N° 442

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 mars 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur la valorisation des mandats locaux par le non cumul ,

Par MM. François-Noël BUFFET et Georges LABAZÉE,

Sénateurs.

(1) Cette délégation est composée de : La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation est composée de : Mme Jacqueline Gourault , présidente ; MM . Claude Belot, Christian Favier, Yves Krattinger, Antoine Lefèvre, Hervé Maurey, Jean-Claude Peyronnet, Rémy Pointereau et Mme Patricia Schillinger , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier et Claude Haut, secrétaires ; MM. Jean Etienne Antoinette, Yannick Botrel, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. François-Noël Buffet, Raymond Couderc, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Éric Doligé, Jean-Luc Fichet, François Grosdidier, Charles Guené, Pierre Hérisson, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Georges Labazée, Joël Labbé, Gérard Le Cam, Jean Louis Masson, Stéphane Mazars, Rachel Mazuir, Jacques Mézard, Mme Renée Nicoux, MM. André Reichardt, Bruno Retailleau et Alain Richard.

INTRODUCTION

« Valoriser les mandats locaux par le non-cumul »

Le présent rapport s'inscrit dans un objectif global de valorisation du mandat politique local, dont vos rapporteurs entendent faire progresser parallèlement les deux volets indissociables : d'une part, la facilitation de l'exercice de leur mandat par les élus locaux à travers la construction d'un statut digne de ce nom et, d'autre part, la valorisation du mandat lui-même en favorisant son plein exercice grâce à un encadrement renforcé des possibilités de cumul.

En ce qui concerne le statut des élus locaux, la délégation a présenté des propositions concrètes en janvier 2012 sur le rapport de nos collègues Philippe Dallier et Jean-Claude Peyronnet. De façon connexe, elle a présenté en octobre 2012, sur le rapport de notre collègue Antoine Lefèvre, des propositions d'amélioration de la formation des élus locaux. Largement nourrie de ces apports, une proposition de loi élaborée à la demande du président du Sénat par la présidente de la délégation, Jacqueline Gourault, et par le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, a été adoptée à l'unanimité par le Sénat le 29 janvier dernier.

Il reste à progresser sur le second volet de la valorisation du mandat politique local, l'encadrement accru des possibilités de cumul . À cet égard, vos rapporteurs avaient présenté des propositions le 14 février 2012 en conclusion de leur rapport « Le cumul des mandats : moins cumuler pour plus d'efficacité 1 ( * ) ». Il leur a semblé nécessaire d'actualiser et de compléter ce travail en fonction d'une actualité qui a sensiblement évolué entre-temps.

En effet, le 9 novembre dernier, la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par l'ancien Premier ministre Lionel Jospin, rendait ses conclusions : « Pour un renouveau démocratique ».

Dans sa lettre de mission du 16 juillet 2012, le Président de la République François Hollande avait exprimé le souhait que « le nouveau quinquennat qui vient de s'ouvrir soit marqué par un nouvel élan donné à la démocratie et par un fonctionnement exemplaire des institutions politiques ».

Dans ce grand chantier de la rénovation de la vie publique destiné à enrayer la crise de confiance que traverse notre démocratie, la question du cumul des mandats constitue évidemment un des sujets les plus attendus. Il est surtout un de ceux qui divisent le plus les élus, quelle que soit leur appartenance politique. Du coté nos concitoyens, le cumul des mandats suscite également un rejet croissant.

Pourtant, contrairement à une idée reçue, de nombreux élus ne sont pas hostiles au renforcement de la réglementation applicable au cumul des mandats et nombre d'entre eux plaident même en ce sens.

Aussi, s'ils prennent acte des avancées proposées par la Commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique, vos rapporteurs remarquent que la problématique du cumul des mandats et des fonctions au niveau local n'a pas fait l'objet de propositions concrètes, la Commission présidée par l'ancien Premier ministre ne se focalisant que sur le seul cumul du mandat de parlementaire national avec un mandat local.

Or, ce sujet du cumul des mandats locaux entre eux, en dehors même de l'exercice d'un mandat national, est une problématique qui se pose avec davantage d'acuité au fur et à mesure de l'accroissement des pouvoirs et des responsabilités des élus locaux et du transfert majeur de compétences de l'État vers les collectivités territoriales ces dernières années. En clair, la poursuite du mouvement de décentralisation nécessite plus que jamais de réfléchir et d'agir afin d'actualiser la législation relative au cumul des mandats.

