2. Un État ingénieur à défaut d'être urbaniste

On attend dès lors que les autorités publiques se saisissent de la protection et de la prévention. Déjà l'article 5 du Titre XI de la loi des 16 et 24 août 1790 donnait compétence aux autorités municipales pour « prévenir et faire cesser les accidents et fléaux calamiteux ».

Mais l'État va rapidement jouer un rôle prépondérant dans la politique de lutte contre les crues, de la prévision à la protection. Les premiers plans d'aménagement des fleuves à grande échelle, pour la Loire notamment, sont lancés. De nombreux canaux sont creusés, tandis que débute une politique de reboisement en montagne pour lutter contre le ruissellement et les glissements de terrain.

Symbole de ce volontarisme politique, Napoléon III déclare devant la Chambre des députés le 17 février 1857 : « Je tiens à honneur qu'en France les fleuves rentrent dans leur lit. »

L'Empereur des Français reconnaît cependant qu'il faut « faire la part de l'eau » et mettre en place des solutions qui permettent de concilier les intérêts des urbains comme ceux des ruraux (Lettre de Plombière, juillet 1856), ce qui laisse à penser à la fois qu'il doute de la capacité de son administration à « mater » les fleuves et qu'il comprend qu'en matière de protection contre l'inondation, la sécurité des urbains est souvent acquise au détriment des ruraux, leçon un peu oubliée depuis.

Tout au long du XIX ème siècle, se développe une expertise d'État d'excellent niveau , formée dans les grandes écoles techniques fondées sous le Premier Empire.

À compter de la seconde moitié du XIX ème siècle, des progrès sont également réalisés en matière de prévision et d'annonce des crues avec l'installation d'outils de mesures sur les grands fleuves, suite aux crues exceptionnelles de 1856 (Loire et Rhône) et 1866 (Loire).

Si de grands travaux d'aménagement et de protection sont réalisés, on s'abstient pendant longtemps d'appliquer une législation prenant sérieusement en compte le risque inondation dans les actes d'urbanisme . Il faudra attendre le décret-loi du 30 octobre 1935 pour voir imposer des « plans de surfaces submersibles » à la population. Ces plans sont l'origine directe des actuels plans de prévention des risques naturels prévisibles. Ils préfigurent à la fois l'effort de l'État pour « saisir le risque » en le cartographiant, et sa volonté de limiter, par le biais de la norme, les installations et les constructions en zone inondable. D'une action en réduction de l'aléa, on passe progressivement à une action visant à limiter les enjeux, ce qui est nettement plus facile et moins onéreux pour l'État.

Dans les années 1960 et 1970, l'accent est mis sur le développement de l'hydrométrie (mesure des niveaux et débits de cours d'eau et de pluie, archivage, traitement et diffusion de données) pour les cours d'eau à risque, dans le cadre des services déconcentrés spécialisés de l'État.

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