B. PROPOSITIONS FAITES PAR LE RAPPORT DU HAUT CONSEIL DE LA SANTÉ PUBLIQUE, 2010

- Développer l'approche interdisciplinaire à tous les niveaux de la réflexion, de la recherche et de l'acquisition des connaissances, et de l'action orientée vers la veille, l'alerte, et la réponse ;

- Intégrer les risques liés aux maladies infectieuses émergentes aux programmes d'éducation à la santé des citoyens et aux formations, initiale et continue, des professionnels des différents secteurs concernés, et identifier cette thématique dans les programmes de recherche, depuis la recherche fondamentale jusqu'à la recherche appliquée ;

- Élaborer un plan générique maladies infectieuses émergentes pouvant être décliné et adapté en fonction des diverses pathologies concernées. Ce plan pourrait être construit à partir des différents plans nationaux existants (Nucléaire-radiologique-bactériologique-chimique (NRBC), grippe, variole...) ; l'intégration de ces plans spécifiques formerait le plan générique souhaité, dont la structure serait mise en cohérence avec le plan européen existant sur ce thème ; Du point de vue international, ce plan permettrait d'honorer les engagements de la France vis-à-vis du Règlement sanitaire international ;

- Ce plan générique devrait être placé sous la responsabilité d'une coordination interministérielle permanente, chargée de la préparation, de la continuité de la vigilance et de la gestion de ces situations critiques ;

- Organiser le maintien d'une forte réactivité des organisations et de moyens spécifiques pouvant être mobilisés d'urgence , au sein de ces organisations ;

- Assurer la maintenance et la continuité d'un dispositif prêt à être activé , notamment parce qu'une veille constante et permanente est nécessaire pour comprendre les processus d'émergence. Un tel dispositif serait aussi plus apte à réagir en conditions de crises ;

- Mettre en place un groupe d'expertise multidisciplinaire permanent (approche d'expertise collégiale). Pôle d'échanges de données actualisées, il aurait pour mission, outre la poursuite et la finalisation de ce rapport intermédiaire, d'interpréter, d'analyser et de réagir « en temps réel » par rapport à un événement infectieux émergent, permettant de moduler le(s) plan(s) d'action initial (aux). Pour ce faire, il produirait un bilan à échéance fixée et rapprochée (fréquence à définir) sur les maladies infectieuses en France, comportant deux volets étroitement liés :


• une analyse critique rétrospective des événements écoulés impliquant tous les acteurs, d'où seraient tirés des enseignements pour permettre l'évolution des organisations ;


• des orientations et propositions de recherche pour répondre à des questionnements nouvellement apparus, et d'actions découlant de cette réflexion.

- Ce groupe devrait, dans sa composition, comporter des experts permanents et mobiliser les compétences appropriées , y compris dans le domaine SHS, selon les pathologies concernées. Son bilan serait transmis aux autorités interministérielles compétentes dont la réflexion permettrait ensuite de dégager le contenu et l'approche de communication publique, ainsi que sa mise en forme, en vue de promouvoir une sensibilisation durable de la société ;

- Améliorer la place internationale de la France et sa capacité dans la recherche biomédicale portant sur les agents infectieux émergents incluant les agents de classe 3 et 4 (laboratoires de sécurité, programmes de recherche) ;

- Disposer au niveau national d'un fonds d'urgence et d'outils permettant de mettre en place en urgence un programme d'identification, d'évaluation et de réponse vis-à-vis d'un agent infectieux mal caractérisé ou inconnu ;

- Redévelopper l'entomologie médicale et vétérinaire qui est en perte de vitesse dans notre pays, ainsi que mieux intégrer la connaissance actuelle sur les animaux réservoirs dans la veille, la surveillance et la recherche ;

