B. DE LA COMPENSATION À LA PÉRÉQUATION

1. Une compensation à l'euro près effective...
a) Les ressources des collectivités préservées entre les années 2009 et 2010 grâce à la compensation relais

La réforme de la taxe professionnelle n'est pleinement entrée en vigueur pour les collectivités qu'à compter de l'année 2011. C'est donc à partir de l'exercice 2011 seulement que le complexe dispositif de compensation à l'euro près, prévu par la loi, a fonctionné.

Toutefois, la taxe professionnelle a bien disparu dès l'exercice 2010. Un premier dispositif de compensation a donc été prévu pour éviter que les communes, intercommunalités, départements et régions ne pâtissent de cette disparition : la compensation relais .

Ce prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités territoriales a été versé en 2010, son montant étant égal, pour chaque collectivité ou groupement à fiscalité propre, au plus élevé des deux montants suivants :

- le produit de la taxe professionnelle de la collectivité territoriale ou de l'établissement public au titre de l'année 2009 - dans ce cas, la collectivité a perçu en 2010 un montant strictement égal à celui perçu en 2009 ;

- le produit de la taxe professionnelle qui aurait résulté, pour cette collectivité territoriale ou cet établissement public, de l'application aux bases de l'année 2010 des taux votés en 2009. Toutefois, pour éviter les effets d'aubaine qui auraient pu résulter pour certaines collectivités d'une forte augmentation de taux entre les années 2008 et 2009, le taux voté en 2009 n'est retenu que dans la limite du taux voté en 2008 majoré de 1 %.

Certes, le mécanisme de la compensation relais a pu conduire à annuler le dynamisme de la taxe professionnelle entre les exercices 2009 et 2010. Il a toutefois permis de garantir une stabilité ou une légère progression d'une partie des ressources des collectivités territoriales. En outre, il les a prémunies contre l'éventuelle diminution du produit de taxe professionnelle qu'elles auraient pu subir dans un contexte de crise économique qui leur était défavorable. A titre indicatif, les recettes d'impôt sur les sociétés perçues par l'Etat sont passées de 49,5 milliards d'euros en 2009 à 32,9 milliards d'euros en 2010, soit une diminution d'un tiers.

b) Le mécanisme de la compensation à l'euro près en vigueur à compter de 2011

A l'issue de ses travaux, votre rapporteur constate que le principe de la compensation à l'euro près, prévu par la loi de finances pour 2010, a été mis en oeuvre de façon effective . Pourtant, plusieurs élus rencontrés lors des travaux de la mission se sont fait l'écho d'une stagnation, voire d'une diminution de leurs ressources, malgré la mise en oeuvre de ce principe. Ce constat, qui correspond à la réalité vécue par certains territoires, s'explique par le fonctionnement même du dispositif de compensation.

La loi a prévu, pour compenser la disparition de la taxe professionnelle, un mécanisme de compensation en deux temps.

Dans un premier temps sont calculées les pertes globales subies par chacune des trois catégories de collectivités territoriales . Ainsi, pour le bloc communal, les départements et les régions, est mesuré l'écart entre les ressources que ces collectivités ont perçu en 2010, avant la réforme, et celles qu'elles auraient perçues en 2010 si la réforme avait été mise en oeuvre. Le différentiel est égal, pour chacun des trois échelons, au montant de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP). Les trois parts de la DCRTP permettent ainsi de garantir que chaque échelon de collectivités dispose bien d'une ressource qui comble le déficit de recettes entre l'ancien et le nouveau système fiscal, pour l'année 2010.

Dans un second temps, les Fonds nationaux de garantie individuelle des ressources (FNGIR) viennent compenser les écarts qui subsistent au sein de chaque catégorie de collectivités . Ainsi, les communes et intercommunalités « gagnantes » à la réforme transfèrent leurs gains à celles qui ont perdu des ressources fiscales. Le dispositif est identique pour les départements et les régions.

Ces deux opérations - versements de la DCRTP puis transferts au titre des FNGIR - permettent de garantir aux collectivités une compensation à l'euro près de leurs éventuelles pertes de recettes.

c) Une compensation qui ne concerne pas l'ensemble des recettes des collectivités territoriales

Plusieurs mécanismes ont pu conduire les collectivités à subir, malgré ce dispositif de compensation, des pertes de recettes entre les exercices 2010 et 2011.

