N° 652

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 juillet 2012

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le compte d' affectation spéciale « Pensions »,

Par M. Francis DELATTRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Adnot, Mme Michèle André, MM. Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, François Marc, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung.

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1) Les objectifs fixés lors de la création du compte d'affectation spéciale ont été partiellement atteints .


• Innovation de la LOLF, la création du CAS « Pensions » a incontestablement permis d'améliorer la transparence budgétaire , en retraçant dans un document unique l'ensemble des dépenses de pensions de l'Etat et les recettes concourant à leur financement.


• En revanche, des interrogations demeurent sur l'atteinte de l'objectif de responsabilisation des gestionnaires : si la mise en place du CAS a permis une prise de conscience accrue des coûts complets engendrés par le recrutement des fonctionnaires, il est difficile d'établir que l'information disponible sur le coût des pensions ait influencé les choix de gestion et de recrutement.

2) Les prévisions de recettes et de dépenses doivent continuer à être améliorées .


• Les efforts doivent être poursuivis pour améliorer la modélisation des prévisions de dépenses , lesquelles sont soumises à divers aléas (notamment la conjoncture économique, les hypothèses d'inflation et les comportements individuels de départ en retraite).


En recettes , un indicateur mesurant les écarts entre les prévisions et l'exécution pourrait être introduit , sur le modèle de celui existant aujourd'hui pour le volet « dépenses ».

3) Le pilotage du CAS doit être renforcé .


• S'agissant du pilotage global du CAS, les ministères employeurs pourraient être mieux associés au dispositif d'alerte en cas de dérapage des dépenses et/ou d'insuffisance des recettes.


• Les retards observés dans les versements de certains ministères pourraient, quant à eux, être corrigés par deux mesures tendant à :

- exiger de chaque employeur public le versement de ses contributions au CAS le dernier jour de chaque mois ;

- instaurer des pénalités financières en cas de non-respect de ces délais de versement.


• Plus généralement, en ce qui concerne la chaîne de gestion des pensions , il convient de :

- veiller à ce que la réforme impulsée par la révision générale des politiques publiques ne soit pas « vidée de sa substance » : le maintien de structures au sein des ministères employeurs redondantes avec le service des retraites de l'Etat (SRE) réduirait considérablement les gains de productivité attendus ;

- revoir les modalités de versement des traitements attachés à la Légion d'honneur et à la médaille militaire , dont le coût du traitement des dossiers est aujourd'hui supérieur aux sommes versées.

4) La mesure de la performance doit être complétée par un nouvel indicateur .

Les travaux en cours sont à poursuivre pour améliorer un des indicateurs de performance, qui mesure le coût moyen de liquidation d'une pension lors de la cessation d'activité, en vue de :

- disposer d'une mesure du coût complet de la fonction « pensions », en intégrant notamment le coût d'intervention des ministères employeurs ;

- définir un indicateur de productivité permettant des comparaisons inter-régimes .

5) L'équilibre du CAS doit être assuré par des ajustements des taux de contribution employeurs, et non par des prélèvements sur le fonds de roulement et des versements exceptionnels du budget général .


• Constitué dès la création du CAS, le fonds de roulement du compte a été doté de 1 milliard d'euros (soit une semaine de dépenses) pour faire face aux décalages de trésorerie en encaissements et en décaissements. Or, en 2011 et en 2012, le CAS a été voté en déséquilibre en loi de finances initiale, l'équilibre étant assuré par des prélèvements sur son fonds de roulement, dont le niveau devrait ainsi être inférieur à 600 millions d'euros fin 2012. Dès la loi de finances initiale pour 2013, il convient que le fonds de roulement soit réabondé pour retrouver son niveau « optimal », évalué à 1 milliard d'euros .


• Pour financer des recettes inférieures aux dépenses, des contributions exceptionnelles au CAS ont également été opérées par des prélèvements sur le budget général de l'Etat. Cette opération n'est pas conforme à la LOLF. L'ajustement entre les recettes et les dépenses doit être opéré par une augmentation des taux de contributions employeurs .

6) Les économies de la réforme des retraites de 2010, entrée en vigueur le 1 er juillet 2011, risquent d'être inférieures aux prévisions .


