C. LES LEVIERS À ACTIVER POUR AMÉLIORER L'ACCÈS ET LE MAINTIEN DANS L'EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES

1. Relever le niveau de qualification

Malgré l'amélioration de la situation des personnes handicapées sur le marché du travail, leur faible niveau de qualification continue d'être un frein majeur d'accès à l'emploi .

Il est donc essentiel d'agir en faveur des jeunes handicapés pour favoriser leur réussite scolaire et leur future insertion professionnelle.

a) Permettre aux jeunes handicapés de poursuivre leurs études

Aujourd'hui, trop peu de jeunes handicapés poursuivent leurs études au-delà du collège pour de multiples raisons : persistance de stéréotypes, phénomène d'autocensure, découragement de l'enfant et de ses parents, manque de débouchés en lycée d'enseignement général et professionnel, mauvaise orientation, déficit d'information...

Au-delà de la nécessaire réflexion sur les moyens d'améliorer la scolarisation des jeunes handicapés évoquée dans la deuxième partie du présent rapport, il apparaît indispensable de mener des actions de sensibilisation et d'information auprès de ces jeunes pour leur donner confiance en eux et leur ouvrir des perspectives d'insertion professionnelle.

Proposition n° 23 : Permettre aux jeunes handicapés de poursuivre leurs études lorsqu'ils en ont les capacités (lutter contre les stéréotypes et le phénomène d'autocensure) et mieux les informer sur les différents parcours de formation

b) Créer une dynamique inclusive entre les jeunes handicapés et les entreprises

Si les jeunes handicapés doivent être encouragés à faire des études, encore faut-il qu'ils puissent anticiper les besoins à venir des employeurs pour construire leur parcours d'études et s'orienter vers les bonnes filières.

Il est alors important que les entreprises, de leur côté, ouvrent leurs portes aux jeunes handicapés en les informant sur leurs besoins futurs, en leur présentant les métiers d'avenir, en les accueillant en stage ou en alternance...

En d'autres termes, bien en amont du premier emploi, il faut rapprocher le monde des jeunes handicapés du monde de l'entreprise.

Proposition n° 24 : Créer une dynamique inclusive entre les jeunes handicapés et les entreprises pour permettre une meilleure adéquation de l'offre et de la demande

2. Permettre un réel accès des travailleurs handicapés à la formation professionnelle

Gage d'employabilité et d'autonomie pour les personnes handicapées, la formation professionnelle doit faire l'objet d'efforts redoublés de la part des pouvoirs publics .

L'accès à la formation, aujourd'hui largement insuffisant, suppose trois préalables : l'accompagnement des personnes handicapées, l'accessibilité des lieux de formation et des formations, la coordination des différents acteurs.

a) Accompagner tout au long du parcours professionnel

L'accompagnement des personnes handicapées est primordial dans le processus d'insertion ou de réinsertion professionnelle. Il doit être effectif tout au long du parcours de formation de la personne handicapée, c'est-à-dire au stade de l'information, de l'orientation, de l'entrée en formation, du suivi des enseignements dispensés, et du passage d'éventuels examens.

Certains publics confrontés à des difficultés d'apprentissage particulières (personnes handicapées mentales, psychiques ou cognitives) nécessitent, par ailleurs, un accompagnement adapté (besoin d'une aide humaine, utilisation de logiciels spécifiques...)

Il importe donc de sensibiliser tous les acteurs de la politique d'insertion professionnelle des personnes handicapées (MDPH, Pôle emploi, mission locale, Cap emploi...) à la nécessité de suivre et d'accompagner ce public tout au long de son parcours de formation, et même tout au long de son parcours professionnel.

En pointe sur cette question, la MDPH de l'Aisne a mis en place un livret de parcours professionnel pour chaque personne handicapée, en collaboration avec l'ensemble des acteurs locaux. Ce livret, composé de plusieurs rubriques (identité, formation, accès à l'emploi, service de santé au travail et maintien dans l'emploi), est une initiative particulièrement intéressante :

- il offre une meilleure lisibilité des différentes étapes du parcours d'insertion professionnelle de son détenteur ;

- il permet d'éviter les répétitions, les oublis, les orientations contradictoires, donc est gage d'une plus grande cohérence dans le parcours ;

- il oblige les différents acteurs à collaborer.

Proposition n° 25 : Inciter les acteurs de la politique d'insertion professionnelle des personnes handicapées (MDPH, Pôle emploi, mission locale, Cap emploi, Direccte...) à mettre en place des outils communs de suivi des parcours professionnels

b) Rendre les lieux de formation et les formations accessibles

Force est de constater qu'aujourd'hui encore l'accessibilité des formations aux personnes handicapées est loin d'être une réalité. Il faut ici entendre accessibilité au sens large :

- celle du transport pour arriver au centre de formation. Comment, en effet, être assidu à une formation si les personnes sont dans l'impossibilité de se procurer un transport adapté régulier ?

