B. ... QUI RENAÎT À LA FAVEUR D'UNE CROISSANCE APPAREMMENT ROBUSTE

Des rapports récents marquent un intérêt renouvelé pour le commerce électronique, notamment en France.

Un champ de réflexion réinvesti

- en décembre 2009, le CREDOC 10 ( * ) a publié une étude de Martial Ranvier faisant un état des lieux de la vente de produits alimentaire sur Internet (Cahier de recherche n° 262) ;

- en février 2010, la direction générale adjointe des études, de la prospective et de l'innovation de la CCIP a produit une étude, dans la série « Prospective et Entreprise » (n° 11), intitulée « L'évolution de l'e-commerce à l'ère de l'économie numérique ». Elle comporte deux parties ; la première, par Alain Rallet, porte sur « le commerce à l'ère de l'économie numérique » et explicite l'état et les enjeux actuels du commerce électronique ; la seconde, par Hélène Perrin Boulonne, dresse des « scénarios pour l'évolution du commerce à l'ère de l'économie numérique » ;

- le 30 mars 2010, la CCIP a organisé un séminaire intitulé « e-commerce ou électronisation du commerce », à l'occasion duquel COE-REXECODE a produit un document de travail, publié en avril 2010, intitulé « Enjeux du développement du commerce électronique » ;

- la commission des finances du Sénat a publié le 7 avril 2010 un rapport d'information intitulé « Le développement du commerce électronique : quel impact sur les finances publiques ? » ;

- en décembre 2010, le CREDOC a publié une étude de Philippe Moati intitulée « Quel commerce pour demain ? La vision prospective des acteurs du secteur » (Cahier de recherche n° 271). Si le champ de l'enquête est l'ensemble du commerce de détail, hors service et hors e-commerce, le « choc des nouvelles technologies » y est une problématique transverse, largement abordée ;

- en mars 2011, le cabinet Mc Kinsey & Company a diffusé l'étude « Impact d'Internet sur l'économie française - Comment Internet transforme notre pays » ;

- en juin 2011, est paru un ouvrage intitulé « 2020 : la fin du e-commerce... ou l'avènement du commerce connecté » par Catherine Barba, à l'initiative de la FEVAD (Fédération e-commerce et vente à distance) ;

- en septembre 2011, Philippe MOATI a publié un ouvrage intitulé « La nouvelle révolution commerciale ».

Cette attention bienvenue succède à une phase au cours de laquelle la réflexion mondiale a plutôt considéré le développement de l'e-commerce comme un sujet à moindre enjeu théorique (en rupture avec l'effervescence conceptuelle observée au tournant des années 2000).

En revanche, on assiste depuis quelques années, d'abord dans le monde anglo-saxon puis en France, à un foisonnement de publications à visées plus pratiques, souvent orientées « marketing », pour construire ou optimiser un commerce électronique 11 ( * ) .

Par ailleurs, se tient depuis 2004 à Paris un salon de l'e-commerce qui est devenu un grand rendez-vous européen pour les acteurs du secteur.

Le fait que le commerce électronique atteigne finalement une certaine « masse critique » et une nouvelle visibilité justifie probablement ce regain d'intérêt national : depuis maintenant une demi-décennie, la croissance annuelle de l'e-commerce dépasserait les 20 %...

1. Un dynamisme remarquable
a) Une croissance qui pousse le commerce électronique hors du périmètre traditionnel de la vente à distance

Nonobstant une statistique publique désormais lacunaire 12 ( * ) , le commerce électronique connaîtrait une trajectoire fortement ascendante , sur laquelle la crise semble n'avoir eu, en outre, que peu de prise.