• Le Conseil d'orientation des retraites procède actuellement à une réactualisation des projections des besoins de financement des différents régimes de retraite, tenant notamment compte des effets de la réforme de 2010, mais aussi de la crise économique. Selon la Cour des comptes, les économies attendues de la réforme de 2010 pourraient être moins élevées que prévu .


Des marges de manoeuvre existent encore en matière de convergence public-privé (réforme des droits familiaux et conjugaux, réforme des catégories dites « actives »...), mais celles-ci sont délicates à mettre en oeuvre et doivent être appréhendées avec précaution, tant les comparaisons entre les différents régimes de retraite sont complexes .

Mesdames, Messieurs,

Lors de l'examen de la proposition de loi organique relative aux lois de finances (LOLF), un compte d'affectation spéciale (CAS) dédié aux pensions de l'Etat a été créé à l'initiative de notre ancien collègue, Alain Lambert, alors rapporteur général de la commission des finances.

Il s'agissait de disposer d'une lisibilité complète des flux relatifs aux pensions, en recettes comme en dépenses , ainsi que de responsabiliser les ministères gestionnaires dans leurs décisions de recrutement.

Les enjeux sont importants : avec 2,3 millions de pensionnés et une dépense annuelle totale de plus de 48 milliards d'euros 1 ( * ) , le régime de retraite de la fonction publique d'Etat constitue le deuxième régime de retraite en France.

Compte tenu de la « paternité » du Sénat dans la création du CAS « Pensions », il était naturel que le rapporteur spécial de votre commission des finances en charge des crédits du CAS soit plus particulièrement vigilant quant à l'atteinte, ou non, des objectifs ayant déterminé sa création.

Par ailleurs, l'examen des derniers projets de loi de finances a soulevé certaines interrogations , notamment celles de :

- la pertinence de la mesure de la performance, question récurrente pour l'ensemble des missions budgétaires de l'Etat ;

- la gestion infra-annuelle de la trésorerie du CAS, des prélèvements ayant été opérés à plusieurs reprises sur le fonds de roulement du compte pour en assurer l'équilibre ;

- la nature des outils mis en place afin de mieux connaître les comportements individuels de départ en retraite des agents publics et d'anticiper les évolutions du nombre de fonctionnaires, dans un contexte de réforme des retraites et de mise en place de normes d'évolution de l'emploi public.

Au regard de ces enjeux, multiples, votre rapporteur spécial a souhaité dresser un bilan de la mise en oeuvre du CAS « Pensions » : s'est-il effectivement affirmé comme un outil de transparence au service de la LOLF ?

A l'issue de ses auditions, son constat apparaît en « demi-teinte » : si la création du CAS « Pensions » a effectivement marqué une étape importante vers une meilleure transparence budgétaire et comptable des opérations liées aux pensions et avantages accessoires versés par l'Etat, les améliorations doivent porter aujourd'hui :

- d'une part, sur la « mise en oeuvre » de cet outil : la qualité des prévisions tant en dépenses qu'en recettes ; le recouvrement des recettes et le pilotage global du dispositif ; l'amélioration de la performance de ce dernier ;

- d'autre part, sur son utilisation comme instrument devant participer à la gestion à long terme des pensions de l'Etat.

I. LA CRÉATION DU CAS « PENSIONS », UN PROGRÈS INCONTESTABLE EN TERMES DE TRANSPARENCE

A. UNE INNOVATION DE LA LOLF

1. Pourquoi un compte d'affectation spéciale dédié aux pensions ?
a) Les limites du dispositif en vigueur sous l'ordonnance de 1959
(1) L'absence de lisibilité sur les dépenses de pensions

L'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances - abrogée par la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) - n'offrait pas de visibilité sur la charge réellement supportée par l'Etat, et plus précisément par chacun des ministères, au titre des pensions de ses fonctionnaires civils et militaires.

Le chapitre 32-97 du budget des charges communes supportait les mesures nouvelles liées aux pensions, tandis que le chapitre 32-97 des ministères correspondait aux mesures acquises de leurs pensionnés.

