C. DES PRINCIPES EXIGEANTS POUR LE BUDGET DE L'ÉTAT, DES MODALITÉS DE MISE EN oeUVRE À PRÉCISER

1. Un PLF 2013 aux contours encore imprécis, compte tenu des retards dans la budgétisation liés aux élections

Depuis plusieurs années, le Gouvernement dévoile à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques, sans que ce niveau de détail soit requis par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), les grandes lignes du volet « dépenses » du projet de loi de finances pour l'année suivante et publie en particulier le détail chiffré des modalités du respect des normes de dépenses (« zéro volume » et « zéro valeur hors dette et pensions ») ; le périmètre des normes de dépenses ; les évaluations de la charge de la dette, des contributions au CAS « Pensions », du prélèvement sur les recettes de l'Etat en faveur de l'Union européenne, des prélèvements sur les recettes de l'Etat en faveur des collectivités territoriales, des dépenses de personnel et des autres dépenses ; le schéma d'emploi en équivalents temps plein (ETP) par ministère ; le détail des plafonds par mission et leur conformité à la budgétisation triennale.

Du côté des recettes, le rapport en vue du débat d'orientation des finances publiques retrace habituellement les prévisions d'évolution des recettes (IS net, TVA nettes, IR net, TIPP, autres recettes nettes, recettes fiscales nettes) pour les trois années à venir et présente une analyse chiffrée de l'évolution des dépenses fiscales.

Par ailleurs, l'article 15 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 dispose que ce rapport comporte un bilan de la mise en oeuvre de cette loi.

Le rapport présenté cette année ne contient aucune de ces informations, probablement parce que les retards pris dans la construction du projet de loi de finances pour 2013 en raison du calendrier électoral et du changement de majorité ne l'ont pas permis.

2. Une évolution de la maquette budgétaire plus politique que juridique

Le rapport du Gouvernement en vue du débat d'orientation des finances publiques doit comporter, en application de l'article 48 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), « la liste des missions, des programmes et des indicateurs de performances associés à chacun de ces programmes, envisagés pour le projet de loi de finances de l'année suivante ».

Le Gouvernement n'envisage pas de bouleverser, dans le projet de loi de finances pour 2013, la maquette actuelle.

Trois modifications méritent cependant d'être mentionnées, car elles semblent relever d'une logique contraire à celle de la LOLF, dont l'article 7 dispose qu'une « mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie ». Une même politique publique pouvant relever, pour sa mise en oeuvre, de plusieurs départements ministériels, la possibilité de missions interministérielles est prévue.

La maquette proposée par le Gouvernement s'inscrit à rebours de la logique de la LOLF, en adaptant les contours des politiques publiques (et même leur intitulé) aux évolutions des découpages ministériels.

Le rapport du Gouvernement l'admet d'ailleurs en indiquant que « la création d'un ministère de l'égalité des territoires et du logement conduirait à adapter les contours de la mission « Ville et logement » » et, « en conséquence », à la rebaptiser « Egalité des territoires, logement et ville ». De la même façon, « la politique relative à la pêche étant désormais rattachée au ministère de l'écologie, les crédits afférents seraient désormais portés par la mission « Ecologie » » tandis que « la politique en faveur de la sécurité routière étant rattachée au ministère chargé de l'intérieur », le programme sécurité routière serait transféré de la mission « Ecologie » à la mission « Sécurité ».

3. Une méthodologie, un calendrier et des objectifs ambitieux (mais encore à préciser) pour la maîtrise des dépenses

Si la norme globale d'évolution des dépenses publiques sur la période 2013-2017 sera de 0,8 % en volume (en moyenne), la norme qui sera appliquée à l'Etat sera plus stricte puisque le rapport du Gouvernement retient « une stabilisation en valeur des dépenses, hors charge de la dette et de pensions , permettant de financer les engagements du Président de la République ». Même si elle n'est pas mentionnée dans le rapport, le Gouvernement a indiqué que la règle actuelle de stabilisation en volume de l'ensemble des dépenses de l'Etat (dette et pensions comprises) continuerait également de s'appliquer.

