II. LE DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE À L'ÉPREUVE DES FAITS : UNE APPLICATION TRÈS CONTRASTÉE, UN BILAN POUR LE MOINS DÉCEVANT

Afin d'évaluer l'application du dispositif de recours institué par la loi DALO, vos rapporteurs ont tout d'abord jugé nécessaire de s'assurer de l'exhaustivité des mesures réglementaires prévues par le texte législatif.

Ils ont ensuite souhaité pouvoir porter une appréciation sur les principales caractéristiques, dans la pratique, du fonctionnement du recours amiable. Les demandeurs potentiels sont-ils bien informés de leurs droits ? Quelles sont les principales caractéristiques de l'activité des commissions de médiation ? Quelles sont les difficultés rencontrées dans le traitement des recours et le relogement des demandeurs prioritaires ?

Enfin, vos rapporteurs se sont interrogés sur les enseignements à tirer des procédures contentieuses engagées au titre du DALO. L'ampleur, la portée et les effets des recours juridictionnels déposés devant les tribunaux administratifs ont fait l'objet d'une attention particulière.

A. UN CADRE RÉGLEMENTAIRE AUJOURD'HUI OPÉRATIONNEL

La loi du 5 mars 2007 prévoit, au total, vingt-neuf mesures réglementaires d'application. A ce jour, vingt-quatre d'entre elles ont été adoptées, soit un taux d'application de 89 % . Parmi les cinq mesures non prises, deux mesures étaient prévues pour des articles devenus sans objet.

Il convient de relever que toutes les mesures les plus emblématiques, c'est-à-dire les mesures réglementaires spécifiques à la mise en oeuvre du dispositif DALO, ont été adoptées .

1. Les mesures réglementaires prévues par la loi

Aux termes de la loi, plusieurs dispositions nécessitaient des décrets d'application portant sur les points suivants :

- la détermination des conditions de permanence et de régularité sur le territoire français du séjour des étrangers pouvant se prévaloir du DALO ;

- la définition de la composition des commissions départementales de médiation ;

- les différentes conditions de délai intervenant dans le déroulement de la procédure ;

- les modalités de composition et de travail du comité de suivi de la mise en oeuvre du DALO.

2. Les dispositions d'application édictées par le Gouvernement

Les principales mesures réglementaires d'application prises par le pouvoir exécutif ont été les suivantes :


• Les conditions de permanence de la résidence des bénéficiaires du droit à un logement décent et indépendant ont été précisées par l'article 1 er du décret n°2008-908 du 8 septembre 2008 10 ( * ) . Le Conseil d'État, statuant au contentieux, ayant néanmoins annulé cet article à compter du 1 er octobre 2012, il revient désormais au Gouvernement d'édicter d'ici-là de nouvelles dispositions réglementaires pour se conformer à la loi du 5 mars 2007 11 ( * ) .


• La définition de la composition des commissions de médiation et de ses modalités d'organisation est le fait du décret n°2007-1677 relatif à l'attribution des logements locatifs sociaux, au droit au logement opposable et modifiant le code de la construction et de l'habitation .

La composition des commissions de médiation

L'article R.441-13 du CCH tel qu'il résulte des décrets n°2007-1677 du 28 novembre 2007, n°2009-1684 du 30 décembre 2009 et n°2010-398 du 22 avril 2010 fixe cette composition ainsi :


• trois représentants de l'État, désignés par le préfet ;


• un représentant du département désigné par le président du conseil général ;


• un représentant des EPCI ayant conclu l'accord collectif intercommunal mentionné à l'article L.441-1-1, désigné sur proposition conjointe des présidents des EPCI concernés ;


• un représentant des communes (lorsqu'il n'existe aucun accord collectif intercommunal dans le département, le nombre de représentants des communes est de deux ; à Paris, ces représentants sont désignés par le maire) ;


• un représentant des organismes d'habitations à loyer modéré ou des sociétés d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux et un représentant des autres propriétaires bailleurs ;


• un représentant des organismes chargés de la gestion d'une structure d'hébergement, d'un établissement ou d'un logement de transition, d'un logement-foyer ou d'une résidence hôtelière à vocation sociale, désigné par le préfet ;


• un représentant d'une association de locataires affiliée à une organisation siégeant à la commission nationale de concertation mentionnée à l'article 41 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;


• deux représentants des associations et organisations dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées, désignés par le préfet ;


• une personnalité qualifiée qui assure la présidence et qui dispose d'une voix prépondérante en cas de partage égal des voix, désignée par le préfet.

Le préfet nomme par arrêté, pour une durée de trois ans renouvelable une fois, les membres titulaires et suppléants de la commission. Les fonctions de président et de membre de la commission de médiation sont gratuites. Le secrétariat de la commission est assuré par un service de l'État désigné par le préfet.

Le décret n°2007-1677 détermine, par ailleurs, les différentes conditions de délais qui doivent être respectées dans le cadre de la procédure :

- le délai de désignation par la commission de médiation des demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence est en principe de trois mois à compter de la réception de la demande. Dans les départements d'outre-mer et, jusqu'au 1 er janvier 2014 (période de transition modifiée par le décret n°2010-1275 du 27 octobre 2010 et qui courait initialement jusqu'au 1 er janvier 2011), dans les départements comportant au moins une agglomération, ou une partie d'une agglomération, de plus de 300 000 habitants, ce délai est de six mois à compter de la réception de la demande (article R.441-15 du CCH) ;

