B. ALTERNATIVES AUX POURSUITES ET PROCÉDURES RAPIDES DE JUGEMENT : REDONNER TOUTE SA PLACE À LA VICTIME

La façon dont la victime est prise en compte au cours de la procédure pénale dépend dans une très large mesure de l'orientation que le parquet décide de donner à l'affaire.

En effet, seule une minorité d'auteurs se voient traduits devant une juridiction pénale dans des conditions « de droit commun » (comparution de l'auteur, éventuellement assisté de son avocat, devant une juridiction dans le cadre d'une audience publique, afin d'examiner l'intégralité de l'affaire, en présence du procureur de la République et de la ou des parties civiles).

Dans plus de la moitié des cas où l'auteur est identifié, le parquet met en oeuvre une procédure alternative aux poursuites ou une composition pénale.

En outre, lorsque des poursuites sont engagées, un nombre important d'auteurs font l'objet d'une procédure rapide de jugement (ordonnance pénale, comparution immédiate, procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité) (voir encadré).

Or si certaines de ces procédures accordent une place centrale à la victime, en faisant de l'indemnisation de cette dernière une condition sine qua non de la magnanimité du procureur de la République, d'autres au contraire ne lui concèdent qu'une place secondaire.

1. La nécessité de prendre plus fréquemment en compte la question de la réparation au stade des alternatives aux poursuites

En vertu du principe d'opportunité des poursuites énoncé à l'article 40-1 du code de procédure pénale, la répartition des affaires susceptibles de donner lieu, selon le cas, à un classement sans suite, à une mesure alternative aux poursuites, à une composition pénale ou à des poursuites devant la juridiction de jugement relève sauf exception du pouvoir d'appréciation du procureur de la République, selon la politique pénale qu'il décide de mettre en oeuvre dans le ressort du TGI.

La mesure alternative aux poursuites a pour but « d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits ». Si ce dernier n'exécute pas la mesure, le procureur de la République, sauf élément nouveau, est tenu de mettre en oeuvre une composition pénale ou d'engager des poursuites.

En l'état du droit, l'article 41-1 du code de procédure pénale permet au procureur de la République, avant de prendre sa décision sur l'action publique, de décider un certain nombre de mesures : rappel à la loi, orientation de l'auteur vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, régularisation de sa situation, mise en oeuvre d'une mission de médiation, engagement à résider hors du domicile familial et à faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique en cas de violences intrafamiliales, mais aussi réparation du dommage causé par l'infraction.

Activité des parquets en 2009

Nombre d'affaires

En part des affaires « poursuivables »

Affaires « poursuivables » 8 ( * )

1 487 675

100%

Nombre de procédures classées sans suite (recherches infructueuses, désistement du plaignant, victime désintéressée, préjudice ou trouble peu important, etc.)

182 552

12,3%

Nombre de procédures alternatives aux poursuites

558 047

37,5%

- médiations

23 451

1,5%

- réparations mineurs

9 024

0,6%

- injonctions thérapeutiques

4 380

0,3%

- orientations vers structure sanitaire, sociale, professionnelle

16 414

1,1%

- plaignant désintéressé, régularisations

101 205

6,8%

- rappels à la loi, avertissements

273 783

16,2%

- autres poursuites ou sanctions non pénales

129 790

8,7%

Nombre de compositions pénales réussies

73 392

5%

Nombre total d'affaires poursuivies

673 684

45,3%

- transmission au juge d'instruction

20 899

1,4%

- transmission au juge des enfants

56 274

3,8%

- poursuites devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police

596 511

40%

* dont : ordonnances pénales (contraventionnelles et délictuelles)

175 077

11,7%

* dont : comparutions immédiates

43 670

3%

* dont : requêtes en homologation dans le cadre de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC)

77 530

5,2%

* dont : autres modes de convocation (convocation sur procès-verbal du procureur de la République, convocation sur procès-verbal de l'OPJ, citation directe)
(tribunal correctionnel et tribunal de police)

300 234

20%

Source : Annuaire statistique de la justice, édition 2011-2012

Le procureur de la République peut également décider de mettre en oeuvre une composition pénale , qui est une réponse pénale un peu plus ferme que la mesure alternative aux poursuites. Celle-ci consiste, pour une infraction punie d'une peine égale ou inférieure à cinq ans d'emprisonnement, à proposer à l'auteur des faits un certain nombre de mesures, détaillées à l'article 40-2 du code de procédure pénale : paiement d'une amende au Trésor public, immobilisation de son véhicule, accomplissement d'un travail non rémunéré au profit de la collectivité, etc. La mesure de composition pénale doit être acceptée par l'auteur des faits. Elle fait l'objet d'une homologation par le président de la juridiction de jugement et d'une inscription au casier judiciaire ; son accomplissement éteint l'action publique.