Dès la loi de finances initiale votée, l'ensemble des crédits des chapitres 32-97 des ministères étaient portés au budget des charges communes par un arrêté de transfert.

(2) L'impossible mesure de l'effort contributif de l'Etat

Par ailleurs, le principe de non affectation ne permettait pas d'établir un lien direct entre ces dépenses et les recettes servant à les financer .

Le mode de budgétisation de ces crédits ne nécessitait ainsi pas - contrairement au dispositif actuel - de faire apparaître un « taux de contribution-employeurs » 2 ( * ) , soit l'effort contributif supporté par les différents employeurs de fonctionnaires civils et militaires.

Cette présentation peu lisible rendait difficile la mise en évidence des évolutions de ce poste de dépenses pourtant dynamique ( cf. infra ), ainsi que de l'effort contributif de l'Etat et des autres « employeurs publics » pour les financer .

Comme l'indiquait notre collègue Philippe Marini, alors rapporteur général, juste avant la création du CAS « Pensions » en 2006 3 ( * ) : « Pas plus qu'il n'y a de régime [de retraite] de l'Etat individualisé 4 ( * ) , il n'y a de compte retraçant les mouvements afférents aux pensions, même si le « jaune » bisannuel « Fonction publique » produit, à titre indicatif, un compte simplifié du régime des pensions civiles et militaires de retraite » 5 ( * ) .

(3) Des limites particulièrement regrettables au regard des enjeux financiers

Les limites de ce dispositif étaient particulièrement regrettables compte tenu des enjeux financiers que représentent les pensions versées aux agents de l'Etat.


Le deuxième régime de retraite par le nombre de pensionnés

Le seul régime de retraite de la fonction publique d'Etat comptait en effet, à la fin de l'année 2010, environ 2,3 millions de pensionnés , soit une dépense totale de prestations de 46,6 milliards d'euros 6 ( * ) , dont 37,1 milliards d'euros au titre des pensions civiles.

Le régime de retraite de la fonction publique d'Etat constitue ainsi le deuxième régime de retraite en France par le nombre de pensionnés et par la masse financière totale versée chaque année.

Poids des pensions des agents de l'Etat dans l'ensemble des prestations servies par les régimes de retraites

Source : annexe au PLF pour 2012 « Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique »


Une dépense fortement dynamique et un poids croissant dans le budget de l'Etat

Par ailleurs, il est à rappeler que, depuis 1990, les dépenses de pensions ont progressé de 177 %, soit à un rythme trois fois plus élevé que la progression des dépenses du budget général .

La part des dépenses de pension dans le budget général a ainsi pratiquement doublé entre 1990 et 2012, passant de 9 % à 17 % des dépenses du budget général au cours de cette période.

Le constat récurrent selon lequel les pensions de la fonction publique sont le principal facteur de progression des dépenses de l'Etat demeure d'actualité et est confirmé par les projections faites sur la période 2011-2014, ainsi que l'illustre le tableau ci dessous.

Evolution des crédits, à champ constant, sur le périmètre de la norme

Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, rapport sur la programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014

b) La création et les principes de fonctionnement du CAS « Pensions »
(1) Une initiative du Sénat

La création d'un compte d'affectation spéciale (CAS) dédié aux pensions est issue d'une initiative d'Alain Lambert, alors rapporteur général de la commission des finances , lors de l'examen de la proposition de loi organique relative aux lois de finances.

Celui-ci « attendait de cette option qu'elle assure une lisibilité complète des flux financiers relatifs aux pensions, en recettes comme en dépenses » 7 ( * ) .

(2) Le rassemblement dans un document budgétaire unique des dépenses de pensions et des recettes concourant à leur financement

Les comptes spéciaux, comme les budgets annexes, ont en effet pour objet de retracer certaines recettes et dépenses du budget de l'Etat qui, en raison de leur nature, doivent faire l'objet d'une comptabilisation particulière . Ils constituent donc des exceptions au principe de non affectation , c'est-à-dire à l'interdiction d'affecter une recette à une dépense.

S'agissant plus spécifiquement des comptes d'affectation spéciale, la LOLF oblige à ce qu'il y ait une « relation directe, par nature » entre la recette et la dépense.

