B. UNE INFLATION SUBSTANTIELLE DES COÛTS

L'étude de Laurent Bayle (2001) et le rapport Belaval-Auberger (2003) évaluaient, au début des années 2000, le coût du grand auditorium dans une fourchette comprise entre 100 millions et 150 millions d'euros .

Ainsi le rapport Belaval-Auberger, citant l'étude de l'actuel président de l'association de préfiguration, indiquait : « [La Philharmonie de Paris] a également fait l'objet d'un rapport particulièrement fouillé de Laurent Bayle en avril 2001. A partir d'un programme de 17 310 m 2 de surface utile globale, comprenant l'auditorium proprement dit de 2 200 places, partiellement modulable, des salles de répétition, des locaux techniques, une médiathèque, des espaces pédagogiques, un grand foyer public et divers locaux administratifs et fonctionnels, ce rapport aboutit à une évaluation du coût de réalisation de 111 millions d'euros (728,5 millions de francs hors taxe), incluant la construction d'un parking enterré de 1 000 places. Cette évaluation devrait naturellement être ajustée pour tenir compte de la diminution proposée de la jauge de la grande salle ou de la réalisation, d'ores et déjà en cours, de la médiathèque de la Cité. Cet ajustement venant s'ajouter à l'absence de charge foncière, contribue à rendre ce projet particulièrement attractif sur le plan financier. »

Le rapport Belaval-Auberger concluait en comparant le coût probable de la Philharmonie avec celui d'auditoriums étrangers : « Le coût d'une telle réalisation, hors charge foncière et travaux d'aménagement du sol, devrait se situer entre 100 millions d'euros (coût actualisé du Symphony Hall de Birmingham ou du Bridgewater Hall de Manchester) et 150 millions d'euros (coût des trois auditoriums du Parco della Musica de Rome). »

Le coût global du projet, qui a beaucoup fluctué depuis 2006, devrait aujourd'hui atteindre, selon les dernières données disponibles, 386,5 millions d'euros.

1. Un coût initial sous-estimé

La mission d'inspection, dans son rapport précité de décembre 2009, a retracé l'évolution du coût du projet de construction de la Philharmonie de Paris entre septembre 2006 et janvier 2009 . Cette étude montre que les évaluations initiales du coût du projet sont passées, en un peu moins de trois ans, de 173 millions d'euros à 276 millions .

Les principales étapes de cette chronologie, retracées ci-après, font apparaître que cette inflation des coûts tient, pour l'essentiel, au périmètre fluctuant de dépenses retenu à chacune de ces phases .


En septembre 2006 , l'association de préfiguration établit un « pré-programme » évaluant le coût du projet à 173 millions d'euros , ce montant recouvrant :

- les coûts de construction , soit 136 millions d'euros , en retenant les ratios de prix au mètre carré et en chiffrant les sous-ensembles ainsi que les ouvrages spécifiques (les équipements scéniques, les parkings ou les équipements extérieurs), en prenant en compte des frais d'aléas (de 15 % pour le bâtiment et de 8 % pour les équipements scéniques) ;

- les coûts prévisionnels des honoraires (frais d'études et d'accompagnement), soit 37 millions d'euros . Ce montant sera porté à 39 millions d'euros à compter d'octobre 2007.


En mars 2007 , l'enveloppe budgétaire présentée par l'association de préfiguration aux candidats à la maîtrise d'oeuvre est fixée à seulement 118 millions d'euros hors taxes . Selon la mission d'inspection, ce montant correspond au seul coût de construction du bâtiment, hors honoraires, et en excluant les provisions pour aléas .

La mission d'inspection indique à cet égard : « n'incluant pas de provisions pour aléas , [ce montant] ne pouvait être tenu pour une estimation représentative du coût effectif de la construction du bâtiment, ni a fortiori du coût total du projet, puisque son périmètre n'intégrait pas les honoraires ».

Le dossier remis par les Ateliers Jean Nouvel propose une estimation en phase avec ce dernier chiffrage, soit 120 millions d'euros hors taxes. Une contre-expertise conclut, pour sa part, à un coût relativement proche de 131 millions d'euros hors taxes.


En octobre 2007 , pour la première fois, le reporting de l'association prend en compte l'effet de l'actualisation des coûts de construction sur la durée du chantier 67 ( * ) , soit 34 millions d'euros . Comme l'indique la mission d'inspection, ce coût supplémentaire inéluctable aurait pu être intégré avant le concours de maîtrise d'oeuvre.

Le coût total du projet est alors évalué à 204 millions d'euros (coût de construction porté à 165 millions d'euros + coût d'études et d'accompagnement de 39 millions d'euros).


En janvier 2009 , les coûts des premiers équipements , évalués à 30 millions d'euros hors taxes en incluant l'orgue, sont, à leur tour, intégrés dans les chiffrages produits par l'association. Deux autres postes de dépenses (d'un montant de 9 millions d'euros hors taxes) sont également rattachés au coût global du projet :

- l' « interface site » qui correspond à une provision pour des travaux paysagers et d'éclairage, ainsi que d'aménagements extérieurs (4 millions d'euros) ;

- les assurances complémentaires (5 millions d'euros).

Pour l'IGF et l'IGAC : « il n'apparaît pas illégitime que [l'] estimation précise [de ces dépenses] n'ait pas été arrêtée dès le début du projet ; il aurait toutefois été possible de leur affecter une enveloppe prévisionnelle, susceptible d'être ultérieurement affinée ».

Le coût global du projet est alors évalué, en janvier 2009, à 276 millions d'euros , décomposés comme suit :

- un coût de construction, finalement évalué à 198 millions d'euros ;

- un coût d'équipement de 39 millions d'euros ;

- un coût d'études et d'accompagnement de 39 millions d'euros.

2. Des surcoûts multiples


• Selon les données retracées dans le rapport d'inspection précité, le montant total de 276 millions d'euros arrêté en janvier 2009 a été, de nouveau, réévalué par l'association de préfiguration en décembre 2009 à 294 millions d'euros , en raison de cinq éléments jouant à la hausse ou à la baisse retracés ci-dessous :

Sources de surcoûts et d'économies

(en millions d'euros)

Surcoût lié à la construction des parkings

+ 14

Surcoût lié au second oeuvre

+ 16

Réduction du poste scénographique

- 9,5

Réévaluation des provisions pour aléas

+ 7

Réduction des provisions pour marge de contrat global

- 8

Total

+ 19,5*

* L'écart entre ce chiffrage (+19,5 millions d'euros) et la différence entre le coût initial (276 millions d'euros) et le coût réévalué du projet (294 millions d'euros) tient, sans doute, aux arrondis de ces données.

