III. SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE LOCAL ET LE PROGRÈS SOCIAL

Comme nous avons essayé de le montrer, la stabilité politique des États du Maghreb et la réussite de leur transformation démocratique dépendent de leur capacité à rendre leur croissance économique plus « inclusive », c'est-à-dire créatrice d'emplois stables, et soucieuse de l'équilibre territorial et de la cohésion sociale. C'est là que se jouera la troisième phase de la transition démocratique.

C'est pourquoi la France, avec l'Union européenne et l'ensemble des institutions internationales compétentes, doivent s'engager dans l'accompagnement des gouvernements pour :

- promouvoir une croissance riche en emplois (appui au secteur privé et modernisation du secteur financier ; appui à la diversification des filières et à l'innovation ; souveraineté alimentaire et énergétique) ;

- favoriser la cohésion sociale, territoriale et familiale (développement des infrastructures de transport, appui aux activités rurales génératrices de revenus, développement durable des villes, et adaptation du dispositif d'enseignement et de formation professionnelle aux besoins du marché du travail) ;

- améliorer la qualité de vie des populations (notamment par l'adaptation à la raréfaction des ressources naturelles -stress hydrique, sécheresse), et l'amélioration des conditions de vie en ville (mobilité, habitat).

Cela suppose de traduire concrètement les priorités affichées dans les discours et les communications en se donnant les capacités d'accompagner pleinement ce développement et se placer avec les pays qui le souhaitent dans une logique d'intégration des marchés et des sociétés.

Cela conduit également à perfectionner et à diversifier les outils d'intervention pour les rendre plus efficaces en matières sociale, environnementale et territoriale.

A. SOUTENIR PLEINEMENT LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DU MAGHREB

Si l'amélioration de l'efficacité des outils d'intervention doit être une préoccupation constante, il reste que le niveau d'intervention est largement fonction du montant des crédits susceptibles d'être mobilisés. L'Europe et la France connaissent actuellement une crise économique et financière qui oblige une mobilisation des efforts au profit de certains États-membres, et limite les interventions extérieures. Cela doit conduire les autorités européennes et nationales à effectuer des arbitrages au sein de ces interventions. Compte tenu de l'intérêt majeur pour l'Europe de disposer dans son environnement immédiat de pays stables et des conditions nécessaires pour permettre aux pays du Maghreb de retrouver ou de maintenir cette stabilité tout en assurant une transition démocratique qui la garantisse à long terme, leur priorité dans les programmes d'assistance devrait être mieux assurée.

1. Mettre en place une stratégie commune de colocalisation

Les pays du Maghreb ont un secteur industriel sous-dimensionné , ne transformant qu'une partie de leurs matières premières et ne fabriquant que très peu des produits de consommation, ce qui explique la structure traditionnellement déséquilibrée de leur commerce extérieur.

La dimension économique de la construction régionale passe par le renforcement compétitif de la région par le déploiement des chaînes de valeur et de production à l'échelle de la grande région comprenant l'Europe et les riverains du Sud et de l'Est de la Méditerranée. Cette stratégie vise à faire de la région un tremplin vers le marché mondial. L'Allemagne l'a fait dans les années 2000 avec ses voisins d'Europe centrale et orientale. Ce déploiement devra dépasser les formules de sous-traitance pour envisager la création d'entreprises communes avec investissements croisés de cotraitance, les coproductions, mobilisant les ressources humaines par des migrations circulaires du Sud au Nord comme du Nord au Sud...

Coproductions, colocalisations

Ce concept signifie tout simplement que les investissements effectués par les entreprises françaises (ou européennes) sont bons pour les deux partenaires : pour le pays d'accueil, parce qu'on y crée de l'activité, qu'on y transfère un savoir-faire et qu'on contribue à y former de la main d'oeuvre ; pour le pays d'envoi parce que de tels investissements peuvent avoir des retombées positives pour son économie en termes d'emploi, de recherche et de balance des paiements.

Lors de son déplacement en Algérie en décembre 2012, le chef de l'État a plaidé pour un partenariat qui permette de créer ou de préserver les emplois en France tout en créant aussi des emplois en Algérie. Il a incité les entreprises françaises à intensifier leur présence en Algérie et leur appui à l'économie algérienne, en alliant "compétitivité, qualité et performance".

