B. UNE SOUS-TRAITANCE MASSIVEMENT ASSURÉE PAR LE SECTEUR PRIVÉ

1. Cinq marchés principaux

Le traitement automatisé des infractions est largement permis par le recours à des prestataires privés . Depuis mars 2011, l'ANTAI a passé quatre marchés publics :

- le marché de traitement automatisé des infractions, dit « CNT 3 », notifié le 16 novembre 2011 à la société Atos Worldline ;

- le marché d'assistance à maitrise d'ouvrage de l'ANTAI, notifié le 11 juin 2012 à la société Bearing Point ;

- le marché du centre d'appels du traitement automatisé des infractions, notifié le 13 juin 2012 à la société The Marketing Group ;

- le marché de modernisation du centre d'encaissement des amendes (CEA) ;

- le marché d'études ayant pour objet l'analyse des processus, la définition de l'architecture et l'élaboration des spécifications générales d'un nouveau système de gestion de recouvrement des amendes, condamnations pécuniaires et produits divers de l'Etat ainsi que l'assistance à la passation du marché de réalisation de ce nouveau système, notifié le 11 juillet 2012 à la société Klee Group.

Le marché CNT 3 est incontestablement le marché principal puisqu'il permet d'assurer l'envoi des avis de contraventions et le traitement des courriers en retour (contestations). Atos et ses sous-traitants emploient, à ce titre, 306 personnes (au 31 décembre 2012).

Le marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMOA) a pour objet, ainsi que l'explique le directeur de l'ANTAI, à « être la mouche du coche, le coche étant Atos ». Il vise à aider les équipes de l'Agence à assurer le suivi du marché principal et à veiller à sa correcte mise en oeuvre .

En pratique, toutes les six semaines, un comité de pilotage « AMOA » est organisé et permet de passer en revue l'ensemble des prestations fournies par Atos, sous la responsabilité d'un ingénieur de l'ANTAI. Les coûts exposés par Atos résultent en effet de l'enchaînement de processus complexes qu'il convient de pouvoir décortiquer afin d'analyser si la prestation est assurée au juste prix .

L'AMOA apporte également un concours ponctuel sur d'autres sujets, par exemple en matière de droit de la propriété intellectuelle (les logiciels développés par Atos pour le compte de l'ANTAI appartiennent à cette dernière).

L'Agence n'est pas en mesure de calculer précisément le « retour sur investissement » ou la rentabilité du marché AMOA. Toutefois, il s'agit bien d'un élément structurant dans le dispositif face à la « force de frappe » développée par Atos, l'ANTAI faisant valoir que « l'équipe AMOA est en charge de veiller sur les aspects ?maîtrise des coûts de développement?, ?veille technologique?, ?contenu des projets de développement? et ?suivi de production? ».

Le centre d'appels est composé d'une soixantaine de personnes dont une quinzaine travaille au CNT. Il assure l'information des usagers sur toute question. Les opérateurs orientent les contestations mais ne les traitent pas, de même qu'ils n'assurent pas les paiements. En 2012, le centre a reçu 1,86 million d'appels 6 ( * ) .

Le marché relatif à la modernisation du centre d'encaissement des amendes à Rennes (CEA) est un marché qui sera renouvelé à la fin octobre 2013 pour la maintenance des matériels. Il représente un coût annuel prévisionnel de 300 000 euros.

Enfin, le dernier marché est une étude préalable au renouvellement d'une application de gestion du recouvrement des amendes, dite AMD, gérée par la DGFiP.

2. Une dépendance de l'Agence aux marchés publics

Le recours massif à des marchés publics peut se comprendre pour la mise en oeuvre de traitements automatisés faisant appel à des technologies de pointe, notamment en termes de sécurité. Pour autant, la « dépendance » aux marchés publics pose plusieurs problèmes .

Tout d'abord, ces marchés entraînent une rigidification de la dépense de l'Agence ( cf. infra ) et une moindre capacité de la piloter ou de la réduire. En contrepartie, la signature d'un contrat offre une certaine visibilité à la personne publique.

