B. LE SENTIMENT EXPRIMÉ À DE NOMBREUSES REPRISES D'UNE RÉFORME PRÉCIPITÉE, MAL EXPLIQUÉE VOIRE BRUTALE

À plusieurs reprises, au cours des auditions, a été exprimé le sentiment que la chancellerie, craignant un enlisement de la réforme, avait choisi de la précipiter et que la promesse de concertation avait trop souvent été contredite dans les faits.

1. Le choix contesté d'une réforme par décrets

En limitant la réforme à la modification des implantations judiciaires seulement, le gouvernement s'est affranchi de la nécessité d'en saisir le parlement , puisque décider des localisations géographiques relève du seul pouvoir réglementaire.

Selon les membres du conseil de la prud'homie, auditionnés par vos co-rapporteurs le 6 juin 2012, la volonté d'éviter l'intervention du législateur a motivé le maintien de conseils de prud'hommes qui auraient pu être supprimés. En effet, l'article L. 1422-1 du code du travail prévoit qu'« il est créé au moins un conseil de prud'hommes dans le ressort de chaque tribunal de grande instance. » Dès lors, il n'était pas possible, à moins de modifier la loi, de supprimer un conseil dont le maintien ne se justifiait plus, s'il était le seul du ressort du TGI.

Les nombreux recours dirigés contre le décret n° 2008-1110 du 30 octobre 2008 modifiant le siège et le ressort des tribunaux d'instance et de grande instance, ont d'ailleurs contesté cette absence d'intervention du législateur.

Toutefois, dans sa décision du 19 février 2010 19 ( * ) , le Conseil d'État a écarté ce grief, considérant que « si l'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer ½ les règles concernant la création de nouveaux ordres de juridiction ½, la détermination du nombre, du siège et du ressort de chacune des juridictions créées dans le cadre défini par la loi ressortit aÌ la compétence règlementaire ».

Vos co-rapporteurs notent cependant que, dans la même décision, le Conseil rappelle qu'il est loisible « au législateur de définir des critères objectifs encadrant les choix du pouvoir réglementaire en la matière ».

Si le parlement n'a pas été consulté, il aurait pu l'être.

Ceci est d'autant plus regrettable, qu'en se privant de l'intervention du législateur, le gouvernement s'est interdit d'étendre le champ de sa réforme à celle de l'organisation judiciaire et de la répartition des contentieux.

Finalement, le Parlement n'a eu à connaître de la réforme de la carte judiciaire, qu'indirectement, à l'occasion de la discussion de la loi de finances pour 2008 20 ( * ) .


* 19 Décision du Conseil d'État, section du contentieux, 6 ème et 1 ère sous-sections réunies, 19 février 2010, n° 322407 et autres.

* 20 La réforme a été présentée à l'Assemblée nationale le 13 décembre 2007, lors de l'audition du garde des sceaux par la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire.

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