C. DES OUTILS JURIDIQUES POLYVALENTS POUR RÉPONDRE AU MIEUX AUX BESOINS

1. Le conventionnement

Instauré par la loi Thiollière, il fournit une base juridique sûre aux actions de coopération décentralisée. En effet, les collectivités territoriales françaises n'ont plus à démontrer l'intérêt direct pour la population locale en France .

Deux limites existent toutefois au conventionnement, comme le soulignent les conclusions de l'étude conduite par le groupe interparlementaire d'amitié France-Arménie du Sénat :

• il doit respecter les engagements internationaux de la France ;

• les collectivités locales ne sont pas des sujets de droit international et n'ont donc pas la capacité de conventionner avec les Etats étrangers . En effet, l'article L. 1115-1 du CGCT précise que ces conventions sont conclues avec « des autorités locales étrangères ». Deux exceptions, toutefois : les collectivités territoriales françaises peuvent signer une convention avec un Etat étranger dans le cadre de la création d'un groupement européen de coopération territoriale, auquel cas le préfet de région doit préalablement autoriser la signature de la convention (articles L. 1115-4-2 et L. 115-5 du CGCT). Les présidents des départements, territoires et collectivités d'outre-mer peuvent être autorisés à négocier et signer des accords internationaux, au nom de l'Etat, dans leur domaine de compétence (articles L. 3441-4 et L. 4433-4-3 du CGCT).

Comme évoqué page 10, les conventions doivent préciser l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. Relevant du contrôle du droit commun des actes des collectivités territoriales, elles sont également soumises au contrôle de légalité du préfet et au contrôle juridictionnel.

2. La participation à une structure de droit étranger

L'article L. 1115-4 du CGCT permet aux collectivités territoriales françaises d'adhérer à un organisme public de droit étranger et de participer au capital d'une personne morale de droit étranger. Une réserve toutefois : au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d'un Etat membre de l'Union européenne ou du Conseil de l'Europe doit y participer. Une autorisation préfectorale est également nécessaire. Cet instrument sert aujourd'hui principalement à des coopérations interrégionales ou transfrontalières techniques ne relevant pas d'aide au développement.

3. L'intervention dans l'urgence

Le deuxième alinéa de l'article L. 1115-1 du CGCT prévoit que « si l'urgence le justifie, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en oeuvre ou financer des actions à caractère humanitaire » . Ce dispositif résulte d'un amendement de notre collègue Charles Guéné, rapporteur de la commission des Lois sur la proposition de loi de notre collègue Michel Thiollière. Il s'agissait, au vu des interventions locales suivant le tsunami de 2004 en Asie du Sud-Est, mais également les inondations de la même année au Pakistan et l'ouragan Katrina en Louisiane en 2005, de sécuriser juridiquement la coopération décentralisée d'urgence. Ainsi, les actions visant à porter secours aux victimes d'une catastrophe ne nécessitent pas de conventions. Toutefois, les actions de reconstruction liées à cette même catastrophe sortent du champ d'application de ce deuxième alinéa de l'article L. 1115-1 ; une convention est alors nécessaire.

En 2010, 4,5 millions d'euros ont été alloués dans le cadre de l'urgence

4. Des financements spécifiques en matière de distribution, d'eau, d'électricité, de gaz ainsi que d'assainissement

« Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes chargés des services publics de distribution d'eau potable et d'assainissement ou du service public de distribution d'électricité et de gaz peuvent, dans la limite de 1 % des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services, mener des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans le cadre des conventions prévues à l'article L. 1115-1, des actions d'aide d'urgence au bénéfice de ces collectivités et groupements, ainsi que des actions de solidarité internationale dans les domaines de l'eau et de l'assainissement et de la distribution publique d'électricité et de gaz. » 27 ( * ) .

« III.-Dans le respect des engagements internationaux de la France et dans le cadre de conventions soumises à l'avis du comité de bassin, l'agence peut mener des actions de coopération internationale dans les domaines de l'eau et de l'assainissement, dans la limite de 1 % de ses ressources, le cas échéant et suivant les règles statutaires en vigueur pour chaque catégorie de personnels, avec le concours de ses agents. »28 ( * ).

La loi Oudin-Santini du 9 février 2005 permet aux collectivités territoriales, à leurs groupements ainsi qu'aux agences de l'eau de consacrer jusqu'à 1% du budget de leurs service d'eau et d'assainissement à des actions de coopération internationale. Il peut s'agir :

- d'actions de coopération dans le cadre de conventionnements ;

- d'actions d'aide d'urgence ;

- d'actions de solidarité internationale.

Le 1% « eau et assainissement » est un financement très dynamique et conséquent de la coopération décentralisée. En 2010, près de 25 millions d'euros ont été affectés à des actions de coopération dans ce domaine, dont 19,4 millions d'euros mobilisés par ce moyen, contre 6 millions d'euros en application de la loi Thiollière. En outre, on constate une hausse continue de 22% des montants, passant ainsi de 15 millions en 2007 à 25 millions d'euros en 2010. Les agences de l'eau représentent la moitié des engagements financiers. En 2010, plus de 60 collectivités et EPCI utilisant le 1% « eau et assainissement » ont été recensés.

Ce dispositif a fait des émules dans l'Union européenne . Ainsi, plusieurs résolutions du Parlement européen, dont la résolution sur l'eau dans la perspective du quatrième Forum international de l'eau 29 ( * ) , font explicitement référence à ce mécanisme et « demande[nt] au Conseil et à la Commission d'encourager les pouvoirs locaux de l'Union à consacrer une part des redevances perçues auprès des usagers pour la fourniture des services d'eau et d'assainissement de l'eau à des actions de coopération décentralisées ». En outre, une loi votée aux Pays-Bas en janvier 2010 permet aux « entreprises distributrices d'eau de consacrer jusqu'à 1% de leur chiffre d'affaires à des actions de coopération internationale pour améliorer l'accès à l'eau potable et à l'assainissement des plus démunis » 30 ( * ) .

Le principe de ce dispositif a été élargi dans le cadre de l'examen par le Sénat du projet de loi relatif au secteur de l'énergie 31 ( * ) , par l'adoption d'un amendement de notre collègue Xavier Pintat, d'une part aux syndicats mixtes chargés de distribution de l'électricité et du gaz en ce qui concerne les contributions ; d'autre part aux actions de solidarité internationale dans les domaines de la distribution de l'électricité et du gaz pour le financement d'actions décentralisées en ce qui concerne les fonds ainsi récoltés.


* 26 Source : Délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales.

* 27 Article L. 1115-1-1 du code général des collectivités territoriales.

* 28 Extrait de l'article L. 213-9-2 du code de l'environnement.

* 29 Résolution du Parlement européen du 12 mars 2009 sur l'eau dans la perspective du V e Forum mondial de l'eau, Istanbul, 16 au 22 mars 200 9, P6_TA(2009)0137.

* 30 Coopération décentralisée et intercommunalités, ministère des Affaires étrangères et européennes, mai 2012, p 14.

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