C. LA NEIGE EN STATIONS : UN FILON « D'OR BLANC » MENACÉ

1. La réduction tendancielle de l'enneigement naturel

Le recours à la modélisation permet au Centre d'étude de la neige, situé à Saint-Martin-d'Hères, près de Grenoble, de conclure dans le sens d'une augmentation générale des précipitations en hiver, mais avec un impact différencié des précipitations en fonction de l'altitude : à 2 500 mètres et au-delà, le froid serait suffisant pour que l'enneigement ne soit touché que de manière marginale. En-deçà, le rapport neige/pluie diminuerait jusqu'à la limite de 1 500 mètres, en dessous de laquelle il y aurait une réduction drastique du nombre de jours de neige au sol dans l'année, de l'ordre d'un mois.

D'autres recherches proposent un scénario proche pour l'hiver, malgré des divergences quant aux limites altitudinales. En l'état actuel des connaissances, délimiter clairement l'altitude de la limite pluie/neige paraît d'autant plus difficile qu'elle dépend étroitement des conditions météorologiques et géographiques locales.

2. Les limites de la substitution par la neige de culture
a) Une pratique aujourd'hui généralisée

Depuis de nombreuses années, les stations de sport d'hiver se sont équipées en production de neige de culture. Les premiers à le faire ont été les grands domaines skiables, qui souhaitaient ouvrir le maximum de pistes, le plus longtemps possible, tout en permettant les liaisons entre domaines et les liaisons avec le centre des stations.

Les stations de moyenne montagne ont commencé à s'équiper plus tardivement, avec pour objectifs principaux de combler les déficits d'enneigement à certains endroits et donc renforcer la sécurité des pistes, de garantir l'enneigement sur au moins une partie du domaine pour répondre aux exigences croissantes de la clientèle, et de sauver économiquement la station au cours d'un hiver à faible enneigement.

Pour le massif des Alpes, on estime à plus de 20 million de m 3 les volumes d'eau prélevés chaque année pour assurer l'enneigement des stations. Les surfaces enneigées artificiellement ont fortement augmenté ces dernières années, 21 % du domaine skiable, soit 5 000 hectares de pistes, étant aujourd'hui équipé. Néanmoins, ces 20 millions de m 3 sont aussi à comparer aux volumes des grands barrages EdF, ce qui permet de relativiser le niveau des prélèvements, qui sont en outre rendus à la nature à la fonte des neiges.

Réponse partielle à la problématique du changement climatique, la neige de culture permet de sécuriser environ 15 % du chiffre d'affaires des stations de ski, mais ne garantit pas leur pérennité à long terme. Pour l'instant, les stations sont encore dans une dynamique d'équipement en canons à neige, puisque le temps de retour sur investissement des canons, d'environ 20 ans, reste encore inférieur au pas de temps des effets du changement climatique, qui est plutôt de 30 à 40 ans.

b) Des précautions nécessaires

Dans les premiers temps, l'utilisation d'additifs pour permettre la confection de neige à une température moins basse a été expérimentée par les stations pionnières. Mais elle a été vite abandonnée, compte tenu du faible résultat obtenu et des pollutions engendrées.

En ce qui concerne la consommation d'eau pour la neige de culture, la difficulté réside autant dans le mode et le lieu de prélèvement que dans les quantités prélevées.

Le prélèvement dans un réseau d'eau potable, qui est parfois choisi, fragilise l'alimentation de la station en eau potable et, par ailleurs, est une absurdité économique, puisqu'elle amène à traiter de façon coûteuse une eau qui n'a pas besoin de l'être.

Le prélèvement peut être fait également en amont du réseau d'eau potable, directement dans un cours d'eau. Mais il risque alors d'avoir un fort impact sur le débit de celui-ci, qui se trouve à son étiage en période d'hiver.

Vos rapporteurs estiment donc nécessaire de généraliser les observatoires locaux de la ressource en eau dans les périmètres des stations, afin de parvenir à une connaissance fine des étiages des cours d'eau sollicités pour la fabrication de la neige de culture, ainsi que des usages concurrents de l'eau ainsi utilisée.

Proposition n° 37 : améliorer la connaissance des étiages et des usages par une généralisation des observatoires locaux de la ressource en eau.

Du point de vue quantitatif, la somme des usages actuels et futurs de l'eau, les évolutions de la ressource liées notamment au changement climatique, sont telles qu'une régulation à l'échelle de la vallée apparaît nécessaire.

L'usage marginal de l'eau devient problématique dans ce contexte de multiplicité des acteurs, avec des « effets de site » parfois très marqués, qui mettent en péril le respect des débits réservés indispensables au maintien des écosystèmes liés aux cours d'eau.

Vos rapporteurs considèrent que les outils au champ le plus large, tels que les schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE), peuvent permettre, au-delà des contrats de rivière, de gérer les multiples usages de l'eau en montagne.

Proposition n° 38 : utiliser les outils existants, du type schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE), pour assurer la cohérence des usages de l'eau, notamment au regard de la neige de culture.

Pour la fabrication de la neige de culture, la solution semblant présenter le moins d'inconvénients est donc celle de la retenue collinaire, qui se remplit au printemps et à l'automne, pour être sollicitée durant l'hiver. Ces retenues se multiplient dans les stations, même si les premières avaient été un peu sous-dimensionnées par rapport aux besoins.

Toutefois, vos rapporteurs soulignent qu'il y a lieu de veiller à la meilleure prise en compte de l'environnement dans le projet et à l'intégration de l'ouvrage dans le site. Compte tenu de la sensibilité des milieux dans lesquels ce type d'ouvrage est implanté, une attention toute particulière doit être apportée à l'étude d'impact.

Proposition n° 39 : s'assurer que les études d'impact prennent en compte tous les problèmes liés à l'environnement des retenues collinaires utilisées pour la neige de culture, notamment au regard des paysages, des périodes de remplissage, des espèces protégées et des zones humides.

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