B. RESPONSABILISER LES CLUBS PROFESSIONNELS

Vos rapporteurs n'entendent pas promouvoir de « modèle unique » de propriété ou de gestion des grands équipements sportifs . Leurs travaux les ont notamment menés à Saint-Etienne, où le stade Geoffroy-Guichard fait partie de l'identité stéphanoise et du patrimoine local. C'est donc tout naturellement que la communauté d'agglomération Saint-Etienne Métropole a conduit et assumé seule la maîtrise d'ouvrage des travaux de rénovation du stade en vue de l'Euro 2016, n'envisageant pas de remettre en question un schéma que le club de football local ne conteste d'ailleurs pas. Dans un tel contexte, le rôle de la puissance publique apparaît tout-à-fait légitime.

Pour autant, vos rapporteurs estiment qu'une responsabilisation progressive des clubs dans la maîtrise de leur « outil de travail » qu'est le stade ou la salle où ils évoluent, profiterait à toutes les parties .

En outre, quel que soit le schéma retenu, le club doit s'acquitter du juste prix de l'occupation de l'enceinte .

1. Des clubs propriétaires ou des clubs gérant leur enceinte sportive
a) Autoriser les aides financières publiques à l'acquisition de son enceinte sportive par un club professionnel

Le présent rapport a déjà évoqué les expériences de clubs qui ont décidé de se doter en pleine propriété d'un nouveau stade (Olympique lyonnais en football et Racing Métro 92 en rugby).

Il ressort clairement de ces exemples que de telles opérations nécessitent un réel soutien public, y compris sur le plan financier, pour aboutir - notamment du fait de la frilosité des financeurs privés face à l'aléa sportif.

Du fait des dispositions des articles L. 113-1 à L. 113-3 du code du sport, qui proscrivent toute aide financière aux clubs dont les recettes dépassent 75 000 euros en vue de la réalisation d'équipements sportifs, ce soutien a dû prendre des voies à caractère exceptionnel :

- subvention par le CNDS et garantie du conseil général après l'introduction d'une exception législative 18 ( * ) aux dispositions des articles précités du code du sport pour les stades de l'Euro 2016 ;

- acquisition de vastes espaces de bureaux par le conseil général dans le cas de l'Aréna 92.

Vos rapporteurs ne considèrent pas normal que le droit en vigueur impose l'emploi de solutions aussi exceptionnelles ou créatives par les pouvoirs publics, d'autant que ce droit aboutit, en pratique, à encourager le schéma de la propriété exclusivement publique des équipements - autrement dit du portage de l'intégralité du risque financier associé par les collectivités territoriales .

Il serait donc préférable d'autoriser le subventionnement ou la garantie d'une partie du financement de l'ouvrage par les collectivités, de même que l'acquisition par le club d'une partie d'un équipement existant - pour autant, bien sûr, que la décision finale de la Commission européenne sur les aides aux stades de l'Euro 2016 n'interdise pas une telle évolution.

b) Encourager la gestion de l'infrastructure par le club résident

Même en autorisant ce type d'aides, il est probable que de nombreux clubs, freinés par le coût financier de l'opération, n'acquerront pas l'infrastructure au sein de laquelle ils évoluent. Cela risque de se vérifier tout particulièrement pour les sports de salle, le budget de la quasi-totalité des clubs ne leur permettant pas d'envisager une telle acquisition.

La responsabilisation des clubs peut alors passer par la gestion de l'équipement , quand bien même celui-ci resterait la propriété de la collectivité.

