II. L'IMPACT DES DISPOSITIONS COMMUNAUTAIRES RÉSULTANT DU « PAQUET LAIT ».

A. LES DISPOSITIONS DU PAQUET LAIT

1. L'adoption du paquet lait

C'est dans ce contexte, globalement très favorable à une application stricte et prioritaire des règles de concurrence, qu'est intervenu le « mini paquet lait », négocié tout au long de l'année 2011 avant son adoption le 14 mars 2012, qui, à bien des égards, fait figure d'exception majeure.

Il faut rappeler que le secteur laitier sortait à peine d'une crise particulièrement grave. L'Union européenne n'avait été qu'un acteur mineur dans la résolution de la crise (même s'il ne faut pas négliger l'impact de l'apport d'une aide budgétaire exceptionnelle dégagée en toute fin de crise) et l'augmentation des prix du lait après l'effondrement de 2009, tient plus à un retournement de la conjoncture laitière qu'aux actions de l'Union. Néanmoins, l'Union européenne s'est positionnée comme un acteur important, privilégiant des réformes de structure et une véritable stratégie à un soutien de circonstance.

Il faut souligner l'influence décisive de la France dans cette initiative. D'une part, le gouvernement de l'époque avait pris des initiatives nationales sans attendre la réforme du droit de l'Union européenne, en faisant adopter la loi de modernisation de l'agriculture. Cette loi prévoyait, via l'article L. 631-24 du Code rural, la capacité pour le Gouvernement d'imposer une obligation de formaliser par écrit la relation contractuelle entre producteur et acheteur. En application de cette loi, le décret n° 2012-1753 du 30 décembre 2010 met en place une obligation d'engagement contractuel écrit d'une durée minimale de cinq ans entre producteurs de lait et acheteurs.

D'autre part, ce règlement n'aurait pu être adopté sans cette implication de la France. Si l'accord du Parlement européen semble avoir été relativement aisé, les débats entre Etats et, plus encore, au sein de la Commission, ont été vifs. Le parcours et l'expérience du commissaire français Michel Barnier, de même que la détermination du ministre Bruno Le Maire, ont sans doute pesé dans cette adoption. En interne à la Commission, la DG concurrence n'était pas loin de considérer qu'elle était allée à l'extrême limite - voire même au-delà - de ce qu'elle pouvait admettre.

Ce rappel permet de mieux apprécier le contenu de ce règlement.

2. Les Organisations de producteurs dans le secteur laitier

Le règlement (UE) n° 261/2012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 relatif aux relations contractuelles dans le secteur du lait et des produits laitiers introduit des modifications très importantes au règlement OCM unique dans l'organisation du secteur :

- En premier lieu, le règlement reconnaît le rôle des organisations de producteurs et de leurs associations dans le secteur du lait et des produits laitiers. Il s'agit d'une consécration institutionnelle des OP dans le secteur laitier.

Les éleveurs n'ont pas attendu la réglementation européenne pour se regrouper. Ils le font souvent sur une base régionale et à des fins de promotion professionnelle (pour valoriser telle ou telle race ou faciliter des échanges de semences par exemple) ou commerciale.

La logique des organisations de producteurs est sensiblement différente puisqu'elle repose plus sur un regroupement d'éleveurs qui partagent le fait d'être fournisseurs d'une même entreprise que sur un critère régional. L'industriel avec lequel les producteurs entretiennent des relations contractuelles devrait être le vecteur commun à l'origine d'une organisation de producteurs (OP).

En 2012, une proposition de règlement 7 ( * ) de la Commission en vue de modifier la section « Secteur du lait et des produit laitiers » du règlement n° 1234/2007 (OCM Unique), précise les conditions de reconnaissance des OP et en y ajoutant des dispositions sur les aspects transnationaux des OP et des AOP et sur la coopération entre États membres. Elle est actuellement en cours d'examen par les parlements nationaux pour contrôle de subsidiarité avant d'être débattue et adoptée par le législateur européen.

- En deuxième lieu, cette OP est qualifiée pour négocier les prix et les volumes, sous certaines conditions, avec les transformateurs. Il s'agit, en quelque sorte, d'une autorisation explicite des ententes dans ce secteur.

Le règlement précise les conditions de négociation des contrats par les OP au nom des producteurs de lait. Trois conditions doivent être réunies : il faut que le volume de lait cru faisant l'objet de ces négociations n'excède pas 3,5 % de la production totale de l'Union, 33 % de la production nationale de l'État membre dans lequel est produit le lait cru et 33 % de la production nationale de l'État membre où est livré le lait cru. Cette limite de 3,5 % de la production correspond de fait à la production d'un grand bassin laitier français comme la Bretagne, ou à la part de la production nationale dans la production européenne d'un grand producteur (comme Lactalis par exemple, mais c'est sans doute une coïncidence).

Ainsi, l'objet de ces OP dépasse celui des regroupements actuels. Une OP reconnue pourra négocier le contrat de vente avec l'industriel transformateur au nom des agriculteurs qui en sont membres, qu'il y ait, ou non, transfert de propriété du lait. Le paquet lait a ainsi résolu les principaux problèmes juridiques qui existaient pour les deux types d'organisation de producteurs que sont les OP « non commerciales », n'ayant pas procédé à un transfert de propriété du lait, et les OP « commerciales » ayant procédé à un transfert de propriété. En revanche, pour que les négociations aient lieu, l'éleveur doit avoir donné, de façon formelle, mandat à l'OP de négocier en son nom.

La mise en place des OP est prévue en France par le décret n° 2012/512 du 19 avril 2012 relatif à l'organisation économique dans le secteur du lait de vache. Une OP doit justifier soit d'un nombre minimum de deux cents membres producteurs, soit d'un volume minimum de 60 millions de litres de lait commercialisé.

Le décret crée une OP particulière pour le secteur du lait de vache et reprend un clivage entre les « OP commerciales » et les «OP  non commerciales », déjà rencontré en droit français dans la filière de la viande bovine et ovine. Deux types d'OP sont ainsi identifiés, d'une part les « OP commerciales » chargées de la vente en tant que propriétaires de la production de leurs membres - les coopératives sont inclues dans ce cas de figure- et les « OP non commerciales » chargées de la mise en marché à travers la négociation collective des clauses des contrats de vente pour le compte de leurs adhérents. Il n'y a pas, dans ce cas, de transfert de propriété de la marchandise - le lait. Le décret dispose que les organisations de producteurs qui n'achètent pas la production de leurs membres pourront, à compter du 3 octobre 2012, négocier collectivement les éléments du contrat avec les acheteurs de lait.


* 7 Proposition de règlement délégué de la Commission du 28.6.2012 complétant le règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la coopération transnationale et les négociations contractuelles des organisations de producteurs dans le secteur du lait et des produits laitiers - C(2012) 4297 FINAL

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