C. UNE GOUVERNANCE DE LA ZONE EURO EN PLEINE ÉVOLUTION

1. Un renforcement indispensable
a) La réforme, enfin adoptée, du Pacte de stabilité et de croissance

Le Parlement européen a adopté, le 28 septembre 2011, le paquet de six textes sur la gouvernance économique proposé par la Commission européenne un an plus tôt. Le Conseil a confirmé le 4 octobre 2011 son accord sur ce compromis trouvé avec le Parlement européen.

Ce « paquet législatif » de cinq règlements (d'application directe) et d'une directive ( six pack ) modifie les volets préventif et correctif du pacte de stabilité et de croissance, adopté en 1997. Il s'intègre dans une stratégie d'ensemble qui prévoit notamment l'approfondissement du marché intérieur, la promotion des relations commerciales internationales, l'amélioration de la compétitivité et une surveillance renforcée des marchés financiers.

Trois changements essentiels sont apportés : un encadrement plus strict des budgets nationaux, une coordination plus étroite des politiques économiques et une surveillance plus crédible des déséquilibres budgétaires mais aussi macroéconomiques.

(1) L'encadrement des budgets nationaux

La directive impose que les comptes nationaux couvrent toutes les agences et entreprises publiques. Leur publication doit être mensuelle, les comptes locaux devant eux être publiés chaque trimestre. Les limites chiffrées de dette et de déficit devront être inscrites dans la loi (sauf au Royaume-Uni) et la planification budgétaire couvrir au moins trois années et s'appuyer sur des prévisions réalistes. Enfin, les comptes publics seront soumis au contrôle d'un vérificateur indépendant.

Les États membres doivent mettre en vigueur les dispositions nécessaires pour se conformer à cette directive avant la fin de l'année 2013.

(2) L'amélioration de la coordination des politiques économiques

Le « paquet » codifie dans un premier temps la procédure du semestre européen, dont l'objet est d'évaluer le budget national annuel pour assurer une meilleure coordination des politiques économiques des États membres et une convergence des performances économiques.

Cette procédure organise un dialogue au premier semestre entre la Commission et les États membres. Il concerne les programmes nationaux de stabilité et de réforme, avant l'adoption nationale du projet de loi de finances à l'automne. Ce dialogue doit impliquer les Parlements nationaux, afin de conférer une légitimité démocratique à cette procédure de coordination.

Un dialogue économique est par ailleurs ouvert entre les institutions de l'Union : la commission compétente du Parlement européen peut ainsi inviter le président du Conseil, la Commission européenne, le président du Conseil européen ou celui de l'eurogroupe à échanger sur la surveillance des positions budgétaires et des politiques économiques. Elle peut aussi convier à un échange de vues l'État membre faisant l'objet d'une recommandation du Conseil.

Il est en outre prévu que, dans le cadre de ce dialogue, le Conseil justifie publiquement un éventuel refus de suivre une recommandation ou proposition de la Commission relative au pacte de stabilité.

(3) Un renforcement de la surveillance des déséquilibres budgétaires et macroéconomiques

En ce qui concerne le volet préventif du pacte, la procédure de surveillance a été révisée afin d'éviter les négociations au sein du Conseil. De fait, si un État membre s'écarte de son objectif de moyen terme, en raison d'une croissance annuelle de ses dépenses supérieure à son taux de croissance potentielle à moyen terme, la Commission lui adresse un avertissement. Dans le mois qui suit, le Conseil peut adopter une recommandation enjoignant l'État concerné de prendre des mesures dans les 5 mois (voire 3 mois pour les cas jugés graves par la Commission). Si l'État concerné n'agit pas de manière appropriée dans le délai imparti, la Commission recommande au Conseil d'adopter, à la majorité qualifiée, une décision établissant l'inefficacité de l'action de l'État visé. Si le Conseil n'adopte pas cette décision, la Commission renouvelle sa recommandation un mois plus tard et c'est alors que la décision est réputée adoptée par le Conseil, sauf s'il la rejette à la majorité simple dans les dix jours suivant l'adoption de la recommandation par la Commission. Il s'agit là du principe de majorité inversée.

Si le Conseil a adopté une telle décision, la Commission recommande alors au Conseil, dans les 20 jours, d'imposer la constitution d'un dépôt portant intérêt (0,2 % du PIB). Cette recommandation est réputée adoptée par le Conseil sauf s'il s'y oppose à la majorité qualifiée dans les 10 jours. Le dépôt et les intérêts sont restitués à l'État concerné dès qu'il a rétabli la situation.