L'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante permet par ailleurs au procureur de la République ou au juge des enfants de prononcer à l'égard d'un mineur délinquant une mesure de réparation à l'égard de la victime ou dans l'intérêt de la collectivité.

En pratique, les parquets ont recours à ces mesures alternatives pour des litiges considérés comme mineurs et lorsque les faits sont simples, clairement établis et reconnus par l'auteur . Le plus souvent, elles sont exécutées sous la responsabilité d'un délégué du procureur ou par une association habilitée , mandatée spécialement par le procureur de la République.

Certaines de ces mesures accordent une place prépondérante à la victime : tel est notamment le cas des mesures de classement sous condition - par lesquelles le procureur de la République accepte de classer l'affaire si l'auteur des faits a réparé le dommage causé à la victime - ainsi que des mesures de médiation pénale , qui se déroulent en plusieurs temps et donnent lieu à la signature d'un accord écrit entre l'auteur et la victime dont le médiateur est chargé de contrôler le respect.

En matière de composition pénale, par ailleurs, l'article 41-2 du code de procédure pénale prévoit expressément que « lorsque la victime est identifiée, et sauf si l'auteur des faits justifie de la réparation du préjudice commis, le procureur de la République doit proposer à ce dernier de réparer les dommages causés par l'infraction dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois. Il informe la victime de cette proposition. Cette réparation peut consister, avec l'accord de la victime, en la remise en état d'un bien endommagé par la commission de l'infraction ».

Les magistrats rencontrés par vos rapporteurs ont souligné l'intérêt de ces différentes mesures qui, en suscitant une démarche active de l'auteur des faits, contribuent au-delà de la simple réparation du préjudice subi à l'apaisement des relations sociales.

Toutes les victimes n'en bénéficient pas pour autant. En effet, près de la moitié des mesures alternatives aux poursuites prennent encore la forme d'un simple rappel à la loi ou d'un avertissement - mesure qui n'associe pas la victime, même lorsque l'infraction a causé un dommage.

Lors de son audition, M. Jean Danet, maître de conférences à l'université de Nantes, a estimé que les mesures de médiation pénale et de composition pénale méritaient d'être développées , la médiation pénale ne représentant notamment à l'heure actuelle que 4% des alternatives aux poursuites.

Il a en effet rappelé que dans les dossiers d'atteintes aux personnes, un dossier sur trois fait explicitement état d'un lien d'interconnaissance identifié et pérenne (famille, voisins, etc.) entre l'auteur et la victime. Or, alors que l'audience devant le tribunal ne permet de traiter que la crise, la médiation permet au contraire d'aller au fond du conflit et d'établir les bases d'une restauration ou d'un apaisement durable du lien social.

Vos rapporteurs n'ignorent pas que la médiation pénale fait l'objet de critiques de la part d'un certain nombre d'associations, notamment lorsqu'elle est mise en oeuvre pour des faits de violences conjugales - la médiation étant alors susceptible de renforcer davantage l'emprise psychologique exercée par l'auteur sur la victime. C'est d'ailleurs pour cette raison que, lors de l'examen en première lecture du projet de loi relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes, le Sénat a souhaité supprimer la possibilité d'y recourir dans le cas de violences commises au sein du couple. Votre commission des lois avait pour sa part défendu une position plus nuancée, distinguant clairement les phénomènes de violence avec emprise, qui méritent de recevoir une réponse pénale ferme, et les conflits avec violence, pour lesquels la médiation pénale peut présenter un réel intérêt 9 ( * ) .

Par ailleurs, une partie de la solution à cette difficulté réside dans le nécessaire renforcement de la formation des médiateurs à la détection des phénomènes de violence et d'emprise psychologiques .

En tout état de cause, la médiation pénale nécessite le recours à des intervenants - délégués du procureur ou personnels associatifs - spécialement formés et professionnalisés .

Sous cette réserve, M. Jean Danet, s'appuyant sur les résultats d'une expérimentation menée à Marseille en 2010 dans le cadre d'une recherche initiée par le Conseil de l'Europe, a estimé utile de développer la médiation pénale , en permettant à l'autorité judiciaire d'y avoir recours non seulement dans le cadre d'une alternative aux poursuites, mais également à d'autres stades de la procédure, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'un ajournement de peine ou d'un sursis avec mise à l'épreuve .

