B. LES PROPOSITIONS DE VOS RAPPORTEURS POUR VALORISER LES MANDATS LOCAUX

1. L'interdiction du cumul de fonctions ministérielles avec l'exercice d'un mandat exécutif local

Les mandats locaux exigent aujourd'hui qu'ils soient pleinement exercés , c'est-à-dire que leurs titulaires puissent être en mesure de participer activement aux séances et aux délibérations, et qu'ils contribuent aux travaux de la collectivité qu'ils représentent.

Cette exigence paraît effectivement peu compatible avec le plein exercice de fonctions ministérielles, notamment s'agissant de la conciliation de l'agenda ministériel avec les déplacements hors de Paris.

Au-delà, se pose également la question de la préservation évidente contre les risques de conflits entre des intérêts locaux, certes légitimes, et les choix d'un membre du Gouvernement .

Mais vos rapporteurs considèrent que ces arguments sont valables lorsqu'ils concernent l'exercice simultané de la fonction de membre du Gouvernement avec un mandat exécutif local . Le mandat local simple doit donc pouvoir être envisagé pour un ministre qui ne souhaiterait pas être complètement détaché du territoire , c'est-à-dire, finalement, être un ministre « hors sol » éloigné des réalités de terrain, ce que nos concitoyens ne manqueraient pas de souligner.

C'est pourquoi vos rapporteurs confirment pleinement leur proposition initiale, déjà formulée.

Proposition n° 1 : Interdire le cumul de fonctions ministérielles avec tout mandat exécutif local. Maintenir la possibilité de cumul avec un mandat local simple.

2. Maintenir l'ancrage local des parlementaires

Le Gouvernement, par la voix du ministre chargé des relations avec le Parlement, a annoncé qu'il déposerait, « au plus tard aux environs de fin mars », un projet de loi interdisant le cumul entre un mandat parlementaire et un mandat exécutif local (président de conseil régional, président de conseil exécutif de Corse, président de conseil général, maire et maire d'arrondissement), la Commission Jospin recommandant d'ailleurs l'élargissement de cette règle aux exécutifs des d'établissements publics de coopération entre collectivités (président et vice-président).

Vos rapporteurs n'ont donc, en définitive, pas souhaité soumettre à votre délégation leurs propositions initiales 6 ( * ) en la matière, car il ne leur parait pas opportun que la délégation préjuge d'un débat qui aura lieu en séance publique dans les prochains mois.

Mais, quelle que soit la solution retenue par la représentation nationale, ils estiment absolument nécessaire que les parlementaires puissent maintenir un lien avec « le terrain ». ²

Ils saluent en ce sens la position de la Commission Jospin, qui a écarté la solution du mandat unique. La possibilité de cumuler un mandat parlementaire avec un mandat simple lui paraît constituer un excellent compromis : ainsi, un parlementaire pourra conserver un ancrage territorial , sans toutefois devoir s'impliquer de façon trop lourde dans les enjeux locaux.

Comme le relève à juste titre notre collègue Jean-Claude Peyronnet 7 ( * ) , « en réalité, c'est grâce à leurs mandats locaux que la plupart des parlementaires sont attachés à un territoire. Sans cela, ils n'existent pas, sinon par des manifestations futiles (rubans et chrysanthèmes) et par leurs permanences où ils exercent une fonction de super assistant social pour cas désespérés ».

Vos rapporteurs restent donc persuadés de la nécessité de maintenir l'ancrage politique local des parlementaires, au risque, sinon, qu'ils se retrouvent exclus de la gouvernance locale . Notre collègue Jean-Claude Peyronnet, poursuivant dans ce sens, note : « dans un conseil général moyen, la mise en place qui suit l'élection donne lieu à des désignations dans 300 ou 400 instances dont les 4/5 èmes sont extérieures à l'institution elle-même. Les parlementaires n'en sont parties prenantes que parce qu'ils sont élus locaux ».

La Commission Jospin ne fait aucune différence entre les députés et les sénateurs . Elle estime que si l'article 24 de la Constitution dispose que « le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République », cela signifie seulement qu'ils doivent être élus par un collège constitué à majorité d'élus locaux, ceux-ci représentant non pas leur circonscription, mais bien la Nation tout entière, à l'instar des députés.