Source : mission d'inspection - décembre 2009

Cette nouvelle évaluation correspond à l'hypothèse, un temps envisagée, d'une procédure en lots séparés.


• Malgré cette réévaluation par l'association de préfiguration de l'ordre de 18 millions d'euros, la mission conjointe d'inspection pointe encore 53 millions d'euros de coûts supplémentaires à intégrer , portant ainsi le coût total de l'opération à 347 millions d'euros (si l'hypothèse de lots séparés est retenue).

La mission d'inspection estime alors qu'il convient, en effet, d'ajouter :

- 5 millions d'euros au titre du retraitement de l'évaluation non étayée du poste scénographique ;

- 27 millions d'euros au titre des dépenses cumulées de maîtrise d'ouvrage (dépenses de fonctionnement de l'association de préfiguration) ;

- 14 millions d'euros au titre de l'actualisation des coûts de construction sur 18 mois supplémentaires ;

- 7 millions d'euros au titre du coût des risques.


En octobre 2011 , le ministère chargé de la culture indique en réponse à la question 31 du questionnaire budgétaire (PLF pour 2012) de votre rapporteur spécial que le coût du projet est désormais estimé à 336,53 millions d'euros , en raison de l'abandon de l'hypothèse des lots séparés et à la suite « d'économies réalisées sur certains marchés de travaux préparatoires ».


• Interrogé par votre rapporteur spécial sur le dernier chiffrage disponible, le ministère de la culture et de la communication lui a indiqué que la commission ministérielle des projets immobiliers du ministère, réunie le 18 septembre dernier, a constaté officiellement l'augmentation du coût du projet de 336,5 millions d'euros à 386,5 millions .

Les principales sources du dépassement identifiées sont les révisions de prix des matières premières, les exigences de la commission de sécurité et les demandes relatives à la qualité architecturale du bâtiment .

Face à cette situation et outre les négociations en cours avec les Ateliers Jean Nouvel, des propositions d'économies ont été demandées à l'association, sur le projet architectural lui-même ou sur les coûts du premier équipement . Selon le ministère, « ces pistes, actuellement en cours d'examen, sont cependant complexes dans la mesure où il est à ce stade très difficile de remettre en cause des spécificités fondamentales du projet . »

Principales sources de surcoûts identifiées


Révisions de prix

« L'actualisation initiale (+1,2 %/an) a été calculée à partir d'un mois de référence correspondant à la remise des offres des entreprises, soit juin 2009. L'enveloppe prévue initialement pour les révisions de prix (incluse dans les 336 millions d'euros TDC TTC du coût global de l'opération) a donc été évaluée à 7,8 millions d'euros.

« Mais l'évolution récente des prix du bâtiment a fortement dépassé ces hypothèses et la Philharmonie prévoit que les courbes se prolongent dans le temps suivant des taux de +4 % à 4,5 %/an. Dans un tel cas, l'enveloppe pour révisions devrait être augmentée de 30 ou 35 millions d'euros environ. A titre de comparaison, la plupart des projets du ministère, sous maîtrise d'ouvrage OPPIC, incluent des hypothèses de révisions de 3,5 %/an. »


Enveloppe aléas

« L'enveloppe globale de 336 millions d'euros inclut des provisions pour aléas à hauteur de 18 millions d'euros, soit 7,4 % du montant HT des travaux. Des ordres de services venant grever cette enveloppe ont déjà été identifiés, pour un montant estimé à ce stade de 7,8 millions d'euros, ce qui laisse 10,2 millions d'euros disponibles sur l'enveloppe aléas.

« La Philharmonie demande maintenant une mise à jour de l'enveloppe aléas (+10 ou 15 millions d'euros) pour les raisons suivantes :

« - la commission de sécurité remet en cause les principes arrêtés au permis de construire (notamment en ce qui concerne le désenfumage) engendrant de nouvelles dépenses pour un montant estimé à 5 millions d'euros environ ;

« - l'ensemble des demandes formulées par Jean Nouvel , au titre de la qualité architecturale du projet, est chiffré à 15 millions d'euros, mais la Philharmonie pense réussir à limiter le surcoût ;

« - des discussions complexes avec la commission de sûreté, et divers autres postes peuvent également occasionner des difficultés ;

« - un protocole transactionnel, un avenant et un marché complémentaire sur le marché de maîtrise d'oeuvre qui doit mener à une réévaluation des honoraires évaluée à 1,8 million d'euros. »

Source : ministère de la culture et de la communication

Le dernier montant arrêté à 386,5 millions d'euros représente ainsi un surcoût de :

- 213,5 millions d'euros par rapport à l'estimation initiale de septembre 2006 (+ 123 %)

- 182,5 millions d'euros par rapport au budget arrêté en octobre 2007 (+ 89 %) ;

- 110,5 millions d'euros par rapport au budget arrêté en janvier 2009 (+ 40 %).

PdP : Philharmonie de Paris ; QB : questionnaire budgétaire ; MCC : ministère de la culture et de la communication

Source : Commission des finances, d'après les données du rapport IGF/IGAC de 2009 et du ministère de la culture et de la communication

Dans son rapport public annuel de 2012, la Cour des comptes indiquait déjà que la Philharmonie de Paris ne faisait pas - hélas -, de ce point de vue, exception aux dérives budgétaires des grands chantiers culturels : « même si les bases de l'analyse sont nécessairement moins solides pour les opérations qui sont toujours en cours, le coût final estimé au 31 décembre 2010 de neuf d'entre elles connaissent un doublement, en valeur constante, du montant du devis annoncé à la date du lancement. Il s'agit du Quadrilatère Richelieu, du département des arts de l'Islam, de la rénovation du pavillon Sully au Louvre, du centre d'archives de Pierrefitte, du musée Picasso, du musée d'Orsay, du MUCEM et de la Philharmonie de Paris. Après intégration partielle de compléments programmatiques et révision des prix, la différence entre le coût d'objectif initial (actualisé à la date prévisionnelle d'achèvement du projet) et le nouveau coût d'objectif fixé au 31 décembre 2010 reste, pour ces neuf opérations, encore supérieure à 25 %. Dans certains cas, l'écart ainsi calculé apparaît exorbitant (Philharmonie : + 65 % ; Louvre-aile Sully : + 48 % ; Musée Picasso : + 39 %) ».