Les exemples à Casablanca d'EADS et de Safran illustrent ce partenariat gagnant-gagnant : la France contribue à faire du Maroc un pôle d'excellence dans l'aéronautique et en même temps ces investissements permettent de renforcer la compétitivité des maisons mères. S'agissant de la filière automobile, l'exemple des investissements de Renault à Tanger 337 ( * ) et demain à Oran 338 ( * ) sont également des exemples intéressants.

Dans les services, les pistes sont nombreuses à commencer par les services informatiques et les nouvelles technologies de la communication 339 ( * ) . D'ores et déjà l'Union européenne soutient la création d'un environnement favorable au développement de ces services par des travaux conjoints centrés sur l'établissement de marchés des télécommunications ouverts, régulés et équitablement.

Au-delà des politiques structurelles qui visent à favoriser des activités sur la base d'investissements internationaux qui concernent en règle générale des entreprises de taille importante. Il importe également de veiller au développement des petites et moyennes entreprises . Dans cette perspective, l'Union européenne a développé une politique de coopération qui met l'accent sur l'amélioration du climat des affaires et sur l'octroi d'un meilleur soutien financier aux PME . La mise en oeuvre du «Small Business Act», un cadre européen pour une politique d'entreprise favorable aux PME, reste un objectif essentiel. Le niveau d'avancement varie fortement entre les partenaires 340 ( * ) .

La mise en oeuvre d'une stratégie de colocalisations d'activités en intégrant les PME et en favorisant les partenariats entre les entreprises européennes et celles du Maghreb est riche de perspectives de développement au bénéficie des deux rives.

Ces initiatives doivent être confortées par la mise en oeuvre de formations à destination des créateurs d'entreprises et notamment en ciblant prioritairement les jeunes et les femmes.

2. Affirmer le principe du développement durable

L es défis environnementaux communs à toute la Méditerranée doivent être relevés ensemble : désertification, réchauffement climatique, sécurité alimentaire, surconsommation de ressources naturelles non renouvelables (eau, hydrocarbures, foncier), préservation de l'environnement maritime. Ils sont un terrain privilégié pour construire des équipements publics à l'échelle de la région.

Le secteur de l'environnement et des ressources naturelles est devenu en 2009 le premier secteur d'intervention de l'AFD en volume. Ce secteur qui ne représentait que 2% de l'activité de l'Agence en 2005 a en effet atteint 24% en 2009.

En ce domaine, le groupe de travail ne peut que reprendre les propositions que l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques a présentées dans son rapport sur la pollution de la Méditerranée 341 ( * ) .

Unifier la gouvernance politique de la lutte contre la pollution en Méditerranée qui passe par la création d'une Agence de protection de l'environnement et de promotion du développement durable ;

Activer les coopérations de recherche sur les milieux méditerranéens ;

Infléchir les conditions de délivrance des supports financiers (aides et prêts) aux investissements anti-pollution ;

Apurer le passé (éradication des relargages de produits interdits, traitement des stocks de pesticides, analyse de la vétusté des plateformes d'exploitation pétrolière) ;

Préparer la réponse au développement des pollutions générées par l'économie immatérielle ;

Mieux prendre en compte les conséquences futures du réchauffement climatique ;

Renforcer la lutte contre les rejets illicites d'hydrocarbures et la coopération en cas de rejets accidentels ;

Accroître la sécurité du trafic maritime en Méditerranée ;

Accorder une attention particulière à certains sujets de recherche ;

Réactiver la politique de création d'aires marines protégées.

Il convient également d'inciter dans tous les programmes de développement la prise en compte du développement durable et donc de diriger prioritairement les aides vers les projets qui respecteront ces objectifs, qu'il s'agisse d'infrastructures publiques ou de projets industriels. Chacun est conscient qu'il est plus facile et moins coûteux d'intégrer ces objectifs à la conception des projets.