Le renforcement des sanctions permet également de renforcer la crédibilité de la procédure. Si la Commission estime qu'un État membre présente (ou risque de présenter) un déficit excessif, elle adresse un avis à l'État concerné et en informe le Conseil. Ce dernier, sur proposition de la Commission et compte tenu des observations de l'État visé, décide s'il y a ou non déficit excessif. Si la réponse est positive, il adopte des recommandations à l'État concerné afin qu'il mette un terme à cette situation dans un délai de 6 mois (voire 3 mois si la situation est jugée grave) et améliore chaque année d'au moins 0,5 % du PIB son solde budgétaire structurel. En outre, la Commission recommande au Conseil, dans les 20 jours suivant sa décision constatant un déficit excessif, d'imposer à l'État concerné un dépôt ne portant pas intérêt (0,2 % du PIB). Cette recommandation est réputée adoptée par le Conseil sauf s'il s'y oppose à la majorité qualifiée dans les 10 jours.

Au terme de ce délai, s'il constate qu'aucune action efficace n'a été prise pour corriger le déficit excessif, le Conseil peut rendre publiques ces recommandations et informe le Conseil européen. Si, dans les deux mois, l'État concerné persiste à ne pas donner suite aux recommandations du Conseil, ce dernier peut le mettre en demeure de prendre les mesures nécessaires.

Si le Conseil décide que l'État membre ne donne toujours pas suite, la Commission recommande au Conseil, dans les 20 jours suivant cette décision, d'imposer une amende d'au moins 0,2 % du PIB, affectée au Fonds européen de stabilité financière. Là encore, cette recommandation est réputée adoptée par le Conseil sauf s'il s'y oppose à la majorité qualifiée dans les 10 jours.

Ces dispositions ne seront applicables que dans trois ans aux pays faisant déjà l'objet d'une procédure pour déficit excessif (23 à l'heure actuelle).

En outre, la surveillance est étendue à l'ensemble des déséquilibres macroéconomiques afin de réduire les écarts de compétitivité. Seront dorénavant surveillés, dans un tableau de bord, des indicateurs économiques mais aussi sociaux : l'endettement public et privé, l'évolution des marchés financiers et des prix immobiliers, le chômage, les retraites, la balance courante, les taux de change réels, la compétitivité... Le suivi de ces indicateurs permet la mise en place d'un mécanisme d'alerte destiné à détecter les déséquilibres macroéconomiques. Si la Commission considère qu'un État membre peut être touché par un déséquilibre, elle procède à un bilan approfondi de la situation spécifique de cet État. Elle peut soumettre, le cas échéant, une recommandation au Conseil qui peut alors décider que ces déséquilibres sont excessifs et recommander une action corrective.

L'État concerné présente publiquement un plan de mesures correctives assorti d'un calendrier de mise en oeuvre, que le Conseil, sur la base d'une recommandation de la Commission, peut approuver dans les deux mois ou juger insuffisant. En ce dernier cas, l'État concerné doit présenter un nouveau plan dans les deux mois. Il s'expose sinon à une amende. Le suivi du plan est assuré par des rapports d'avancement présentés par l'État concerné et, le cas échéant, par des missions de surveillance de la Commission pouvant associer les partenaires sociaux.

Au terme du délai qu'il a fixé dans ses recommandations, le Conseil évalue l'action corrective et, s'il estime qu'elle n'a pas été engagée, le Conseil adopte, sur recommandation de la Commission, une décision faisant état du non-respect du plan et fixant de nouveaux délais. Cette décision est réputée adoptée par le Conseil, sauf s'il la rejette à la majorité qualifiée dans les dix jours suivant son adoption par la Commission. Si un État membre de la zone euro, visé par une procédure pour déséquilibres excessifs, ne respecte pas les recommandations, il devra effectuer un dépôt porteur d'intérêts. S'il persiste à ne pas corriger ces déséquilibres à l'issue de six mois et de deux avertissements, il peut se voir imposer une amende de 0,1 % du PIB. Ces sanctions sont réputées adoptées, sauf si une majorité qualifiée s'y oppose au Conseil.

Dans le cadre de cette procédure pour déséquilibres excessifs, il est prévu que le rôle des Parlements nationaux et des partenaires sociaux soit respecté, ainsi que les différences entre les systèmes économiques nationaux, par exemple les politiques de fixation des salaires.