Une telle extension offrirait d'ailleurs la garantie de voir l'auteur condamné dans le cas d'un échec de la médiation.

Mme Christine Lazerges, présidente de la commission nationale consultative des droits de l'homme, a, elle aussi, souligné l'intérêt de la médiation pénale, tant pour la victime que pour l'auteur des faits qu'elle responsabilise, et a regretté la diminution continue des crédits consacrés par les juridictions à ces mesures depuis plusieurs années.

Vos rapporteurs estiment indispensable d'explorer l'ensemble des pistes susceptibles d'inciter l'auteur des faits à réparer de lui-même le dommage causé à la victime et souhaitent qu'une réflexion sur une telle extension de la médiation pénale, à condition qu'elle soit mise en oeuvre par des professionnels spécialement formés (en particulier aux phénomènes d'emprise psychologique, qui sont susceptibles de « fausser » le processus de médiation s'ils ne sont pas détectés par le médiateur), puisse être sérieusement envisagée.

En tout état de cause, il ne saurait être recouru à cette mesure qu'à la demande ou avec l'accord exprès de la victime.

Proposition n°4 : développer le recours à la médiation pénale, sous la responsabilité de professionnels spécialement formés, et engager une réflexion sur l'opportunité d'ouvrir la possibilité de prononcer cette mesure, si la victime donne son accord, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'un ajournement de peine ou d'un sursis avec mise à l'épreuve.

2. Procédures rapides de jugement : une exigence de célérité qui ne doit pas léser la victime

La constitution de partie civile poursuit deux objectifs : faire condamner l'auteur des faits et obtenir réparation du préjudice subi.

Ces deux objectifs plaident parfois pour des solutions contradictoires : alors que le trouble causé par l'infraction peut exiger une réponse ferme et rapide de l'autorité judiciaire, la victime peut à l'inverse ne pas être en mesure de faire valoir rapidement sa demande d'indemnisation, soit parce qu'elle ne dispose pas encore de l'ensemble des pièces justificatives, soit parce que son préjudice n'est pas stabilisé au moment de l'audience de jugement.

En outre, malgré des améliorations législatives récentes, les procédures rapides de jugement n'accordent encore aujourd'hui qu'une place subsidiaire à la victime.

a) L'ordonnance pénale

Aux termes de l'article 495 du code de procédure pénale, « le procureur de la République peut décider de recourir à la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale pour [un certain nombre de délits précisément énumérés 10 ( * ) ] lorsqu'il résulte de l'enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont simples et établis, que les renseignements concernant la personnalité, les charges et les ressources de celui-ci sont suffisants pour permettre la détermination de la peine, qu'il n'apparaît pas nécessaire, compte tenu de la faible gravité des faits, de prononcer une peine d'emprisonnement ou une peine d'amende d'un montant supérieur à [5 000 euros] et que le recours à cette procédure n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de la victime ».

L'ordonnance pénale est une procédure écrite et non contradictoire, au cours de laquelle ni le prévenu ni la victime ne sont entendus par l'autorité judiciaire . Aux termes de l'article 495-1 du code de procédure pénale, le ministère public qui choisit de recourir à cette procédure communique au président le dossier de la poursuite et ses réquisitions. Le président statue alors « sans débat préalable » par une ordonnance pénale, laquelle ne peut que, soit condamner le mis en cause à une amende ainsi que, le cas échéant, à une peine ou plusieurs peines complémentaires, soit prononcer sa relaxe. Aucune peine d'emprisonnement ne peut être prononcée par la voie de l'ordonnance pénale.

Votre commission des lois a déjà eu l'occasion à plusieurs reprises d'exprimer ses réserves sur l'opportunité d'une extension de cette procédure, qui était à l'origine exclue lorsque l'infraction avait provoqué un préjudice à l'encontre d'une victime 11 ( * ) .

Le régime de l'ordonnance pénale a été profondément revu par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, qui a notamment introduit la possibilité d'y recourir en présence d'une ou plusieurs victimes .

Aux termes des nouveaux articles 495-2-1, 495-3-1 et 495-5-1 du code de procédure pénale, lorsque la victime des faits a formulé au cours de l'enquête de police une demande de dommages et intérêts ou de restitution valant constitution de partie civile, il appartient au président de statuer sur cette demande dans l'ordonnance pénale. La victime dispose alors d'un délai de 45 jours pour faire opposition si elle le souhaite. Si le président n'est pas en mesure de statuer sur la demande de la victime, il renvoie le dossier au ministère public afin qu'il saisisse le tribunal sur les intérêts civils.