3. Veiller à l'équilibre territorial, social et familial

Il est important pour assurer leur cohésion sociale que les pays des Maghreb équilibrent territorialement leur développement. Trop souvent les infrastructures et les nouvelles activités se concentrent sur les franges côtières au détriment de l'intérieur du pays. Il est souhaitable que dans leur assistance, l'Union européenne et la France veillent à équilibrer leur soutien pour favoriser les projets allant dans le sens du désenclavement de ces territoires et de leur développement.

Ainsi, la lutte contre la pauvreté et le chômage doit continuer de bénéficier d'une priorité élevée, en particulier dans les zones rurales 342 ( * ) .

Il est tout aussi important pour le développement équilibré de ces pays que des projets de nature sociale, en direction des populations en recherche d'emploi par exemple et tout particulièrement des diplômés chômeurs soient mis en oeuvre. Ils supposent préalablement un engagement dans le domaine de la formation professionnelle (voir infra p. 297).

Il est probable que des initiatives de développement de micro-projets dans le domaine de l'économie sociale et solidaire pourront apporter des solutions originales, adaptées et plus simples à entreprendre et à financer.

Enfin, on ne soulignera jamais assez le bénéfice que ces sociétés peuvent tirer du développement du travail des femmes et de l'engagement de celles-ci dans la création d'entreprises. De ce point de vue, le projet lancé par l'UpM « Jeunes femmes, créatrices d'emplois » est à promouvoir et à décliner.

Il importe de veiller à ce que les projets soutenus par l'Union européenne et par la France soient créateurs d'emplois, participent au développement des territoires et intègrent une dimension sociale et le développement durable.

Un espace franco-maghrébin de l'économie sociale et solidaire

Michel Vauzelle dans son rapport 343 ( * ) va plus loin avec une proposition originale : la création d'un espace franco-maghrébin de l'économie sociale et solidaire. Elle « constitue un cadre de référence pour reconstruire du lien social autour de l'économie, pour valoriser les potentialités, les ressources et les atouts des territoires et y ancrer le développement, pour mobiliser les compétences dans une dynamique entrepreneuriale ». Il envisage une démarche de mise en réseau d'acteurs autour de projet commun sur le modèle des pôles (cluster) et estime qu'en France, les régions - et notamment la région Provence Alpes-Côtes d'Azur qui dispose d'un « pôle Med » en préfiguration - ont acquis des compétences pour accompagner ou être à l'initiative de tels projets, qui pourrait associer les grands financeurs de l'économie sociale et solidaire des deux rives (Caisses des dépôts, banques et assurances coopératives ou mutuelles). Il envisage également un financement participatif (crowdfunding) pour les micro-projets.

4. Développer les services s'appuyant sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication

Le numérique est aujourd'hui au coeur du développement des services dans tous les domaines : e-santé, e-sécurité, e-éducation, e-formation, ... C'est l'outil d'avenir qui permet à moindre coût de développer des services efficaces en s'affranchissant des frontières. De part et d'autre de la Méditerranée, les jeunes générations se sont saisies des outils, des technologies et des nouveaux modes de communication en réseau. Par la formation, par les échanges, des opportunités de co-développement économique dans les domaines les plus divers et avec un investissement initial moindre se dégagent. En donnant un minimum de cohérence et de moyens à l'ensemble et en facilitant les échanges, la nouvelle économie peut être un accélérateur pour les pays des deux rives.

Une coopération dans le domaine du déploiement des infrastructures et des réseaux, mais aussi en matière de régulation, qui sont les conditions de mise en place d'un cadre cohérent, pourrait permettre de nombreuses initiatives associant à tous les niveaux les entreprises, les collectivités territoriales, mais aussi les jeunes entrepreneurs et les associations.

5. Accompagner des projets de services publics et d'infrastructures qui bénéficient directement à la population

L'une des leçons de cette période des révolutions arabes est que la région a besoin de projets compréhensibles par ses habitants. Les pays du Maghreb connaissent une grande transformation avec une croissance forte de leur population urbaine. Un des enjeux de ce développement est la fourniture à la population des services et infrastructures de base. La transition impose donc de faire des propositions originales sur le plan social, pour l'accès de tous au logement, aux déplacements urbains, à la santé, à l'éducation, à l'emploi et à la formation en favorisant parallèlement l'insertion citoyenne et sociale.