Afin d'assurer la crédibilité de cette surveillance multilatérale, un principe d'indépendance statistique est désormais prévu dans les textes. Des amendes, ne pouvant dépasser 0,2 % du PIB, sont prévues en cas de non -respect de ce principe.


L'amélioration de la régulation financière : le cas des CDS souverains à nu

L'achat des CDS souverains à des fins uniquement spéculatives seront progressivement interdits d'ici novembre 2012 aux termes d'un accord conclu le 18 octobre entre le Conseil et le Parlement européen. Un investisseur ne pourra plus détenir de CDS sur un pays sans détenir d'obligation de l'État concerné.

Une autorité nationale pourra cependant lever cette interdiction dès lors qu'elle affecte la liquidité des marchés de la dette souveraine. Le taux d'intérêt élevé, l'augmentation du spread ou l'écart de prix croissant entre CDS souverains peuvent justifier une telle dérogation. Cette autorisation sera soumise à un avis de l'Autorité européenne de supervision des marchés de valeurs mobilières (ESMA).

b) Les conclusions du sommet du 26 octobre

Le sommet de la zone euro du 26 octobre a été, quant à lui, l'occasion de renforcer la structure de gouvernance de la zone euro, dans une double optique : assurer une intégration plus étroite et affronter plus efficacement le défi de la crise de la dette souveraine. Ce faisant, les dirigeants de la zone euro tentent de mettre en place des instruments susceptibles d'anticiper ce type de crise et éviter de se trouver contraints à seulement réagir aux constats des marchés financiers.

Dans ce cadre, les sommets de la zone euro seront à l'avenir pérennisés, avec un rythme biannuel. Ils devraient servir de cadre à la définition d'orientations stratégiques concernant les politiques économiques et budgétaires des États membres de la zone. La nomination du président du Conseil européen se fera, par ailleurs, au même moment que celui du sommet de la zone euro et pour un mandat de la même durée. Herman van Rompuy assume d'ores et déjà les deux fonctions.

L'eurogroupe devrait, en outre, bénéficier d'une structure renforcée, afin notamment de jouer un rôle central dans la mise en oeuvre du semestre européen par les États membres de la zone. Une réflexion est lancée sur la présidence de ce groupe qui pourrait évoluer à l'expiration du mandat de l'actuel président, Jean-Claude Juncker. L'hypothèse d'un président à plein temps est notamment envisagée.

Les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro ont par ailleurs décidé d'aller plus loin que les mesures prévues dans le cadre de la réforme du pacte de stabilité et de croissance. Les budgets nationaux des États membres de la zone devront ainsi désormais être fondés sur des prévisions de croissance indépendantes.

Par ailleurs, les États membres de la zone devront consulter la Commission et leurs partenaires avant l'adoption de tout programme important de réforme de la politique budgétaire ou économique, susceptible d'avoir des conséquences sur la zone euro elle-même.

Un État membre de la zone faisant l'objet d'une procédure pour déficit excessif pourra voir son projet de budget examiné par la Commission et le Conseil, qui rendront un avis sur ce texte, avant son adoption par le parlement national concerné. La Commission sera chargée de l'exécution du suivi de ce budget et pourrait, le cas échéant, proposer des modifications en cours d'exercice. Par ailleurs, en cas de dérapage d'un programme d'ajustement, une coordination et un suivi plus étroit de sa mise en oeuvre seront assurés.

Enfin, chaque État membre de la zone euro devra adopter une règle d'or relative à l'équilibre structurel de ses finances publiques d'ici à la fin 2012.

Déficit et dette publics au sein de la zone euro en 2010 (en % du PIB)

Déficit public

Dette publique

Allemagne

- 4,3

83,2

Autriche

- 4,4

71,8

Belgique

- 4,1

96,2

Chypre

- 5,3

61,5

Espagne

- 9,3

61

Estonie

+ 0,2

6,7

Finlande

- 2,5

48,3

France

- 7,1

82,3

Grèce

- 10,6

144,9

Irlande

- 31,3

94,9

Italie

- 4,6

118,4

Malte

- 3,6

69

Luxembourg

- 1,1

19,1

Pays-Bas

- 5,1

62,9

Portugal

- 9,8

93,3

Slovaquie

- 7,7

41

Slovénie

- 5,8

38,8

Moyenne zone euro

6,2 (6,4 en 2009) 16 ( * )

85,4 (79,8 en 2009)

Source : Eurostat

Ces mesures devraient être détaillées par la Commission le 23 novembre. Des modifications limitées pourraient en outre être apportées au traité, les premières orientations sur ce point devant être dévoilées en décembre prochain avant que des mesures ne soient arrêtées au mois de mars suivant.

