2. La limitation des marges de manoeuvre des SDIS
a) L'activité prédominante pour les sapeurs-pompiers

Au cours de la décennie, l'activité des SDIS a fortement cru. En 2010, ils ont en effet effectué 3,6 millions d'interventions contre 3,1 millions en 2002, soit une augmentation de 17,2 % ( cf. supra ).

Cette augmentation du nombre d'interventions menées par les sapeurs-pompiers trouve son origine dans la forte progression des actions de secours à personne . Le tableau ci-dessous illustre cette évolution.

L'évolution des interventions des SDIS

(en milliers)

Nature des interventions

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Evolution 2002/2010

Incendie

310

369

274

308

295

272

276

292

312

0,6 %

Secours à personne

1 828

1 866

1 797

1 912

2 133

2 212

2 307

2 479

2 491

36,2 %

Accidents

310

302

274

278

263

272

276

255

261

- 15,8 %

Protection des biens et opérations diverses

651

666

701

586

591

647

585

620

568

- 12,7 %

Source : DGSCGC

Parmi les quatre principaux types d'intervention des SDIS, la seule action à augmenter significativement est celle du secours à personne. Cette hausse est d'ailleurs particulièrement forte puisqu'elle s'élève à 36,2 % entre 2002 et 2010. Au total, les missions de secours à personne correspondent à 68,6 % des interventions des sapeurs-pompiers.

Cette évolution résulte naturellement d'un certain nombre de facteurs structurels : le vieillissement de la population et les restructurations de la carte de l'offre de soins ont accru la demande de transport sanitaire d'urgence.

Pour autant, des motifs plus circonstanciels et liés à l'organisation même de ce type de transport ont également joué et continuent de faire sentir leurs effets.

Tout d'abord, l'indisponibilité des transporteurs sanitaires privés s'est faite de plus en plus habituelle. Ce constat s'explique notamment par l'absence fréquente de conventions entre les ambulanciers privés et les SAMU, les premiers ne se sentant dès lors pas contraints de remplir leur obligation légale.

En outre, le régulateur du SAMU estime souvent que les sapeurs-pompiers représentent une meilleure solution avec des délais d'intervention plus courts et des équipements mieux adaptés que les ambulanciers privés.

Enfin, ainsi que le souligne la Cour des comptes dans son rapport précité sur les SDIS, « il paraît parfois moins coûteux de faire appel au SDIS , car il ne facture pas toujours son intervention ou ne se fait pas rembourser par le centre hospitalier, faute de disponibilité financière de ce dernier ».

b) L'impact sur les choix d'investissement des SDIS

Liée comme on vient de le voir à un certain dévoiement des procédures prévues, la progression du secours à personne dans le volume total des interventions des SDIS au cours des dernières années présente deux séries de conséquences pour l'investissement des SDIS.

Tout d'abord, et de manière assez évidente, les SDIS sont incités dans leurs choix d'investissement à répondre à la demande d'équipements nécessaires pour le secours à personne . Du point de vue budgétaire, cette influence n'est pas neutre et votre rapporteur spécial rappelle par exemple que le coût d'acquisition d'un VSAV s'élève à environ 100 000 euros, ce coût pouvant être supérieur en fonction des options commandées sur le véhicule.

Par ailleurs, la montée en puissance des interventions de secours à personne peut contribuer à obérer les capacités d'investissement des SDIS sous l'effet d' un manque à gagner pour ces services départementaux. Le recours de plus en plus fréquent aux sapeurs-pompiers par la régulation médicale doit s'accompagner d'une indemnisation financière par l'assurance maladie. Cette compensation porte sur des montants relativement élevés puisqu'en 2009 le montant total dû aux « carences ambulancières » s'élevait à 17 millions d'euros 79 ( * ) . Or, certains SDIS souffrent de difficultés à obtenir la régularisation de leur indemnisation. En conséquence, le coût des interventions reste à leur charge, pèse sur la section de fonctionnement du SDIS et limite d'autant les excédents pouvant en être dégagés pour abonder la section d'investissement. Il convient au surplus de relever que le montant servant de base à la négociation de l'indemnisation correspond à 105 euros par intervention et n'a pas été réactualisé depuis 2006.