Dans cette perspective, pour renforcer l'expertise et développer des liens de proximité plus solides, la coopération décentralisée est un outil essentiel. Au-delà des seules actions de jumelages ou de coopération, il convient de la revivifier et de l'ancrer sur de véritables partenariats qui permettront d'apporter de l'expertise et des savoir-faire notamment dans la conduite de projets. Un dispositif 344 ( * ) existe qui doit être conforté et mieux coordonné.

Des partenariats se sont formés entre le ministère des affaires étrangères, l'AFD et quelque 250 collectivités territoriales françaises. Cette coopération décentralisée permet des approches différenciées pour des actions en appui aux collectivités des pays partenaires. L'AFD a décidé d'accompagner ces initiatives par la création de cellules d'appuis destinées à favoriser la construction d'une offre technique, financière et institutionnelle rassemblant des acteurs français aux compétences complémentaires. Les actions engagées en partenariat par les collectivités françaises s'inscrivent dans le cadre des orientations définies par la Commission nationale de la coopération décentralisée, qui rassemble à parité les trois associations nationales d'élus (communes, départements et régions) deux associations spécialisées dans l'international et l'AFD.

6. Investir ensemble l'éducation, la formation professionnelle et la recherche

Comme nous l'avons observé, le grand défi des pays du Maghreb est l'adaptation de l'outil de formation des jeunes pour en améliorer la qualité et mieux répondre aux besoins du développement économique. On notera qu'à l'occasion du discours du 20 août 2013, le roi Mohamed VI a particulièrement insisté sur cet enjeu et sur les progrès à réaliser en ce domaine par le système éducatif du Maroc, ce qui montre que la perception des enjeux est partagée sur les deux rives de la Méditerranée.

Comme le notent les auteurs de l'étude réalisée par la BAfD en 2011 345 ( * ) « bien que la couverture de l'éducation se soit améliorée(...) le secteur éducatif ne produit pas des personnes ayant les compétences et la formation requises par le marché de l'emploi. Il existe un nombre insuffisant d'ingénieurs, de scientifiques et de techniciens pour promouvoir l'innovation et stimuler la croissance économique (...).En outre, l'absence de bons débouchés d'emploi dans leurs pays d'origine conduit les plus qualifiés à émigrer. Cette situation a eu comme conséquence la diminution des investissements directs étrangers et entravé le développement d'industries faisant appel à un haut niveau de connaissances, créant ainsi une spirale qui s'autoperpétue. »

a) Participer au développement d'un secteur éducatif performant dans les pays du Maghreb

Il s'agit dès lors pour l'Union européenne et pour la France qui bénéficient d'une capacité particulière à raison de la place de la langue française dans le système éducatif de chacun des États :

• de contribuer au développement des filières scientifiques et d'accompagner cet effort, par la mise à disposition d'une expertise.

• de développer des programmes de formation des formateurs.

• de créer au sein des établissements universitaires ou des grandes écoles de ces pays des filières à double diplôme. La mise en place de filières de labellisation de formation d'excellence donnant lieu à co-diplomation est une voie intéressante. Elle suppose des partenariats entre établissements et également une nouvelle approche de la part des pays européens de leur politique d'accueil des étudiants maghrébins de ces filières dans leurs établissements et vice-versa.

• de créer des filiales des grandes écoles ou des universités européennes dans les domaines scientifiques et techniques dans les pays du Maghreb, ce qui là encore est susceptible de favoriser les échanges, les étudiants européens pouvant effectuer une partie de leur cursus dans ces pays.

Les accords récemment conclus avec l'Algérie pour le développement d'un réseau d'IEST (inspirés des IUT français) comme la signature avec le Maroc d'accords pour la création de grandes écoles françaises au Maroc en sont des exemples récents. Quatre chantiers de coopération doivent être lancés : la création de l'École Centrale Casablanca (ECC); la création de l'université de sciences et technologies de Tanger Med Tech, avec l'université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis (UVHC) et l'Ecole nationale des ponts et chaussées (ENPC) ; la création d'une école d'architecture et d'urbanisme en septembre 2013 à Rabat, fruit d'un partenariat entre le pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) de Paris Est et l'Université internationale de Rabat, ainsi la mise sur pied d'un « INSA Maroc », véritable établissement franco-marocain qui permettrait la reconnaissance directe des diplômes.