2. Une redistribution des rôles ?

La crise de la dette souveraine a conduit l'Union européenne à se concentrer sur l'Union économique et monétaire, au risque de délaisser les dix États non membres de la zone euro. Le renforcement de l'intégration européenne passe désormais presque exclusivement par la zone euro, comme en témoignent les avancées en matière de gouvernance économique, le pacte Euro + ou la volonté franco-allemande de nommer le président du Conseil européen à la tête d'un conseil spécial de la zone euro, dans la foulée des annonces du 21 juillet.

Dans le même temps, le rôle de chacune des institutions a été révisé par les faits, au détriment, pour l'instant, de la Commission européenne, peu audible depuis le déclenchement de la crise.

a) L'affirmation de la méthode intergouvernementale

Si les pays les plus importants ont, aux origines de l'Union économique et monétaire, tenté de s'opposer à une perte d'autonomie nationale, la nécessité de rendre concrète une véritable gouvernance économique de la zone face à la crise de la dette souveraine a conduit ces États à relativiser leur position. Il convient de rappeler, par ailleurs, que dans le cadre de la gestion de cette crise, les mécanismes financiers sont alimentés en premier lieu par les budgets des États membres et non le budget communautaire. Les parlements nationaux ont, à ce titre, leur mot à dire. Un tel constat légitime, de fait, l'affirmation d'une gestion certes supranationale de la zone euro mais sur une base intergouvernementale et non plus communautaire.

La crise a été gérée par le biais intergouvernemental, pour ne pas dire franco-allemand, reléguant la Commission à un simple support technique. Ce sont les gouvernements qui semblent désormais enclins à accélérer la mise en place d'un véritable fédéralisme financier, comme en témoignent, notamment, les conclusions du sommet du 26 octobre dernier, au terme desquelles les chefs d'État et de gouvernement ont indiqué « leur intention de réfléchir aux moyens de renforcer davantage la convergence économique au sein de la zone euro, d'améliorer la discipline budgétaire et d'approfondir l'union économique, y compris en envisageant la possibilité d'apporter des modifications limitées au traité ». Il en va ainsi des réflexions allemandes sur une réforme des traités visant notamment à dépasser la règle de l'unanimité au sein de la zone euro, afin d'accélérer la convergence des politiques fiscales ou de rendre plus aisé le recours au futur Mécanisme européen de stabilité.

La création d'un poste de commissaire à l'euro relève également d'une initiative des États, en l'occurrence l'Allemagne et les Pays-Bas. Ce commissaire à l'euro serait notamment chargé de faire respecter le Pacte de stabilité et de croissance. Il serait doté d'un droit d'intervention, à l'image de celui dont dispose le commissaire à la concurrence pour sanctionner les entreprises en situation de monopole ou qui ne respectent pas les règles de la concurrence. Ce pouvoir serait progressif et échelonné, allant de l'obligation de se conformer, dans le cadre des prévisions budgétaires, aux estimations de croissance de la Commission européenne jusqu'à la solution extrême de la sortie de l'euro, en passant par des retenues sur le versement de fonds de cohésion ou l'obligation d'obtenir l'accord de Bruxelles avant qu'un État fasse voter un budget. La promotion de l'actuel commissaire aux affaires économiques à la vice-présidence de la Commission et l'attribution du titre d'Analyste économique en chef de la Commission comme l'extension de ses pouvoirs ne répondent que partiellement à cette ambition.

Il s'agit de fait de dépasser les mesures de renforcement de l'eurogroupe que peuvent représenter les mesures de gouvernance économique récemment adoptées. L'Allemagne s'interroge également sur l'octroi de nouvelles compétences à la Cour de Justice de l'Union européenne pour lui permettre d'intervenir directement dans les affaires budgétaires des États membres. La France et l'Allemagne militent, par ailleurs, pour la création d'un véritable « gouvernement économique » de la zone euro au niveau le plus élevé.