Le compte d'affectation spéciale, l'une des quatre catégories de comptes spéciaux prévus par la LOLF

La LOLF a rationalisé les comptes spéciaux en en restreignant le nombre de catégories à quatre :

1) les comptes d'affectation spéciale : ils concernent des opérations à caractère définitif. La LOLF oblige à ce qu'il y ait une « relation directe, par nature » entre la recette et la dépense du CAS. Dans la loi de finances initiale pour 2012, il existait neuf comptes de cette nature : « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » ; « Développement agricole et rural » ; « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique » ; « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » ; « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » ; « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien » ; « Participations financières de l'Etat » ; « Pensions » ; « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » ;

2) les comptes de commerce : ils retracent les opérations de caractère industriel ou commercial effectuées à titre accessoire par des services de l'Etat. Ils concernent, par exemple, des opérations de gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat, les armées (approvisionnement en produits pétroliers) ou les établissements pénitentiaires (cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire, régie industrielle des établissements pénitentiaires) ;

3) les comptes d'opérations monétaires : ils retracent les recettes et les dépenses de caractère monétaire. Relèvent notamment de cette catégorie : le compte d'émission des monnaies métalliques et celui des opérations avec le Fonds monétaire international (FMI) ;

4) les comptes de concours financiers : ils regroupent les comptes de prêts retraçant les opérations de prêts consentis par l'Etat (il s'agit surtout de prêts à des Etats étrangers réalisés dans le cadre de la politique commerciale ou d'aide au développement) et les comptes d'avance retraçant les avances faites par l'Etat à des collectivités, organismes ou personnes privées.

Le CAS « Pensions » permet ainsi de retracer au sein d'un même document budgétaire l'ensemble des dépenses de pensions dont l'Etat est redevable (l'encadré suivant précise le champ exact des dépenses concernées) et les recettes concourant à leur financement .

Les dépenses retracées dans le CAS, la notion d' « opérations relatives aux pensions et avantages accessoires »

On notera que si la clarification du financement du régime des pensions civiles et militaires de retraite de l'Etat constituait l'objet principal du CAS « Pensions », l'article 21 de la LOLF prévoit plus généralement que sont retracées de droit sur ce compte « les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires ».

Il a ainsi été décidé d'imputer sur ce compte les pensions réunissant les trois conditions suivantes :

1. il doit s'agir d'« avantages » (et non de « versements » en contrepartie d'un travail) à vocation viagère ou quasi viagère ;

2. l'« Etat » doit en être la personne morale redevable ;

3. le bénéficiaire doit être une personne physique , ce qui exclut les versements effectués par l'Etat en vue de financer les pensions à la charge d'autres personnes morales.

C'est pourquoi, sont retracées dans le CAS « Pensions », au-delà des pensions civiles et militaires (qui représentent environ 90 % des dépenses du compte), les pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, les rentes d'accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires, les pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ainsi que d'autres allocations viagères (allocations de reconnaissance de la Nation en faveur des anciens harkis et membres des formations supplétives en Algérie, pensions des sapeurs-pompiers et anciens agents de la défense passive des victimes d'accident,...).

Les dépenses relevant du CAS « Pensions » sont ainsi, par nature, différentes de celles de la mission « Régimes sociaux et de retraite » qui retracent, elles, pour l'essentiel, des subventions d'équilibre versées par l'Etat à des régimes de retraite en fort déséquilibre démographique, au titre de la solidarité nationale (et non en tant qu'Etat-employeur).

(3) Un fonctionnement en équilibre

Une des caractéristiques essentielles d'un CAS tient également à son fonctionnement à l'équilibre.

En effet, l'article 21 de la LOLF prévoit qu' « en cours d'année le total des dépenses engagées et ordonnancées au titre du CAS ne peut excéder le total des recettes constatées ».

L'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances

« I. - Les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées . Ces recettes peuvent être complétées par des versements du budget général, dans la limite de 10 % des crédits initiaux de chaque compte.

« Les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'Etat, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d'affectation spéciale. Les versements du budget général au profit de ce compte ne sont pas soumis à la limite prévue au premier alinéa.