Ensuite, le titulaire du marché risque de devenir le partenaire incontournable de la puissance publique , par l'expérience acquise. D'une part, cela perturbe le bon fonctionnement de la concurrence lors des phases d'appels d'offres. D'autre part, si le co-contractant vient à ne pas être renouvelé, la « perte de mémoire » - et donc la perturbation du service public - peut se révéler non négligeable.

Ainsi, lors de l'attribution du marché CNT 3 (le marché actuel), une seule offre a pu être déposée et ce, par le titulaire du précédent marché CNT 2, à savoir la société Atos.

Devant le conseil d'administration, le directeur de l'ANTAI a rappelé que « les grandes maisons qui étaient sur le point de déposer une offre avaient pris du retard. [...] Je crois comprendre que ceux qui ont travaillé le sujet cette année, sauf évènement autre, seront au rendez-vous dans quatre ans. Ils nous l'ont fait connaître » 7 ( * ) .

En pratique, cette situation ne s'est pas révélée préjudiciable puisque le marché a été attribué pour un montant sensiblement inférieur à ce qui avait prévu. L'apparition d'une éventuelle concurrence a conduit le titulaire du marché à tenir ses coûts. Le directeur de l'Agence explique ainsi que « nous nous attendions à une augmentation des prix peut-être de l'ordre de 10 % alors que nous sommes, au résultat, avec une baisse de 0,4 % » 8 ( * ) .

En ce qui concerne la transition entre deux co-contractants, le directeur de l'Agence a expliqué que le « transfert de connaissances ne peut se faire qu'en s'appuyant sur un dispositif de réversibilité qui a été négocié avec la société Atos - par un avenant [...] - et qui permet de mettre une couche de transfert à la fois de réversibilité des données vers l'administration mais aussi de transférabilité des connaissances vers un autre prestataire. Pendant trois mois, entre le moment de la notification et le moment du transfert de responsabilité d'une entreprise à l'autre, il y a une production qui est assurée par Atos, une transférabilité assurée par l'ancien partenaire et le nouveau partenaire sous la direction de l'ANTAI. Et c'est au bout de trois mois que nous transférons l'ensemble des activités » 9 ( * ) .

La question de la dépendance à un prestataire peut également être soulignée s'agissant du marché d'AMOA. En effet, même si le titulaire du marché n'a pas été renouvelé, il importe de souligner que ses deux principaux sous-traitants, spécialisés dans des domaines techniques pointus n'avaient pas renouvelé leur contrat et s'étaient associés avec Bearing Point, qui a finalement emporté l'offre.

En tout état de cause, ces problèmes sont correctement identifiés et gérés par l'ANTAI et les différents marchés, et en tout premier lieu le CNT 3, offrent une souplesse bienvenue dans un environnement technologique en perpétuelle évolution .

Il faut enfin noter que la société Atos acquiert une expérience en matière de traitement automatisé des infractions qui lui permet de répondre aux appels d'offres d'Etats étrangers souhaitant mettre en oeuvre un dispositif similaire à celui de la France. Il s'agit d'un avantage comparatif évident.

Le directeur de l'ANTAI expliquait ainsi que « le Luxembourg a décidé de copier le système français et, forts de cela, nous avons été approchés par les Luxembourgeois pour répondre à leur souci de mettre en oeuvre un dispositif de cet ordre.

« Pour autant l'ANTAI ne pouvait pas répondre directement aux autorités luxembourgeoises. C'est donc de manière indirecte que la France répond à cet appel à candidature par l'intermédiaire de notre prestataire Atos.

« Nous serons sans doute intéressés parce qu'ils vont utiliser une part de notre logiciel mais ce n'est pas encore complètement certain. Dans ce cas, je leur ai annoncé qu'ils devraient rémunérer une licence d'exploitation » 10 ( * ) .

L'ANTAI peut donc retirer un léger bénéfice de l'avantage dont dispose Atos sur ses concurrents.


* 6 Avec le lancement du site www.antai.gouv.fr fin 2012, l'Agence espère enregistrer une diminution du nombre d'appels. Le site est déjà visité par près de 2 000 personnes chaque jour.

* 7 Séance du conseil d'administration du 18 octobre 2011.

* 8 Idem.

* 9 Séance du conseil d'administration du 7 juin 2011.

* 10 Séance du conseil d'administration du 28 mars 2012.

Page mise à jour le

Partager cette page