C. AMÉLIORER LE TRAITEMENT DES MÉMOIRES

Le nombre extrêmement important de mémoires concernant les frais de justice constitue l'un des principaux écueils à franchir si l'on souhaite rationaliser le suivi et moderniser la gestion de ce poste de dépense. Le ministère de la justice évalue en effet à 2,8 millions le nombre de ces mémoires en flux annuel.

1. Simplifier le circuit de la dépense

La Cour des comptes souligne la nécessité de simplifier le circuit de la dépense concernant les frais de justice. Une telle simplification « apparait nécessaire, un agent à temps plein ne pouvant gérer que 800 mémoires par mois ». Elle cite l'exemple du TGI de Paris où, en 2011, 199 597 mémoires ont été enregistrés, alors que la capacité de paiement de cette juridiction cette année-là fut seulement de 71 639 mémoires.

Dans cette perspective, la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction des services judiciaires (DSJ) se sont d'ores et déjà associées dans une démarche de fluidification de la chaîne de traitement des frais de justice. Un circuit expérimental a été progressivement mis en place dans neuf Cours d'appel 9 ( * ) .

Ce circuit s'appuie notamment sur la création d' un service centralisateur ayant vocation à traiter l'ensemble des mémoires. Le champ de compétence de ce service peut soit se limiter à un TGI, soit être étendu à toute la Cour d'appel. La centralisation s'applique à tous les actes de gestion concernant les frais de justice (la réception et l'enregistrement des mémoires, le contrôle et, le cas échéant, le mandatement de ceux-ci). Seuls les frais de justice des tribunaux de commerce et les frais postaux sont exclus de l'expérimentation.

La simplification du circuit de la dépense est également passée par un allègement des contrôles sur les mémoires de faible montant (c'est-à-dire inférieurs ou égaux à 150 euros).

2. Optimiser les moyens informatiques

Actuellement, plusieurs applications informatiques sont concernées par le traitement des frais de justice. La Cour des comptes recense ainsi les progiciels suivants : « Chorus formulaire », LMDJ, Regina, Chorus ainsi que divers logiciels utilisés par les OPJ 10 ( * ) . Or, en dépit de certains chantiers qui ont pourtant été lancés, l'interfaçage entre ces différentes applications n'existe pas.

La Cour des comptes souligne les conséquences très préjudiciables de cette absence d'interface : « à Paris, où Regina n'est pas couplé avec LMDJ, les 70 419 mémoires qui ont été payés par la régie en 2011 ont du être saisis trois fois : au moment de l'enregistrement de la prescription, au moment de la réception du mémoire et au moment du paiement ». Ces saisies redondantes présentent un coût en personnel : « à Paris, le passage de NDL à Chorus a contribué à l'augmentation des effectifs : trois agents en 2010 ont payé 97 millions d'euros, neuf agents en 2011 ont payé 76 millions d'euros. Le nombre de personnes nécessaires au pôle Chorus de Paris pour traiter un dossier est de six ».

Dans ces conditions, le basculement intégral des frais de justice dans Chorus constitue un objectif poursuivi afin d'optimiser l'outil informatique à disposition des gestionnaires et de gagner en efficacité dans le traitement des mémoires. Actuellement, « 80 % du volume des frais de justice, représentant 20 % des coûts budgétaires, est payé en régie. Le ministère souhaite progressivement intégrer les frais de justice payés en régie dans Chorus de manière à gagner en visibilité. La Cour d'appel de Colmar qui fonctionne sans régie, est considérée comme un exemple à suivre ».

Pour atteindre cet objectif, l'agence pour l'informatique financière de l'Etat (AIFE) s'est engagée dans une démarche d' expérimentation sur un échantillon de Cours d'appel.

La Cour des comptes relève, dans cette perspective, que les gestionnaires des frais de justice au sein des Cours s'interrogent actuellement sur la capacité technique de Chorus à supporter un volume aussi important que celui du nombre de mémoires relatifs aux frais de justice.

3. Réussir la mise en place de la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ)

Aujourd'hui, le nombre de réquisitions judiciaires en matière d'« écoutes » 11 ( * ) est estimé à 5 millions , tandis que le nombre d'interceptions s'élève à 40 000 environ.

Ayant vocation à être finalisé en 2013, le projet de plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) doit permettre de transmettre les réquisitions des enquêteurs directement aux opérateurs de téléphonie et de faire remonter au niveau de l'administration centrale le paiement des frais liés aux interceptions judiciaires sur la base d'une facture mensuelle. L'objectif ainsi poursuivi consiste en la suppression de près d'un million de mémoires .

Lors de l'audition pour suite à donner aux travaux de la Cour des comptes, Julien Dubertret, directeur du budget, a affirmé que « ce programme, opérationnel à partir de l'année 2014, représente une économie importante. L'objectif d'économie est de 20 millions d'euros en 2014 et de 25 millions d'euros en 2015 ». Il a précisé que cette plate-forme nécessitera au total un investissement initial de 43 millions d'euros . Au regard des gains potentiels évoqués, il apparait donc que l'investissement pourrait être amorti en à peine plus de deux ans.

La Cour des comptes considère que « la décision de gérer annuellement 5 millions de réquisitions judiciaires et 40 000 interceptions dans leur totalité en un point central et unique est ambitieuse ». Par ailleurs, elle « prend acte des réserves exprimées par la DGFiP, selon laquelle plusieurs points restent à préciser tels que la détermination et le rôle de l'ordonnateur, les modalités de dématérialisation de la certification du service fait et de la facture dans Chorus ainsi que l'interfaçage avec Chorus ».


* 9 L'expérimentation a été menée, depuis le 1 er janvier 2008, dans les Cours d'appel d'Amiens, de Nîmes et de Pau, et, depuis le 1 er avril 2008, dans celles de Grenoble et de Versailles. Elle a été étendue, au 1 er septembre 2009, dans les Cours d'appel de Bastia, de Dijon et de Nancy, et, à compter du 1 er janvier 2010, à la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.

* 10 La direction générale de la police nationale prévoit la mise en place d'un nouveau logiciel en 2013, dit « logiciel de rédaction police nationale » (LRGPN), qui devrait intégrer à terme un module dédié aux frais de justice.

* 11 Les interceptions téléphoniques consistent en l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications.

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