• De permettre l'accès aux cours numérisés de certaines universités ou grandes écoles françaises ou européennes aux étudiants de leurs homologues du Maghreb, en les aidant à développer en parallèle des modules de travaux dirigés, selon une formule de e-learning. Le projet France Université Numérique lancée par le ministère français de l'enseignement supérieur et de la recherche pourrait constituer une base pour cette coopération.

Enfin au-delà de cet appui pour conforter les outils de formation des pays du Maghreb, la France doit maintenir sa présence par des propositions spécifiques offertes à la jeunesse de ces pays dans les établissements d'enseignement secondaire de son réseau ou pour l'apprentissage de la langue française.

La demande d'enseignement du français est forte, y compris de la part des autorités, car la langue française est perçue comme une langue accessible, un moyen d'ouverture sur le monde et un atout pour une réussite professionnelle.

La France doit donc poursuivre ces efforts pour contribuer à la création de places dans ses réseaux d'enseignements 346 ( * ) ou favoriser en les labélisant et en y affectant des enseignants des parcours bilingues d'excellence.

Il n'y aurait aucun inconvénient à ce que les autres pays membres de l'Union européenne la suivent dans cette voie, mais leur implantation locale est aujourd'hui très faible.

b) Apporter un concours au développement des formations techniques et professionnelles

Il est tout aussi souhaitable d'apporter un concours au développement des formations techniques et professionnelles qui jusqu'à présent n'ont pas fait l'objet de projets d'envergure alors que les besoins sont importants.

Ainsi l'accompagnement des implantations de nos entreprises par la création ou le soutien de centres de formation destinés à pourvoir leurs besoins en main d'oeuvre qualifiée doit-il être favorisé : les exemples au Maroc des filières de la maintenance aéronautique, de l'automobile et des énergies renouvelables sont exemplaires.

Une expertise en matière de développement de programme de formation professionnelle est également souhaitable. En 2007 selon la Banque mondiale, seules 17% des entreprises en Algérie et 25% au Maroc offraient une formation formelle à leur personnel, ce qui est en dessous de la moyenne mondiale (35%) et des pays de l'Asie de l'Est (47%) et rend les entreprises du Maghreb peu compétitive.

Dans ce domaine, l'implication, s'agissant de la France, des régions qui disposent de la compétence et des acteurs économiques pourraient être sollicitée.

Dans son rapport 347 ( * ) , Michel Vauzelle appelle à la création d'un espace franco-maghrébin de la formation professionnelle dont il trace les missions et objectifs.

Missions et objectifs d'un espace franco-maghrébin de la formation professionnelle

Développer la formation des formateurs

Encourager la coopération des établissements de formation professionnelle

Faciliter les modalités et formalités pour des périodes d'études et de stages

Associer les entreprises et les acteurs économiques et sociaux

Mobiliser les ressources européennes existantes (Fondation européenne pour la formation, Agence communautaire de soutien et de promotion du développement des systèmes de formation professionnelle), faiblement sollicités jusqu'à présent.

Il serait également souhaitable de stimuler la création d'emplois à haute valeur ajoutée (ingénierie) en encourageant et en favorisant les migrations de retour ou les migrations circulaires . La Tunisie semble vouloir développer des programmes de ce type. Michel Vauzelle dans son rapport 348 ( * ) propose de soutenir par la formation les jeunes chefs de micros-entreprises et l'extension au Maghreb des dispositifs européens tels que le programme « Erasmus pour les jeunes entrepreneurs » et l'instrument européen de micro-financement. L'UpM a lancé cet été un programme « Jeunes femmes, créatrices d'emploi ».