« Il en est de même pour les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires . Les versements du budget général au profit de ce compte ne sont pas soumis à la limite prévue au premier alinéa.

« II. - Sauf dérogation expresse prévue par une loi de finances, aucun versement au profit du budget général, d'un budget annexe ou d'un compte spécial ne peut être effectué à partir d'un compte d'affectation spéciale.

« En cours d'année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d'un compte d'affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées, sauf pendant les trois mois suivant sa création . Durant cette dernière période, le découvert ne peut être supérieur à un montant fixé par la loi de finances créant le compte.

« Si, en cours d'année, les recettes effectives sont supérieures aux évaluations des lois de finances, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts, par arrêté du ministre chargé des finances, dans la limite de cet excédent. Au préalable, le ministre chargé des finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des raisons de cet excédent, de l'emploi prévu pour les crédits ainsi ouverts et des perspectives d'exécution du compte jusqu'à la fin de l'année.

« Les autorisations d'engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d'année sont reportés sur l'année suivante, dans les conditions prévues aux II et IV de l'article 15, pour un montant qui ne peut excéder le solde du compte. »

La LOLF impose ainsi une double limitation de la dépense du CAS. D'une part, la gestion du compte doit être équilibrée au sens où les dépenses ne peuvent pas excéder les recettes constatées . D'autre part, la dépense de chaque programme est limitée par les crédits inscrits en loi de finances .

2. Un CAS structuré en trois programmes d'inégale importance

Au sens des articles 7 et 47 de la LOLF, le CAS « Pensions » constitue, en outre, une mission budgétaire hors budget général et fait donc l'objet d'un vote chaque année lors de l'examen du projet de loi de finances .

L'article 51 de la loi de finances pour 2006 en a définit la structure et décrit l'ensemble des recettes et des dépenses qui y sont retracées.

a) Le CAS « Pensions » comprend trois sections

De façon générale - l'annexe 1 au présent rapport revient sur le détail des dépenses et recettes de chacun des programmes -, il convient de noter que le CAS est subdivisé en trois sections :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » , placé sous la responsabilité du directeur du service des retraites de l'Etat (SRE). Il retrace les opérations relatives au régime de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'Etat. Il représente, de loin, le programme le plus important du CAS, soit 91 % de ses dépenses en 2010 ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'Etat » , sous la responsabilité de la direction du budget. Il regroupe, quant à lui, les dépenses et recettes du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels d'Etat (FSPOEIE) et du fonds RATOCEM (rentes d'accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires), soit 4 % de la dépense totale du CAS « Pensions » ;

- enfin, le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » , sous la direction, comme le programme 741, du directeur du SRE. Il correspond aux dépenses et recettes consacrées aux pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ainsi qu'aux dépenses relatives à certaines allocations viagères, soit 5 % de la dépense totale du CAS « Pensions ».

Source : projet annuel de performances pour 2012 - CAS « Pensions »

b) Les dépenses retracées au sein de ces trois programmes sont très majoritairement constituées de crédits de titre 2

Bien que le CAS ne comporte aucun emploi, les dépenses du compte sont essentiellement constituées de dépenses de titre 2 , ce qui s'explique par le fait que les prestations versées peuvent être assimilées, soit à des compléments, soit à des substituts de rémunération (pensions de retraites ou d'invalidité). Seul le programme 743 présente des crédits d'intervention (titre 6).

Les dépenses du CAS sont plus précisément de cinq ordres :

- les pensions et leurs compléments, soit la majeure partie des dépenses du compte ;

- les diverses pensions ou équivalents de pensions financés par l'Etat au titre d' engagements historiques et de reconnaissance de la Nation ;

- les transferts de compensation entre régimes qui visent à compenser les disparités démographiques et de capacités contributives entre les régimes obligatoires de retraite de base ;

- les affiliations rétroactives au régime général et à l'IRCANTEC (régime complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques) qui concernent la situation d'un agent quittant la fonction publique avant d'avoir effectué une durée minimale de service (quinze ans, portée à deux ans depuis la réforme de 2010) et qui, de ce fait, se trouve affilié rétroactivement au régime général d'assurance vieillesse ou à l'IRCANTEC ; des versements sont, dans ce cas, effectués du CAS « Pensions » vers ces deux régimes ;

- enfin, les allocations temporaires d'invalidité .

