2. Une idée séduisante : inter-gouvernementalité, optionalité, progressivité et complémentarité avec l'OTAN

17. Les développements de la PSDC ont été décrits de façon exhaustive par nos collègues députés Yves Fromion et Joaquim Pueyo. Il serait superfétatoire d'y revenir. En revanche, il paraît intéressant de comprendre les raisons expliquant le succès de l'idée.

18. L'idée fondatrice de la PSDC réside dans son caractère intergouvernemental qui permet de respecter pleinement le principe de la souveraineté des Etats. Il n'a jamais été question pour les promoteurs de la PSDC de s'engager dans des processus qui contraindraient les Etats à prendre des décisions qu'ils n'auraient préalablement acceptées que ce soit dans les domaines industriel, capacitaire et a fortiori opérationnel.

19. Corollaire de l'inter-gouvernementalité, l'Europe de la défense/PSDC peut se construire sur une base optionnelle , c'est-à-dire « à géométrie variable » ou encore « à la carte », chaque Etat prenant part aux projets selon ses besoins et selon ses moyens. Les Etats européens n'ayant pas les mêmes préoccupations, le « réalisme » doit prévaloir. Ainsi, parmi les vingt-huit Etats membres de l'Union européenne, le Danemark ne participe pas à la PSDC. La participation aux opérations de l'Union européenne se fait sur une base volontaire. De même que la participation aux programmes capacitaires pilotés par l'Agence européenne de défense.

20. Ce caractère intergouvernemental se retrouve également dans les nombreuses formes de coopération ad hoc menées entre des Etats européens, mais hors du cadre de l'Union européenne, sur une base multilatérale ou bilatérale, à l'image de la brigade franco-allemande, de l'Eurocorps, des accords franco-britanniques de 2010 en matière de défense, ou encore de la concertation menée entre la France, l'Allemagne et la Pologne dans le cadre du triangle de Weimar, élargi à l'Espagne et à l'Italie, sous le nom de Weimar Plus.

21. Il n'a jamais été prévu de « grand soir » de l'Europe de la défense. Celle-ci doit se construire pas après pas, par des avancées « concrètes », des réalisations « pragmatiques » voire « modestes ». « On avance » dans tous les domaines et sur tous les fronts. Il faut mettre à profit les effets de cliquet. Si la construction européenne marque des pauses, jamais elle ne doit reculer. C'est, au fond, l'idée des pères fondateurs et en particulier de Robert Schuman dans sa célèbre déclaration du 9 mai 1950 inspirée par Jean Monnet : « L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d'abord une solidarité de fait. »

22. Le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian s'inscrit pleinement dans ce courant de pensée lorsqu'il affirme le 5 décembre 2012 devant l'Assemblée nationale : « voilà en quelques mots les fondements de notre démarche. Je ne la conçois pour ma part que concrète, pragmatique. Jusqu'à présent, les différentes tentatives de relance de l'Europe de la défense ont été d'ordre déclaratif ou institutionnel. (...). Il importe désormais de construire l'Europe de la défense par l'action. »

23. Ses prédécesseurs ne disaient pas autre chose. En particulier, Hervé Morin, alors ministre de la défense qui déclara le 10 novembre 2008 : « La relance de l'Europe de la défense était une des priorités de la présidence. Cette mission est remplie (...) Saint Malo, c'était une déclaration politique qu'il fallait mettre en oeuvre. Aujourd'hui, nous avons travaillé sur de vraies avancées concrètes et pragmatiques. Les Britanniques nous ont longtemps reproché de faire des cathédrales sans contenu. Durant notre présidence, nous avons essayé de leur montrer la nécessité de l'Europe de la défense par des avancées précises, des projets concrets. Des briques posées peu à peu qui forment un ensemble. »

24. A titre anecdotique, relevons que les rédacteurs du chapitre du Livre blanc de 2013 consacré à l'Europe de la défense ont eu recours, à quatre reprises en quatre pages, au mot « pragmatique ».

25. Enfin, l'Europe de la défense s'inscrit dans une logique de complémentarité vis-à-vis de l'OTAN : pour être acceptable, il est important qu'elle ne duplique pas l'Alliance atlantique.

26. Les rédacteurs du Traité de Lisbonne ont dû inscrire cette complémentarité en toutes lettres puisqu'à peine posé le principe d'une PSDC il est mentionné que celle-ci « n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'OTAN ». De même, l'inscription d'une clause de défense mutuelle entre Etats européens, est immédiatement suivie par l'affirmation selon laquelle l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord demeure « pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en oeuvre ».


Clause de défense mutuelle : art. 46. 7. du Traité de l'Union Européenne

« Au cas où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l'article 51 de la charte des Nations unies. Cela n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres.

« Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en oeuvre. »

27. Pour certains, mais pas pour la France, les opérations militaires importantes doivent être confiées à l'OTAN, alors que l'Union européenne doit se cantonner à la gestion civile des crises.

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