L'inflation des coûts constatée sur les grands chantiers « culturels »

Louvre-aile Sully

+ 48 %

Musée Picasso

+ 39 %

Ecole d'architecture de Paris-Belleville

+ 51 %

Cité de l'architecture et du patrimoine

+ 84 %

Philharmonie de Paris :

- sur la base du chiffrage alors retenu par la Cour (336 millions d'euros) :

- sur la base du dernier chiffrage retenu par le MCC (386,5 millions d'euros) :

+ 65 %

+ 89 %*

(*) Commission des finances

Source : Cour des comptes, rapport public annuel de 2012

Dans sa réponse aux observations de la Cour des comptes, le ministère de la culture et de la communication indiquait alors : « l'absence de stabilité des coûts s'explique en premier lieu par la spécificité et le caractère complexe des grands chantiers culturels . La définition des contours d'un projet d'équipement culturel et la détermination de son coût constituent un processus itératif complexe associant le maître d'ouvrage, le maître d'oeuvre et les tutelles. (...) La prévision des coûts est donc par nature moins aisée que pour des projets de construction classique. »

Jean-Philippe Thiellay et Nicolas Delatour indiquaient quant à eux, dans un article daté de novembre 2010 : « cette augmentation des coûts prévus était malheureusement prévisible, compte tenu de l'ambition culturelle du projet, du projet architectural retenu et de la dérive des coûts observés par le passé pour la création d'établissements culturels » 68 ( * ) .

Votre rapporteur spécial prend acte de ces éléments, mais insiste pour que l'inflation des coûts sur les chantiers culturels ne devienne pas une fatalité .

A cet égard, il accueille favorablement la mis en place, dans le cadre de la commission ministérielle des projets immobiliers (CMPI) du ministère de la culture, d'un modèle de décomposition détaillée des coûts d'opération qui doit être complété par les maîtres d'ouvrages présentant leurs projets à la commission, de manière à s'assurer que l'ensemble des coûts ont été chiffrés et que le budget de l'opération permet de les financer.

Concernant la Philharmonie, le ministère chargé de la culture et la Ville de Paris indiquent avoir mis en place, suite aux recommandations formulées par l'IGF, un reporting de suivi, structuré à l'identique à chaque réunion, afin d'éviter toute détérioration de l'information dans des changements de périmètre.


• Ce dernier chiffrage disponible (386,5 millions d'euros) est-il pour autant définitif
? Le ministère de la culture et de la communication précise dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur que « ce dernier total [de 386,5 millions d'euros] est considéré dorénavant comme un maximum ».

Bien évidemment votre rapporteur spécial souhaite que cet objectif soit atteint . Comme indiqué précédemment, l'écart entre la première évaluation réalisée en septembre 2006 et la dernière évaluation disponible à ce jour du projet atteint déjà 213,5 millions d'euros.

Il reste néanmoins prudent sur ce montant plafond compte tenu des multiples facteurs de renchérissement possibles et de la complexité du projet. Par ailleurs, compte tenu de son état d'avancement, il semble peu probable, même en cas de dépassement de l'enveloppe, de stopper le chantier. En effet, des coûts importants résulteraient de son arrêt .

Enfin, comme le suggérait la mission conjointe d'inspection dans son rapport de décembre 2009, « le coût complet » de l'opération devrait également inclure les charges de fonctionnement de l'association de préfiguration .

Selon les données du ministère de la culture et de la communication transmises à votre rapporteur ( cf. tableau ci-dessous), ces dépenses peuvent être évaluées, en cumulé sur la période 2006-2012, à 23,1 millions d'euros .

L'association de préfiguration est principalement financée par une subvention, à quasi parts égales, de l'Etat et de la Ville de Paris.

Charges et ressources de l'association de préfiguration

(en euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012(p)

Total

Dépenses

262 236

4 108 944

2 930 867

3 139 093

2 913 746

5 786 303

3 999 387

23 140 576

Dont charges de personnel

30 095

438 604

727 235

825 809

903 812

1 081 830

1 613 974

5 621 359

Dont charges de fonctionnement

232 141

2 823 116

1 302 168

1 949 526

1 413 916

2 158 843

2 291 013

12 170 723

Ressources

262 236

4 106 094

2 920 678

4 333 175

2 913 746

5 427 107

3 796 402

23 759 438

Dont Etat

169 614

1 920 498

1 410 000

1 949 929

1 100 000

1 326 407

1 898 201

9 774 649

Dont Ville de Paris

92 622

2 128 906

1 410 000

1 949 929

1 100 000

1 326 407

1 898 201

9 906 065

Dont Région

0

0

0

433 317

0

0

0

433 317

Source : commission des finances, d'après les données du ministère de la culture et de la communication

En extrapolant les dépenses de fonctionnement de l'association de préfiguration jusqu'à la fin 2014 (sur la base de 3,8 millions d'euros par an 69 ( * ) ), le montant total des dépenses liées à la maîtrise d'ouvrage s'élèverait à 30,7 millions d'euros, portant le coût complet du projet de Philharmonie de Paris à 417,2 millions d'euros .

3. Une définition par itérations des modalités de financement
a) Un cofinancement entre l'Etat, la Ville de Paris et la région Île-de-France

La Philharmonie de Paris sera financée par l 'Etat et la Ville de Paris, à parts égales, déduction faite de la participation, plus réduite, de la région Île-de-France .

De nombreux documents font état d'une hypothèse de financement du projet selon la clé de répartition suivante :

- 45 % assuré par l'Etat ;

- 45 % financé par la Ville de Paris ;

- 10 % supporté par la Région.

Cependant, la participation du Conseil régional d'Île-de-France fait l'objet d'interprétations différentes :

- pour le conseil régional, sa contribution se limite à un montant forfaitaire de 20 millions d'euros qui représentait, au moment de son engagement, 10 % du coût du chantier, alors évalué à 204 millions d'euros ;

- pour l'Etat et la Ville de Paris, la Région devrait, au contraire, participer à hauteur de 10 % du coût final du projet, et donc assumer une partie des surcoûts .

