2. Un manque de sécurisation des financements qui nuit à l'action des associations
a) Une évolution à la baisse des financements durant plusieurs années

Jusqu'en 2011, les crédits destinés à des actions en faveur des personnes prostituées ou en situation de risque étaient inscrits dans le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Ville et logement ». Ils ont été transférés par la loi de finances pour 2011 dans le programme 137 « Egalité entre les femmes et les hommes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Tableau n° 4 : Évolution des crédits entre 2006 et 2014

PROGRAMME 177 - Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

2006

2007

2008

2009

2010

crédits ouverts

crédits consommés

crédits ouverts

crédits consommés

crédits ouverts

crédits consommés

crédits ouverts

crédits consommés

crédits ouverts

crédits consommés

Service central

252 274

252 274

330 124

330 124

299 774

299 774

351 274

351 274

331 274

331 274

Services déconcentrés

6 531 507

6 486 709

2 807 752

2 240 410

2 807 752

1 914 858

2 100 000

1 850 983

2 100 000

1 430 983

Total

6 783 781

6 738 983

3 137 876

2 570 534

3 107 526

2 214 632

2 451 274

2 202 257

2 431 274

1 762 257

N/N-1 (en %)

-53,74%

-61,86%

-0,97%

-13,85%

-21,12%

-0,56%

-0,82%

-19,98%

PROGRAMME 137 - Egalité entre les femmes et les hommes

2011

2012

2013

2014

crédits ouverts

crédits consommés

crédits ouverts

crédits consommés

crédits inscrits LFI

crédits inscrits PLF

Service central

331 274

346 300

268 276

336 300

285 000

Services déconcentrés

1 671 599

1 941 676

1 637 215

1 678 088

1 811 453

Total

2 002 873

2 287 976

1 905 491

2 014 388

2 096 453

2 398 409

N/N-1 (en %)

-17,62%

29,83%

-4,86%

-11,96%

10,02%

14,40%

Source : DGCS

La très forte diminution de l'enveloppe constatée entre 2006 et 2007 s'explique par la réintégration dans la dotation globale des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) des crédits de fonctionnement des services de prévention et de réadaptation sociale (SPRS). Les crédits dédiés à l'hébergement des personnes prostituées sont désormais inclus dans l'enveloppe globale destinée aux dispositifs d'hébergement généraliste . Il est dès lors difficile d'identifier le nombre de places réservées aux personnes prostituées. Le SDFE a cependant signalé qu'en Ile-de-France, 200 places d'hébergement sont destinées aux personnes prostituées.

Plus de 80 % des crédits alloués par la DGCS sont utilisés au niveau déconcentré, en soutien des actions menées par les associations dans les régions et les départements.

Le reste de l'enveloppe est utilisé pour le financement des associations têtes de réseau.

Tableau n° 5 : Subventions attribuées au niveau national par la DGCS

2009

2010

2011

2012

2013

2014

ALC-Nice (dispositif Ac.Sé)

180 000

180 000

180 000

170 000

178 000

170 000

Amicale du Nid

32 000

32 000

32 000

32 000

35 000

35 000

Comité contre l'esclavage moderne

58 000

58 000

55 000

50 000

60 000

60 000

Mouvement du Nid

79 274

79 274

79 300

79 300

80 000

80 000

Total subventions
(programmes 177 puis 137)

349 274

349 274

346 300

331 300

353 000

345 000

Source : DGCS

La moitié de ces crédits va à l'association ALC, qui coordonne le dispositif Ac.Sé de protection des victimes de la traite des êtres humains.

Au total, les crédits ouverts pour les actions en faveur des personnes prostituées ont connu une baisse continue entre 2006 et 2012, partiellement compensée par une légère hausse en 2013 qui devrait être confirmée en 2014.

L'année prochaine, les crédits consacrés à la prostitution devraient être proches de 2,4 millions d'euros. Si les comparaisons doivent être maniées avec prudence 61 ( * ) , il est malgré tout possible de noter que l'Italie consacre chaque année 8 millions d'euros aux questions d'assistance et d'intégration sociale des personnes prostituées.

