II. DES RÉGIONS PLUS FORTES, PLUS ÉTENDUES

A. UN DÉCALAGE ENTRE LE SENTIMENT D'APPARTENANCE ET L'ABSENCE DE COHÉRENCE DES RÉGIONS

Alors que la commune fait l'objet d'un attachement identitaire très fort que le département jouit d'une légitimité historique ancienne, la région ne bénéficie pas du même attachement de la part de nos concitoyens. Créée en tant qu'entité administrative à vocation économique en 1956, elle est devenue un établissement public en 1972 puis une collectivité territoriale de plein exercice en 1986 seulement.

La création des régions et la délimitation de leur périmètre ont donné lieu, comme l'a souligné M. Hervé Le Bras, à une réflexion moins développée que celle qui a présidée au découpage des départements en 1790-1791.

L'exemple de la Bourgogne est à ce titre particulièrement éclairant. Région étendue, elle comprend quatre départements qui subissent chacun une attractivité extrarégionale différente : l'Yonne vers la région parisienne, la Nièvre vers la région Centre, la Saône-et-Loire vers Lyon et Dijon, en Côte-d'Or, se lie avec Besançon. M. Christophe Mahieu a souligné l'absence de cohérence des projets régionaux, en particulier en matière de transports et d'aménagement du territoire. Il en conclut que les limites territoriales de la Bourgogne ne sont pas en cohérence avec les problématiques posées par le territoire.

Votre mission souligne toutefois que ce constat, partagé par plusieurs personnes rencontrées lors de ses déplacements, n'est pas spécifique à la Bourgogne mais s'applique à la plupart des vingt-deux régions métropolitaines.

Malgré ce constat, la région correspond souvent à une notion identitaire, liée à l'histoire, au patrimoine, aux traditions. Par ailleurs, comme l'a relevé M. Christophe Mahieu, « trente ans de régionalisation ont fait émerger une vraie culture régionale ».

En d'autres termes, il apparaît important, aux yeux de votre mission, de distinguer l'aspect fonctionnel, c'est-à-dire correspondant aux limites territoriales, de l'aspect identitaire, des régions.

B. LE REGROUPEMENT DE COLLECTIVITÉS TERRITORIALES OU L'APPROFONDISSEMENT DE LA DÉCENTRALISATION

Plusieurs personnes entendues par votre mission ont regretté la taille des régions qu'ils estiment mal adaptée aux enjeux de concurrence territoriale d'aujourd'hui.

Face à ce constat, votre mission plaide pour la constitution de régions fortes ce qui passe par la diminution du nombre des régions actuelles, via la fusion de certaines d'entre elles, capables de conduire des politiques d'investissement préparant les territoires aux enjeux stratégiques de demain.

M. Christophe Mahieu a expliqué à votre mission l'importance d'un redécoupage des régions en zones plus larges. L'élargissement des régions de demain rendra celles-ci plus hétérogènes mais, dans le même temps, les conduira à créer des communautés d'intérêt stratégiques.

Votre mission n'a pas souhaité proposer une nouvelle carte des régions ; cet exercice nécessite en effet une réflexion associant l'ensemble des acteurs locaux. Elle propose néanmoins de fixer leur nombre entre huit et dix.

Redessiner la carte des régions, réduite entre huit et dix.

Votre mission milite pour la constitution de grandes régions sans ambition de proximité mais qui auraient une réelle vocation d'aménagement du territoire. La cohérence d'une politique sur un espace suffisamment vaste reposera sur le lien entre les collectivités territoriales de proximité (le département et les communes, principalement) avec la région, collectivité territoriale d'aménagement du territoire. Ce succès, estime votre mission, permettra de ne plus se tourner vers l'État qui n'a plus aujourd'hui les moyens de conduire une politique de coordination.

Votre mission considère toutefois que le redécoupage des régions ne représente pas l'unique voie pour renforcer la puissance des régions françaises. Comme l'a relevé M. Alain Rousset, président de la région Aquitaine et président de l'Association des Régions de France (ARF), la comparaison des régions françaises avec ses homologues européennes démontre que la puissance économique d'une région n'est pas liée à sa démographie ou à sa superficie mais repose sur les compétences exercées et les moyens dont elle dispose. Ainsi, à titre d'exemple, à population équivalente, la région de Skäne (Suède) disposait, en 2012, d'un budget de 3,8 milliards d'euros et de 32 000 collaborateurs alors que la région de Franche-Comté bénéficiait d'un budget de 508 millions d'euros et de 1 866 collaborateurs.

Par conséquent, la recherche de régions plus fortes ne passe pas uniquement par un regroupement de celles-ci. Le même constat s'applique par ailleurs aux départements ou aux communes.

Une meilleure efficacité de l'action publique est corrélée à l'approfondissement de la décentralisation, qui ne doit pas être considéré comme un facteur de liberté mais comme un principe de responsabilisation des territoires. Une décentralisation renforcée permet de répondre aux besoins des citoyens et des entreprises par des politiques pragmatiques et appropriées.

Ainsi, le deuxième facteur de renforcement des régions réside dans une clarification des compétences qui confierait à celles-ci les compétences stratégiques destinées à préparer la France de demain . Si cette idée est régulièrement réaffirmée, votre mission constate qu'elle n'est pas réellement mise en oeuvre aujourd'hui.

Pour que la région de demain représente l'espace économique de l'intelligence ajoutée des territoires, l'échelon régional doit devenir, à l'instar de M. Alain Rousset, le niveau essentiel d'exercice de certaines compétences stratégiques telles que la formation professionnelle, le développement économique ou la politique de l'emploi qui reposent sur une connaissance fine des entreprises et des territoires. L'attribution de ces compétences aux régions faciliterait la mise en place de politiques adaptées aux spécificités économiques et sociales des territoires.

Partageant cette analyse, votre mission estime que trois missions sont attendues de la part des régions :

- la préparation du territoire régional dans le contexte de la compétition entre les territoires (quelle accessibilité, quels aménagements structurants, quels services tertiaires de très haut niveau, ...) ;

- la préparation des entreprises à la compétition mondiale du XXI ème siècle ;

- la préparation des hommes à s'insérer dans le monde de demain.

Confier aux régions les compétences stratégiques leur permettant réellement de préparer l'avenir.

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