La difficile gestation des décisions du 26 octobre soulignent cependant les limites de la méthode intergouvernementale dès lors que des dissensions apparaissent entre l'Allemagne et la France ou avec des pays tiers. Les contraintes politiques nationales peuvent, en outre, venir fragiliser les négociations et ralentir la prise de décision, renforçant un peu plus le décalage entre le temps de l'Union européenne et celui des marchés. Le contrôle étroit du Bundestag sur le gouvernement allemand a ainsi été critiqué par le président de l'eurogroupe, Jean-Claude Juncker.

Il convient au-delà de s'interroger sur les conséquences de la crise sur le fonctionnement même de l'Union européenne, où les préoccupations des États membres de la zone euro ne semblent pas toujours en phase avec celles de ceux qui n'en sont pas membres. Il en va ainsi du Royaume-Uni qui conteste, notamment, la pertinence d'un projet franco-allemand : la taxe sur les transactions financières. Londres estime en outre que les 17 membres de la zone euro se détachent de plus en plus de leurs partenaires au risque de fragiliser le renforcement du marché unique. Le gouvernement britannique juge également dangereux que les 17 puissent prendre des mesures qui puissent affecter les 27. C'est à ce titre qu'il a demandé la réunion d'un sommet des 27 dans la foulée immédiate de celui de la zone euro prévu le 26 octobre dernier. De telles réserves ne peuvent être ignorées dans le cadre d'une révision même limitée des traités. La Commission européenne, comme la Finlande et les Pays-Bas, considère elle aussi qu'il ne peut y avoir de séparation entre la zone euro et le reste de l'Union européenne.

b) Quel rôle pour la Commission européenne ?

Face à ces projets, le président de la Commission a proposé une « feuille de route pour la stabilité et la croissance » réunissant des éléments à appliquer totalement et immédiatement, selon ses termes, afin d'apporter une réponse complète à la crise actuelle. Cette stratégie repose sur cinq axes : la définition d'une réponse décisive au problème grec, l'optimisation du Fonds européen de stabilisation financière, la recapitalisation du secteur bancaire, la stimulation de la croissance et le renforcement de la gouvernance économique. La Commission a, dans ce domaine, décidé d'aller plus loin en préconisant le renforcement de la surveillance des pays placés sous assistance financière ou en déficit excessif afin de les inciter à modifier leurs projets de budgets. Un processus menant à une représentation externe de la zone euro plus unifiée sera également mis en oeuvre.

Cette intervention de la Commission vise avant tout à défendre la méthode communautaire, face à la fusion présidence du Conseil européen - présidence du conseil spécial de la zone euro. La Commission estime qu'il n'y a pas lieu de créer davantage d'institutions alors qu'elle est censée d'ores et déjà incarner le gouvernement économique de l'Union. Le président Barroso plaidait, à cet égard, pour que la présidence de l'eurogroupe revienne à un commissaire européen. La méthode intergouvernementale n'est, à ses yeux, pas suffisante et pourrait même fragiliser à terme l'Union européenne. Le lancement d'une étude sur l'émission d'euro-obligations, alors que les États membres sont divisés sur cette question, s'inscrit dans cet axe.

c) Le nouveau rôle de la Banque centrale

La Banque centrale européenne, contestée dans le passé pour son absence de sens politique, a vu quant à elle son rôle renforcé, au point d'apparaître comme l'une des principales armes en vue de desserrer l'étreinte des marchés sur cinq pays de la zone euro. A côté de la stabilité des prix, la stabilité financière s'est ainsi imposée comme le deuxième pilier de la Banque centrale, consacrant une évolution entreprise depuis 2007 et la crise des subprimes .

La Banque centrale a ainsi élargi ses propres opérations de refinancement aux établissements bancaires, offrant à ceux-ci la possibilité d'emprunter sur des maturités plus longues, ses prêts pouvant ainsi aller jusqu'à un an. Le système des enchères qui consistait à prêter au mieux-disant a, de son côté, été suspendu : les établissements de crédits empruntent désormais à un taux fixe et relativement faible et ont l'assurance d'obtenir toute la liquidité souhaitée. La gamme d'actifs pouvant être apportés en garantie a été, dans le même temps, élargie. La BCE a de surcroît aboli le critère de la note de crédit pour les trois pays sous assistance financière, s'émancipant ainsi du jugement des agences de notation. La Banque centrale européenne n'accepte en théorie que les obligations bien cotées comme garantie pour les financements qu'elle accorde au secteur bancaire dans la zone euro. Dans le cas des créances négociables émises ou garanties par le gouvernement portugais, elle a, ainsi, décidé, de suspendre le 7 juillet et jusqu'à nouvel ordre, l'application du seuil de notation de crédit dans le cadre des exigences d'éligibilité pour les opérations de crédit du système euro. De telles dispositions avaient déjà été prises en mai 2010 à l'égard des obligations grecques et en novembre dernier à l'endroit des titres irlandais. Les titres devaient jusque lors être au moins notés A -.