L'issue de ce « différend » n'est pas négligeable : si l'on ne tient compte que du chiffrage arrêté en octobre 2011, soit 336,5 millions d'euros, une participation de la Région proportionnelle au coût du projet, à hauteur de 10 % de celui-ci, minore le coût supporté respectivement par l'Etat et la Ville de Paris de 6,8 millions d'euros , mais majore celui de la Région de 13,6 millions d'euros.

La clé de répartition du coût du projet selon la nature de la participation de la Région

(en millions d'euros)

Hypothèse 1 : participation forfaitaire de la région à 20 millions d'euros

Hypothèse 2 : participation de la région à hauteur de 10 % du coût du projet

Ecart

Participation Etat

158,25

151,45

-6,8

Participation Ville de Paris

158,25

151,45

-6,8

Participation Région

20,0

33,6

+ 13,6

Source : commission des finances

Interrogé sur la nature de l'engagement pris par le Conseil régional d'Île-de-France, le ministère de la culture et de la communication a indiqué qu'il n'existait pas de document formalisant un engagement de la Région proportionnel au coût du projet .

La convention signée avec l'association de préfiguration le 16 juillet 2009 prévoyait simplement une participation de la Région de 20 millions d'euros. L'avenant à cette convention approuvé par le conseil d'administration de l'association de préfiguration le 26 juillet dernier a plafonné ce montant à 20 millions d'euros en valeur absolue.

Il est également à noter qu'en « contrepartie », la convention du 16 juillet 2009 prévoyait que la Philharmonie s'engageait à accueillir l'Orchestre national d'Île-de-France pour environ 12 concerts par an , et à mettre en place un partenariat pour les activités pédagogiques.

Il semble que ces « contreparties » aient été en partie accordées pour sécuriser la participation financière de la région Île-de-France. En effet, dans une note du 20 octobre 2009 au directeur du cabinet du Ministre de la culture, le directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles indiquait : « la Région conditionne sa contribution à des engagements sur l'accueil à terme par la Philharmonie de l'Orchestre national d'Île-de-France. Malgré des réserves sur ce point, il nous semble indispensable de signer cette convention dans les plus brefs délais, afin de sécuriser cette contribution de 20 millions d'euros sur l'investissement. »

Lors de leur audition en septembre dernier, les membres du cabinet de l'actuelle Ministre de la culture et de la communication ont annoncé à votre rapporteur spécial que des négociations étaient, de nouveau, en cours afin d'obtenir une éventuelle contribution complémentaire de la région.

S'il n'appartient pas à votre rapporteur spécial de porter de jugement sur le niveau de la participation financière de chacune des collectivités publiques concernées, il appelle néanmoins au règlement rapide de cette question cruciale qui aurait dû intervenir plus tôt .

Il est assez étonnant, à cet égard, qu' aucune rencontre n'ait jamais réuni le ministre chargé de la culture, le maire de Paris et le président de la région Île-de-France .

Cette question devient aujourd'hui d'autant plus prégnante que des surcoûts importants (de l'ordre de 50 millions d'euros) ont été récemment officiellement constatés ( cf. supra ). Interrogés par votre rapporteur spécial sur les modalités de financement de ces surcoûts, le ministère de la culture et de la communication indique : « il existe à ce jour une incertitude sur les surcoûts, donc sur les financements de ces surcoûts et, in fine, sur la part qui incombera à l'Etat ».

Au final, en l'absence d'économies, selon l'option retenue (participation forfaitaire ou proportionnelle de la région Île-de-France), le différentiel de contribution s'élève à +/- 9,3 millions d'euros pour l'Etat et la Ville de Paris, et à +/- 18,6 millions d'euros pour la région.

Hypothèses de répartition du coût global de financement du projet

(en millions d'euros)

Hypothèse 1 : participation forfaitaire de la région à 20 millions d'euros

Hypothèse 2 : participation de la région à hauteur de 10 % du coût du projet

Ecart

Coût retenu : 336,5 millions d'euros (évaluation octobre 2011)

Participation Etat

158,25

151,45

- 6,8

Participation Ville de Paris

158,25

151,45

- 6,8

Participation Région

20,0

33,6

+ 13,6

Surcoûts attendus : 50 millions d'euros (évaluation octobre 2012)

Participation Etat

25

22,5

- 2,5

Participation Ville de Paris

25

22,5

- 2,5

Participation Région

0

5

+ 5,0

Coût global du projet (évaluation octobre 2011 + surcoûts attendus) : 386,5 millions d'euros

Participation Etat

183,25

173,95

- 9,3

Participation Ville de Paris

183,25

173,95

- 9,3

Participation Région

20,0

38,6

+ 18,6

Source : commission des finances

b) L'hypothèse d'un emprunt garanti par l'Etat et la Ville de Paris

S'agissant des modalités de financement du projet, il a été initialement envisagé de recourir à un emprunt garanti par l'Etat et la Ville de Paris , permettant ainsi la non-prise en charge immédiate du coût du projet par les collectivités publiques.

Malgré l'abandon de l'hypothèse d'un PPP qui nécessitait un financement externe initié par le partenaire, la Ville de Paris, comme l'Etat, ont en effet souhaité, pendant un temps, conserver un mode de financement externalisé et différé, en recourant à l'emprunt. Cette première formule a néanmoins fait l'objet de modalités fluctuantes.


• Dans un premier temps, l'association de préfiguration a proposé une solution dans laquelle deux emprunts auraient été contractés : un emprunt relais pendant la construction et un emprunt bancaire pendant l'exploitation .


• A partir de 2009, l'association de préfiguration a privilégié l'hypothèse d'un endettement par émission d'obligations en trois temps ( cf. tableau ci-après). L'association requerrait, pour ce faire, la garantie de l'Etat et de la Ville de Paris.