Il serait souhaitable que la France y apporte une contribution positive.

c) Accueillir des jeunes en formation en France et dans les pays membres de l'Union européenne et développer les échanges

La France a une tradition d'accueil dans ses universités et grandes écoles d'étudiants des pays du Maghreb. Ils représentent un quart des étudiants étrangers accueillis en France et un quart des boursiers du gouvernement français. Cet effort sera poursuivi. Son attractivité est largement soutenue par la diffusion de la langue française dans le Maghreb.

Elle doit également veiller à ce que l'accès des étudiants du Maghreb à l'enseignement supérieur en France reste largement ouvert. La valeur ajoutée d'un jeune Maghrébin susceptible au terme de sa formation d'être un truchement pour le développement des entreprises françaises dans cette région et dans tout le monde arabe doit être mis en regard des efforts considérables que nous développons pour l'accueil des étudiants d'autres pays qui parfois leur permettent de se positionner en concurrence avec les entreprises françaises, en Afrique par exemple.

Elle doit enfin veiller à ce que l'enseignement et l'accès aux études en France ne soient pas uniquement réservés à la population la plus aisée.

- Nombre de nos interlocuteurs à Alger, à Tunis ou à Rabat, nous ont fait remarquer que le montant des scolarités était élevé, d'autant que les établissements sont concentrés dans quelques villes, ce qui oblige à l'internat.

- Nous avons pu constater également que nombre d'étudiants (18% pour le Maroc, 33% pour la Tunisie et 41% pour l'Algérie) pourtant bénéficiaires d'un avis favorable des services de coopération et d'action culturelle et admis par les établissements français de l'enseignement supérieur, ne parvenaient pas à obtenir de visa en raison du niveau insuffisant de leurs ressources. Un montant minimal de 620 euros par mois est considéré par les services d'immigration comme nécessaire.

Au moment où la diplomatie française s'engage dans un dialogue nourri avec les sociétés civiles, elle doit veiller à ce que la reproduction des élites ne soit pas un critère dominant. Le mérite et plus encore la recherche, une plus large ouverture sociale doivent être privilégiés, fut-ce en recherchant des modalités de discrimination positive dans le cadre des critères d'attribution des bourses du gouvernement français, voire dans des systèmes de péréquation des droits de scolarité en fonction des revenus.

Il serait utile que l'accueil de stagiaires en formation professionnelle puisse être mieux organisé également.

Enfin, le fait que l'attractivité de la France soit soutenue par la diffusion de sa langue ne doit pas dissuader les autres pays européens de faire des efforts pour accueillir des étudiants étrangers en provenance de ces pays. L'Allemagne est entrée dans le club des cinq pays qui accueillent le plus d'étudiants étrangers avec un résultat désormais comparable à la France. Son ouverture vers les pays du Maghreb serait un atout supplémentaire pour ces pays.

d) Multiplier les échanges : vers un Erasmus euro-méditerranéen

Afin de conforter cette politique, il serait opportun de mettre en oeuvre un système favorisant les échanges et la mobilité des jeunes, étudiants et professionnels.

L'Union européenne, qui va lancer un nouveau programme « Erasmus pour tous » sur la période 2014-2020, n'a pas tenu compte de la suggestion d'une organisation spécifique de ce nouveau programme sur une base régionale, ce qui est regrettable, même si les moyens dédiés aux coopérations seront maintenus. Un programme d'échanges reste nécessaire, il pourrait être monté en France sur la base du modèle de l'Office franco-québécois ou pourquoi pas dans le cadre du dialogue 5+5 et aurait pour objectif la mobilité étudiante et la mobilité des jeunes professionnels.

En 2009 a été mis en place l'Office Méditerranéen de la Jeunesse. Il pourrait en constituer la base, mais il faudrait le doter de moyens plus conséquents et convaincre davantage de partenaires de s'y associer. Un volontarisme est attendu de l'Union européenne et des Etats membres.

L'Office Méditerranéen de la Jeunesse (OMJ)

La création de l'Office Méditerranéen de la Jeunesse (OMJ) a pour finalité de développer les mobilités universitaires entre 16 pays membres de ce programme en cohérence avec les marchés du travail (filières d'intérêt méditerranéen) des pays partenaires à travers la labellisation de formations d'excellence donnant lieu à des co-diplomations. L'OMJ propose un dispositif de bourses de mobilité et veille à faciliter une première expérience professionnelle à l'étranger, avec la mise en place d'une plateforme de stages et d'emplois. Campus France assure le rôle d'opérateur national du programme pour la France et de Secrétariat Général de l'OMJ.