Par ailleurs, si la victime de l'infraction est identifiée mais qu'elle ne s'est pas constituée partie civile, le procureur de la République doit l'informer de son droit de lui demander de citer l'auteur des faits à une audience du tribunal correctionnel statuant à juge unique. Le tribunal statue alors sur les seuls intérêts civils, au vu du dossier de la procédure qui est versé au débat.

La possibilité de régler la question de l'indemnisation du préjudice par la voie de l'ordonnance pénale soulève toutefois des interrogations, notamment parce qu' à aucun moment de la procédure un magistrat n'est mis en mesure de vérifier les conditions dans lesquelles la victime a formulé sa demande de dommages et intérêts .

Mme Véronique Denizot, première vice-procureure au TGI de Lyon, chargée de la section du traitement direct, a indiqué que, pour sa part, le parquet de Lyon avait fait le choix de ne pas recourir à la procédure de l'ordonnance pénale en présence de victimes.

S'ils ne souhaitent pas exclure a priori cette possibilité, qui peut peut-être s'avérer pertinente ponctuellement, en présence de faits extrêmement simples et d'un préjudice matériel facile à établir, vos rapporteurs ne peuvent que recommander une utilisation marginale de cette procédure dès lors que les faits impliquent une ou plusieurs victimes.

Proposition n°5 : éviter de recourir à la procédure de l'ordonnance pénale lorsque les faits impliquent une ou plusieurs victimes.

b) La comparution immédiate

La procédure de la comparution immédiate consiste à faire comparaître immédiatement une personne à laquelle le ministère public vient de notifier les faits qui lui sont reprochés. En général, le ministère public choisit de recourir à cette procédure lorsqu'il veut obtenir une réponse pénale ferme à des faits de nature délictuelle et le placement en détention immédiat de la personne poursuivie.

La comparution immédiate présente des avantages en termes de pédagogie de l'action publique et revêt une dimension dissuasive.

Toutefois, elle n'est pas sans risque pour la victime. En effet, comme l'ont notamment observé les représentants du Syndicat de la magistrature, bien souvent, en raison des délais très brefs entre la commission de l'infraction et l'audience de jugement, l'information de la victime sur la date de cette dernière prend la forme d'un simple message laissé par l'officier de police judiciaire sur le répondeur de cette dernière...

Mme Véronique Denizot, première vice-procureure au TGI de Lyon, a ainsi regretté que, trop souvent, les victimes ne soient pas avisées des audiences de comparutions immédiates.

Par ailleurs, même informée, la victime n'a souvent pas le temps de rassembler les pièces nécessaires à sa demande de dommages et intérêts, ni même, parfois, de s'organiser pour pouvoir être présente à l'audience de jugement et faire valoir ses droits.

Pour pallier cette difficulté, le président de la juridiction de jugement a la possibilité d'ordonner le renvoi de l'affaire à une date ultérieure pour statuer sur l'action civile , afin de permettre à la partie civile d'apporter les justificatifs de ses demandes. Ce renvoi est de droit lorsqu'il est demandé par les parties civiles ou si la victime n'a pas été avisée de la date d'audience.

Cette faculté a néanmoins été décrite comme un « pis-aller » par plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs : cette audience de renvoi sur intérêts civils, présidée par un juge unique et à laquelle le ministère public n'est pas tenu d'assister, peut s'avérer frustrante pour la victime ainsi privée de la possibilité de participer au procès pénal et de faire entendre sa voix. En outre, elle se déroule souvent longtemps après l'audience de jugement (six mois en moyenne dans le ressort de la cour d'appel d'Angers par exemple).

Sans méconnaître les exigences qui conduisent le ministère public à mettre en oeuvre cette procédure, vos rapporteurs souhaitent qu'une attention plus grande soit accordée à la place de la victime dans les procédures de comparution immédiate.

Des parquets se sont déjà engagés dans cette voie. Ainsi, M. Yves Gambert, procureur de la République, a indiqué à vos rapporteurs que, dans le ressort du TGI d'Angers, les victimes étaient désormais systématiquement avisées des audiences de comparution immédiate grâce à un partenariat noué avec l'association d'aide aux victimes du Maine-et-Loire à laquelle le parquet communique les procédures et les coordonnées des victimes, à charge pour cette association de prendre contact avec ces dernières et de les accompagner dans leurs démarches (voir encadré).

