TROISIÈME PARTIE :
UN CONTEXTE NOUVEAU ET INQUIÉTANT

CHAPITRE I :
AGRICULTURE ET ÉNERGIE

L'agriculture est un secteur à la fois consommateur et producteur d'énergie.

Comme consommatrice d'énergie l'agriculture est soumise au défi économique de disponibilité d'une énergie à un prix le plus bas possible et au défi écologique de sa contribution à un modèle énergétique durable qui implique essentiellement le maintien des sources d'énergie et une réduction, plus ou moins totale, des nuisances environnementales, dont les émissions de gaz à effet de serre.

Le développement des agro-énergies offre à la production d'énergie par l'agriculture des perspectives qui pourraient contribuer à relever ces deux défis tout en assurant une diversification de la production agricole et de ses débouchés.

Toutefois, le passage de perspectives théoriques à des réalisations pratiques passe par des conditions dont la nature doit être explicitée mais qui ne peuvent toutes être élucidées.

En outre, la diversification des débouchés agricoles résultant du développement des agro-carburants n'est pas nécessairement une bonne nouvelle alors que l'expansion des besoins alimentaires du monde pourrait déjà se heurter à une offre trop limitée, ou n'être satisfaite qu'au prix d'un renchérissement sévère des prix de l'alimentation.

En bref, les conflits d'usage entre énergie et alimentation pourraient se renforcer ce qui invite à promouvoir une combinaison énergétique économe du potentiel agricole disponible pour satisfaire les besoins alimentaires.

I. UN SECTEUR FORTEMENT CONSOMMATEUR D'ÉNERGIE CONFRONTÉ À UN DOUBLE DÉFI ÉCONOMIQUE ET ÉCOLOGIQUE

L'agriculture est un secteur fortement consommateur d'énergie, sensible à ce titre aux variations des prix énergétiques. Une agriculture plus sobre permettrait d'atténuer pour le secteur l'effet des tensions exogènes et de leurs incidences sur les prix alimentaires associées aux perspectives de hausse des prix de l'énergie.

Par ailleurs, l'éventualité d'une élévation des coûts de transport doit être prise en considération pour penser le système alimentaire ; elle plaide pour des circuits courts et la limitation du recours aux échanges internationaux.

A. UN SECTEUR À TROP FORT CONTENU ÉNERGÉTIQUE

Une part importante des consommations intermédiaires de l'agriculture est liée à l'énergie qui représenterait (en 2008) en France le quart des consommations intermédiaires agricoles.

Le poste « énergie et lubrifiants »32(*) représente 8,3 % des consommations intermédiaires. Cette part est de 13,1 % pour les engrais et de 21,6 % pour les aliments pour animaux achetés.

La consommation d'énergie directe et indirecte par l'agriculture atteindrait chacune 5,3 Mtep, soit 10,6 Mtep au total, représentant environ 7 % de la consommation énergétique finale de la France.

3,4 Mtep sont constitués par les engrais et amendements dont 2,95 Mtep pour les seuls engrais azotés.

La consommation d'énergie varie selon les types d'exploitation à proportion de la diversité de la structure par postes des consommations intermédiaires de chacune d'entre elles.

La dépendance de l'élevage est particulièrement prononcée mais les consommations d'intrants dépassent encore 30 % de la valeur moyenne de la production des grandes cultures.

On observe également que ces consommations sont très variables au sein d'une même spéculation, ce qui suggère que des marges d'optimisation existent.

La confrontation du poids de l'agriculture dans la consommation d'énergie et de sa part dans la valeur ajoutée nationale conduit souvent à estimer que l'agriculture est un secteur excessivement consommateur d'énergie.

Sans en être nécessairement le résultat mécanique, cette situation peut être favorisée par les incitations plutôt favorables dont bénéficie le secteur en matière de consommation d'énergie.

En l'état, le secteur agricole supporte une fiscalité allégée sur les produits énergétiques qu'il utilise avec des effets importants de soutien du revenu agricole.

Il s'agit, d'une part, d'un taux réduit de 5,66 €/hl (le taux normal est de 42,84 €/hl) de taxe intérieure sur la consommation (TIC) applicable au fioul domestique utilisé comme carburant. Cette mesure a été introduite dans les années 1970 pour encourager la mécanisation.

D'autre part, les agriculteurs sont partiellement remboursés de la même TIC sur les produits énergétiques, à hauteur de 5 €/hl. Cette mesure a été mise en place en 2004 avec la hausse du prix du prix du pétrole. Elle est annuellement prolongée en loi de finances.

Cette détaxation quasi-complète du carburant à usage agricole génèrerait un avantage de l'ordre de 3 000 € par exploitation et par an avec, bien entendu, une assez forte dispersion autour de cette moyenne.

Concernant le gaz naturel, les exploitants agricoles bénéficient d'un remboursement partiel de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN) acquittée pour le chauffage de serres (0,71 €/Kwh).

L'industrie de fabrication des engrais minéraux est également exonérée de la TICGN, au titre d'entreprises faisant un « double usage du gaz » (matière première et énergie).

Enfin, la vente de certains engrais à usage agricole et des aliments pour le bétail est soumise à une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 5,5 % depuis 1966.


* 32 Hors intraconsommations.