B. LE CIR FAIT PARTIE DES RARES DÉPENSES FISCALES EFFICIENTES

Toutefois l'approche consistant à considérer que toute dépense fiscale ou niche sociale coûteuse doit par nature être réduite n'est pas rationnelle si l'on raisonne en termes d'efficience des politiques publiques. En effet, de ce point de vue les dépenses fiscales ou niches sociales qu'il convient de « cibler » sont les moins efficientes, pas les plus coûteuses.

Une telle approche paraît d'autant moins appropriée dans le cas du CIR que son coût dépend avant tout de son efficacité. En effet, son coût dépendra de son effet de levier. Il serait paradoxal d'affirmer que le CIR doit être maintenu s'il est inefficace, et « rogné », voire supprimé, s'il est efficace.

La question qui se pose est de savoir si le CIR est efficient, c'est-à-dire s'il est plus utile de dépenser un euro pour le CIR que pour la moyenne des dépenses fiscales. Tel semble bien être le cas.

1. L'efficience du CIR
a) Un effet de levier probablement au moins égal à 1

Selon une première approche, souvent retenue, une incitation fiscale à la R&D est efficace dès lors que son effet de levier est supérieur à 1, c'est-à-dire qu'un euro de dépense fiscale augmente les dépenses de R&D d'au moins un euro.

Selon cette approche, le CIR serait vraisemblablement efficient, les estimations moyennes des dispositifs de ce type étant on l'a vu de l'ordre de 1.

Il n'est toutefois pas possible d'exclure que l'effet de levier soit inférieur à 1 (soit parce que les estimations habituelles de ces dispositifs seraient surestimées ; soit parce que la rigidité de l'offre de chercheurs lui ferait perdre une partie de son impact).

b) Le CIR pourrait être efficient même avec un effet de levier inférieur à 1, en raison de son impact sur le PIB

Un effet de levier de l'ordre de 1, voire inférieur, ne signifie cependant pas nécessairement que le CIR soit peut efficient, voire non efficient. Il faut en effet prendre en compte le fait que l'augmentation des dépenses de R&D devrait à son tour avoir un impact positif sur le PIB.

(1) Selon une analyse « coût-bénéfices », il suffit que les externalités positives soient suffisamment élevées

Une première approche, dite « coût-bénéfices », consiste à partir de l'effet de levier et à lui ajouter ou lui soustraire les impacts positifs ou négatifs de l'incitation fiscale. Tant que le résultat ainsi obtenu demeure positif, la mesure est considérée comme efficiente.

Cette approche est retenue notamment par Pierre Mohnen et Boris Lokshin dans leur étude 90 ( * ) précitée de 2009. Les incitations fiscales à la R&D seraient efficientes, comme le montre le tableau ci-après.

L'analyse coût/bénéfice du retrait d'un crédit d'impôt en accroissement en faveur de la R&D, selon deux économistes

(coût de la mesure = 1)

Gain de bien-être à court terme*

Gain de bien-être à long terme

Effet de levier

0,9

0,4

Solde coût/bénéfice = rendement social*** net du coût de la mesure et de divers autres facteurs, selon différents scénarios

Scénario 1 : Coûts de gestion de 10 % pour l'Etat et les entreprises, coût de 30 % de la taxation distorsive*, rendement social** de 10 %

0,1

0,0

Scénario 2 : Coûts de gestion de 10 % pour l'Etat et les entreprises, coût de 30 % de la taxation distorsive*, rendement social** de 30 %

0,2

0,1

Scénario 3 : Coûts de gestion de 10 % pour l'Etat et les entreprises, coût de 30 % de la taxation distorsive*, rendement social** de 50 %

0,4

0,2

Précisions du rapporteur spécial :

* Taxation distorsive ( distortionary taxation ) : imposition marginale supplémentaire ( marginal burden of taxation ). Il s'agit du fait que pour maintenir les recettes fiscales constantes, une dépense fiscale doit être compensée par un alourdissement du reste de la fiscalité.

** Rendement social ( social rate of return ) : somme du rendement privé et des externalités positives entre entreprises (c'est-à-dire du fait que les innovations en R&D d'une entreprise donnée bénéficient également aux autres entreprises).

Source : d'après Pierre Mohnen, Boris Lokshin, « What does it take for an R&D tax incentive policy to be effective? », document de travail #2009-014, United Nations University - Maastricht Economic and social Research and training centre on Innovation and Technology, 23 février 2009

(2) La réforme de 2008 s'autofinancerait à long terme

Une approche analogue, sans doute plus pertinente dans le contexte actuel des finances publiques, consiste à se demander si la réforme du CIR de 2008 s'autofinance à long terme.

Tel semble être le cas.

En effet, la réforme de 2008 coûte environ 0,15 point de PIB par an (2,8 milliards d'euros en 2008). Les recettes publiques tendant spontanément (hors mesures nouvelles) à être stables sur le long terme en points de PIB, l'impact de la réforme de 2008 sur le solde public est donc égal (en points de PIB) à son coût initial (en points de PIB), réduit à hauteur de l'évolution du ratio dépenses publiques/PIB résultant du supplément de PIB 91 ( * ) .

Le tableau ci-après indique l'impact de la réforme de 2008 sur le solde public au bout de 15 ans, selon différents scénarios d'impact sur le PIB. La réforme aurait à long terme un impact à peu près nul sur le solde public, voire légèrement positif (jusqu'à 0,2 point de PIB) si l'on retient le scénario optimiste de l'estimation précitée de la direction générale du Trésor de janvier 2009.

L'impact de la réforme du CIR de 2008 sur le solde public de 2022

(en points de PIB)

Hypothèse d'impact de la réforme de 2008 sur le PIB de 2022

Calcul et résultat

Hypothèse

Remarques

Moindres recettes

(A)

Diminution du ratio dépenses/PIB (B)

Impact total sur le solde public (B-A)

0

0,15

0,00

-0,15

0,1

0,06

-0,10

0,2

0,11

-0,04

0,3

Intervalle retenu par le Trésor dans son estimation de janvier 2009*

0,17

0,02

0,4

0,22

0,07

0,5

Estimation la plus vraisemblable, selon le rapporteur spécial

0,28

0,13

0,6

0,33

0,18

* Paul Cahu, Lilas Demmou, Emmanuel Massé, « Les effets économiques de la réforme du crédit d'impôt recherche de 2008 », Trésor-éco n° 50, janvier 2009

Source : calculs du rapporteur spécial


* 90 Pierre Mohnen, Boris Lokshin, « What does it take for an R&D tax incentive policy to be effective? », document de travail #2009-014, United Nations University - Maastricht Economic and social Research and training centre on Innovation and Technology, 23 février 2009.

* 91 Ce ratio peut être calculé en supposant que les dépenses demeurent stables à environ 55 points de PIB.

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