Extrait du rapport d'activité pour 2012 de l'ADAVEM 49

« Tous les jours, l'une des juristes de l'association se fait communiquer par le magistrat de permanence au traitement en temps réel le nom et les coordonnées des victimes d'infractions dont l'affaire va être jugée en comparution immédiate dans l'après-midi. Elle contacte les victimes par tous moyens possibles pour les en informer, leur expliquer la possibilité d'une constitution de partie civile et ses modalités, leur dire la possibilité de se faire assister par un avocat, et leur offrir, si elles le souhaitent, de rencontrer la psychologue de l'association. L'après-midi la même juriste est présente dans la salle d'audience pour accueillir les victimes qui se présentent sans l'assistance d'un avocat et pour leur fournir toute information utile ».

Vos rapporteurs estiment que de telles expériences mériteraient d'être évaluées et généralisées sur l'ensemble du territoire national.

Proposition n°6 : améliorer l'information des victimes dans le cadre des procédures de comparution immédiate, notamment en s'appuyant sur les associations d'aide aux victimes.

c) La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC)

La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), créée par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, permet au procureur de la République de proposer à une personne qui reconnaît avoir commis un délit, une peine qui, en cas d'accord de l'intéressé, pourra être homologuée par le président du tribunal.

Son champ a été significativement étendu par la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles. Le recours à cette procédure est désormais possible pour tous les délits, sauf quelques exceptions (notamment en matière d'atteintes volontaires et involontaires à l'intégrité des personnes et d'agressions sexuelles punies de plus de cinq ans d'emprisonnement), et à tout stade de l'enquête (enquête préliminaire ou de flagrance, ou information judiciaire).

Aux termes des articles 495-7 et suivants du code de procédure pénale, le procureur de la République peut proposer à une personne qui reconnaît avoir commis un délit 12 ( * ) d'exécuter une ou plusieurs des peines. Si l'intéressé accepte, il est aussitôt présenté devant le président du TGI ou le juge délégué par lui, qui entend la personne et son avocat, vérifie la réalité des faits et leur qualification juridique et décide, ou non, d'homologuer la ou les peines proposées par le procureur de la République. Lorsque le procureur a proposé une peine d'emprisonnement, sa durée ne peut être supérieure à un an ni excéder la moitié de la peine d'emprisonnement encourue.

D'après les informations communiquées par le ministère de la justice, le nombre d'affaires traitées en CRPC a atteint 23.035 en 2005, 51.655 en 2007 et 56.339 en 2009, avec, à chaque fois, un taux d'homologation approchant les 88%.

Le quantum moyen d'emprisonnement ferme en tout ou partie prononcé par la voie de cette procédure était de 3,5 mois. Le montant moyen de l'amende ferme en tout ou partie était quant à lui de 489 euros (données provisoires pour l'année 2009).

À l'heure actuelle, près des deux tiers des procédures faisant l'objet d'une CRPC sont relatives à la circulation routière (conduites sous l'empire d'un état alcoolique, conduite sans permis et sans assurance, etc.). 10% d'entre elles sont relatives à des faits de vol ou de recel, 7% à des faits de violences, 7% à des escroqueries et des délits relevant de la délinquance économique et financière, et 5% à des affaires de stupéfiants.

Source : casier judiciaire national - extrait du rapport de notre collègue Yves Détraigne, rapporteur de la loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles 13 ( * ) .

En pratique, cette procédure se déroule donc en deux temps :

- d'abord, un entretien a lieu entre le procureur de la République et l'auteur des faits, lequel doit être obligatoirement assisté d'un avocat. À cette occasion, le procureur rappelle les faits et les éléments du dossier, invite l'auteur et son avocat à s'exprimer puis propose à l'auteur une ou plusieurs peines. Ce dernier peut s'entretenir préalablement avec son avocat ou disposer d'un délai de réflexion de dix jours avant de faire connaître s'il accepte ou refuse la ou les peines proposées ;

- ensuite, si l'auteur accepte la proposition de peine qui lui est faite, il est aussitôt présenté devant le président du TGI ou le juge délégué par lui. Le magistrat entend la personne et son avocat et, après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, décide - ou non - d'homologuer la ou les peines proposées par le procureur et acceptées par l'auteur des faits lors d'une audience publique à laquelle le procureur n'est pas tenu d'assister.