En revanche, les coûts de gestion du « régime des retraites de l'Etat » ne sont pas inscrits au compte d'affectation spéciale, mais en dépenses du budget général au sein, pour partie 8 ( * ) , du programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur local » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » .

c) Les recettes du CAS reposent pour l'essentiel sur les « contributions employeurs »

Quant aux recettes du CAS, elles regroupent :

- les contributions employeurs acquittées par les différents organismes employant des fonctionnaires civils ou militaires (Etat, établissements publics, France Télécom, La Poste, etc . ). Le taux de cette contribution est en 2012 de 68,59 % pour les pensions de retraite des agents civils, de 0,33 % au titre des allocations temporaires d'invalidité et de 121,55 % pour les militaires ;

- les cotisations salariales correspondant à une retenue sur le traitement indiciaire brut des fonctionnaires civils, militaires et des personnels ouvriers de l'Etat. Ce taux qui, dans le cadre de la montée en charge de la réforme de 2010, doit progressivement converger vers celui appliqué aux salariés du secteur privé (10,55 %), est de 8,39 % en 2012 ;

- les transferts de compensation ;

- les versements du fonds de solidarité vieillesse ;

- les indus de pensions ;

- les versements réalisés au titre des validations de service et de la prise en compte des périodes d'études ;

- des subventions du budget général , notamment une subvention d'équilibre en faveur du régime des ouvriers des établissements industriels de l'Etat et des versements pour les pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

Il est, en effet, à noter que la logique qui sous-tend le financement des dépenses du programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » est très différente de celle du programme 741 «  Pensions civiles et militaires de retraite ». Alors que la principale ressource de ce dernier programme résulte du versement des contributions employeurs, le programme 743 n'obéit pas à cette logique contributive et est financé par des subventions inscrites en dépenses dans les divers programmes ministériels du budget général concernés : le programme 128 « Coordination des moyens de secours » de la mission « Sécurité civile », le programme 169 « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », ...

Article 51 de la loi de finances pour 2006 créant le CAS « Pensions »

« I. - Le compte d'affectation spéciale prévu au troisième alinéa du I de l'article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances est intitulé : Pensions.

« Ce compte, dont le ministre chargé du budget est ordonnateur principal, comporte trois sections.

« A. - La première section, dénommée : Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité , retrace :

« En recettes :

« a) La contribution employeur à la charge de l'Etat prévue au l ° de l'article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite dont les taux sont fixés par décret ;

« b) Les contributions et transferts d'autres personnes morales prévues au 3° du même article L. 61 ;

« c) La cotisation à la charge des agents prévue au 2° du même article L. 61 ;

« d) Une contribution employeur versée au titre du financement des allocations temporaires d'invalidité prévues par l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

« e) Les versements réalisés par les agents au titre des validations de services et de la prise en compte des périodes d'études et les récupérations des indus sur pensions ;

« f) Les versements de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales effectués en application de l'article 108 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;

« g) Les recettes diverses ;

« En dépenses :

« a) Les pensions versées au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que les majorations de ces pensions attribuées dans les conditions définies par les lois et règlements en vigueur ;

« b) Les transferts vers d'autres personnes morales, dans des conditions définies par les lois et règlements en vigueur ;

« c) Les allocations temporaires d'invalidité ;

« d) Les versements à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales effectués en application de l'article 108 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée ;

« e) Les intérêts moratoires ;

« f) Les dépenses diverses.

« B. - La deuxième section, dénommée : Ouvriers des établissements industriels de l'Etat , retrace :

« 1° En recettes :

« a) Les recettes perçues au titre du régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat dans les conditions définies par les lois et règlements en vigueur ;

« b) Les recettes perçues au titre du régime des rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires ;

« 2° En dépenses :

« a) Les dépenses relatives au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat ;

« b) Les dépenses relatives au régime des rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires.