En effet, pour le calcul de cette compensation, ce ne sont pas l'ensemble des ressources des collectivités qui sont prises en compte mais les seules ressources qui ont été modifiées par la réforme de la taxe professionnelle , comme l'indiquent les tableaux ci-dessous.

Ressources prises en compte pour le calcul de la compensation
du bloc communal

Avant réforme (2010)

Après réforme (2010)

Taxe d'habitation

Taxe d'habitation
(y compris l'ancienne part départementale)

Taxe foncière sur les propriétés non bâties

Taxe foncière sur les propriétés non bâties
(y compris les anciennes parts départementale et régionale)

Compensation relais (représentative du produit de taxe professionnelle)

Cotisation foncière des entreprises

Compensations d'exonérations

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

Impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux

Taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base

Compensations d'exonérations

Source : mission commune d'information

Ressources prises en compte pour le calcul de la compensation
des départements

Avant réforme (2010)

Après réforme (2010)

Taxe d'habitation

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

Taxe foncière sur les propriétés bâties

Taxe foncière sur les propriétés bâties
(y compris l'ancienne part régionale)

Taxe foncière sur les propriétés non bâties

Compensations d'exonérations

Compensations d'exonérations

Taxe sur les conventions d'assurance nouvellement affectée aux départements

Compensation relais (représentative du produit de taxe professionnelle)

Taxe additionnelle aux droits d'enregistrement et à la taxe de publicité foncière nouvellement perçue par les départements

Impositions forfaitaires sur les entreprises de réseau

Source : mission commune d'information

Ressources prises en compte pour le calcul de la compensation
des régions

Avant réforme (2010)

Après réforme (2010)

Taxe foncière sur les propriétés bâties

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

Taxe foncière sur les propriétés non bâties

Impositions forfaitaires sur les entreprises de réseau

Compensation relais (représentative du produit de taxe professionnelle)

Source : mission commune d'information

Comme le montrent ces tableaux, ce ne sont pas l'intégralité des ressources des collectivités territoriales qui sont prises en compte dans le mode de calcul de la compensation. Par conséquent, aucun dispositif n'empêche que les collectivités subissent les effets d'une hausse ou d'une diminution d'un produit non compris dans ces paniers de recettes avant et après réforme . Cela explique en partie pourquoi les ressources des collectivités n'ont pas été intégralement stables entre les exercices 2010 et 2011.

d) Des paniers de recettes pris en compte au titre du seul exercice 2010

Par ailleurs, comme il a été indiqué, la compensation à l'euro près a été effectuée par comparaison des paniers avant et après réforme, considérés tous deux au titre de la seule année 2010 .

Par conséquent, outre que les collectivités ont pu subir les conséquences des évolutions de produits fiscaux non compris dans ces paniers de ressources, elles ont également pleinement subi les effets d'une évolution des impôts compris dans ces paniers de ressources entre les exercices 2010 et 2011.

Par exemple, si un département voit le montant de sa CVAE fortement diminuer entre les exercices 2010 et 2011 du fait, par exemple, des difficultés économiques rencontrées par une entreprise ou d'une délocalisation, cette baisse se traduira dans le niveau de ses ressources puisque le dispositif prévu par la loi ne compense pas les diminutions de produits entre les années 2010 et 2011 , mais uniquement l'écart entre les ressources avant et après réforme pour la seule année 2010.

Cet effet est directement lié au fait que les montants de DCRTP et de FNGIR sont figés. Calculés au titre de l'année 2010, ils n'ont par la suite pas vocation à évoluer en fonction de la hausse ou de la baisse des ressources des collectivités à compter de l'exercice 2010.

2. ...qui masque un fort accroissement pour l'avenir des inégalités territoriales...
a) Les effets induits par une compensation figée au titre de l'année 2010

A l'exception d'ajustements techniques, le montant de la compensation sera figé , pour chaque collectivité territoriale, sur la base des gains et des pertes rencontrés en 2010.