Dans ce contexte, votre rapporteur spécial estime nécessaire une meilleure clarification des rôles entre le SDIS, le SAMU et le SMUR . Les sapeurs-pompiers remplissent en effet aujourd'hui trop souvent des missions qui ne sont pas, en principe, au coeur de leur métier. Un recentrage paraît s'imposer afin de limiter les coûts de fonctionnement des SDIS et de dégager de nouvelles marges de manoeuvre pour ces services dans le domaine de l'investissement matériel.

c) Les centres d'appel communs : une dépense rentable

Face à une situation de chevauchement de facto des missions, votre rapporteur spécial considère qu'un investissement s'impose aux SDIS et à leurs partenaires des SAMU : la mise en place de plates-formes communes d'appel . Cet investissement représente certes un coût initial, mais celui-ci peut rapidement être amorti grâce aux gains de fonctionnement qui en résultent.

La difficulté opérationnelle de la régulation provient en effet de la cohabitation de trois numéros d'appel : le « 15 », le « 18 » et le « 112 » (qui est le numéro européen d'appel d'urgence). Dans la majorité des départements encore, ces numéros sont gérés en parallèle par le SDIS et le SAMU.

Le centre d'appel du SDIS 69 (Rhône)

Source : Sénat

La mutualisation de ces centres a toutefois débuté dans certains départements. Au mois de février 2012, on comptait déjà dix-neuf plates-formes communes .

L'exemple de la plate-forme commune « 15-18-112 » des Pyrénées-Orientales

Dans les Pyrénées-Orientales, la plate-forme commune d'alerte « 15-18-112 » a été inaugurée le 28 février 2012 . Elle regroupe la régulation médicale du SAMU, la régulation médicale libérale de la permanence des soins et le Centre de traitement de l'alerte - Centre
opérationnel départemental d'incendie et des secours (CTA-CODIS) du SDIS.

Cette plate-forme est le fruit d'une volonté commune au sein du département de doter les services d'urgences de secours et de santé d'un outil moderne, capable d'offrir une réponse opérationnelle optimale aux situations de détresses quotidiennes comme aux situations de crises majeures.

Elle se compose d'une salle principale située sur le site du SDIS et d'une salle de secours qui sera construite à l'hôpital.

L'évolution des risques, de la demande sanitaire, de la démographie, du tourisme ainsi que des risques naturels et technologiques dans les Pyrénées-Orientales ont généré une forte augmentation des interventions. Ainsi, en vingt ans, le SDIS est passé de 15 000 interventions à 35 000 interventions par an . Le CTA-CODIS reçoit plus de 187 000 appels par an et le SAMU atteint 170 000 appels .

Cette activité exige une forte anticipation et une technicité de réponse opérationnelle toujours plus poussée. Plus de 80 % de l'activité des sapeurs-pompiers concerne le secours aux personnes, qui constitue une mission partagée avec la santé. En outre, les incendies comme la gestion des risques multiples exigent une coordination opérationnelle et une gestion des moyens importantes face à un danger toujours plus complexe.

La plate-forme s'inscrit dans une démarche d'ensemble de mutualisation et d'optimisation des moyens du SDIS et de ses partenaires .

Son coût global s'élève à 6,9 millions d'euros .

Le financement de cet investissement se répartit de la manière suivante :

- Conseil général : 1,7 million d'euros (soit 24,2 %) ;

- Hôpital : 0,2 million d'euros (soit 2,6 %) ;

- Etat : 1,1 million d'euros (soit 16,1 %) ;

- SDIS : 3,9 millions d'euros (soit 57,1 %).

A cela, il faut rajouter les travaux d'aménagement de la salle de secours prévus au centre hospitalier et pris en charge par celui-ci, portant ainsi sa participation totale à 1,2 million d'euros.

Source : SDIS 66 (Pyrénées-Orientales)

Un frein à la mise en place de telle plates-formes peut être identifié dans la non-superposition des chaînes de décision relatives aux SDIS et aux SAMU. En effet, les SDIS ont une compétence départementale, tandis que les filières de prise en charge médicale et l'intervention des SMUR (après la régulation des SAMU) sont régies au niveau régional. Toutefois, les premières réalisations laissent à penser que cet obstacle n'est pas majeur et peut être surmonté afin de parvenir à une régulation plus optimale des moyens sur le terrain.


* 79 Estimation réalisée par la direction générale de l'offre de soins (DGOS).

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