- celle du cadre bâti ;

- celle des rythmes d'apprentissage. Trop peu de formations sont actuellement accessibles à temps partiels ou séquencés de manière à respecter les différents rythmes d'apprentissage ;

- celle des méthodes pédagogiques (adaptation de l'écrit, accompagnement humain, aide à la compréhension, supports adaptés...).

Proposition n° 26 : Rendre accessible l'ensemble de la chaîne de formation (du transport pour accéder au centre de formation au contenu des formations dispensées)

c) Coordonner les politiques des différents acteurs

Déjà dénoncés lors de l'examen de la loi de 2005, l'éclatement institutionnel de la politique de formation des personnes handicapées et l'absence de coordination au niveau régional n'ont que peu évolué.

La mise en place, en 2011, des contrats de plan régional de développement de la formation professionnelle (CPRDFP) 28 ( * ) , des schémas régionaux d'organisation médico-sociale (Sroms) 29 ( * ) et des contrats d'objectifs et de moyens relatif au développement de l'apprentissage (Com apprentissage) 30 ( * ) , laisse toutefois augurer une amélioration de la situation.

Proposition n° 27 : Accélérer la mise en oeuvre d'une politique de formation concertée au niveau régional

3. Rendre effective l'obligation d'accessibilité des lieux de travail

Le décret n° 2009-1272 du 21 octobre 2009, pris en application de l'article 41 de la loi de 2005, précise que tous les lieux de travail , y compris les locaux annexes, doivent être accessibles aux personnes handicapées , quel que soit leur handicap. Ces personnes doivent pouvoir accéder à ces lieux, y circuler, les évacuer, se repérer, communiquer avec la plus grande autonomie possible. Cette obligation ne concerne toutefois que les bâtiments neufs ou les parties neuves d'un bâtiment existant.

Le décret renvoie à un arrêté des ministres chargés du travail, de l'agriculture et de la construction la définition des modalités techniques assurant cette accessibilité .

Or, comme l'a signalé Arnaud de Broca, secrétaire général de la fédération nationale des accidentés du travail et handicapées (Fnath), à plusieurs reprises aux rapporteurs, cet arrêté, bien qu'annoncé pour avril 2010, n'est toujours pas paru .

Proposition n° 28 : Publier, dans les plus brefs délais, l'arrêté relatif aux modalités techniques assurant l'accessibilité des lieux de travail neufs

4. Poursuivre l'aménagement des postes de travail

L'aménagement des postes de travail est un outil indispensable à l'insertion et au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés. Il peut s'agir d'aides techniques, de réorganisation des tâches et des rythmes de travail, d'une nouvelle conception des espaces de travail, etc.

Qui plus est, l'aménagement des postes de travail ne bénéficie pas seulement aux travailleurs handicapés, mais aussi aux travailleurs valides. Tout salarié peut en effet, un jour ou l'autre, avoir besoin d'un aménagement de poste après un arrêt maladie, une maladie professionnelle, un accident du travail ou une grossesse. Qu'il s'agisse d'une fragilité d'origine professionnelle ou non, le salarié a droit à exercer ses fonctions dans les meilleures conditions possibles.

Proposition n° 29 : Poursuivre l'aménagement des postes de travail

5. Mobiliser autour du maintien dans l'emploi des personnes handicapées
a) Prévenir les licenciements pour inaptitude

Les 120 000 licenciements pour inaptitude recensés chaque année montrent que le handicap, survenu en cours de carrière, se traduit le plus souvent par une sortie de l'entreprise , alors que d'autres solutions auraient pu être envisagées : adaptation du poste de travail, proposition d'un nouvel emploi au sein de l'entreprise, perspective d'emploi externe à l'entreprise...

Proposition n° 30 : Faire de la prévention des licenciements pour inaptitude un axe fort de la politique de maintien dans l'emploi des personnes handicapées

b) Dresser un bilan des accords en faveur de l'emploi des personnes handicapées

Plusieurs auditionnés ont alerté sur la nécessité de dresser un bilan des accords de branche, d'entreprise ou d'établissement relatifs à l'emploi des personnes handicapées qui, une fois agréés par la direction départementale du travail et de la formation professionnelle (DDETP), exonèrent de la contribution à l'Agefiph.

Si certains accords ont fixés des objectifs ambitieux tant en termes de recrutement des personnes handicapées que de maintien dans l'emploi, il apparaît que d'autres le sont beaucoup moins, faute d'une implication suffisante des partenaires sociaux sur ces sujets.