Par conséquent, à partir de l'année 2011, les effets de la territorialisation se font pleinement sentir, chaque collectivité bénéficiant intégralement de la dynamique des ressources de CFE et de CVAE sur son territoire. Ainsi, par exemple, une collectivité « gagnante » à la réforme, qui bénéficie de ressources fiscales nouvelles largement supérieures à celles dont elle disposait dans l'ancien système, se verra prélever, à compter de 2011, un montant strictement égal au gain dont elle a bénéficié. Toutefois, dès l'année 2011, la collectivité conserve l'intégralité du dynamisme de cette ressource fiscale, y compris du dynamisme portant sur la part qu'elle reverse aux collectivités territoriales « perdantes » à la réforme. Evidemment, ce dynamisme peut, notamment en période de contraction économique, se traduire par une diminution de la ressource fiscale.

Exemple

Considérons un département dont les ressources après réforme, calculées au titre de l'année 2010, seraient égales à 200 et dont les ressources avant réforme, en 2010, ne s'élevaient qu'à 100. Il subira à compter de l'année 2011 un prélèvement égal à 100 qui ramène ses recettes à leur niveau antérieur.

La collectivité peut donc considérer que sur un produit de CVAE égal, par exemple, à 150 en 2011, elle en reverse 100 aux autres collectivités et n'en conserve que 50. Si, entre les années 2011 et 2012, les bases de CVAE sur son territoire croissent de 3 %, le département voit son produit total de CVAE croître de 3 % de 150, c'est-à-dire de 4,5, pour s'élever à 154,5. Le montant de son prélèvement au titre du FNGIR étant figé, il continuera à reverser 100 aux autres départements et conservera, in fine, 54,5 de CVAE.

Concrètement, le montant de CVAE dont il bénéficie est donc passé de 50 en 2011 à 54,5 en 2012, soit une croissance de 9 %, largement supérieure au taux effectif de croissance des bases de CVAE, égal à 3 % .

C'est ce mécanisme qui explique que, malgré le dispositif d'écrêtement des gains résultant de la réforme de la taxe professionnelle, les collectivités dont les ressources après réforme auraient excédé leurs ressources avant réforme sont bien les vraies gagnantes du nouveau système fiscal mis en place .

A l'inverse, les collectivités dont le panier de recettes est composé largement de dotations de compensation seront pénalisées par rapport aux collectivités contributrices au FNGIR, du fait que le montant de la compensation qui leur est versée - sous forme de DCRTP ou de FNGIR - est figé à compter de 2011.

b) Un effet accentué par la forte concentration de la CVAE

Cet effet, sur les inégalités territoriales, d'un mode de compensation, reposant sur des dotations budgétaires figées, est accentué par la forte concentration de la CVAE sur le territoire. D'après les informations recueillies par votre mission, les bases de CVAE sont en effet réparties de manière moins égalitaire que les anciennes bases de la taxe professionnelle.

Il apparaît par exemple que la CVAE est concentrée, à hauteur de 32,8 %, au sein de la région Île-de-France, alors que cette région représentait « seulement » 13,3 % de l'ancienne taxe professionnelle . Certes, la région Île-de-France est la seule qui contribuera au FNGIR des régions. Elle reversera donc, comme l'a indiqué Marie-Pierre de la Gontrie, première vice-présidente de la région Île-de-France, lors de son audition par votre mission, l'équivalent d'environ 55 % de son produit de CVAE, soit 669 millions d'euros, aux autres régions, et ne conservera que l'équivalent de 45 % de ce produit. Toutefois, à compter de l'année 2011, la région Île-de-France bénéficiera pleinement de la croissance de 100 % du produit de CVAE présent sur son territoire puisque le montant reversé aux autres régions demeurera figé.

Cet accroissement, en dynamique, des inégalités territoriales en matière de fiscalité économique résulte directement du principe de territorialisation retenu lors du vote de la réforme. Il est certes difficile, dans l'état actuel des connaissances sur les perspectives de croissance de la CVAE dans chaque région, d'effectuer des simulations précises sur les produits de CVAE qui bénéficieront effectivement à chaque région dans les années à venir. Ces simulations seraient encore plus difficiles à réaliser s'agissant des EPCI et des communes.

Toutefois, l'Association des Régions de France (ARF) a procédé à une évaluation des conséquences d'une croissance uniforme des bases d'imposition sur le territoire de 3 % entre 2011 et 2012. D'après elle, dans ce cas de figure, « le produit fiscal perçu par les régions augmentera de 6,1 % en Île-de-France et de seulement 1,5 % en Basse-Normandie ».