A titre d'illustration des restrictions budgétaires intervenues au cours des dernières années, une note de la délégation régionale aux droits des femmes d'Ile-de-France datée de juillet 2012 indiquait une baisse de 20 % des crédits en provenance du programme 137 pour cette même année 62 ( * ) . Elle constatait également une diminution des dotations de l'ARS Dans ce contexte, elle estimait d'autant plus dommageable la concurrence entre les volets sanitaire et social de la prise en charge des personnes prostituées et soulignait la nécessité d'un accompagnement global. Elle annonçait par ailleurs la mise en place d'un groupe de travail entre la délégation régionale, l'ARS et la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement (DRIHL).

D'autres financements plus ponctuels sont alloués par la DGS et inscrits dans le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de la mission « Santé ». L'essentiel de ces crédits est destiné, dans le cadre de conventions pluriannuelles, à des associations généralistes qui développent des actions en faveur des personnes prostituées 63 ( * ) .

b) La nécessité de donner plus de visibilité aux associations

Le manque de lisibilité ainsi que l'évolution à la baisse des financements alloués par l'Etat nuisent à l'action des associations.

Or celles-ci sont confrontées à l'augmentation de leurs charges en raison des mutations que connaît la prostitution . Elles doivent renforcer leurs dispositifs de maraudes afin de pouvoir toucher des personnes plus dispersées géographiquement et plus mobiles qu'auparavant. Le développement de nouvelles formes de prostitution les conduit par ailleurs à mettre en place de nouvelles méthodes pour aller à la rencontre des personnes prostituées, notamment sur internet. L'augmentation de la part des personnes prostituées étrangères oblige également à avoir recours à des interprètes et médiateurs culturels. Enfin, leur action ne peut prendre toute son ampleur qu'à la condition de développer en parallèle une expertise sur les profils, les besoins et les risques auxquels sont confrontés les personnes prostituées.

Si les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014 connaissent une augmentation, il est essentiel de les sécuriser afin de donner aux associations une visibilité pluriannuelle . En outre, chaque subvention allouée au niveau déconcentré devrait l'être sur la base de critères clairs et préalablement définis, puis faire l'objet d'une évaluation systématique. Au regard des faibles moyens humains dont disposent les services déconcentrés (une déléguée régionale aux droits des femmes par région et une chargée de mission par département), il apparaît d'autant plus nécessaire que la politique d'allocation des subventions ait été clairement établie par le niveau national.

Concernant les associations têtes de réseau directement financées par le SDFE, l'Igas souligne que les conventions pluriannuelles qui étaient conclues jusqu'alors soient devenues annuelles en 2012. Depuis cette date, des conventions pluriannuelles ont été à nouveau négociées ou sont en cours de conclusion pour la période 2013-2015. Il conviendrait à l'avenir de confirmer cette évolution afin, là encore, de donner plus de visibilité aux associations.

Dans le projet de loi de finances pour 2014, une action nouvelle dédiée à la prévention et à la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains est identifiée au sein du programme 137. Une telle évolution constitue une première étape vers une meilleure visibilité de ces crédits au sein du programme 137.

Le suivi budgétaire des moyens alloués à l'hébergement devrait également être amélioré. Le dernier alinéa de l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles, issu de la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003, dispose que « des places d'hébergement et de réinsertion sociale sont ouvertes à l'accueil des victimes de la traite des êtres humains dans des conditions sécurisantes » . S'il est utile d'avoir posé ce principe dans la loi, celui-ci devrait avoir des conséquences pratiques en termes de suivi budgétaire de l'utilisation des crédits auprès des différentes catégories de population accueillies dans les centres d'hébergement.

Proposition

Donner aux associations les moyens d'agir sur le long terme en enrayant la baisse des financements, en évitant leur saupoudrage et en leur donnant une visibilité pluriannuelle.


* 61 Comme cela a été noté plus haut, il est impossible, en dehors du dispositif Ac.Sé, de savoir exactement combien consacre la France à l'hébergement des personnes prostituées.

* 62 Des extraits de cette note ont été transmis par le SDFE à vos rapporteurs.

* 63 Aides, Arcat et Médecins du monde.

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