Echéancier des émissions obligataires envisagées

(en euros)

Février 2010

Juillet 2012

Janvier 2013

Total

Montant total de l'émission

141 663 000

65 589 000

34 239 600

241 491 600

Part Etat

66 291 500

32 794 500

17 119 800

116 205 800

Part Ville de Paris

75 371 500

32 794 500

17 119 800

125 285 800

Source : rapport de la mission d'inspection IGF-IGAC (décembre 2009)

L'association de préfiguration justifiait ce nouveau choix par plusieurs éléments :

- d'une façon générale, le recours à une solution « désintermédiée » -l'emprunteur s'adresse directement à un arrangeur chargé de recueillir les offres de financement sans nécessairement passer par une banque -, offre, à niveau de garanties équivalentes, des conditions de financement plus performantes qu'un emprunt bancaire classique ;

- dans un contexte financier caractérisé par une raréfaction de l'offre de crédit bancaire sur des maturités longues, le recours à une émission obligataire devait permettre à la Philharmonie de Paris de sécuriser son accès à la ressource , les émissions émises étant susceptibles d'être placées auprès d'un panel élargi d'investisseurs potentiels.

Pour l'ensemble de ces raisons, le 28 avril 2009, la Philharmonie de Paris a lancé une consultation destinée à sélectionner un « arrangeur » dont le rôle aurait été de conseiller la Philharmonie et d'assurer le placement des titres obligataires émis auprès d'investisseurs sur la base de ses besoins prévisionnels.

Suite à cette consultation, quatre établissements ont remis une offre dans les délais arrêtés au 28 mai 2009, dont trois répondaient aux caractéristiques des emprunts recherchés par la Philharmonie de Paris à savoir :

- « un profil de remboursement en phase avec le rythme de versement des subventions destinées au financement de la construction ;

- « un démarrage du remboursement du capital et des intérêts après 2013 ;

- « une émission des titres définie en fonction des échéanciers de paiement des travaux . » 70 ( * )

La Société Générale, arrangeur finalement pressenti, a alors présenté une simulation de remboursement de l'emprunt obligataire qui ne serait intervenu qu'après l'ouverture de la Philharmonie, alors prévue en 2013. Les intérêts dus par l'Etat auraient atteint 53 millions d'euros .

Modalités de remboursement de l'emprunt obligataire envisagé (sur 15 ans) - répartition entre capital et intérêts

(en millions d'euros)

Etat

Ville de Paris

Total

Capital

Intérêts

Total

Capital

Intérêts

169

116

53

189

125

64

Source : rapport de la mission d'inspection IGF-IGAC (décembre 2009)

A ces coûts, il aurait également été nécessaire d'ajouter les frais d'arrangement de la Société Générale (700 512 euros) soit, pour l'Etat, 350 256 euros. Le coût total de l'opération pour l'Etat aurait alors atteint 185,3 millions d'euros, répartis comme suit :

Estimation du coût total du projet pour la part Etat, à l'issue de la phase de négociations, avec émission d'obligations par l'association

(en milliers d'euros)

Nature des versements

Montant des versements

Subventions déjà votées

15 750

Remboursement en capital emprunts 2010-2013

116 206

Part d'intérêts + frais d'arrangement

53 428

Total part Etat

185 384

Source : rapport de la mission d'inspection IGF-IGAC (décembre 2009)

c) La solution mixte finalement retenue

A la suite des conclusions du rapport d'inspection IGF-IGAC, le recours à l'emprunt pour la quote-part de l'Etat a été abandonné au profit d'un financement par crédits budgétaires. La Ville de Paris a en revanche, quant à elle, maintenu le recours à l'emprunt .


Un financement de la part Etat par crédits budgétaires

Le rapport d'inspection de décembre 2009 avait, en effet, révélé que le financement de la quote-part de l'Etat par un endettement obligataire de l'association aurait engendré un surcoût de l'ordre de 7 millions d'euros par rapport à un financement sur le budget de l'Etat.

Ce surcoût a été calculé en comparant la charge d'intérêts afférente à l'émission d'obligations (53,4 millions d'euros) aux conditions financières d'endettement de l'Etat, calculées à partir d'un taux des obligations assimilables du Trésor (OAT) à 20 ans de 4,20 %.

Plus généralement, l'IGF et l'IGAC, dans ce même rapport, relevaient que le choix d'un emprunt obligataire était, en tout état de cause, inadapté à la nature du projet, la Philharmonie n'étant pas destinée à présenter une rentabilité susceptible de justifier un tel mode de financement .

En effet, selon la mission d'inspection, « un financement par emprunt se justifie pour un projet susceptible de dégager des flux de trésorerie positifs en exploitation, après une phase initiale d'investissement. L'endettement permet alors de combler le décalage temporel entre les versements et les encaissements dont la somme sur la durée de vie du projet fait apparaître une valeur actuelle nette positive . Or, en l'espèce, l'exploitation de la Philharmonie n'a pas vocation à être rentable [cf. infra]. Elle ne dégagera pas de capacité de remboursement propre en rythme de croisière : tout débours non financé initialement par crédits budgétaires devra l'être ultérieurement, majoré des intérêts (impliquant un coût complet actualisé supérieur pour l'Etat), sous forme de subvention récurrente ».

Le rapport concluait ainsi : « La sauvegarde des intérêts financiers de l'Etat ainsi que la transparence de la gestion et de la décision publiques commandent donc que le projet de Philharmonie soit financé sur crédits budgétaires ».

Cette recommandation a été suivie par le ministère de la culture et de la communication . Une note du secrétaire général et du directeur général de la création artistique au directeur de cabinet du Ministre de la culture, préparatoire à la réunion interministérielle du 21 janvier 2010, relève ainsi clairement : « le rapport [IGF-IGAC] indique que l'hypothèse d'emprunt bancaire obligataire de financement favorisée à ce stade ne saurait être retenue car elle représente un important surcoût pour l'État. Le projet devrait donc être financé par crédits budgétaires. Les analyses conduites par les services du ministère sont en accord avec cette conclusion qui semble désormais faire l'unanimité ».

Avant la mise en évidence de surcoûts de l'ordre de 50 millions d'euros en octobre 2012, l'échéancier d'ouverture et de consommation des crédits correspondant à la part financée par l'Etat au sein de la mission « Culture » était le suivant :

Ouvertures et consommation des AE et CP consacrés à la Philharmonie de Paris au sein de la mission « Culture »

(en euros)

Source : d'après les données du ministère de la culture et de la communication

A la fin de l'exercice 2011 (sur un budget total alors évalué à 336,5 millions d'euros, soit une part Etat de 158,2 millions d'euros), la totalité des autorisations d'engagement (AE) étaient ouvertes au sein de la mission « Culture » et 52,4 millions d'euros de crédits de paiement (CP) consommés .

