2. La convergence intersectorielle pose des questions de fond

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 20 ( * ) a mis en place le processus de convergence intersectorielle, qui a pour but d' aligner les tarifs des secteurs public et privé « dans la limite des écarts justifiés par des différences dans la nature des charges couvertes par ces tarifs » 21 ( * ) . Selon le rapport au Parlement sur la convergence tarifaire pour 2011, ces écarts justifiés recouvrent deux notions différentes : les différences de périmètre résultant de la réglementation (par exemple, la rémunération des médecins) ; les différences dues à la nature des missions ou à des obligations diverses. A partir du moment où sont pris en compte ces éléments, « la convergence intersectorielle ne s'apparente donc pas forcément à une unicité d'échelle et de tarifs mais peut être réalisée tout en maintenant la coexistence de deux échelles tarifaires différentes » 22 ( * ) .

Une première étape était initialement prévue en 2008, date à laquelle l'objectif de convergence des tarifs aurait dû être atteint à 50 %. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 23 ( * ) a supprimé cette échéance tandis que celle pour 2010 24 ( * ) a repoussé le terme du processus à 2018.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a précisé que le processus de convergence intersectorielle devait être orienté vers les tarifs des établissements privés, étonnamment considérés a priori comme les plus efficients sur la totalité du champ d'activité. Or, selon les calculs réalisés par la DGOS en 2010, les tarifs du secteur privé étaient supérieurs à ceux du secteur ex-DG pour 242 GHS ; ils représentaient 16 % du nombre de séjours du secteur ex-OQN et environ 20 % de son volume financier. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 25 ( * ) a pris acte de cette situation pour prévoir que le « processus de convergence est orienté vers les tarifs les plus bas ».

Des différences quasi insolubles entre les grilles tarifaires

Après l'inscription dans la loi du processus de convergence tarifaire, le ministère de la santé a confié à l'Inspection générale des affaires sociales la rédaction d'un rapport 26 ( * ) sur cette question. Elle y proposait en particulier la réalisation de seize études destinées à mesurer les écarts de coûts justifiés par la nature différente des charges assumées par chacun des secteurs.

A la suite de la publication de ce rapport, la direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins (Dhos), prédécesseur de la DGOS, a entrepris des travaux destinés à faire en sorte que la convergence puisse s'exercer à champs de charges couvertes identiques. En effet, comme le montre le tableau suivant, les périmètres de charges couvertes par les tarifs des établissements publics et privés ne sont pas les mêmes.

Comparaison des périmètres de charges couvertes par les tarifs

Secteur public

Secteur privé

Hors tarif

Inclus dans tarif

Inclus dans tarif

Hors tarif

Rémunérations personnels médicaux, y compris charges sociales

Honoraires médecins
Exonération des charges sociales en secteur I

Rémunération personnels non médicaux

Rémunérations personnels non médicaux

Liste en sus
médicaments/dispositifs médicaux implantables

Fournitures médicales, médicaments/dispositifs médicaux (hors listes)

Fournitures médicales, médicaments/dispositifs médicaux (hors listes)

Liste en sus médicaments/dispositifs médicaux implantables

Actes de biologie, d'imagerie, d'explorations fonctionnelles

Actes de biologie, d'imagerie, d'explorations fonctionnelles

Charges logistiques, hôtelières et générales

Charges logistiques, hôtelières et générales

Source : rapport Sénat n° 76 (2009-2010)

Ce tableau comparatif simplifié montre en lui-même la grande complexité des différences de champ .

Or, au moment où était envisagé le report de la convergence à 2018, la Mecss a organisé une table ronde rassemblant l'ensemble des acteurs. Dans son rapport 27 ( * ) , elle soulignait le paradoxe suivant : si les écarts de champs sont connus depuis l'origine du processus de convergence, aucune solution n'a encore été proposée pour rendre parfaitement comparables les tarifs des établissements.

D'ailleurs, le rapport au Parlement sur la convergence tarifaire pour 2011 souligne que l'intégration des écarts liés à la réglementation dans le calcul des écarts faciaux présenterait des difficultés méthodologiques non négligeables.

Dans ses réponses fournies à la Mecss, la DGOS précise cependant que le périmètre de la convergence s'est élargi au cours des dernières années aux honoraires des médecins du secteur ex-OQN , y compris à leurs dépassements, et que des travaux sont en cours pour poursuivre sur cette voie. Cependant, l'ensemble de ces calculs procède de retraitements statistiques globaux dont la pertinence économique reste à démontrer.

Les différences dans la nature et l'intensité des charges supportées par les établissements de santé continuent également de faire débat

Selon leur statut, les établissements font face à des contraintes diverses qui leur sont imposées. C'est par exemple le cas de la masse salariale qui dépend du statut de la fonction publique pour les établissements publics et des conventions collectives pour les établissements privés. D'ailleurs, la Fehap, fédération représentative du secteur privé à but non lucratif, a vigoureusement demandé un coefficient correcteur pour prendre en compte le niveau supérieur, toutes choses égales par ailleurs, de ses charges de personnel 28 ( * ) .

Les caractéristiques des patients jouent également un rôle particulièrement important. Pour mieux comprendre certaines différences globales qui peuvent exister entre secteurs public et privé, une étude de l'Irdes publiée en 2009 s'est concentrée sur deux facteurs : l'âge des patients et la lourdeur des séjours 29 ( * ) . Il en résulte que 36 % des patients ont plus de quatre-vingts ans dans le secteur public contre 20 % dans le secteur privé. Concernant les séjours, il apparaît notamment que 70 % des chirurgies cardiaques lourdes sont effectuées dans le secteur public, qui ne prend en charge que 51 % de la chirurgie cardiaque courante. L'étude de l'Irdes estime que l'hétérogénéité clinique intra-GHM peut être importante et pénaliser les établissements, pas nécessairement publics, amenés à prendre en charge systématiquement les patients les plus lourds. Si la version 11 de la classification des GHM, par l'introduction de quatre niveaux de sévérité, permet de mieux prendre en compte ce facteur, l'impact de l'hétérogénéité des patients ne peut être totalement réduit.

Les missions assignées aux établissements peuvent également être sources de coûts difficiles à maîtriser. Par exemple, quand bien même les missions d'enseignement et de recherche sont financées par le biais d'enveloppes séparées, elles suscitent des coûts indirects non pris en compte par le système de tarification français.


* 20 Article 17 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004.

* 21 Paragraphe VII, article 33 loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

* 22 Rapport au Parlement sur la convergence tarifaire pour 2011.

* 23 Loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007.

* 24 Loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009.

* 25 Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010.

* 26 Igas, Mission d'appui sur la convergence tarifaire public-privé, janvier 2006.

* 27 Rapport d'information d'Alain Vasselle n° 76 (2009-2010), fait au nom de la Mecss, sur le processus de convergence tarifaire et la proposition de report de son achèvement à 2018, novembre 2009.

* 28 La dotation AC correspondante s'élève à 40 millions d'euros en 2012.

* 29 Les séjours « lourds » ont été distingués des séjours « courants » à partir d'une analyse des diagnostics principaux les plus fréquemment rencontrés dans chaque GHM, de l'âge des patients, de la nécessité de recourir à une expertise médicale et/ou chirurgicale, à un plateau technique particulier, de l'existence ou non de complications et morbidités associées.

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