D. UNE COORDINATION QUI NE PERMET PAS ENCORE D'ABOUTIR À UNE « OFFRE » DE SÉCURITÉ HOMOGÈNE

Dès lors que l'autonomie locale a permis aux polices municipales de se différencier à l'extrême, il était nécessaire qu'une coordination efficace entre forces nationales et forces locales permette d'harmoniser quelque peu l' « offre » de sécurité sur le territoire.

1. Les conventions de coordinations issues de la convention-type de 2000

L'article L 512-4 du code de la sécurité intérieure prévoit que : « Dès lors qu'un service de police municipale comporte au moins cinq emplois d'agent de police municipale (...), une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l'Etat est conclue entre le maire de la commune, le président de l'établissement public de coopération intercommunale le cas échéant, et le représentant de l'Etat dans le département, après avis du procureur de la République. Cette convention peut également être conclue, à la demande du maire, lorsqu'un service de police municipale compte moins de cinq emplois d'agent de police municipale ».

Par ailleurs, il est prévu que « La convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l'Etat précise la nature et les lieux des interventions des agents de police municipale. Elle détermine les modalités selon lesquelles ces interventions sont coordonnées avec celles de la police et de la gendarmerie nationales ». En l'absence d'une telle convention, « les missions de police municipale ne peuvent s'exercer qu'entre 6 heures et 23 heures, à l'exception des gardes statiques des bâtiments communaux et de la surveillance des cérémonies, fêtes et réjouissances organisées par la commune ».

La convention-type annexée au décret n°2000-275 du 24 mars 2000 fournissait un canevas très simple prévoyant des échanges d'informations entre les responsables et la possibilité de mener des opérations communes sous l'autorité fonctionnelle du représentant des forces de l'Etat. Elle évoquait également le lien téléphonique ou radio entre les deux forces et suggérait une répartition des taches, certaines étant réservées à la police municipale :

-la surveillance des établissements scolaires énumérés sur une liste, en particulier lors des entrées et sorties des élèves ;

-la surveillance des points de ramassage scolaire figurant sur une liste ;

-la surveillance des foires et marchés, ainsi que la surveillance des cérémonies, fêtes et réjouissances organisées par la commune.

La première convention-type prévoyait également une définition des voies et parcs de stationnement placés sous la surveillance de la police municipale. Elle précisait que la police municipale doit informer au préalable les forces de sécurité de l'Etat des opérations de contrôle de vitesse des véhicules qu'elle assure. Enfin, étaient prévus un rapport périodique et une évaluation annuelle par le maire et le préfet.

La première convention-type, annexée au décret du 24 mars 2000, se caractérisait par son caractère très succinct. Elle n'incitait à aucune analyse sur les missions et sur les « philosophies » respectives d'intervention des forces nationales et locale, sur leur complémentarité (hormis les quelques points factuels mentionnés) ou sur leur concurrence. Elle était en outre rédigée du point de vue d'une stricte subordination des forces municipales aux forces nationales.

Les conventions de coordination effectivement signées entre la police nationale ou la gendarmerie et les polices municipales sont très diverses dans leur contenu. Une majorité s'est contentée de reprendre le contenu de la convention-type, établissant ainsi les modalités concrètes des échanges d'information et des réunions entre les forces de police ou de gendarmerie et entre leurs responsables. C'est en particulier le cas pour les communes où la police municipale assume principalement des missions de proximité et de prévention. Ce type de convention « minimaliste » répond parfois à une crainte du maire de voir les forces nationales renoncer à certaines de leurs missions dans le cas où la police municipale s'engagerait trop.

La convention est plus développée lorsque les policiers municipaux participent fréquemment à des interventions conjointes avec les forces de sécurité de l'Etat . Comme l'indique la Cour des comptes, la police municipale devient alors une « force de substitution subordonnée à la police nationale ». Il s'agit le plus souvent de gros services de police municipale bien équipés et qui exercent tout le champ des compétences allant de la prévention à la répression, aux interventions et aux missions « para-judiciaires ». La convention prévoit alors éventuellement la mobilisation de la police municipale, sous l'autorité fonctionnelle du responsable des forces de sécurité de l'Etat, pour des opérations conjointes de contrôle de vitesse ou d'alcoolémie, de surveillance des manifestations sportives ou culturelles ou pour des opérations de surveillance de halls d'immeubles. Plus rarement sont prévues des patrouilles mixtes de surveillance de la voie publique . Enfin, la convention détermine souvent les modalités d'interpellations suivies de mises à disposition des forces nationales par la police municipale.

Les conventions de coordinations rencontrent ainsi deux écueils : soit, marquées par une certaine réticence des forces nationales à considérer les polices municipales comme de véritables partenaires ainsi que par la crainte du maire de devoir assumer des missions qui relèvent de l'Etat, elles ne font qu'acter la subordination des agents municipaux et veillent à ce qu'ils ne s'immiscent pas dans les missions de police « nobles ». Elles n'apportent alors de valeur ajoutée ni à la commune ni aux forces nationales. Soit elles consacrent les polices municipales comme des auxiliaires des missions des forces nationales, mais dans ce cas, la Cour des compte estime que « de leur côté, les policiers municipaux tendent à transférer leurs missions de prévention et de relation quotidienne avec la population à d'autres catégories de personnels, des ASVP ou des agents de médiation ». On retrouve alors le problème d'un certain abandon des missions de proximité.

Notons enfin que, si une coopération dynamique peut exister, seule une minorité de conventions s'efforcent d'établir un diagnostic commun de sécurité avec les forces de sécurité de l'Etat, en lien avec le contrat local de sécurité (CLS) et le Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) .

En tout état de cause, les conventions de coordination apparaissent le plus souvent davantage comme des contrats d'adhésion que comme de véritables conventions entre partenaires égaux. En particulier, de nombreux responsables de police municipale considèrent que les forces nationales n'ont pas fait les efforts nécessaires pour assurer la fluidité des communications indispensable à l'exercice des missions de police municipale (cf. ci-dessous la question des fichiers). Comme le souligne le rapport de l'IAU 24 ( * ) , « la dimension partenariale de ces conventions ne saurait donc masquer le fait qu'elles ont aussi, et surtout, été pensées comme un « garde-fou » pour l'Etat face aux éventuelles dérives des polices municipales. » Ces conventions sont ainsi souvent une manière d'exercer « une tutelle à distance du préfet ».

Par ailleurs, le suivi de ces conventions (réunions régulières, évaluations annuelles...) est, semble-t-il, en général assez peu actif. Ainsi, selon les réponses au questionnaire, seulement la moitié des communes ayant passé une convention effectuent une évaluation annuelle.


* 24 Les polices municipales en Île-de-France, institut d'aménagement et d'urbanisme d'Île-de-France, avril 2009.

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