Sur ce point, vos rapporteurs tiennent à apporter une nuance . Le Sénat étant, par essence, le représentant des territoires, il est logique qu'un lien particulier soit conservé par les sénateurs avec le fonctionnement même des collectivités territoriales . Comment, en effet, prétendre comprendre les territoires en étant un élu « hors sol », c'est-à-dire sans enracinement local ? Dès lors, si la solution du mandat unique devait être envisagée, elle ne pourrait concerner que les seuls députés.

3. Préciser la restriction du cumul d'un mandat parlementaire avec un mandat local simple

La restriction du cumul du mandat parlementaire avec un mandat local simple n'est pas nouvelle, puisque la loi organique du 5 avril 2000 8 ( * ) avait rendu incompatible le mandat de député ou de sénateur avec plus d'un mandat local parmi les suivants 9 ( * ) : conseiller régional, conseiller à l'assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal d'une commune d'au moins 3 500 habitants 10 ( * ) .

Sur ce point, vos rapporteurs s'interrogeaient déjà, à l'occasion du rapport précité de votre délégation, sur la nécessité d'un alignement de la législation relative au non-cumul de mandats locaux applicable aux conseillers municipaux. En effet, une distorsion existe aujourd'hui, qui n'a toujours pas été modifiée, selon qu'un élu soit conseiller municipal d'une commune de moins de 3 500 habitants ou conseiller municipal d'une commune de plus de 3 500 habitants. En clair, un parlementaire, selon qu'il soit dans l'une ou l'autre situation, pourra exercer de deux à quatre mandats .

Un parlementaire peut, par exemple, exercer jusqu'à quatre mandats simultanés : maire d'une ville de moins de 3 500 habitants, sénateur ou député, président d'intercommunalité et conseiller général.

Inversement, cette situation génère une autre distorsion entre élus municipaux de communes de moins de 3 500 habitants selon qu'ils sont parlementaires ou non . En clair, un conseiller municipal d'une commune de moins de 3 500 habitants pourra détenir trois mandats si l'un des trois est un mandat parlementaire (deux mandats locaux et un mandat national).

À l'inverse, si ce conseiller municipal ne détient pas de mandat parlementaire, il ne pourra détenir que deux mandats locaux puisque, selon les dispositions de l'article L. 46-1 du Code électoral, nul ne peut cumuler plus de deux mandats électoraux parmi ceux énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l'assemblée de Corse et, par assimilation, membre du conseil exécutif de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller à l'assemblée de Guyane, conseiller à l'assemblée de Martinique, conseiller municipal.

Vos rapporteurs proposent donc une révision de la législation prévue aux articles L.O. 141 et 46-1 du Code électoral afin de rétablir une égalité entre les parlementaires, d'une part, et entre les élus municipaux de communes de moins de 3 500 habitants, d'autre part.

Proposition n° 2 : Mettre fin à l'inégalité actuelle entre parlementaires titulaires d'un mandat municipal, selon qu'ils soient ou non dans une commune de 3 500 habitants et plus, en appliquant à tous les dispositions LO 141 du Code électoral.


* 6 Propositions initiales de leur pré-rapport : proposition n° 2 « Rendre incompatible le mandat parlementaire avec tout mandat exécutif local. Autoriser le cumul avec un mandat local simple » ; proposition n° 3 « Intégrer les fonctions exécutives exercées au sein des EPCI à fiscalité propre dans les règles de non-cumul avec un mandat parlementaire ».

* 7 Tribune de Jean-Claude Peyronnet dans « l'Actualité juridique de droit administratif » (AJDA) , 26 novembre 2012 (n°40-2012).

* 8 Loi organique n° 2000-294 du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux et loi n° 2000-295 du 5 avril 2000 relative à la limitation du cumul des mandats locaux et des fonctions électives et à leurs conditions d'exercice.

* 9 En vertu de l'article L.O. 141 du Code électoral.

* 10 Ce seuil (seuil de population au-delà duquel les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste) a été modifié dans le cadre de l'examen du projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux, déposé le 28 novembre 2012 au Sénat. L'Assemblée nationale l'a dans un premier temps abaissé à 500 habitants, avant que le Sénat décide de le porter, en deuxième lecture, à 1 000 habitants le 14 mars 2013. Le texte doit être examiné à partir du 26 mars à l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

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