La victime n'intervient qu'à ce second stade de la procédure . En effet, en application de l'article 495-13 du code de procédure pénale, la victime, lorsqu'elle est identifiée, doit être informée sans délai de cette procédure. Elle est invitée à comparaître en même temps que l'auteur des faits, accompagnée le cas échéant de son avocat, devant le président du tribunal pour se constituer partie civile et demander réparation de son préjudice. Si cela n'est pas possible, le procureur de la République doit l'informer de son droit de lui demander de citer l'auteur des faits à une audience du tribunal correctionnel statuant à juge unique, pour lui permettre de se constituer partie civile.

En pratique, ces audiences d'homologation sont souvent très rapides et se présentent fréquemment comme une simple formalité - l'essentiel ayant été discuté en amont, entre le procureur de la République et l'auteur des faits dans le cadre d'un entretien à laquelle la victime ne participe pas .

De ce fait, cette procédure est jugée très insatisfaisante pour les victimes qui ne sont pas réellement mises en mesure de faire valoir leurs arguments : elles arrivent « trop tard », alors que l'essentiel a déjà été décidé.

Sans doute le président du TGI peut-il refuser l'homologation s'il estime que des éléments importants n'ont pas été pris en compte, mais cela est rare - le taux d'homologation des décisions prises dans le cadre d'une CRPC approchant de 88% (voir encadré).

Vos rapporteurs jugent cet état de fait regrettable, non seulement pour la victime qui peut avoir le sentiment de ne pas être entendue, mais également pour le procureur de la République qui peut se trouver ainsi privé de la possibilité d'être informé d'éléments qui n'auraient pas été relevés par l'enquête de police.

C'est la raison pour laquelle vos rapporteurs préconisent un aménagement de la procédure de CRPC afin de mieux prendre en compte la victime lors de la première phase de cette procédure .

Sans doute n'est-il pas opportun que cette dernière soit présente tout au long de l'entretien entre le procureur de la République, l'auteur des faits et son avocat.

Néanmoins, vos rapporteurs estiment nécessaire qu'une place soit faite à la victime et que celle-ci puisse être entendue par le procureur de la République, éventuellement assistée d'un avocat ou d'une association d'aide aux victimes, avant que ce dernier ne prenne sa décision sur la ou les peines qu'il proposera à l'auteur d'exécuter.

Cet aménagement paraît d'autant plus nécessaire que si, à l'heure actuelle, le recours à la CRPC est encore limité lorsque les faits impliquent une ou plusieurs victimes, principalement en raison des insuffisances du logiciel Cassiopée, cette procédure pourrait être de plus en plus utilisée à l'avenir, dans la suite des assouplissements introduits par la loi du 13 décembre 2011 précitée.

Proposition n°7 : aménager la procédure de CRPC afin de permettre à la victime d'être entendue par le procureur de la République avant que ce dernier ne prenne sa décision sur la ou les peines qu'il proposera à l'auteur des faits d'exécuter.


* 8 Sont dites « poursuivables » les affaires élucidées, dans lesquelles un ou plusieurs auteurs sont identifiés, et pour lesquels aucun motif juridique (décès de l'auteur, irresponsabilité pénale, etc.) ne s'oppose aux poursuites.

* 9 Voir le rapport n° 807 (2012-2013) de notre collègue Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois, déposé le 24 juillet 2013.

* 10 Il s'agit des délits de vol, de filouterie, de détournement de gage ou d'objet saisi, de destructions, dégradations et détériorations d'un bien privé ou public, de fuite, lorsqu'il est commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule, des délits de vente à la sauvette, des délits prévus par le code de la route, des délits en matière de réglementations relatives aux transports terrestres, des délits prévus au titre IV du livre IV du code de commerce pour lesquels une peine d'emprisonnement n'est pas encourue, des délits d'usage de produits stupéfiants et d'occupation des espaces communs ou des toits des immeubles collectifs d'habitation, des délits de contrefaçon prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu'ils sont commis au moyen d'un service de communication au public en ligne, des délits en matière de chèques prévus aux articles L. 163-2 et L. 163-7 du code monétaire et financier et des délits de port ou transport d'armes de la catégorie D.

* 11 À deux reprises, à l'occasion de l'examen de la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 relative à l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité puis de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, votre commission des lois s'est opposée à une extension massive du champ de l'ordonnance pénale.

* 12 En plus des atteintes volontaires et involontaires à l'intégrité des personnes et des agressions sexuelles punies de plus de cinq ans d'emprisonnement, cette procédure n'est ni applicable aux mineurs, ni aux délits de presse, d'homicides involontaires, aux délits politiques ou aux délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale.

* 13 Rapport n° 394 (2010-2011) de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 mars 2011.

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