TITRE LIMINAIRE - UNE ORGANISATION DES JURIDICTIONS DE PREMIÈRE INSTANCE COMPLEXE

Le constat de la complexité et du manque de lisibilité de l'organisation judiciaire française n'est plus à faire.

Dès 1997, le rapport du groupe d'étude présidé par le premier président de la cour d'appel d'Orléans, M. Francis Casorla, soulignait l'« extrême atomisation » des juridictions et remarquait qu'« à ce véritable puzzle judiciaire s'ajoute une imbrication inextricable de ressorts, chacune de ces juridictions, y compris les juridictions non autonomes, possédant son propre ressort allant de quelques cantons jusqu'au département, toutes sortes de juges , nommés, élus ou tirés au sort, et des compositions variables » 4 ( * ) .

Partageant, dix ans plus tard, la même analyse 5 ( * ) , la commission sur la répartition des contentieux présidée par le doyen Serge Guinchard ajoutait en 2008que « force est de reconnaître que l'organisation de la justice, telle qu'elle résulte aujourd'hui des strates successives accumulées au fil des ans, est devenue peu lisible pour nos concitoyens ; or, une justice pour tous, c'est d'abord une justice que l'on comprend, une justice intelligible. La répartition de principe des compétences civiles entre le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et, depuis peu, le juge de proximité, fondée sur le critère de la collégialité ou du juge unique, ainsi que sur la nature des contentieux et la représentation obligatoire ou non par avocat, a perdu de sa pertinence ; elle est devenue trop complexe et ne correspond plus à la situation actuelle. Les critères d'origine ont été brouillés ; ils ne fondent plus la distinction traditionnelle des ordres de juridiction. Le pointillisme, pour ne pas dire l'impressionnisme, des compétences a remplacé le bel ordonnancement des initiateurs de la réforme de 1958 » 6 ( * ) .

Le constat n'a pas varié depuis, en dépit des réformes intervenues : autour du tribunal de grande instance, juridiction de droit commun, coexistent nombre de juridictions spécialisées, dites « juridictions d'attribution ».

A. LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE, JURIDICTION DE DROIT COMMUN

Le tribunal de grande instance (TGI), dénommé tribunal correctionnel lorsqu'il statue en matière pénale, est la juridiction de première instance de droit commun 7 ( * ) .

Toutefois, cette compétence de principe connaît une double limite :

- de nombreux contentieux sont attribués à d'autres juridictions, compte tenu de la nature de l'affaire. Ainsi, la presque totalité des contentieux social et commercial échappe au TGI, qui connaît principalement des affaires civiles ou pénales ;

- même dans le champ civil, le TGI ne connaît que des demandes indéterminées ou de celles d'un montant supérieur à 10 000 euros (le tribunal d'instance étant compétent en deçà). Par exception à cette règle, il arrive que la loi attribue expressément une compétence exclusive au tribunal de grande instance, indépendamment de son montant 8 ( * ) . En matière pénale, le tribunal correctionnel connaît exclusivement des délits 9 ( * ) .

En principe, le tribunal de grande instance statue en formation collégiale. Les exceptions à cette règle sont cependant très nombreuses : tel est le cas pour le juge aux affaires familiales, qui siège seul, sauf demande de renvoi à la formation collégiale.

De la même manière, si, en principe, la constitution d'avocat est obligatoire devant le TGI, nombre de matières échappent à cette règle, notamment en matière familiale, hors divorce.

D'un point de vue administratif, comme d'un point de vue juridictionnel, le TGI constitue la pierre angulaire de l'organisation judiciaire française : le parquet y est rattaché, ainsi que le barreau. Le TGI accueille en son sein la plupart des autres juridictions non pourvues d'un greffe autonome, et il rassemble l'ensemble des magistrats exerçant dans le ressort, même ceux d'instance.

Les 161 tribunaux de grande instance (dont 7 TGI ultramarins) 10 ( * ) constituent aujourd'hui le niveau pertinent de mise en oeuvre des politiques pénales et juridictionnelles, sous la responsabilité du président du tribunal et du procureur de la République.

Les tribunaux de première instance ultramarins 11 ( * ) occupent une place à part dans cette organisation judiciaire, puisqu'ils réunissent, au sein de la même structure, la compétence du TGI et celle du tribunal d'instance. Ils répondent toutefois, dans ces collectivités, à des problématiques territoriales spécifiques.


* 4 Rapport au garde des sceaux du groupe d'étude et de réflexion sur l'amélioration de l'accès à la justice par la mise en place d'un guichet unique de greffe et la simplification des juridictions de première instance, présidé par M. Francis Casorla , 1997, dit « rapport Casorla », p. 14 et 15.

* 5 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, rapport au garde des sceaux de la commission sur la répartition des contentieux présidée par Serge Guinchard , La documentation française, 2008, p. 183.

* 6 Ibid ., p. 34-35.

* 7 Art. L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire (COJ).

* 8 Tel est le cas, par exemple, en matière de demandes relatives aux frais, émoluments et débours des auxiliaires de justices et des officiers publics ou ministériels (art. L. 211-6 du COJ).

* 9 Art. 381 du code de procédure pénale.

* 10 Ils seront 160 à compter du 1 er juillet 2014, lorsque les TGI de Bourgoin-Jallieu et Vienne auront fusionnés au sein du nouveau TGI de Villefontaine.

* 11 Il existe quatre tribunaux de première instance : ceux de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Wallis-et-Futuna, de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie.

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