C'est pour réparer cet oubli que vos rapporteurs ont souhaité formuler des propositions destinées à limiter plus rigoureusement la possibilité de cumuler les mandats et les fonctions au niveau local. Ils ont la conviction que ces propositions auront précisément pour effet de valoriser les mandats locaux.

Ils tiennent à préciser que ces propositions, longuement débattues, n'ont pas été soumises au vote de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Réunie le 12 mars 2013, la délégation a autorisé la publication du présent rapport.

I. LE MANDAT LOCAL : UN ENGAGEMENT PLÉNIER AU SERVICE DE LA DÉMOCRATIE LOCALE

Après trente ans de décentralisation, le mandat local est aujourd'hui un mandat à part entière .

Il n'est pas un mandat accessoire, mais un mandat qui doit être exercé à temps plein, car la démocratie territoriale est une réalité pour nos concitoyens et pour nos élus locaux, placés désormais au coeur de l'élaboration et de la mise en oeuvre des politiques publiques.

Il n'est plus possible aujourd'hui, par exemple, d'ignorer l'intercommunalité , d'autant que la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 relative à la réforme des collectivités territoriales la généralise à l'ensemble du territoire, étend ses compétences et crée un nouvel échelon intercommunal : la métropole.

Au quotidien, ce sont donc l'action sociale, l'assainissement, l'élimination des déchets ménagers, les trains régionaux, les routes, les collèges et les lycées, les transports scolaires, les infrastructures sportives, la formation professionnelle, les aides aux entreprises, l'urbanisme, etc., que les acteurs locaux doivent gérer.

Par ailleurs, face à la demande croissante de nos concitoyens de proximité et disponibilité des élus, l'encadrement du cumul des mandats locaux apparait comme une évidence.

Il est d'autant plus nécessaire qu'il doit permettre de renouveler le personnel politique . Vos rapporteurs sont pleinement convaincus que ce renouvellement conditionne aussi la féminisation et le rajeunissement des élus locaux , un souhait largement exprimé lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés au Sénat les 4 et 5 octobre dernier.

C'est d'ailleurs ce que soulignent les membres de la Commission présidée par Lionel Jospin : « Au niveau national comme au niveau local, un renouvellement plus important du personnel politique, et notamment une ouverture accrue des assemblées aux femmes sont indispensables. Notre pays doit, pour cela, rompre avec sa vieille habitude du cumul des mandats 2 ( * ) ».

Le contexte d'accroissement des pouvoirs et des responsabilités des élus locaux consécutif au mouvement de décentralisation, et l'impératif d'ouverture des mandats électifs à de nouveaux titulaires , rendent aujourd'hui nécessaire le développement d'une réglementation plus stricte du cumul des mandats locaux.

Au total, c'est bien la démocratie locale qui sortirait renforcée par la restriction au cumul des mandats locaux . En effet, en encourageant les élus à exercer à temps plein leur mandat local et à se concentrer sur leurs missions, le non-cumul évite les situations dans lesquelles les élus délèguent finalement la gestion de leurs collectivités à leurs services administratifs et techniques, aussi compétents ces derniers soient-ils.

Cette problématique de la disponibilité des élus nous renvoie à une exigence démocratique car il faut que ce soient les élus et non pas les cabinets ou les fonctionnaires qui assument finalement la responsabilité de l'action publique locale devant nos concitoyens.

Par ailleurs, se pose la question de l'impartialité des élus locaux . En cumulant les mandats et les fonctions, ces derniers peuvent en effet être mis en situation de devoir arbitrer entre plusieurs intérêts locaux et finalement devoir privilégier certaines collectivités au détriment d'autres. En outre, le cumul avec un mandat parlementaire peut présenter des risques de partialité tenant à l'élaboration de la loi purement sous l'angle des enjeux locaux.

Vos rapporteurs sont donc convaincus que le renforcement de la législation anti cumul aura une vertu démocratique en participant de la réduction de la fracture civique séparant les élus des électeurs. Finalement, c'est bien à l'essence même de la décentralisation que nous touchons ici : démocratiser la vie politique locale en renforçant la responsabilité et la disponibilité des élus locaux.


* 1 « Le cumul des mandats : moins cumuler pour plus d'efficacité », rapport d'information de MM. François-Noël Buffet et Georges Labazée, fait au nom de la Délégation aux collectivités territoriales n° 365 (2011-2012).

* 2 « Pour un renouveau démocratique », rapport de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique remis au Président de la République le 9 novembre 2012.

Page mise à jour le

Partager cette page