N° 67

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 octobre 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la prise en compte des questions éthiques à l' échelon européen ,

Par M. Simon SUTOUR et Jean-Louis LORRAIN †,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Simon Sutour, président ; MM.  Alain Bertrand, Michel Billout, Jean Bizet, Mme Bernadette Bourzai, M. Jean-Paul Emorine, Mme Fabienne Keller, M. Philippe Leroy, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Georges Patient, Roland Ries, vice-présidents ; MM. Christophe Béchu, André Gattolin, Richard Yung, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond, Éric Bocquet, Mme Françoise Boog, MM. Yannick Botrel, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Robert del Picchia, Michel Delebarre, Yann Gaillard, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Jean-François Humbert, Mme Sophie Joissains, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Jacques Lozach, Mme Colette Mélot, MM. Aymeri de Montesquiou, Bernard Piras, Alain Richard, Mme Catherine Tasca.

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORT

- L'éthique est une démarche d'origine philosophique, fondée sur la réflexion, qui procède par un questionnement sans cesse renouvelé à la recherche de la justification de nos actions ou décisions. De nature critique et interrogative, elle utilise l'échange et le débat dans le but de raisonner sur les valeurs et les jugements moraux et de définir les fondements du « bien agir » ou d'une « vie bonne ».

- L'éthique est une approche qui est souvent perçue de manière restrictive ou erronée. Ainsi, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, pour beaucoup, l'éthique se confond avec les questionnements sur la pratique médicale (relation médecin/patient) et les conséquences des progrès scientifiques et médicaux sur l'homme et la société. Pourtant, l'éthique est une démarche qui peut s'appliquer à de nombreux autres domaines ou problématiques de l'activité humaine. De plus, elle ne peut se réduire à la déontologie ou aux bonnes pratiques.

- Le Conseil de l'Europe et l'Union européenne sont fondés sur un certain nombre de valeurs qui font l'identité commune de leurs membres : respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, solidarité, État de droit. Ces valeurs donnent une dimension éthique au projet européen. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne assurent la protection de ces valeurs et font des droits de l'Homme, en s'appuyant notamment sur la notion de dignité humaine, la « boussole » éthique de l'Europe.

- Le Conseil de l'Europe et l'Union européenne sont soucieux d'éthique. Ils intègrent cette exigence dans leurs cadres institutionnels respectifs, essentiellement pour prendre en compte les questions relatives à la biomédecine. Toutefois, les institutions du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne conservent une approche très prudente des problématiques qui touchent à des enjeux éthiques. En effet, l'échelon européen ne favorise pas le consensus sur des questions qui donnent lieu à des clivages parfois prononcés entre pays en raison de leurs histoires et de leurs cultures. Les cours européennes veillent ainsi particulièrement à respecter le principe de subsidiarité en ces matières.

- En dépit du fait que l'éthique n'est pas une compétence européenne et que le principe de subsidiarité a vocation à s'appliquer, un encadrement éthique européen a émergé de façon pragmatique dans certains domaines (biomédecine, recherche, responsabilité sociale des entreprises, bien-être animal, etc.) par les voies classiques de la régulation dans le cadre du fonctionnement du marché unique de l'Union européenne et de la négociation intergouvernementale au sein du Conseil de l'Europe.

- Sans être totalement négligée au niveau européen ou national, la démarche éthique n'occupe pas pour autant une position déterminante dans la définition des politiques publiques ou au sein de l'initiative privée. Elle peut pourtant devenir un atout majeur dans le développement de nos sociétés européennes. Pour cela, il convient de revoir notre mode de gouvernance . Tout d'abord, en favorisant un débat démocratique plus participatif , reposant sur un travail d'information et de formation du citoyen . L'école et l'université, les comités d'éthique ont ainsi un rôle à jouer dans l' acquisition d'un sens critique et la diffusion d'une culture du débat et de l'éthique de la discussion. Ensuite, en revalorisant la notion de long terme dans l'action politique et en développant les moyens de prospective. Un comité des sages ou une « académie du futur », exerçant une double fonction de vigilance et d'anticipation, pourraient voir le jour dans le but de définir le « bien commun futur » .

- L'éthique est une démarche méconnue qui pâtit de l'idée qu'elle peut se pratiquer de manière instinctive, en dehors de tout apprentissage, en faisant appel au « bon sens ». Pour sortir de cette impasse et éviter le développement d'une éthique au rabais, il est nécessaire de proposer des parcours de formation de qualité en éthique , s'appuyant sur un enseignement et une recherche universitaire dignes de ce nom. Mais, fondée sur l'interdisciplinarité, l'éthique est confrontée à la difficulté d'exister en tant que matière autonome au sein de l'université. C'est le cas en France où l'éthique est rattachée à différentes sections du Conseil national des universités (CNU), ce qui a pour effet de contrarier son émergence en tant que discipline majeure. Il apparaît donc nécessaire de reconnaître l'éthique pour elle-même (par exemple, à travers la constitution en France d'une section CNU interdisciplinaire) , afin d'organiser une filière d'enseignement cohérente, gage de qualité pour la recherche et les diplômes dans le domaine de l'éthique .

AVANT-PROPOS

Jean-Louis Lorrain était passionné par les questions d'éthique. Titulaire d'un doctorat en éthique et sciences du vivant (Université Paris XI), il enseignait cette matière notamment à l'Université de Haute Alsace et participait au Centre européen d'enseignement et de recherche en éthique.

Il avait donc tout naturellement été chargé par la commission des affaires européennes d'examiner la prise en compte des questions éthiques à l'échelon européen, tant par l'Union européenne que par le Conseil de l'Europe (dont il était membre de l'Assemblée parlementaire).

L'élaboration de son rapport était très avancée lorsque la maladie qui devait l'emporter l'a obligé à interrompre ses activités. Dans ses derniers jours, il avait souhaité que ce travail, s'appuyant sur une trentaine d'auditions, ne soit pas perdu. C'est pourquoi, lors de sa réunion du 4 juillet 2013, la commission des affaires européennes a demandé au fonctionnaire chargé de l'assister de parachever la rédaction du rapport, à partir des indications détaillées qu'avaient laissées Jean-Louis Lorrain. Le texte ainsi complété traduit donc fidèlement les intentions du rapporteur.

Le projet de rapport a été communiqué à tous les membres de la commission des affaires européennes. La décision d'autoriser sa publication a été donnée par procédure écrite, aucun membre de la commission n'ayant soulevé d'objection à cette publication.

Simon Sutour

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