Pour 2012, le ministère de la culture et de la communication précise que : « les crédits de paiement nécessaires avaient été chiffrés à 54 millions d'euros. Néanmoins, seuls 45 millions d'euros ont été budgétés en loi de finances pour 2012, auxquels il faut encore retrancher 2,7 millions d'euros au titre de la mise en réserve. Les 42,3 millions d'euros ainsi disponibles ne couvrent pas la totalité des besoins de l'exercice 2012 ; c'est pourquoi sont demandés le dégel des 2,7 millions mis en réserve, ainsi que l'ouverture de 9 millions de crédits de paiement supplémentaires » .

Pour 2013, les ouvertures de CP prévues pour la Philharmonie s'élèvent à 50 millions d'euros, contre 60,8 millions d'euros initialement prévus dans l'échéancier précité. Cette diminution correspond au montant des ouvertures de crédits anticipées en 2012.

Une ouverture de 25 millions d'euros d'AE complémentaires est, en outre, proposée en PLF 2013, pour faire face à la moitié des surcoûts identifiés en octobre 2012 (l'hypothèse retenue est celle d'une prise en charge de ces surcoûts à 50 % par l'Etat et 50 % par la Ville de Paris). Les CP correspondants devraient être ouverts en PLF pour 2014 .


Le maintien du recours à l'emprunt pour la quote-part du financement revenant à la Ville de Paris

La mission d'inspection précitée avait indiqué que le retrait de l'Etat dans l'emprunt obligataire n'impliquerait pas de surcoût pour la Ville de Paris .

Celle-ci a effectivement opté, s'agissant de sa part de financement, pour le maintien de l'octroi d'une garantie d'emprunt à l'association . La Philharmonie a ainsi souscrit en 2011, auprès de la Société Générale, un emprunt de 151,6 millions d'euros avec libération fractionnée en 2011, 2012 et 2013. Son remboursement est prévu sur 15 ans à compter de 2014. Les intérêts dus au titre de cette période sont capitalisés et leur montant est intégré dans le capital à rembourser à compter de janvier 2014. L'annuité s'élèvera à 15,7 millions d'euros sur la période 2014-2028 ( cf. encadré). Le calibrage de la subvention que versera la Ville tiendra compte de ces annuités d'emprunt.

Echéancier du remboursement de l'emprunt souscrit par la Philharmonie auprès de la Société Générale

Année

Intérêts dus

Principal du

Echéances

2014

8 396 487,93

7 261 745,79

15 658 233,72

2015

8 058 579,28

7 599 654,44

15 658 233,72

2016

7 594 208,17

8 064 025,55

15 658 233,72

2017

7 191 062,67

8 467 171,04

15 658 233,71

2018

6 745 856,47

8 912 377,25

15 658 233,72

2019

6 277 241,20

9 380 992,52

15 658 233,72

2020

5 783 986,00

9 874 247,71

15 658 233,71

2021

5 293 643,51

10 364 590,21

15 658 233,72

2022

4 706 891,27

10 951 342,45

15 658 233,72

2023

4 143 997,66

11 514 236,06

15 658 233,72

2024

3 538 575,93

12 119 657,79

15 658 233,72

2025

2 909 269,78

12 748 963,94

15 658 233,72

2026

2 243 201,42

13 415 032,30

15 658 233,72

2027

1 521 431,01

14 136 802,71

15 658 233,72

2028

780 150,48

14 878 083,24

15 658 233,72

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

Cependant, les retards pris sur le projet et l'inflation de son coût ont eu pour incidence de réviser le montant de la garantie d'emprunt accordée par la Ville de Paris :

- le Conseil de Paris avait initialement (lors de sa séance de juillet 2009) accordé une garantie d'emprunt de 117,5 millions d'euros à l'association de préfiguration. Ce montant était fondé sur une participation à hauteur de 45 % du coût total de l'opération ;

- l'évolution de ce dernier a conduit à revoir la garantie de la Ville à 158,3 millions d'euros (soit une augmentation de 41,1 millions d'euros), correspondant à un financement à parité avec l'Etat du budget global de l'opération revu à 336,5 millions d'euros, déduction faite de la participation de 20 millions d'euros attendue de la région.

Si la Ville de Paris décidait de prendre en charge une partie des nouveaux surcoûts annoncés cet automne, elle devrait se prononcer sur leur financement. Cela impliquerait un nouveau processus complexe de validation par le Conseil de Paris .

Sur la période 2007-2011, la Ville de Paris, via la garantie d'emprunt accordée à la Philharmonie de Paris, a ainsi versé 52,4 millions d'euros . Pour 2012, ce montant devrait être de 54,3 millions d'euros, puis de 51,5 millions d'euros en 2013.


• S'agissant de la région Île-de-France , sur son engagement de 20 millions d'euros, elle a versé 3,3 millions d'euros entre 2007 et 2011 . 9,7 millions d'euros sont prévus pour 2012 et 7 millions d'euros en 2013.

Le tableau suivant synthétise l'ensemble des modalités de financement du projet de Philharmonie de Paris, en tenant compte de la moitié seulement des surcoûts identifiés en octobre 2012 qui seraient supportés par l'Etat.

Modalités de financement du projet de Philharmonie de Paris (sur la base d'une participation forfaitaire de la région de 20 millions d'euros et une prise en charge des surcoûts à 50 %)

(en millions d'euros)

Montant total financé

2007-2011

PLF 2012

2013

2014

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Total

361,1

351,9

336,5

108,1

-

109,0

25,0

108,5

-

26,3

MCC

183,2

173,7

158,2

52,4

-

45,0

25,0

50,0

-

26,3

VdP

158,2

158,2

158,2

52,4

-

54,3

-

51,5

-

-

IdF

20,0

20,0

20,0

3,3

-

9,7

-

7,0

-

-

MCC : ministère de la culture et de la communication ; VdP : Ville de Paris ; IdF : région Île-de- France

Source : ministère de la culture et de la communication

4. Une information très sommaire à destination du Parlement

Comme le montre le tableau ci-après, les données sur le coût global du projet et ses modalités de financement, transmises à votre rapporteur spécial dans le cadre de son questionnaire budgétaire depuis 2009, sont cohérentes avec celles qui étaient alors à la connaissance des tutelles .

