III. LA FORMATION ET L'EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES

A. LE PROFOND RENOUVELLEMENT DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES OPÉRÉ PAR LA LOI DE 2005

1. Un changement de paradigme

Fondé par la loi d'orientation du 30 juin 1975, le dispositif français d'insertion professionnelle des personnes handicapées repose sur un double mécanisme d'incitation à l'embauche : l'octroi d'aides spécifiques et la pénalisation financière des entreprises qui ne participent pas à cet effort de recrutement.

La loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés a instauré une obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) pour tous les employeurs, y compris publics, ayant vingt salariés ou plus, dans la proportion de 6 % de l'effectif total . Les employeurs privés ont la faculté de s'acquitter de cette obligation en versant une contribution annuelle à l'association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), dont les statuts ont été agréés par l'Etat en 1988.

La loi du 11 février 2005 marque une nouvelle étape en promouvant l'intégration professionnelle des personnes handicapées, laquelle devient un élément à part entière de leur citoyenneté . Le principe de non-discrimination en raison du handicap et l'égal accès à l'ensemble des dispositifs de la politique de l'emploi et de la formation professionnelle sont réaffirmés. La politique menée à l'égard des travailleurs handicapés doit s'appuyer autant que possible sur les dispositifs de droit commun, complétés, autant que nécessaire, par les dispositifs spécifiques.

La loi « Handicap » consacre ainsi un changement radical de philosophie : alors que la question de l'emploi des personnes handicapées était traditionnellement appréhendée à partir de l'incapacité de la personne, dont la capacité n'était jugée que résiduelle, l'objectif est désormais de partir de l'évaluation de ses capacités . Dans cette approche, le projet professionnel de la personne handicapée est considéré comme un élément central de son projet de vie.

2. Le renforcement de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés

La loi de 2005 a enrichi les dispositifs destinés à encourager l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés.

a) Une obligation d'aménagement des postes de travail

La loi met tout d'abord à la charge de l'employeur , au nouvel article L. 5213-6 du code du travail, une obligation générale de prendre « les mesures appropriées » pour permettre aux travailleurs handicapés « d'accéder ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser, ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée » .

Cette notion de « mesures appropriées » signifie que les employeurs sont tenus de procéder à des aménagements dit « raisonnables » des postes de travail, le caractère raisonnable de ces aménagements étant notamment apprécié au regard des aides dont ils sont susceptibles de bénéficier pour y procéder.

b) Une obligation de négocier sur l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés

La loi encourage également la négociation sur des mesures tendant à l'insertion professionnelle et au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés . Ces mesures doivent faire l'objet d'une négociation triennale par les organisations liées par une convention ou des accords de branche, et d'une négociation annuelle dans les entreprises soumises à l'obligation de négociation annuelle ; la périodicité de la négociation d'entreprise est portée à trois ans dès lors qu'un accord collectif est signé par l'entreprise.

c) La rénovation du dispositif d'obligation d'emploi

La loi maintient le quota de 6 % de travailleurs handicapés pour tout établissement dont l'effectif atteint ou dépasse vingt salariés, tout en introduisant des évolutions majeures .

Un nouveau mode de calcul de l'OETH

Abandonnant l'ancien système des « unités bénéficiaires », qui pondérait le nombre de personnes handicapées employées en fonction de leur degré de handicap, la loi de 2005 modifie le mode de calcul du taux d'emploi de travailleurs handicapés :

- l'effectif de l'entreprise à prendre en compte inclut désormais l'ensemble des salariés, y compris ceux qui occupent des emplois autrefois dits « exclus ». Dès lors, le taux de 6 % correspond désormais à un nombre effectif de salariés handicapés ;

- chaque bénéficiaire de l'obligation d'emploi est décompté pour une unité, qu'il soit en contrat à durée indéterminée ou déterminée ;

- tout salarié handicapé est retenu dans le décompte, s'il a été présent dans l'entreprise entre le 1 er janvier et le 31 décembre.

A noter que la loi du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion a modifié le décompte des bénéficiaires de l'OETH, en supprimant la règle des six mois de présence minimum dans l'entreprise.

Les modalités de réponses à l'OETH

Le législateur de 2005 a souhaité développer à la fois des mesures incitatives à l'emploi des personnes handicapées et des mesures coercitives .

Ainsi, les employeurs disposent de cinq modalités de réponses à l'OETH, lesquelles peuvent se combiner :

- l'emploi direct de travailleurs handicapés ;

- l'emploi indirect via des contrats de sous-traitance, de prestation de service ou de mise à disposition avec des établissements agréés du secteur protégé (établissements et services d'aides par le travail ou des centres de distribution de travail à domicile) ;

- l'accueil de stagiaires handicapés ;

- la mise en oeuvre d'un accord agréé de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement relatif à l'emploi des personnes handicapées (accord dit « exonératoire ») ;

- le versement d'une contribution annuelle à l'Agefiph , dont le montant, dû pour chaque bénéficiaire « manquant », est augmenté 19 ( * ) .

La loi de 2005 prévoit également une forte pénalité pour les établissements n'ayant entrepris aucune action « positive » relative à l'emploi de travailleurs handicapés durant quatre années consécutives (établissements dits à « quota zéro »), dont le montant est égal à 1 500 fois le Smic horaire par unité bénéficiaire manquante (soit 13 785 euros), quel que soit l'effectif de l'entreprise.


* 19 Pour les entreprises de 20 à 199 salariés, ce montant est de 400 fois le Smic horaire (soit 3 676 euros au 1 er décembre 2011) ; pour les entreprises de 200 à 749 salariés, il est de 500 fois le Smic horaire (soit 4 595 euros au 1 er décembre 2011) ;pour les entreprises de 750 salariés et plus, il est de 600 fois le Smic horaire (soit 5 514 euros au 1 er décembre 2011°.

Rappelons que la contribution à l'Agefiph sert à financer diverses mesures d'aide aux entreprises et aux travailleurs handicapés comme l'organisation de formations, le versement de primes à l'embauche, les aides aux contrats de professionnalisation et à la mobilité, les aides humaines et techniques, l'adaptation du poste de travail, la mise en accessibilité des lieux de travail.

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