Cet arsenal de mesures dites non-conventionnelles a été complété par l'intervention directe sur les marchés obligataires. La BCE est devenue dans un premier temps un acheteur d'obligations dites sécurisées sur le marché de la dette privée, par l'intermédiaire du Covered Bond Purchase Programme (59,2 milliards d'euros de titres achetés au 14 octobre 2011). Ces titres permettent le refinancement à long terme des banques. Elle a complété cette action par des achats d'obligations publiques via le programme SMP ( Securities Markets Programme ). Elle a ainsi acquis 183,019 milliards d'euros de titres grecs, irlandais, portugais, espagnols et italiens, dont plus de 110 milliards au cours de ces trois derniers mois.

Encours de dettes publiques de la zone euro détenus par la Banque centrale en 2011
(en milliards d'euros)

07/01

12/08

19/08

26/08

02/09

09/09

16/09

04/11

74,14

95,96

110,25

115,58

128,83

142,86

152,66

183,02

Source : Banque centrale européenne

Alors que ses statuts lui interdisent de financer les États, la Banque centrale justifie son action en indiquant qu'elle achète ces titres non auprès des États mais auprès des investisseurs. Elle soutient de la sorte les établissements financiers et limite dans le même temps la dépréciation de ces titres. Ces achats sont compensés par une diminution relative des prêts aux banques stérilisation des achats). En cas de récession doublée de déflation, la BCE pourrait être tentée de renoncer à cette compensation. La Banque adopterait alors la politique d' « assouplissement quantitatif » pratiquée par la réserve fédérale américaine, la Banque d'Angleterre ou la Banque du Japon.

Ce comportement de la BCE, présenté comme un moyen de restaurer les canaux de transmission de la politique monétaire, constitue également une action en faveur de la restauration de la solvabilité budgétaire de certains pays. Une telle option n'est pas incompatible avec l'objectif de stabilité des prix, aucun signe annonciateur d'inflation n'étant présent au sein de la zone euro. La crainte tient plus à ce que de tels achats aient un effet incitatif et poussent les États à ne pas réduire leurs déficits, financés de la sorte par la Banque centrale européenne.

Ces choix ne se sont pas faits sans heurts au sein de l'institution comme en témoignent le départ de la Banque centrale européenne de son économie en chef, Jürgen Stark, et du président de la Bundesbank, Axel Weber. L'Allemagne s'est par ailleurs montrée extrêmement réservée sur le programme SMP et sur la volonté de son gouverneur de limiter l'implication du secteur privé dans le nouveau plan d'aide à la Grèce. Le sommet du 26 octobre a été l'occasion pour le gouvernement allemand de manifester son attachement à l'indépendance de la Banque centrale européenne.

La Banque centrale est, en effet, devenue un interlocuteur incontournable dans le débat sur la réforme de la gouvernance économique de la zone euro mais aussi dans la négociation des plan d'aide aux pays concernés. La lettre adressée au gouvernement italien début août l'enjoignant de mener à bien de vastes réformes structurelles est venue renforcer l'impression que la Banque centrale constitue à l'heure actuelle la voix de l'euro. Son intervention sur le marché secondaire est à l'heure actuelle essentielle en vue de tempérer les attaques spéculatives, même si le cas italien souligne que cette action est désormais insuffisante. Le nouveau gouverneur de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, a, en tout état de cause, indiqué son souhait de maintenir le programme SMP.

Alors que l'Allemagne s'est opposée à reconnaître dans les conclusions du sommet du 26 octobre un soutien de la zone euro aux mesures non conventionnelles de la Banque centrale européenne, la relative faiblesse du Fonds européen de stabilité financière, même modifié, face à l'enjeu italien pourrait cependant reposer à court terme la question de la mise en place d'un véritable partenariat entre la Banque et le FESF.


* 16 Le déficit public pour l'ensemble de l'Union européenne a atteint 6,9 % du PIB contre 6,6 % l'année précédente. La dette publique 80,2 % contre 74,7 %.

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