Après deux ans d'existence, il est devenu un important réseau universitaire méditerranéen avec 100 formations de près de 200 établissements d'enseignement supérieur d'excellence du pourtour méditerranéen labellisées OMJ ; des résultats en termes d'insertion professionnelle des étudiants (80% trouvent un travail après le stage) ; 250 étudiants ont bénéficié de bourses de mobilité pour un total de 400 semestres de bourses ; 70 entreprises et centres de recherche partenaires des formations OMJ ont accueilli les boursiers OMJ en stage.

Cet outil devra être évalué, promu et renforcé si nécessaire afin d'éviter la multiplication des organes travaillant sur des sujets connexes.

e) Adosser les coopérations dans l'enseignement supérieur sur le développement d'un espace commun de connaissance et d'innovation

Les efforts de l'Union européenne, des Etats-membres et de la France doivent veiller à ce que les coopérations en matière d'enseignements supérieurs soient adossées sur le développement d'un espace commun de connaissance et d'innovation .

Des progrès notables ont été accomplis en ce sens.

Des progrès notables ont été accomplis en vue de la mise en place de l'espace commun de la connaissance et de l'innovation. En 2012, les pays de la PEV ont participé davantage au septième programme-cadre (2007-2013). L'appel à propositions portant sur la coopération internationale publié en juillet 2012 comprenait des activités ciblant spécifiquement les pays de la PEV aux niveaux régional et bilatéral et visant à soutenir le dialogue politique, ainsi qu'une action spéciale destinée à combler le fossé entre la recherche et l'innovation. À la fin de l'année 2012, la contribution totale de l'UE à des projets associant les pays de la PEV atteignait 960 millions d'EUR. En mars 2012, l'UE et l'Algérie ont signé un accord de coopération scientifique et technologique. Des initiatives visant à renforcer la coopération birégionale euro-méditerranéenne sont en cours, à la suite de la conférence euro-méditerranéenne sur la recherche et l'innovation qui s'est tenue à Barcelone en avril 2012 349 ( * ) ».

Des dynamiques sont en oeuvre à travers les rencontres des recteurs et présidents d'universités des pays du Maghreb avec leurs homologues européens vers la construction d'un espace euromaghrébin de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les pays du Maghreb participeront à l'élaboration du programme commun de recherche et d'innovation de l'Union européenne et des pays partenaires de la Méditerranée pour 2014-2020.

Il s'agit aussi de soutenir des programmes de recherche communs et la mobilité des équipes scientifiques du Nord au Sud. Comme l'indique l'IPEMED dans son rapport au Président du Parlement européen 350 ( * ) : « un système d'échange est à inventer entre le Sud et le Nord, la mise à niveau des instituts de formation, leur jumelage et leur cogestion scientifique et normative pourrait être un axe prioritaire de facile mise en oeuvre, un investissement de faible coût pour d'importants effets à moyen et long terme ».

Il est nécessaire d'accélérer et de conforter ces initiatives qui sont et seront à la base non seulement du développement des pays du Maghreb mais aussi à la source d'initiatives de développement conjointes (colocalisation, partenariat) qui permettront de relever les défis communs.


* 337 Implantée dans la zone franche de Chrafate dédiée aux métiers de l'automobile, l'usine Renault a déjà généré à elle seule 6 000 emplois directs et quelque 30 000 emplois indirects selon les autorités marocaines.

* 338 La signature de l'accord conclu entre Renault et ses partenaires algériens (SNVI et FNI) pour la construction d'une usine de montage de véhicules près d'Oran (capacité : 25 000 véhicules dans une première phase, 75 000 à terme, est emblématique du nouveau partenariat « gagnant-gagnant » souhaité par les deux pays, et devrait permettre le développement par étapes d'une véritable filière automobile en Algérie.

