C. PRIVILÉGIER LA LISIBILITÉ DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE OU SON ACCESSIBILITÉ ?

Cette présentation rapide des juridictions de première instance livre un enseignement.

Le peu de lisibilité de l'organisation judiciaire française tient à ce qu'il n'y a pas toujours de correspondance entre un type de juridiction, le contentieux pour lequel elle est compétente et la nature de la procédure suivie en cette matière.

En effet, en principe, si cette organisation répondait aux exigences de la simplicité, une même juridiction ne devrait connaître qu'une formation de jugement (collégialité ou juge unique) et qu'une procédure (avec ou sans représentation obligatoire d'avocat). La répartition des contentieux devrait suivre ces distinctions : à la collégialité, les affaires les plus complexes, et au juge unique, les affaires les plus simples.

Or, force est de constater que tel n'est pas le cas.

Ainsi, comme on l'a vu précédemment, la collégialité est loin d'être la règle au sein du tribunal de grande instance, de nombreux contentieux, comme celui de la famille, relevant d'un juge siégeant seul. À l'inverse, la collégialité a cours au sein du tribunal d'instance, lorsque par exemple le juge d'instance siège, au côté de ses assesseurs, au sein du tribunal paritaire des baux ruraux.

De la même manière, nombre des contentieux relevant du TGI (en particulier celui de l'autorité parentale) sont dispensés du ministère obligatoire d'avocat.

Il n'existe pas plus de lien entre collégialité et représentation obligatoire par avocat, ou entre juge unique et absence de représentation obligatoire : en matière de divorce, le juge aux affaires familiales statue généralement seul, mais un avocat doit représenter les parties. Inversement, le justiciable ne doit pas nécessairement être accompagné d'un avocat devant le conseil des prud'hommes, ni devant les juridictions sociales, qui sont pourtant collégiales.

Quant à la répartition des contentieux entre les juridictions, le rapport précité de la commission présidée par le doyen Serge Guinchard a suffisamment montré qu'elle n'obéissait plus aux critères de la collégialité ou de la représentation par avocat. Le constat est toujours valable, en dépit des améliorations intervenues depuis lors.

L'écart est ainsi grand entre la réalité et l'idéal du « jardin à la française ».

Pour autant, faut-il chercher à atteindre cet idéal à tout prix ? Vos rapporteurs ne le pensent pas.

Si l'objectif de lisibilité de l'organisation judiciaire est important, puisqu'il contribue à la facilité d'accès de nos concitoyens à la justice, il ne saurait primer toute autre considération.

Or, les nombreuses exceptions aux critères de répartition des compétences ne sont pas sans justification : imposer le recours à un avocat a un coût pour les parties, qui se comprend moins pour des contentieux du quotidien ou peu juridiques, que pour des contentieux plus complexes. De la même manière, sauf à aggraver les lenteurs de la justice, il ne serait envisageable de restaurer la collégialité pour tous les contentieux du TGI que si l'effectif en magistrats augmentait considérablement.

Par conséquent, plutôt que de chercher à simplifier à outrance l'organisation juridictionnelle, au risque de perdre les avantages qu'elle procure aujourd'hui au justiciable, il semble plus judicieux à vos rapporteurs de réfléchir à la façon dont on pourrait le guider ou l'aider à mieux se repérer dans cette organisation nécessairement complexe, tout en oeuvrant pour sa plus grande lisibilité.

*

Partir du point de vue du justiciable, en attachant leur attention à la facilité d'accès à la justice plus qu'à la clarté formelle de l'organisation juridictionnelle : tel est le principe qui a guidé vos rapporteurs dans la conduite de leurs travaux.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page