Il apparaît en premier lieu que, depuis le milieu des années 2000, le développement de la vente en ligne va au-delà d'une simple substitution d'un mode de commande à un autre dans le périmètre habituel de la vente à distance . Le graphe suivant fait clairement apparaître, à partir de 2004-2005, une augmentation du volume total de la vente à distance, la vente par Internet faisant alors plus que remplacer les modalités traditionnelles (poste, téléphone...) de la VAD :

ÉVOLUTION DE LA VENTE À DISTANCE DE PRODUITS PAR INTERNET
ET PAR LES AUTRES CANAUX

(Chiffre d'affaires en milliards d'euros constants)

VAD autre que par Internet

VAD via Internet

Total de la VAD

Source : « Quel commerce pour demain ? La vision prospective des acteurs du secteur » par Philippe Moati, Cahier de recherche n° 271.

Certes, d'après REXECODE, on peut estimer que les ventes en ligne ne représentaient guère plus de 2 % de l'ensemble des dépenses en biens et services des ménages français en 2009.

Mais, d'une part, « ce chiffre ne serait pas très éloigné de celui que l'on peut évaluer pour les Etats-Unis (environ 2,5 %) », où la diffusion du commerce électronique est historiquement avancée.

En second lieu, au vu des évolutions du marché en 2009 et en 2010 et avec une progression qui, dans la durée, paraît s'établir autour de 5 ou 6 milliards d'euros par an, il n'est pas exclu d'assister assez rapidement à un changement d'échelle dont l'avènement paraissait, à la fin des années 2000, encore hypothétique :

CROISSANCE DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE (EN VALEUR)

Commerce électronique
(produits + services)*

Nombre de sites marchands

Nombre d'acheteurs en ligne***

(en millions)

Dépense moyenne annuelle par acheteur

Total 13 ( * )

(en Md€)

Progression annuelle

2006

-

17,8

653 €

11,6

-

2007

-

19,9

783 €

15,6

34 %

2008

47 000

22,5

888 €

20

28 %

2009

64 000

24,4

1025 €

25

25 %

2010

82 000

25,1 (1 er T)

1115 €

31

24 %

2011 14 ( * )

? 100 000 ?

28 (1 er T)

-

37

20 %

* source FEVAD ; chiffres agréés par le Secrétariat d'Etat chargé du commerce.

** source INSEE

*** source Médiamétrie

D'après la FEVAD, on comptait près de 90 000 sites de vente en juin 2011, et la barre des 100 000 sites de vente serait franchie avant 2012... Sur les six premiers mois de l'année 2011, les sites de vente en ligne ont vu leur chiffre d'affaires progresser de 20 % par rapport au premier semestre 2010 - même si le « panier » moyen, avec un montant moyen des transactions de 90 euros, baisse légèrement, ce qui reflète probablement la crise.

Dans l'hypothèse où cette croissance se poursuivrait au second semestre, le commerce électronique représenterait un marché de 37 milliards d'euros en 2011 , soit 3,4 % de la consommation des ménages .

Sous un autre angle, la vente à distance de produits ( via Internet et les autres canaux), qui atteint 17,1 milliards d'euros en 2010, représente environ 4 % du commerce de détail. Cette quotité paraît désormais sans commune mesure avec le périmètre historique de la VAD en France (cf. graphe supra ).

b) Une croissance singulière à l'échelle internationale

Une comparaison établie à partir de la base de données Eurostat conduit à observer que, dans la période récente, la conquête du commerce électronique en France est sans équivalent dans les autres grands pays européens sachant, par ailleurs, que le marché européen a lui même progressé plus rapidement que le marché nord américain, du moins depuis 2008 15 ( * ) , si bien qu'il le dépasserait pour représenter désormais 173 milliards d'euros, contre 172 milliards de dollars aux Etats-Unis 16 ( * ) .