L'ensemble de ces éléments explique pourquoi, malgré un dispositif effectif de compensation à l'euro près des effets de la réforme de la taxe professionnelle, celle-ci risque, en l'absence de dispositif de péréquation, d'accroître les inégalités territoriales, notamment entre les départements et entre les régions , pour lesquels la ressource CVAE constitue le principal substitut à l'ancienne taxe professionnelle.

3. ... et rend nécessaire de nouveaux mécanismes de péréquation
a) Une avancée sous surveillance : la création du FPIC

S'agissant du bloc communal, l'article 144 de la loi de finances pour 2012 48 ( * ) a créé un nouveau dispositif, effectif à compter de l'année 2012, de péréquation des ressources au sein du bloc communal : le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) .

Votre mission se félicite de cette création, qui constitue une avancée, certes perfectible, vers une répartition plus équitable des ressources entre les communes et les intercommunalités.

Les ressources du FPIC ont été fixées à 150 millions d'euros en 2012, 360 en 2013, 570 en 2014, 780 en 2015 puis, à compter de 2016, à 2 % des recettes fiscales des communes et de leurs groupements dotés d'une fiscalité propre, soit environ 1 milliard d'euros.

Les prélèvements en faveur du FPIC sont opérés au niveau de « l'ensemble intercommunal », en agrégeant les potentiels financiers des intercommunalités et des communes qui en sont membres . Cette innovation permet, d'une part, de comparer des territoires dont les structures intercommunales diffèrent (EPCI à fiscalité professionnelle unique, EPCI à fiscalité additionnelle ou commune isolée) et, d'autre part, de faciliter le fonctionnement du dispositif qui se contente de traiter des quelques 2 600 groupements à fiscalité propre et non des 36 000 communes françaises.

A l'initiative de la commission des finances du Sénat, les potentiels financiers sont corrigés par un coefficient logarithmique dont la valeur varie de 1 à 2 en fonction de la population de l'ensemble intercommunal ou de la commune, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Cette deuxième innovation vise à éviter les écueils qui pourraient résulter d'un prélèvement uniforme entre les communes et les intercommunalités, alors que le potentiel financier par habitant est fortement corrélé à la taille des collectivités.

Sont contributeurs au fonds les communes isolées et les groupements dont le potentiel financier - agrégé, le cas échéant - moyen par habitant est supérieur à 90 % du potentiel financier agrégé moyen.

Les ressources du fonds sont réparties entre les communes et les EPCI dont l'effort fiscal est supérieur à 0,5, en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges prenant en compte :

- pour 20 %, l'écart entre le potentiel financier moyen par habitant de la collectivité et le potentiel financier moyen ;

- pour 60 %, l'écart entre revenu moyen par habitant de la collectivité et le revenu moyen par habitant au niveau national ;

- enfin, pour les 20 % restants, le rapport entre l'effort fiscal de la commune ou de l'ensemble intercommunal et l'effort fiscal moyen national.

2012 sera la première année de mise en oeuvre du FPIC. En raison de la grande difficulté éprouvée pour simuler l'intégralité des effets de ce dispositif, le législateur a opté pour une montée en puissance très progressive du dispositif, qui ne représente en 2012 que 150 millions d'euros, soit environ 0,15 % des recettes de fonctionnement du bloc communal.

Il conviendra de tirer les conséquences de cette première année de mise en oeuvre pour évaluer les effets du FPIC en matière de péréquation . L'article 144 précité prévoit d'ailleurs qu'avant « le 1 er octobre 2012, le Gouvernement transmet à l'Assemblée nationale et au Sénat un rapport évaluant l'application du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. Ce rapport analyse les effets péréquateurs du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales au regard de l'objectif de réduction des écarts de ressources au sein du bloc communal, mesuré sur la base de l'indicateur de ressources élargi par habitant. Il propose les modifications nécessaires pour permettre de réduire les inégalités de ressources entre collectivités ».

Proposition n° 15 :

Ajuster les paramètres du FPIC au regard des évaluations du fonctionnement du dispositif en 2012

b) Les fonds de péréquation de la CVAE des régions et des départements : un dispositif inabouti

Si le FPIC est déjà entré en vigueur, tel n'est pas le cas des autres dispositifs de péréquation prévus dans la loi de finances pour 2010 pour les niveaux départemental et régional, qui doivent seulement commencer à fonctionner à partir de l'année 2013 .