- le délai en-deçà duquel les personnes reconnues prioritaires doivent avoir reçu de la part du préfet une offre de logement tenant compte de leurs besoins et capacités est en principe de trois mois à compter de la décision de la commission. Il est de six mois dans les départements d'outre-mer, et jusqu'au 1 er janvier 2014 (période de transition modifiée par le décret n°2010-1275 du 27 octobre 2010 et qui courait initialement jusqu'au 1 er janvier 2011), dans les départements comportant au moins une agglomération, ou une partie d'agglomération, de plus de 300 000 habitants. C'est à partir de la date d'expiration de ce même délai qu'un recours contentieux peut être formé devant la juridiction administrative (article R.441-16-1 du CCH) ;

- le délai de désignation par la commission de médiation des demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires pour l'obtention d'une place d'hébergement est de six semaines au plus (article R.441-18 du CCH) ;

- le délai en-deçà duquel les personnes désignées par la commission de médiation doivent avoir reçu de la part du préfet une offre de place dans une structure d'hébergement est également fixé à six semaines à compter de la réception de la demande. Depuis le décret n°2010-398 du 22 avril 2010, si la commission préconise un accueil dans un logement de transition ou dans un logement-foyer, le délai est toutefois porté à trois mois. A l'expiration, selon les cas, de l'un ou l'autre de ces délais, si l'obligation n'a pas été remplie, le demandeur peut exercer un recours contentieux (article R. 441-18 du CCH) ;

- le délai dont disposent les maires des communes concernées par le logement d'un demandeur reconnu prioritaire pour donner leur avis est de 15 jours (article R. 441-16 du CCH).

Conformément à l'article L. 441-1-4 du CCH, les délais « anormalement longs » définis dans chaque département en fonction des circonstances locales et à partir desquels les personnes qui ont déposé une demande de logement locatif social peuvent saisir la commission de médiation, ont été déterminés par arrêté préfectoral.

Le décret n°2007-1677 du 28 novembre 2007 précise, de surcroît, les critères de définition de certaines catégories de ménages éligibles au DALO :

- la situation des ménages dépourvus de logement est appréciée, le cas échéant, au regard du logement ou de l'hébergement dont il peut disposer en vertu de l'obligation d'aliments définie par les articles 205 et suivants du code civil ;

- les ménages menacés d'expulsion sont ceux ayant fait l'objet d'une décision de justice prononçant l'expulsion ;

- les personnes hébergées dans une structure d'hébergement doivent l'être de façon continue depuis plus de six mois ou être logées dans un logement de transition depuis plus de dix-huit mois ;

- pour les ménages vivant dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux, il est tenu compte des droits à hébergement ou à relogement prévus par les textes, notamment du code de l'urbanisme ;

- les logements indécents sont ceux présentant au moins un des risques pour la sécurité ou la santé énumérés à l'article 2 du décret du  30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, ou auxquels font défaut au moins deux des éléments d'équipement et de confort mentionnés à l'article 3 du même décret, ou bien d'une surface inférieure aux surfaces mentionnées à l'article D. 542-14 du code de la sécurité sociale.

La notion de « logement adapté aux besoins et aux capacités » des bénéficiaires du DALO a été précisée par le décret n°2011-176 du 15 février 2011 .


• Publié le jour même de la promulgation de la loi, le décret n°2007 295 du 5 mars 2007 institue le comité de suivi de la mise en oeuvre du DALO en lui confiant une triple mission : formuler toute proposition relative à la mise en oeuvre du DALO, donner son avis sur toute question dont le Gouvernement est saisi et élaborer chaque année un rapport qu'il remet au Président de la République, au Premier ministre et au Parlement. Le comité de suivi, placé auprès du ministre chargé du logement, a été installé le 5 juillet 2007. Son secrétariat est assuré par la direction générale de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) 12 ( * ) .


• Bien que non explicitement prévus par la loi, les décrets n°2008-1227 du 27 novembre 2008 puis n°2009-400 du 10 avril 2009 ont apporté des compléments nécessaires au code de justice administrative. Ils précisent notamment que les recours contentieux sont présentés dans un délai de quatre mois à compter de l'expiration des délais prévus pour le relogement ou l'hébergement.


• Le décret n°2010-398 du 22 avril 2010 relatif au DALO procède, quant à lui, à un ajustement de la procédure amiable en prévoyant notamment l'obligation pour le préfet d'informer régulièrement la commission de médiation des relogements et des accueils réalisés ainsi que des décisions juridictionnelles en cas de recours en annulation dirigé contre ses décisions. Cette commission est tenue d'élaborer chaque année un rapport comportant le relevé statistique de ses décisions et l'analyse de son activité. Le décret prévoit, par ailleurs, la procédure d'agrément dans le département des associations de défense des personnes en situation d'exclusion qui y mènent des actions en faveur du logement des personnes défavorisées.

La circulaire n°2007-33 du 4 mai 2007 est venue présenter à l'administration déconcentrée les articles du chapitre I er de la loi du 5 mars 2007, en indiquant notamment les conditions de leur entrée en vigueur.

Toutes les mesures réglementaires d'application requises par la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 ont ainsi été publiées, permettant de rendre le dispositif opérant et de le préciser ou de l'ajuster si nécessaire.


* 10 Décision n°322326 du 11 avril 2012.

* 11 L'article annulé à compter du 1 er octobre 2012 subordonne le DALO de certains travailleurs migrants au sens de la convention internationale du travail n°97 du 1 er juillet 1949 à une condition de résidence préalable de deux ans sur le territoire national qui ne s'applique pas aux ressortissants nationaux. En outre, le décret a méconnu le principe d'égalité en excluant du bénéfice du DALO les détenteurs de plusieurs catégories de titre de séjour.

* 12 Sa composition, amendée par les décrets n°2007-1345 du 13 septembre 2007 et n°2010-1275 du 27 octobre 2010, est détaillée en annexe du présent rapport.

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