PROPORTION DE PARTICULIERS AYANT EFFECTUÉ UNE COMMANDE
SUR INTERNET AU COURS DES 12 DERNIERS MOIS

Source : données Eurostat

PROPORTION DE PARTICULIERS AYANT EFFECTUÉ UNE COMMANDE
SUR INTERNET AU COURS DES 3 DERNIERS MOIS

Source : données Eurostat

Cette progression reflète, pour l'essentiel, celle de l'accès des Français à Internet :

PROPORTION DES MÉNAGES AYANT ACCÈS À INTERNET

Source : données Eurostat

c) Une croissance concentrée sur certains biens et services

Le diagnostic d'une croissance accélérée de l'e-commerce et de son émancipation par rapport à la vente à distance doit être différencié .

Pour les loisirs et les produits techniques, par exemple, la conquête de l'e-commerce est totale, alors que de forts effets de substitution s'observent encore pour les vêtements. Par ailleurs, l'alimentaire, quasiment absent de la VAD traditionnelle, peine encore à décoller dans l'e-commerce bien qu'il y ait été pionnier.


• La FEVAD a mis en place un suivi spécifique concernant la part du commerce électronique dans les ventes de certains produits et services, pour lesquels elle s'avère significative.

Cette approche en termes de taux de pénétration fait apparaître le dynamisme remarquable de l'habillement en ligne qui, en 3 ans, a doublé son poids dans le commerce de détail, et une présence désormais très substantielle des produits techniques, des produits culturels et de l'ensemble « tourisme/loisirs » , avec des taux de pénétration compris entre 13 % et 19 % :

PROPORTION DES VENTES EN LIGNE SELON LES SECTEURS

2007

2008

2009

2010

(en Md€)

Vêtements

3,7 %

4,7 %

6,2 %

8 %

3,3

Produits techniques

8,3 %

9,8 %

11 %

13 %

3

Produits culturels

5,1 %

6,1 %

7,2 %

16 % (1)

1,3

Tourisme, loisirs

nc

nc

nc

19 %

10,7

(1) depuis 2010 : y compris téléchargements payants

Sources : FEVAD avec Institut français de la mode, Kantar Worldpanel, GfK, Precepta, Conseil National du Tourisme, INSEE


• L'approche par les parts du commerce électronique montre que plus de la moitié du chiffre d'affaires de l'e-commerce « B to C » concerne les services , dont 40 % pour le tourisme :

ESTIMATION DE LA RÉPARTITION DU CHIFFRE D'AFFAIRES
DES VENTES EN LIGNE « B TO C »

Source : FEVAD, 2010 (chiffres 2009)


• Selon une autre présentation de la FEVAD, il se confirme que tourisme, produits techniques, produits culturels et vêtements occupent le haut du panier du cyber-acheteur, tandis que l'alimentaire demeure le « parent pauvre » de l'e-commerce :

LES PRODUITS/SERVICES ACHETÉS EN LIGNE

(au cours des 6 derniers mois)

* Billetterie, développement photos, téléchargement, abonnement presse, souscription d'abonnement accès internet, téléphone, télévision...

Source : Baromètre Fevad Médiametrie / NetRatings 2011


* 10 Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie.

* 11 Comme exemple d'ouvrage français particulièrement construit et abouti : « E-commerce - de la stratégie à la mise en oeuvre opérationnelle », par Pierre Volle et Henri Isaac, mai 2011 (2 ème édition).

* 12 D'après Alain Rallet, « il est dommage que la France (le Service des études et des statistiques industrielles notamment) ait arrêté de produire des statistiques de commerce électronique sur les ménages. Seuls restent disponibles les parts d'achat et de vente électronique dans le CA des entreprises par branche ». Les Etats-Unis disposent en revanche de statistiques officielles sur le commerce électronique B to C.

* 13 Pour mémoire, le CA du commerce électronique était inférieur au milliard d'euros en 2000.

* 14 Prévision (sauf pour le nombre d'acheteurs au premier trimestre).

* 15 D'après un rapport commandé par Kelkoo au Centre for Retail Research (décembre 2010).

* 16 D'après l'Acsel ; voir le compte-rendu de l'atelier de prospective.

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