crise de liquidités en Italie. Il faut donc songer à impliquer un peu plus la BCE dans la gestion de la dette de l'ensemble de la zone euro, à l'image de ce que fait la Fed ou la Banque d'Angleterre. Rappelons que celle-ci détient 322 milliards de titres britanniques alors que la BCE n'a acquis 187 milliards de titres de pays de la zone euro.

M. Michel Delebarre :

Contrairement à la Grèce, l'Italie dispose en effet de fondamentaux solides. On peut de fait regretter que la crise politique ait par trop duré et ait conduit à une telle panique sur les marchés financiers.

Mme Bernadette Bourzai :

Au delà de la crise économique, le rapporteur a bien souligné le décalage profond existant entre le nord et le sud du pays. Cette différence économique criante peut susciter des inquiétudes quand au maintien à terme de la cohésion nationale.

M. Éric Bocquet :

La situation italienne n'est pas sans nous laisser songeur quant à notre propre situation ! Je suis frappé de voir depuis quelques jours que la réponse à la crise de la dette consiste en la mise en place de gouvernements dits techniques. C'est le cas notamment en Italie. Ces gouvernements d'experts dépasseraient de fait les clivages politiques. Mais il me semble pourtant que gouverner, c'est choisir et qu'aucun programme n'est totalement neutre. Je ne suis pas convaincu que la solution à la crise soit le fait d'experts, au regard notamment d'un passé récent. Que l'on songe à la banque Goldmann Sachs par exemple !

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A l'issue du débat, la commission des affaires européennes a autorisé la publication du rapport d'information.

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