* 339 Même s'ils demeurent assez mal classé dans le Global Innovation Index pour 2013 : Tunisie : 70 e , Maroc, 92 e et Algérie : 138 e (Classement établi par l'Insead, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et l'université Cornell, http://strat-staging.com/content.aspx?page=data-analysis) les pays du Maghreb recèlent un potentiel important de développement dans le domaine de l'innovation et des nouvelles technologies. Le technoparc d'Elgazala en Tunisie (le premier dans le Maghreb) est devenu un écosystème diversifié qui héberge une centaine d'entreprises dont 13 multinationales.

* 340 Un mécanisme de consultation visant à permettre aux PME de s'exprimer sur des sujets qui les préoccupent améliorerait l'élaboration de politiques dans l'ensemble de la région. Le renforcement de l'État de droit et l'octroi d'un accès simple et équitable aux marchés publics grâce à une amélioration des systèmes de passation des marchés, à la simplification administrative, à de meilleures compétences, à un accès plus facile au financement et à une innovation accrue permettraient de dynamiser le développement des entreprises. Le soutien financier de l'UE aide des PME à développer leurs capacités dans de nombreux cas

* 341 « La pollution de la Méditerranée : état et perspectives à l'horizon 2030 » Rapport de M. Roland Courteau, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques n° 652 (2010-2011) - 21 juin 2011 http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-652-notice.html

* 342 En mai 2013, l'UE a organisé un séminaire de haut niveau afin de présenter et d'examiner le programme de la politique européenne de voisinage pour l'agriculture et le développement rural (ENPARD). Dans les pays partenaires du voisinage méridional, des activités pilotes sont en cours d'élaboration. Des comités techniques, avec des membres issus de la société civile et du secteur privé, ont été mis sur pied. Des actions au titre de l'ENPARD ont été lancées en Égypte, en Algérie, en Tunisie et au Maroc.

* 343 Michel Vauzelle « Avec la jeunesse méditerranéenne, maîtriser et construire notre communauté de destin » -Rapport au président de la République et au premier ministre octobre 2013

* 344 Des partenariats se sont formés entre le ministère des affaires étrangères, l'AFD et quelque 250 collectivités territoriales françaises. Cette coopération décentralisée permet des approches différenciées pour des actions en appui aux collectivités des pays partenaires. L'AFD a décidé d'accompagner ces initiatives par la création de cellule d'appui destinée à favoriser la construction d'une offre technique, financière et institutionnelle rassemblant des acteurs français aux compétences complémentaires. Les actions engagées en partenariat par les collectivités françaises d'inscrivent dans le cadre des orientations définies par la Commission nationale de la coopération décentralisée, qui rassemble à parité les trois associations nationales d'élus (Communes, départements et régions) deux associations spécialisées dans l'international et l'AFD.

* 345 BAFD - Note économique - Comment lutter contre le chômage des jeunes au Maghreb - 2011 http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/North%20Africa%20ch%C3%B4mage%20Fran%C3%A7ais%20ok_North%20Africa%20Quaterly%20Analytical.pdf

* 346 L'une des difficultés actuelles au Maroc avec la croissance des expatriés et la réduction du nombre de places susceptibles d'être offertes aux élèves marocains dans nos établissements.

* 347 Michel Vauzelle « Avec la jeunesse méditerranéenne, maîtriser et construire notre communauté de destin » -Rapport au président de la République et au premier ministre octobre 2013

http://www.elysee.fr/assets/pdf/Mediterranee.pdf

* 348 idem

* 349 Communication conjointe de la Commission européenne et de la Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité « Politique européenne de voisinage : vers un renforcement du partenariat » 20 mars 2013.

http://ec.europa.eu/world/enp/docs/2013_enp_pack/2013_comm_conjoint_fr.pdf

* 350 Abderrahmane Hadj Nacer et Carmen Romero « L'Europe et la Méditerranée - Propositions pour construire une grande région d'influence mondiale » Rapport au président du parlement européen. IPEMED avril 2013.

http://www.ipemed.coop/adminIpemed/media/fich_article/1365589634_Rapport_IPEMED_M-Schulz_Avril-2013.pdf

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