Vos rapporteurs ont pu observer un bon exemple de ce type au Havre. Naviguant assez régulièrement entre la Ligue 1 et la Ligue 2, le club de football local (HAC) évoluait au stade Jules Deschaseaux, inauguré en 1931. La communauté de l'agglomération havraise, (CODAH), alors présidée par Antoine Rufenacht, a décidé de construire un nouveau stade (dénommé Stade Océane) à l'entrée de la ville, dans le cadre d'un réaménagement du quartier 19 ( * ) . Le HAC a été très tôt associé au projet et a pu faire valoir ses arguments d'utilisateur principal de l'enceinte dès sa conception. Puis, la CODAH ayant décidé de confier la gestion de l'équipement au club 20 ( * ) , celui-ci a pu faire procéder, à ses frais (4 millions d'euros), à des aménagements qui lui ont semblé utiles pour l'exploitation future. Depuis l'inauguration, le 12 juillet 2012, le HAC gère le lieu. Il acquitte un loyer d'occupation à la CODAH (de l'ordre d'un million d'euros tant qu'il évolue en Ligue 2) et règle tous les frais incombant au locataire, charge à lui de dégager des revenus supplémentaires en développant son activité de gestionnaire. Les responsables de la communauté d'agglomération ont assuré à vos rapporteurs que la CODAH s'y retrouvait financièrement, devant certes régler des intérêts d'emprunts mais percevant un loyer, ne réglant plus les frais d'entretien et ne versant plus de subvention de fonctionnement au HAC. Vos rapporteurs en ont pris note, sans toutefois avoir pu prendre connaissance du détail de chacune de ces sommes.

Dans le cas havrais, le club ne bénéficie pas d'une délégation de service public mais simplement d'une autorisation d'occupation . C'est ce qui explique que les parties ont pu contracter sans mise en concurrence préalable . Sans que vos rapporteurs aient pu consulter en détail le contrat liant les parties, cette pratique semble s'inscrire en cohérence avec la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui a déjà considéré 21 ( * ) :

- d'une part, que la seule présence d'un club professionnel sans autres contraintes que celles découlant de la mise à disposition des équipements sportifs ne caractérise pas à elle seule une mission de service public ;

- d'autre part, qu'aucun texte ni aucun principe n'impose à une personne publique d'organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d'une autorisation ou à la passation d'un contrat lorsqu'elles ont pour seule objet l'occupation d'une dépendance du domaine public, même si l'occupant de cette dépendance est un opérateur agissant sur un marché concurrentiel.

Là encore, comme dans le cas de l'aide à la propriété, le soutien à l'exploitation de l'équipement sportif par le club constitue un moyen de revoir les relations entre ce dernier et la collectivité , dans un sens de responsabilisation et de sortie de la logique de versement d'une subvention de fonctionnement annuelle.

2. Des clubs acquittant le juste prix de l'occupation de l'équipement

En toute hypothèse, quel que soit le schéma retenu en termes d'exploitation, il est nécessaire que le club professionnel acquitte le juste prix de son occupation .

Beaucoup de collectivités en sont souvent loin. Dans son rapport précité sur la gestion de la ville de Marseille, la CRC PACA souligne que la convention du 5 juillet 2011 liant la municipalité à l'Olympique de Marseille jusqu'au 30 juin 2014 pour l'occupation du stade Vélodrome prévoit une simple redevance forfaitaire de 50 000 euros par an - la fourniture de l'énergie et des fluides faisant cependant l'objet d'une refacturation à l'euro et le club résident prenant en charge l'entretien. La chambre souligne qu'une « remise à niveau s'impose » pour le prochain contrat (dans un stade rénové), estimant à au moins 8 millions d'euros le juste montant de la part fixe que la ville devra alors percevoir par saison sportive.

Même si le mouvement peut être progressif afin de ne pas déstabiliser l'économie parfois fragile des clubs, il doit être enclenché et poursuivi . Mais là encore, la possible évolution du droit communautaire en matière d'aides publiques au sport professionnel pourrait accélérer les choses.

Proposition n° 6 : Impliquer et intéresser davantage les clubs professionnels dans la possession ou l'exploitation du stade ou de la salle qu'ils utilisent.

Proposition n° 7 : A cette fin, permettre aux collectivités territoriales de soutenir financièrement les clubs pour la réalisation d'un projet privé ou l'acquisition en tout ou partie d'un équipement public.

Proposition n° 8 : Dans tous les cas, faire payer le « juste prix » de l'occupation de domaine public ou la concession au club résident.


* 18 Loi n° 2011-617 du 1er juin 2011 relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016.

* 19 Le coût du stade stricto sensu s'est élevé à 80 millions d'euros, et à 127 millions d'euros en intégrant les aménagements extérieurs (accès, parkings, etc.).

* 20 Le club exerce cette gestion au travers d'une filiale dédiée, dénommée Océane Stadium.

* 21 Conseil d'Etat, 3 décembre 2010, Ville de Paris - Association Paris Jean Bouin (n° s 338272, 338527).

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