Il regrette néanmoins le caractère très sommaire de l'information alors transmise - notamment dans le cadre de la justification au premier euro de la mission « Culture » -, malgré les enjeux financiers et la complexité du projet .

Votre rapporteur spécial note surtout qu'un chiffrage global du projet apparaît de façon indirecte dans le projet annuel de performances pour 2009 et ne réapparaît ensuite que dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012 .

Ce relatif enrichissement des documents budgétaires à compter du PLF pour 2012 est peut-être lié aux fortes interrogations émises par votre rapporteur spécial lors de l'examen de la loi de finances pour 2011.

En effet, à l'occasion du PLF pour 2011, il s'étonnait que, selon les réponses au questionnaire budgétaire, et alors que l'ouverture de l'auditorium était encore prévue en 2013, « les modalités de financement par l'Etat [étaient] en cours de finalisation » .

Votre rapporteur spécial n'avait pas non plus, à ce stade, obtenu d'explications détaillées sur les raisons qui retardaient l'ouverture des crédits nécessaires, et que la presse imputait à un différend entre les ministères chargés de la culture et du budget 71 ( * ) . En effet, et alors que 106 millions d'euros d'AE avaient déjà été reportées de 2009 vers 2010, aucun crédit de paiement n'était ouvert par la loi de finances pour 2011 (la loi de finances rectificative de juillet 2011 a finalement ouvert 39,3 millions d'euros de CP supplémentaires).

Interrogé sur ce point par nos collègues députés, le Ministre de la culture et de la communication avait formulé la réponse suivante en séance publique : « Sujet de préoccupation d'un certain nombre d'entre vous, je veux aborder la question de la Philharmonie de Paris. Sachez que je suis toujours un fervent défenseur de ce remarquable projet. J'espère pouvoir revenir vous voir prochainement avec un plan de financement validé pour que les travaux démarrent enfin ».

C'est en partie ce manque d'informations qui a conduit votre rapporteur spécial à décider de mener la présente mission de contrôle.

Données chiffrées sur le projet de Philharmonie de Paris à destination du Parlement

Date

Source

Estimation du coût total du projet

Remarques

Modalités de financement

Octobre 2007

Mission d'inspection IGF-IGAC (rapport décembre 2009)

204 millions d'euros

Il s'agit du budget arrêté avec actualisation.

26 septembre 2008

Dossier de presse du ministère de la culture sur le budget 2009 (page 12)

« 203 millions d'euros TTC, valeur août 2006, sur la base d'une actualisation des estimations de 2001 »

Il s'agit du « coût global de l'opération ».

• « Le financement est assuré à parité par l'Etat et la Ville de Paris à hauteur de 45 % et par le Conseil régional pour 10 %. »

• « Les crédits au titre du Grand Auditorium comprennent :

« - 139,97 Ms en AE, correspondant au montant total des AE nécessaires pour financer le lancement de la procédure de dialogue compétitif début 2009, dans l'hypothèse du recours à un partenariat public-privé (PPP) ;

« - 5,7 Ms en AE=CP qui feront l'objet d'un financement spécifique à partir du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». »

Septembre 2008

Note du secrétaire général du ministère de la culture au directeur de cabinet préparatoire à la réunion interministérielle du 17 septembre 2008

« S'agissant du coût total des travaux, le montant prévisionnel de 204 millions d'euros et sans doute sous-évalué, même si aucune contre-expertise précise n'a pu être faite à ce stade ».

Octobre 2008

Projet annuel de performances « Culture » annexé au PLF 2009

Pas de données sur le coût total du projet.

« Le budget du Grand Auditorium (Philharmonie de Paris) comporte :

« - 139,97 M€ en AE, correspondant au montant total des AE nécessaires pour financer le lancement de la procédure de dialogue compétitif début 2009, dans l'hypothèse du recours à un partenariat public-privé (PPP) ;

« - 5,7 M€ en AE=CP qui feront l'objet d'un financement spécifique à partir du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

« L'État et la Ville de Paris ont décidé en 2008 de lancer Le financement est assuré à parité par l'État et la Ville de Paris à hauteur de 45 % et par le Conseil régional pour 10 %. »

Janvier 2009

Mission d'inspection IGF-IGAC (rapport décembre 2009)

276 millions d'euros

Il s'agit du budget arrêté au moment de l'offre.

Octobre 2009

Projet annuel de performances « Culture » annexé au PLF 2010

Pas de chiffrage global.

Pas d'indications.

Réponse 28 au questionnaire budgétaire de la commission des finances du Sénat sur le PLF 2010

276 millions d'euros (dont 128 millions d'euros de part Etat)

« Le coût global du projet a été estimé à 276 M€. Ce coût comprend l'équipement en tant que tel (intégrant le parking et les aménagements extérieurs), les études et prestations nécessaires à la construction, les postes d'assurance, le premier équipement. Ce montant intègre également une actualisation annexée sur les indices d'évolutions des prix dans le secteur du bâtiment.

« Ne sont pas compris dans ces postes de dépenses les coûts de fonctionnement de l'association de préfiguration, puis de la structure qui lui succédera (2,1 M€ prévus pour 2010 pour la part État). »

• « L'accord financier entre la ville de Paris et l'Etat repose sur une répartition à parts égales de la charge du projet. Initialement prévue avec une participation à hauteur de 10% du projet, la région Île-de-France a indiqué qu'elle ne dépasserait pas une enveloppe de 20M€ . La part relevant de l'Etat s'élève donc à 128 M€ sur la base des évaluations actuelles. »

• « L'Etat et la Ville de Paris ont d'ores et déjà financé le projet à hauteur de 32,l M€ pour les années 2006-2009. Pour le solde à financer, c'est l'hypothèse d'un financement par emprunt qui a été retenue et validée lors de la réunion interministérielle du 18 décembre 2008. Une garantie d'Etat devrait être inscrite au PLF 2010, pour permettre à la Philharmonie de contracter un emprunt. »

• « Compte tenu des frais bancaires associés, la Philharmonie devrait donc contracter un emprunt de 243,7 M€, garanti à parts égales par l'Etat et la Ville . Dans le montage envisagé, les premiers remboursements n'interviendraient qu'à compter de 2013. Une hypothèse de remboursement sur 15 ans impliquerait un financement pour la part Etat de 11,3 M€ par an. »

Décembre 2009

Mission d'inspection IGF-IGAC (rapport décembre 2009)

347 millions d'euros

Montant réévalué par la mission d'inspection (hypothèse de lots séparés)

Octobre 2010

Projet annuel de performances « Culture » annexé au PLF 2011

Pas de chiffrage global.

