b) L'avenir de la conquête spatiale

Dans l'immédiat, l'avenir de la conquête spatiale sera d'abord robotique, si possible dans le cadre de coopérations internationales, selon un modèle illustré au cours de l'été dernier par l'atterrissage du véhicule Curiosity, dans le cadre du programme Mars Science Laboratory (MSL), qui comporte une forte participation française.

(1) Le vol habité : un avenir encore incertain

En avril 2010, le président des États-Unis Barack Obama a annoncé la restructuration du programme d'exploration voulu par son prédécesseur, qui visait le retour de l'Homme sur la Lune en 2020. Le rapport de la commission présidée par Norman Augustine, à l'origine de ce revirement, avait préconisé une redéfinition des objectifs du programme d'exploration spatiale, sur la base d'un principe : « les destinations découlent des objectifs » et non l'inverse. L'exploration habitée devrait suivre un « chemin flexible », en commençant par des destinations moins exigeantes que la Lune ou Mars, afin d'apprendre à vivre dans l'espace (orbite lunaire, points de Lagrange, astéroïdes, orbite martien...). La Lune pourrait éventuellement être un objectif intermédiaire, mais Mars est considérée in fine comme la destination la plus intéressante, à l'intérieur du système solaire, en raison de son histoire planétaire proche de celle de la Terre. La technologie actuelle ne permet pas toutefois d'envisager son exploration sans un investissement préalable substantiel. Pour les États-Unis, Mars doit donc être considéré comme l'objectif ultime, mais pas comme le prochain objectif.

En lieu et place du programme Constellation, le programme SLS ( Space Launch system ) consiste en un lanceur lourd, reprenant certains éléments de la navette spatiale, et en une capsule MPCV 77 ( * ) /Orion, développée par Lockheed Martin, spécifiquement conçue pour l'exploration lointaine. La NASA se concentre ainsi sur l'exploration lointaine, délégant les lancements habités en orbite basse à des compagnies commerciales. La seule coopération internationale proposée repose sur un dérivé de l'ATV, qui serait destiné à servir de module de service pour la capsule MPCV. Le premier vol habité SLS-Orion est prévu en 2021, avec probablement pour objectif un astéroïde.

La Chine est l'autre pays dont les ambitions sont affichées dans le domaine du vol habité. La Chine et la Russie sont d'ailleurs actuellement les deux seuls pays à procéder à de tels vols de façon autonome depuis l'arrêt de la Navette spatiale.

Depuis le premier vol d'un taïkonaute (2003), la Chine a réalisé 4 vols habités, y compris l'envoi récent d'une équipe de trois astronautes sur un module déjà en orbite (Tiangong 1), qui constitue l'embryon d'une future station spatiale chinoise (2012). Ce pays a affiché son ambition d'envoyer un taïkonaute sur la Lune. Toutefois, d'après Isabelle Sourbès-Verger, chercheur au CNRS, auditionnée par vos rapporteurs, les ambitions de la Chine dans le domaine du vol habité pourraient être surestimées par un traitement médiatique ne rendant pas compte de la réalité de ses compétences spatiales et de son engagement dans ce domaine. La Chine s'intéresserait en premier lieu à l'espace comme outil de développement économique. Ce sont les applications, la science et le développement d'un lanceur qui sont prioritaires dans le programme spatial officiel (Livre blanc) chinois. Plutôt que de refaire ce que les Américains ont déjà fait, la Chine pourrait être intéressée par des programmes en coopération, qui offriraient l'avantage de contribuer au développement des compétences chinoises, tout en impliquant une forme de reconnaissance pour ce pays, en tant que partenaire à part entière.

Quant à l'exploration habitée de Mars, qui pourrait justement faire l'objet d'une large coopération internationale, c'est un objectif jugé atteignable par les scientifiques, mais probablement seulement d'ici 2040-2050. Des ruptures technologiques sont nécessaires pour y parvenir, notamment dans le domaine de la propulsion (électrique), et concernant la vie dans l'espace.

Avec les technologies actuelles, le voyage pose des questions éthiques et psychologiques, étudiées par l'expérience Mars 500 de l'ESA, qui a consisté à isoler six candidats dans une chambre d'isolation pendant 520 jours. Une expédition habitée vers Mars consiste très concrètement à mettre des Hommes dans un module de taille relativement petite, pour un voyage de 8 mois aller / 3-4 mois sur place / 8 mois retour... avec des risques non négligeables d'échec.

Le coût est un obstacle supplémentaire et de taille, puisqu'envoyer des Hommes sur Mars coûterait 600 à 800 Mds€ 78 ( * ) , soit de l'ordre de dix fois le coût d'un très gros programme industriel. Un programme de vol habité vers Mars ne peut donc être envisagé qu'à long terme, dans le cadre d'une coopération internationale qui soulèvera certainement des difficultés de gouvernance. Il ne peut aussi être envisagé que dans un monde relativement prospère et avec un objectif géopolitique clairement identifié.

Toujours à titre de comparaison, le coût de la mission robotique ExoMars (jugée chère) est aujourd'hui estimé à 1,2 Md€. Le coût d'une mission de retour d'échantillons est estimé de 3 à 5,3 Mds€.

Pour des raisons de coût, et parce qu'elles paraissent pour le moment à même de répondre aux principales interrogations qui motivent l'exploration lointaine, les missions robotiques paraissent devoir être privilégiées, avec des objectifs concrets et atteignables, tel que le retour d'échantillons martiens par exemple.


* 77 Multi-purpose crew vehicle

* 78 Voir le rapport de la mission présidée par M. Emmanuel Sartorius, «Une ambition spatiale pour l'Europe» (Centre d'analyse stratégique, 2011)

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