Sur ce sujet, la commission des finances du Sénat a déjà préconisé 49 ( * ) plusieurs ajustements, sur lesquels votre mission souhaite à nouveau insister, tant l'objectif d'une plus grande péréquation au sein de ces deux catégories de collectivités territoriales paraît essentiel.

(1) Les insuffisances du dispositif de l'article 124 de la loi de finances pour 2011

Le dispositif de péréquation initialement prévu par l'article 77 de la loi de finances pour 2010 a été fortement modifié par l'article 124 de la loi de finances pour 2011 50 ( * ) .

La loi prévoit ainsi la création, à compter de 2013, de deux fonds de péréquation sur flux cumulé - l'un pour les départements, l'autre pour les régions.

Dans la version initiale du texte proposée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2011, le prélèvement ne portait que sur les seuls départements et régions dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à la moyenne .

Le montant du prélèvement était égal à la moitié du produit de la CVAE en année « n » qui excède le produit de CVAE de l'année 2011 . C'est le principe de la péréquation sur flux cumulés. En 2012, l'assiette de prélèvement est relativement faible puisqu'elle ne correspond qu'à l'augmentation de CVAE entre les années 2011 et 2012. En revanche, l'ampleur du fonds est appelée à croître avec les années puisque, par exemple, en 2020, ce sera la moitié de la croissance globale de la CVAE entre l'année 2011 et l'année 2020 qui servira à la péréquation.

A la suite de larges débats lors de l'examen du texte au Parlement, la commission mixte paritaire a décidé de suivre la position de l'Assemblée nationale s'agissant de l'ampleur du dispositif de péréquation, en prévoyant que le prélèvement ne portera que sur la moitié de la croissance de la CVAE qui excède, pour un département ou une région, la croissance globale de la CVAE entre les années 2011 et « n ».

Il faudra donc non seulement qu'une collectivité connaisse une croissance de sa CVAE pour être prélevée mais, en outre, que cette croissance soit plus rapide que la croissance moyenne de la CVAE sur le territoire national pendant la même période.

Les tableaux ci-dessous, qui résultent des travaux menés par la commission des finances du Sénat, font apparaître la très forte réduction de l'ampleur des fonds entre le dispositif voté en loi de finances pour 2011, actuellement applicable, et celui qui aurait résulté de l'adoption du mécanisme proposé par le Gouvernement .

Les simulations figurant dans les tableaux ci-dessous, valables aussi bien pour les régions que pour les départements, sont fondées sur les hypothèses suivantes :

- un département A avec un produit de CVAE de 100 en 2011 ;

- une croissance moyenne de CVAE de 2 % par an au niveau national entre 2011 et 2015 : la base de 100 en 2011 devient donc, en moyenne, une base de 108,2 en 2015.

Effets du texte adopté en loi de finances pour 2011

Hypothèses

Conséquences sur le prélèvement

Si le département est en dessous de 108,2 de CVAE en 2015

Pas de prélèvement

Si le département est au-dessus de 108,2 de CVAE en 2015

Potentiel financier par habitant inférieur à la moyenne

Pas de prélèvement

Potentiel financier par habitant supérieur à la moyenne

Prélèvement de la moitié de la croissance de la CVAE excédant la croissance moyenne

Par exemple, pour une CVAE à 120, prélèvement de :

(120-108,2)/2 = 5,9

Source : commission des finances

Ainsi, il faudrait donc que le département A dispose, d'une part, d'un produit de CVAE en 2015 supérieur à 108,2 et, d'autre part, d'un potentiel financier par habitant supérieur à la moyenne pour subir un prélèvement ; et ce prélèvement ne s'élèverait qu'à 5,9 sur un produit de CVAE de 120.