Pas d'indications.

Réponse 33 au questionnaire budgétaire de la commission des finances du Sénat sur le PLF 2011

345 millions d'euros environ

Il s'agit du « coût global (...) hors charges des intérêts d'emprunt pour la partie qui sera financée sur les crédits autres que budgétaires »

• « Ce montant a vocation à être financé conjointement par les trois collectivités publiques dans le cadre d'un partage à parité entre la Ville de Paris et l'État, après déduction de la participation de la région Ile-de-France, fixée à 20 M€ . »

• « Il comprend les dépenses déjà réalisées couvrant les études et les travaux de terrassement et de fondations (33 M€), le coût du contrat global qui doit être conclu très prochainement avec le groupement d'entreprises, soit 241 M€ (216 M€ + 25 M€), le coût du premier équipement (30 M€), et enfin le coût total, jusqu'en 2013, des charges de fonctionnement de la structure associative qui porte le projet (40 M€). »

Octobre 2011

Projet annuel de performances « Culture » annexé au PLF 2012

336,5 millions d'euros

« Le coût total de cette opération est de 336,53 M€, la part de l'État s'élevant à 158,26 M€ en AE=CP. La Ville de Paris et la région Ile-de-France, autres collectivités locales impliquées dans le projet, le financent respectivement à hauteur de 158,26 M€ et 20 M€ . »

Réponse 31 au questionnaire budgétaire de la commission des finances du Sénat sur le PLF 2012

336,53 millions d'euros actualisés

« Le coût global de l'opération défini au stade du programme était de 204,14 millions d'euros actualisés. Ce montant n'incluait pas l'ensemble des dépenses prises en compte dans les estimations suivantes, notamment le premier équipement et une provision pour aléas ».

« Début 2009, suite à la livraison de l'avant-projet définitif, le coût global de l'opération a été réévalué à 276,3 millions d'euros actualisés (...). Les premiers surcoûts sont surtout liés à l'intégration au périmètre de l'opération du premier équipement, de l'orgue et des assurances complémentaires ».

« En décembre 2010, le coût des travaux a été porté à 242,98 millions d'euros, dont les travaux supplémentaires dits « option 1 » et la prime de célérité. Par ailleurs, les aléas ont été revalorisés de 9,7 millions d'euros, conformément aux préconisations de l'inspection générale des finances ».

« Une partie des surcoûts a été absorbée par la Philharmonie suite à des économies réalisées sur certains marchés de travaux préparatoires ».

Octobre 2012

Projet annuel de performances « Culture » annexé au PLF 2013

336,53 millions d'euros actualisés et annonce d'éventuels surcoûts

• « L'opération principale concerne la construction de la Philharmonie de Paris, pour laquelle 25 M€ en AE et 50 M€ de CP sont prévus en 2013, afin de couvrir les échéances de paiement de ce chantier de grande envergure. »

• « Le coût total prévisionnel de cette opération est de 336,53 M€, la part de l'État s'élevant à 158,26 M€ en AE=CP. La Ville de Paris et la région Île-de-France, ainsi que les autres collectivités locales impliquées dans le projet, le financent respectivement à hauteur de 158,26 M€ et 20 M€. L'autorisation d'ouverture de 25 M€ en AE est destinée à pouvoir faire face à d'éventuels surcoûts. »

Réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial dans le cadre de son contrôle

386,5 millions d'euros

Surcoûts identifiés de l'ordre de 50 millions d'euros.

Réponse 33 au questionnaire budgétaire de la commission des finances du Sénat sur le PLF 2013

387 millions d'euros

« L'opération doit aujourd'hui connaître une nouvelle révision de son coût liée à trois facteurs principaux : les révisions de prix du marché de construction (+35 millions d'euros) générés par une évolution de l'indice BT01 beaucoup plus importante que celle anticipée initialement sur un calendrier qui a connu un temps de latence en 2010, la mise à jour de l'enveloppe aléas (+10 à 15 millions d'euros) pour tenir compte notamment de prescriptions plus importantes liées à une meilleure appréhension d'un bâtiment complexe par les commissions de sécurité et l'obligation d'affermir des options non budgétées. La participation totale de l'Etat est de l'ordre de 158 millions d'euros (montant des AE ouvertes et engagées fin avril 2011). Une demande de 25 millions d'euros complémentaires a été portée au PLF 2013, pour prendre en compte, à parité avec la Ville de Paris, ces évolutions de coûts incompressibles (évoquées ci-dessus).

Source : commission des finances, d'après les sources citées dans le tableau ci-dessus


* 67 Une note du secrétaire général du ministère de la culture au directeur de cabinet préparatoire à la réunion interministérielle du 2 décembre 2008 semble déjà indiquer que le taux d'actualisation alors retenu pourrait devoir être revu à la hausse, ce qui est aujourd'hui admis ( cf. suite du présent rapport) : « Le taux d'actualisation retenu pour ces estimations est de 4,26 %. Cette estimation retenue par la Philharmonie repose sur une moyenne de l'indice de référence BT01 entre septembre 2000 et septembre 2006. À l'heure actuelle, le taux est nettement plus élevé, à près de 8 %, ce qui renchérirait considérablement les coûts directs de l'opération. Cependant dans un contexte de crise de l'immobilier il est probable que cet indice revienne à la baisse. C'est pourquoi l'actualisation à 4,26 % a été maintenue. Ce point devra néanmoins faire l'objet d'une attention toute particulière dans les mois à venir . »

* 68 Fondation Terra Nova, note «  Réussir la Philharmonie de Paris, bâtir plus qu'une simple salle de concert » , de Jean-Philippe Thiellay et Nicolas Delatour (pseudonyme).

* 69 Moyenne des dépenses de l'association de préfiguration sur la période 2007-2012 (l'année 2006 étant assez atypique par rapport au reste de la période).

* 70 Réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 71 « Le chantier de la Philharmonie de Paris est en panne », Le Monde du 1 er octobre 2010.

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