Pour favoriser le respect de cette norme, des « sous-normes » sont également édictées pour les trois principaux titres de dépenses du budget de l'Etat (hors charge de la dette) :

- s'agissant des dépenses de personnel du titre 2 (117,7 milliards d'euros en exécution 2011, soit 40 % des dépenses du budget général), le projet de loi de finances pour 2013 devra combiner trois exigences : la stabilité globale des effectifs de l'Etat, la « stabilisation de la masse salariale » en valeur, tout en « garantissant à chacun des fonctionnaires le maintien de son pouvoir d'achat » ;

- s'agissant des dépenses de fonctionnement du titre 3 (46,2 milliards d'euros en exécution 2011, soit 16 % des dépenses du budget général), leur montant devra être réduit de 7 % en 2013 par rapport à 2012 et de 4 % les deux années suivantes.

Le Gouvernement ne précise pas si ces économies devront être réalisées par rapport à l'ensemble des dépenses du titre 3 ou bien si cette norme (comme celle qu'avait fixée le Gouvernement précédent dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, qui consiste à réduire les dépenses de fonctionnement de 5 % en 2011 et de 2,5 % les deux années suivantes) s'applique seulement à une fraction des dépenses de fonctionnement.

Dans la norme actuelle, les trois quarts des dépenses de fonctionnement ne sont pas concernées par les objectifs d'économies, dont sont dispensées les subventions aux opérateurs, les dépenses de fonctionnement du ministère de la défense et les dépenses liées à l'organisation des élections.

En outre, même appliqués à seulement une dizaine de milliards d'euros, les objectifs de réduction des dépenses de fonctionnement n'ont pas été atteints. Dans le projet de loi de finances pour 2012, les crédits n'étaient pas en baisse de 2,5 %, comme l'aurait demandé l'application de la règle, mais de 0,6 %.

Dans le projet de loi de finances pour 2013, les mêmes normes (en dépenses de personnel et de fonctionnement) devraient s'appliquer aux opérateurs et à l'Etat et le montant des subventions versées aux opérateurs devrait en tenir compte.

- S'agissant des dépenses d'intervention du titre 6 (67,9 milliards d'euros en exécution 2011, soit 23 % des dépenses du budget général), il convient de distinguer deux cas.

Les interventions que le Gouvernement qualifie de « pilotables » (autrement dit, discrétionnaires) doivent être soumises aux mêmes règles que les dépenses de fonctionnement. Dans le projet de loi de finances pour 2012, les interventions discrétionnaires représentaient 18,9 milliards d'euros, en baisse de 900 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2011 (et en retrait de 200 millions d'euros par rapport à l'objectif figurant dans la loi de programmation des finances publiques).

Pour les « autres dépenses d'intervention » , qui sont essentiellement - mais pas seulement 59 ( * ) - constituées de dépenses de guichet, les ministères doivent présenter, pour les dépenses de guichet, des propositions « permettant d'en maîtriser l'évolution tendancielle » 60 ( * ) , sans qu'il soit précisé si cette maîtrise pourra s'accommoder d'une légère augmentation ou bien si l'objectif est de neutraliser totalement les effets de l'évolution tendancielle (auquel cas la norme actuelle, consistant à stabiliser le montant des intervention de guichet, serait conservée). Dans le projet de loi de finances pour 2012, les dépenses de guichet représentaient 38,04 milliards d'euros, soit un montant globalement stable (230 millions d'euros de moins qu'en loi de finances pour 2011) et donc conforme à l'objectif de stabilisation figurant dans la loi de programmation des finances publiques.

Les difficultés du précédent Gouvernement à atteindre les objectifs qu'il s'était fixés en matière d'économies de dépenses montrent l'importance qui doit être accordée à la méthodologie et au calendrier . C'est le sens de la démarche du Gouvernement, qui demande « à chaque ministère de produire d'ici la fin du mois de septembre des premières propositions de réforme ». Les propositions des ministres seront ensuite « expertisées par des équipes mixtes et pluridisciplinaires de fonctionnaires », le Parlement étant « associé à la démarche » selon des modalités qui restent à définir.