Effets du texte initial proposé par le Gouvernement

Hypothèses

Conséquences sur le prélèvement

Si le département est en dessous de 100 de CVAE en 2015

Pas de prélèvement

Si le département est au-dessus de 100 de CVAE en 2015

Potentiel fiscal par habitant inférieur à la moyenne

Pas de prélèvement

Potentiel fiscal par habitant supérieur à la moyenne

Prélèvement de la moitié de la croissance de la CVAE

Par exemple, pour une CVAE à 120, prélèvement de :

(120-100)/2 = 10

Source : commission des finances

Dans la version proposée initialement, il aurait suffi que la CVAE d'un département soit supérieure à 100 - son montant de l'année 2011 - et que son potentiel financier soit supérieur à la moyenne pour faire l'objet d'un prélèvement. En outre, le prélèvement serait égal à 10 sur une base de CVAE de 120 en 2015.

Cet exemple, qui porte sur un département dont la croissance de la CVAE serait supérieure à la croissance moyenne, montre que dans la version du texte adopté, le prélèvement serait inférieur de 41 % au prélèvement tel que prévu par le texte initial . Les fonds consacrés à la péréquation départementale et régionale seraient donc réduits d'autant.

Les conséquences du texte actuel pourraient être encore plus dommageables si tous les départements, ou toutes les régions, voyaient leur CVAE augmenter dans des proportions identiques. Alors, bien que la CVAE augmente, aucun prélèvement ne serait opéré puisqu'aucune collectivité ne croîtrait plus rapidement que la moyenne. Il en résulterait qu'aucune péréquation ne serait opérée sur le produit de CVAE .

Ainsi, au regard des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur la dynamique des écarts de richesse entre les départements et les régions, le dispositif actuellement prévu par la loi est loin de permettre une péréquation à la hauteur des enjeux.

(2) Un dispositif qui doit être renforcé et évalué

La mission souhaite donc que les prélèvements au profit des fonds départemental et régional de péréquation de la CVAE soient opérés sur la croissance totale de la CVAE et non sur la seule part de cette croissance excédant la croissance moyenne nationale .

Votre rapporteur regrette que, malgré les travaux approfondis menés par la commission des finances sur ce sujet, le Gouvernement n'ait procédé à aucune évaluation détaillée des conséquences de ces dispositifs de péréquation pour les départements et les régions. Il est souhaitable que ces simulations, que la commission des finances du Sénat avait pourtant demandées dès l'été 2011, soient disponibles en amont de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, afin d'éviter de retrouver le climat d'urgence et d'approximation dans lequel le FPIC a été élaboré lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012.

De même, s'agissant des reversements , votre mission rappelle que les critères prévus par la loi de finances pour 2010, à l'initiative du Sénat, n'ont été modifiés qu'à la marge depuis lors et n'ont jamais fait l'objet d'une évaluation par le Gouvernement.

A l'heure actuelle, pour les départements , ces critères, pondérés par un coefficient d'un sixième chacun, sont les suivants :

- la population ;

- le nombre de bénéficiaires de minima sociaux et la population âgée de plus de 75 ans ;

- la longueur de la voirie rapportée au nombre d'habitants.

Pour les régions , les critères de charge, également pondérés par un coefficient d'un sixième chacun, sont les suivants :

- la population ;

- les effectifs de lycéens dans les lycées publics et privés et les stagiaires de la formation professionnelle ;

- la superficie.

Votre mission ne peut que constater que ces critères, qui semblent pouvoir être améliorés, n'ont fait l'objet d'aucune évaluation par le Gouvernement. Il est également essentiel que les associations d'élus locaux, tant au niveau départemental qu'au niveau régional, expertisent ces critères et qu'un débat ait lieu au comité des finances locales sur ce sujet en amont du vote de la loi de finances pour 2013 afin d'approcher au plus près la réalité des charges pesant sur chacun des territoires

Tant pour les modalités de prélèvement que pour celles de reversement, votre mission rappelle donc son souhait que les effets des fonds départemental et régional de la CVAE soient simulés . Elle insiste sur la nécessité de renforcer ces dispositifs en prévoyant que les prélèvements soient opérés sur l'ensemble de la croissance de la CVAE , sans franchise à hauteur de la croissance moyenne de cette ressource au niveau national.

Proposition n° 16 :

Renforcer les dispositifs départemental et régional de péréquation de la CVAE et simuler leurs effets en amont de l'examen de la loi de finances pour 2013


* 48 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011.

* 49 « Péréquation financière entre les collectivités territoriales : les choix de la commission des finances du Sénat », juillet 2011.

* 50 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010.

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