Proposition n° 31 : Réaliser un bilan des accords « exonératoires » pour l'emploi des personnes handicapées

6. Améliorer le pilotage de la politique en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées
a) Un pilotage défectueux

Depuis la loi de 2005, plusieurs éléments ont modifié l'organisation et la gouvernance de la politique en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées :

- la création du fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) en 2005 ;

- la création de Pôle emploi, en 2008, pour réorganiser le service public de l'emploi ;

- enfin, la réforme de l'AAH, selon laquelle toute demande ou renouvellement de la prestation est désormais systématiquement assorti d'une évaluation des capacités professionnelles de la personne concernée.

Or, l'évolution de ce contexte et ses conséquences sur la gouvernance des politiques en faveur de l'emploi ont été mal anticipées. Il en a résulté des dysfonctionnements dans le pilotage des politiques d'insertion professionnelle des personnes handicapées :

- un rôle trop effacé de l'Etat et du service public de l'emploi ;

- un climat empreint de méfiance entre, d'une part, Pôle emploi et l'Agefiph, d'autre part, l'Agefiph et les Cap emploi.

Pour ces raisons, il est apparu nécessaire de clarifier le rôle des différents acteurs et de veiller à la construction de partenariats efficaces afin de mieux répondre aux attentes des personnes handicapées et des employeurs.

b) La loi du 28 juillet 2011, une révision nécessaire du système de gouvernance

Le volet « politique de l'emploi en faveur des personnes handicapées » de la loi du 28 juillet 2011 poursuit deux objectifs :

- réaffirmer la place du service public de l'emploi et de l'Etat dans le pilotage des politiques d'insertion professionnelle des personnes handicapées ;

- redonner une existence légale aux Cap emploi , qui ont démontré leur compétence spécifique en termes de placement et d'orientation professionnelle des personnes handicapées.

Sa mesure-phare est la signature d'une convention nationale pluriannuelle d'objectifs et de moyens (Cpom) entre l'Etat, Pôle emploi, l'Agefiph, le FIPHFP et la CNSA, laquelle fait ensuite l'objet de déclinaisons régionales ou locales associant les MDPH et l'ensemble des acteurs concourant à l'insertion professionnelle des personnes handicapées.

Cette convention prévoit :

- les modalités de mise en oeuvre des objectifs fixés en matière d'insertion professionnelle des personnes handicapées ;

- les services rendus aux travailleurs handicapés et aux employeurs qui souhaitent les recruter ;

- les modalités de mise en oeuvre de l'activité de placement et les conditions du recours aux Cap emploi ;

- les actions, prestations, aides ou moyens mis à disposition du service public de l'emploi et des Cap emploi par l'Agefiph et le FIPHFP ;

- les modalités de partenariat entre les MDPH, le service public de l'emploi, l'Agefiph et le FIPHFP, ainsi que les moyens attribués aux MDPH pour s'acquitter de leur mission d'évaluation et d'orientation professionnelle.

Les conditions d'une meilleure gouvernance étant désormais posées, il revient aux acteurs de la faire vivre.


Principales dispositions de la loi n° 2011-901 du 28 juillet 2011
relatives à la politique de l'emploi en faveur des personnes handicapées

- Une convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens (Cpom) est conclue entre l'Etat, Pôle Emploi, l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) et la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Elle fait l'objet de déclinaisons régionales ou locales associant les MDPH et les acteurs concourant à l'insertion professionnelle ;

- Le FIPHFP pourra désormais bénéficier à des organismes ou associations contribuant par leur action à l'insertion professionnelle des personnes handicapées sous réserve de la signature d'une convention ;

- Le positionnement des Cap emploi est renforcé ;

- Le rôle des établissements médico-sociaux pour enfant handicapé ou relevant de la protection et des établissements et services d'aide par le travail (Esat) en matière de formation professionnelle est reconnu en ce qui concerne les actions de préformation, de formation et de préparation à la vie professionnelle qu'ils mènent ;

- Le rôle des entreprises adaptées et des centres de distribution de travail à domicile est défini plus précisément ;

- Les critères d'accès à l'aide au poste pour les entreprises adaptées sont modifiés.


* 28 Créé par la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, le contrat de plan régional de développement de la formation professionnelle (CPRDFP) vise à définir une programmation à moyen terme des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes, et d'assurer un développement cohérent de l'ensemble des filières de formation.

* 29 Créé par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, le schéma régional d'organisation prend place au sein du projet régional de santé (PRS), qui a vocation à mieux intégrer désormais non seulement les soins hospitaliers, mais aussi la prévention, les soins ambulatoires et la prise en charge médico-sociale. Aux termes de la loi, le Sroms veille explicitement à l'articulation au niveau régional de l'offre sanitaire et médico-sociale.

* 30 Par la circulaire DGEFP n° 2011-06 du 2 février 2011, une deuxième génération de contrats d'objectifs et de moyens pour le développement et la modernisation de l'apprentissage conclus entre l'Etat et les conseils régionaux a vu le jour. L'objectif est double : augmenter les effectifs d'apprentis et se doter d'un appareil de formation adapté aux besoins des territoires.

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