« C. - La troisième section, dénommée : Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions , retrace :

« 1° En recettes : les versements du budget général relatifs aux pensions militaires d'invalidité et de victimes de guerre ainsi qu'aux pensions ou équivalents de pensions financés par l'Etat au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation ;

« 2° En dépenses : les dépenses relatives aux pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et aux autres pensions ou équivalents de pensions financés par l'Etat au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation.

« II. - En complément du versement annuel prévu pour 2006 au IV de l'article 46 de la loi de finances pour 1997 (n° 96-1181 du 30 décembre 1996), l'établissement public de gestion de la contribution exceptionnelle de France Télécom verse, à titre exceptionnel, au plus tard le 20 janvier 2006, une somme de 1 milliard d'euros au profit de la première section du compte d'affectation spéciale. »

3. Un équilibre assuré essentiellement par le calcul des contributions employeurs
a) L'ajustement des taux de contribution employeurs


Un calcul destiné à assurer l'équilibre du compte

Comme cela a été indiqué précédemment, le CAS doit être en équilibre constant. Par construction, chaque année, cet équilibre est assuré par la contribution employeurs à la charge de l'Etat qui est calculée de manière à ajuster les recettes du compte aux « besoins de financement » .

Les taux de contribution employeurs sont ainsi déterminés chaque année en fonction des dépenses prévisionnelles du CAS, des autres recettes du compte (versements du budget général, cotisations des salariés, etc .) et de l'assiette contributive à laquelle ils s'appliquent, soit une partie de la masse salariale des agents publics.

Il s'agit donc, comme l'indique la Cour des comptes, « de taux d'équilibre jouant le rôle de variables d'ajustement essentielles pour égaliser les recettes du compte à ses dépenses » 9 ( * ) .

Trois taux distincts de contribution de l'Etat-employeur sont retenus chaque année : un taux « civil », un taux « militaire » et un taux « allocations temporaires d'invalidité ». La mise en place de taux de contribution employeurs différenciés s'explique par les conditions spécifiques de liquidation des retraites servies aux personnels militaires qui conduisent à un coût sensiblement différent de celui des personnels civils.

Les « contributions employeurs »

L'Etat, en tant qu'employeur de personnels civils et militaires, doit s'acquitter d'une contribution au titre de l'article L. 61 du code des pensions civiles et militaires, pris en application de l'article 63 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

Cet article prévoit en effet que :

«  La couverture des charges résultant, pour l'Etat, de la constitution et du service des pensions prévues par le présent code et les lois et règlements en vigueur ainsi que des dispositions du code de la sécurité sociale applicables aux régimes spéciaux d'assurance vieillesse est assurée par :

« 1° Une contribution employeur à la charge de l'Etat, assise sur les sommes payées aux agents visés à l'article L. 2 à titre de traitement ou de solde, à l'exclusion d'indemnités de toute nature, dans des conditions fixées par la loi de finances ;

« 2° Une cotisation à la charge des agents visés à l'article L. 2, assise sur les sommes payées à ces agents à titre de traitement ou de solde, à l'exclusion d'indemnités de toute nature, dont le taux est fixé par décret ;

« 3° Les contributions et transferts d'autres personnes morales, dans les conditions définies par les lois et règlements en vigueur. »

Comme en témoigne le tableau suivant, ces taux de contribution sont en constante augmentation depuis 2006.

Evolution du taux de cotisation employeur (historique et prévisionnel)

Année

Taux de cotisation employeur de l'Etat implicite (1995-2005)

Taux de cotisations explicites des employeurs hors Etat

1995

48,60

33

1996

46,20

33

1997

47,40

33

1998

47,40

33

1999

48,60

33

2000

49,20

33

2001

48,70

33

2002

52,30

33

2003

52,70

33

2004

56,80

33

2005

59,40

33

Année

Taux de cotisation employeur de l'Etat explicites (2006-2010)