Les objectifs assignés aux ministres sont « l'amélioration de la qualité de service » et « la diminution et l'optimisation des coûts ».

4. Des règles de gouvernance encourageantes
a) Une meilleure sélectivité des investissements publics

Pour concilier maîtrise des finances publiques et amélioration de la compétitivité de notre économie, le Gouvernement souhaite que les investissements financés par des fonds publics fassent l'objet d'un processus de sélection plus rigoureux et indépendant.

A cette fin, il est proposé d'étendre les compétences du commissariat général à l'investissement, structure rattachée au Premier ministre et créée en 2010 pour gérer les crédits débudgétisés du programme d'investissements d'avenir.

Cette démarche pourrait conduire à une « réunification » de la politique d'investissement de l'Etat , aujourd'hui artificiellement segmentée entre les crédits du budget général relevant des ministères et les crédits du programme d'investissements d'avenir et ce alors même qu'un phénomène de vases communiquant est à l'oeuvre, les ministères désargentés transférant vers les crédits débudgétisés le financement de projets qu'ils auraient dû prendre en charge sur leur budget.

b) Un renforcement de l'encadrement des taxes affectées aux opérateurs

La loi de finances pour 2012 a institué un dispositif de plafonnement du montant du produit des taxes affectées à des opérateurs de l'Etat.

Si elle avait souhaité quelques aménagements (notamment pour faire en sorte que le dispositif s'applique strictement aux opérateurs de l'Etat), la commission des finances du Sénat avait soutenu une démarche consistant à proportionner l'évolution des recettes des opérateurs à celle de leurs besoins, et à éviter qu'une augmentation des recettes plus rapide que prévu ne suscite de nouvelles dépenses (tant de la part des opérateurs eux-mêmes que de leurs ministères de tutelle, toujours tentés par les débudgétisations pour retrouver des marges de manoeuvre).

C'est la même préoccupation qu'exprime le Gouvernement, dans le rapport rédigé en vue du débat d'orientation des finances publiques, lorsqu'il souhaite « éviter une progression dynamique de la dépense lorsque celle-ci n'est pas justifiée par un objectif de politique publique ».

c) Le monopole des lois financières sur les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires

La majorité précédente avait rejeté, lors de l'examen du projet de loi constitutionnel relatif à l'équilibre des finances publiques que les assemblées ont adopté dans les mêmes termes le 13 juillet 2011, l'inscription dans la Constitution du principe selon lequel seules les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale peuvent comporter des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires.

Le Gouvernement annonce que la prochaine loi de programmation des finances publiques « sera l'occasion d'affirmer le principe de monopole des lois financières en matière de dispositions fiscales et relatives aux recettes de la sécurité sociale de façon à accroître la cohérence de la stratégie de l'Etat en matière de prélèvements obligatoires ».


* 59 Les dépenses d'intervention comprennent aussi - mais ces dépenses n'étaient pas comprises dans le champ de la norme retenue par le gouvernement précédent - les crédits d'intervention de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et de la dotation générale de décentralisation formation professionnelle budgétée sur la mission « Travail et emploi », qui font l'objet d'un traitement spécifique dans le cadre de la stabilisation en valeur des concours aux collectivités territoriales, de la subvention versée à l'AFITF (comptabilisée en titre 6 mais assimilée à de l'investissement pour le suivi des économies) et d'« un certain nombre de dotations pour lesquelles les marges de manoeuvre, par construction, sont réduites » (dotations liées à l'organisation des élections ou au financement des partis politiques, dépenses d'opérations de maintien de la paix, contributions internationales, appels en garantie, dotations à la brigade des sapeurs pompiers de Paris ou dotation de recensement de l'INSEE...).

* 60 Sachant que le Gouvernement a indiqué à la commission des finances que « l'évolution « tendancielle » des dépenses est définie comme la progression d'une dépense liée à sa dynamique naturelle, toutes choses égales par ailleurs et à législation constante » et que « pour les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'interventions discrétionnaires : il est pris comme hypothèse la stabilité en euros courants en l'absence d'autres éléments objectifs ».

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