- Accroître notre potentiel national sur la connaissance fondamentale des agents infectieux émergents en développant la recherche descriptive ; inclure ces descriptions dans une démarche systématique mettant en évidence les liens de proximité phylogénétique entre les différents agents pathogènes décrits (taxinomie et systématique); le génotypage de souches ne pouvant suffire à lui-même, il conviendra de doubler cette recherche d'une étude conjointe des populations d'hôtes et d`espèces, en prenant en compte leur dimension géographique ;

- Accroître notre connaissance fondamentale des maladies infectieuses émergentes en choisissant des modèles clinico-biologiques et socio-écologiques d'étude prenant en compte l'intégralité du système (compartiments environnemental, animal et humain), et la géographie de leur distribution (phylogéographie) ;

- Développer notre compréhension sur la transmissibilité à l'humain de certains agents émergents d'origine environnementale ou zoonotique en développant, par l'expérimentation, des études cellulaires et sur tissus biologiques (expérimentation) ;

- Promouvoir l'usage raisonné des anti-infectieux, le rôle de l'humain étant primordial dans la sélection des agents infectieux résistants ;

- Mieux prendre en considération la dimension spatiale à laquelle la diffusion peut opérer, et développer de nouvelles approches tenant mieux compte de l'hétérogénéité des situations (personnes ciblées, urbain-rural, hôpital-domicile,...), et exigeant des traitements différents entre elles en y incluant les aspects psychosociaux ;

- Développer les analyses mathématiques et les simulations de scenarii qui permettront une aide à la décision sur les choix sanitaires ;

- Développer des recherches sur de nouveaux principes et molécules actifs ;

- Adopter une démarche issue de la biologie et de la dynamique des systèmes tenant mieux compte de la complexité du vivant ; un agent infectieux émergent étant une partie d'un système plus complexe, favoriser la démarche mathématique et informatique utilisant des approches hypothético-déductives pour comprendre la transmission (modélisation épidémiologique) ;

- Rapprocher l'approche médicale, vétérinaire et entomologique, notamment parce qu'une large part des maladies infectieuses émergentes sont d'origine zoonotique . Développer notre compréhension sur le rôle des espèces hôtes, réservoirs et vecteurs, dans le phénomène d'émergence ; améliorer notre connaissance sur les compétences des vecteurs et réservoirs dans la transmission en considérant que celles-ci ne sont pas dichotomiques (espèces compétentes versus non compétentes), mais qu'il peut exister un continuum de compétences différentielles permettant d'expliquer certains cas d'émergence (maladie dite de la « langue bleue » du mouton) ; adopter ici une approche systémique de la transmission locale prenant mieux en compte l'hétérogénéité des situations ;

- Améliorer notre connaissance sur les maladies infectieuses d'origine tropicale, en adoptant une politique nationale de coopération avec certains pays du Sud, en particulier dans les zones où existent des territoires français d'outre-mer et dans les zones fournissant un fort flux d'immigration vers notre pays ;

- Etendre nos activités internationales avec le Réseau des Instituts Pasteur, de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) plus particulièrement, en optant pour une meilleure politique de coordination inter-organismes nationaux en partenariat avec des pays du Sud où le problème d'émergence d'agents infectieux semblent aujourd'hui plus inquiétant (Asie du Sud-est, Afrique de l'Ouest et Centrale,...) ;

- Reconsidérer notre approche sur l'inférence causale des maladies infectieuses émergentes en tenant mieux compte de la multifactorialité des phénomènes et des déterminants en jeu ;

- Développer l'approche statistique, mathématique et informatique incluant la hiérarchisation dans l'espace (du global au local) et dans le temps (temps court « épidémiologique » et temps long « dynamique et évolutif ») des différents facteurs et déterminants causatifs ;

- Encourager la recherche sur les causalités socio-économiques, politiques et culturelles ; développer une culture intégrant les déterminants distaux dans la recherche, la veille et la surveillance ;

- Comprendre et échanger avec des groupes d'expertises dans d'autres domaines de la sécurité : industrielle, militaire, énergie nucléaire... Développer en particulier les approches de simulation et de modélisation des événements rares et/ou extrêmes .

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