Taux de cotisations explicites des employeurs hors Etat

Pension de retraite - civils

Pensions militaires

Allocation temporaire d'invalidité - civils

Pension de retraite - civils

Pensions militaires

Allocation temporaire d'invalidité - civils

2006

49,90

100,00

0,30

33,00

0,30

2007

50,74

101,05

0,31

39,50

0,31

2008

55,71

103,50

0,31

50,00

0,31

2009

58,47

108,39

0,32

60,14

0,32

2010

62,14

108,63

0,33

62,14

0,33

2011

65,39

114,14

0,33

65,39

0,33

Source : annexe au PLF pour 2012 « Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique »


Les flux croisés avec le budget général

Une fois fixés, les taux de ces contributions employeurs sont ensuite appliqués à une partie de la masse salariale de chaque ministère et imputés directement sur les programmes des ministères employeurs en tant que dépenses de titre 2 .

Ces dépenses, inscrites dans les programmes des missions budgétaires concernées, viennent ensuite, en cours d'année, abonder les recettes du CAS « Pensions ».

b) La mobilisation du solde cumulé du CAS « Pensions »

Par ailleurs, le CAS « Pensions » est doté, depuis sa création, d'une « marge de trésorerie » correspondant à son solde cumulé , soit l'excédent des recettes encaissées sur les dépenses enregistrées depuis la création du compte.

En effet, le CAS a besoin de pouvoir faire face non seulement aux écarts entre prévisions et réalisations de dépenses (écarts liés notamment aux comportements de départs en retraite difficiles à prévoir), mais aussi au décalage entre les encaissements de cotisations et autres ressources, et les décaissements de prestations .

L'article 51 de la loi de finances pour 2006, qui a créé le CAS « Pensions », avait ainsi prévu le versement au compte d'une recette supplémentaire exceptionnelle, à hauteur d'un milliard d'euros .

L'exposé des motifs de l'article 36 du projet de loi de finances initiale pour 2006 (futur article 51 de la loi de finances pour 2006) justifiait ainsi cette recette supplémentaire :

« Dans le cas du compte « Pensions », le décalage existant, en cours d'exercice, entre le rythme d'encaissement des recettes et le rythme d'engagement des dépenses, notamment pour le programme relatif aux pensions attribuées aux fonctionnaires civils et militaires et aux allocations temporaires d'invalidité servies aux fonctionnaires civils, nécessite la mise en place d'un fonds de roulement ab initio.

« Il est proposé de constituer ce fonds de roulement au moyen d'un versement exceptionnel d'un milliard d'euros provenant de l'établissement public qui est chargé de gérer la soulte de 5,7 milliards d'euros versée en 1997 par France Télécom à l'Etat pour la reprise des engagements de retraite de ses fonctionnaires.

« Destiné uniquement à absorber les décalages de trésorerie infra-annuels, ce fonds de roulement devra être reconstitué à l'identique en fin d'exercice .

« Cette opération [...] a uniquement pour objectif d'assurer au CAS « Pensions » une trésorerie suffisante ».

Ces dernières dispositions n'ont néanmoins pas été totalement respectées, comme cela sera précisé dans la troisième partie du présent rapport.


* 1 Données de l'exécution 2011.

* 2 Cette notion sera précisée dans la suite du présent rapport.

* 3 La loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances a posé le principe de la création d'un CAS dédié aux pensions. Mais la création effective de celui-ci n'est intervenue qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2006.

* 4 A l'inverse, les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers relèvent d'une véritable caisse, juridiquement individualisée : la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

* 5 Rapport général n° 99 (2005-2006) de Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances.

* 6 Exécution 2010. Y compris allocations temporaires d'activité, mais hors ouvriers d'Etat et pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. L'exécution 2011 fait apparaître une dépense totale de 48,4 milliards d'euros.

* 7 Rapport n° 343 (2000-2001).

* 8 L'action 6 du programme 156 retrace les effectifs du service des retraites de l'Etat, ceux de diverses structures du réseau (centres régionaux des pensions, trésorerie générale pour l'étranger) et une part des services informatiques centraux et déconcentrés. En revanche, ne sont pas compris dans cette action les coûts d'intervention des ministères employeurs préparant la primo-liquidation.

* 9 Cour des comptes, Analyses de l'exécution du budget de l'Etat par missions et programmes, « Compte d'affectation spéciale Pensions » - mai 2012.

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