N° 400

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 février 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (2) et de la commission des affaires sociales (1) sur les agences régionales de santé ,

Par MM. Jacky LE MENN et Alain MILON,

Sénateurs.

SYNTHÈSE DU RAPPORT

(1) Cette mission est composée de : M. Yves Daudigny , président ; MM. Jacky Le Menn, Alain Milon , vice-présidents ; MM. Gilbert Barbier, Jean-Marie Vanlerenberghe , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Noël Cardoux, Mmes Annie David, Christiane Demontès, Catherine Deroche, MM. Jean Desessard, Jean-Pierre Godefroy, Ronan Kerdraon, Mme Isabelle Pasquet, M. René-Paul Savary.

(2) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Gilbert Barbier , Mmes Isabelle Debré, Catherine Deroche, Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Jacky Le Menn, Alain Milon, Jean-Marie Vanlerenberghe, vice-présidents ; Mmes Aline Archimbaud, Claire-Lise Campion, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Chantal Jouanno , M. Marc Laménie, secrétaires ; M. Yves Daudigny, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Patricia Bordas, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin.

Synthèse et liste des propositions

La création des agences régionales de santé (ARS) est le fruit d'une longue évolution administrative, débutée dans les années 1970 avec la carte sanitaire. Toutefois, la loi HPST a mis en oeuvre une réforme d'une ampleur inédite.

En regroupant sept services ou organismes de statuts divers dans un unique établissement public, elle visait trois objectifs principaux : garantir davantage d'efficience, notamment pour assurer le respect de l'Ondam ; renforcer la territorialisation des politiques sanitaires ; assurer le décloisonnement des prises en charge.

Des compétences - de portée inégale - ont été transférées aux ARS en matière ambulatoire, hospitalière, médico-sociale, de santé publique et de veille et sécurité sanitaires.

La Mecss a souhaité dresser un premier bilan du fonctionnement des ARS et proposer des pistes d'évolution. Elle a d'abord constaté que les missions de service public qui ont été transférées aux agences ont été remplies sans rupture . Les agences ont été installées rapidement et ont toutes adopté leur projet régional de santé dans des délais contraints. Ces documents, très volumineux et difficiles d'accès, gagneraient d'ailleurs à être recentrés sur des priorités plus stratégiques et devront être révisés dans le cadre de procédures simplifiées.

Une précipitation certaine a prévalu dans cette phase de démarrage qui explique en partie les difficultés rencontrées aujourd'hui.

C'est par exemple le cas en matière de ressources humaines , où le changement profond n'a pas été expliqué aux agents. Ceux-ci n'ont pas été accompagnés dans le processus de réforme dont ils constituent pourtant la cheville ouvrière.

Plus globalement, toutes les conséquences de la création des ARS n'ont pas été tirées :

- l'administration centrale n'a pas été réformée et n'a pas modifié ses méthodes de travail qui reposent encore trop sur une vision prescriptive, voire tatillonne, au détriment de la fixation d'objectifs stratégiques à remplir par l'échelon territorial ;

- l'équilibre des pouvoirs autour du directeur général de l'ARS n'a pas été atteint , tant en interne que vis-à-vis de l'extérieur. Il est ainsi nécessaire de donner plus de compétences au conseil de surveillance et faire vivre la démocratie sanitaire de manière indépendante . Les élus doivent également être mieux impliqués, en amont, dans la concertation et la préparation des décisions.

La Mecss tire un enseignement général de la mise en place des ARS : la nécessité de faire confiance aux acteurs qui sont le plus proche du terrain . Cette subsidiarité concerne à la fois les administrations centrales dans leurs relations avec les ARS mais aussi les ARS dans leurs relations avec leurs partenaires locaux.

En s'appuyant sur cette logique, la Mecss a adopté cinq séries de recommandations visant à tirer pleinement les conséquences de la création des ARS sur le pilotage national, la gestion des ressources humaines, l'exercice des missions, la gouvernance et la démocratie sanitaire dans les territoires.

I. - Tirer les conséquences de la création des ARS
en réformant l'administration centrale

Toutes les auditions menées par la Mecss, à l'exception de celles des directeurs d'administration centrale, ont révélé des dysfonctionnements dans le pilotage national des politiques sanitaire et médico-sociale. Les administrations continuent de travailler « en tuyaux d'orgues », avec insuffisamment de coordination . Le conseil national de pilotage, qui constitue un élément important de la réforme notamment du fait de la participation des caisses de sécurité sociale, n'a pas encore trouvé sa place : de filtre, il doit aujourd'hui se transformer en catalyseur.

La Mecss estime donc nécessaire à la fois une réforme de la structure des directions d'administration centrale mais surtout de leurs méthodes de travail.


Nommer un secrétaire général à la santé et à l'autonomie reprenant les compétences actuelles du secrétaire général des ministères sociaux en ce qui concerne le pilotage des ARS et ayant autorité sur les directions « métiers » du ministère pour la mise en oeuvre de la politique sanitaire et médico-sociale décidée par le Gouvernement.


• Donner toute sa place à la subsidiarité, en passant d'une logique de prescription et d'instruction à la fixation d'orientations stratégiques .


• Intégrer les agences sanitaires dans le conseil national de pilotage (CNP), notamment la HAS, l'ANSM ou l'Anses.


• Adapter réellement les objectifs fixés aux agences dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom) aux spécificités des territoires et aux besoins de santé et médico-sociaux.

II. - Recoudre le lien social à l'intérieur des ARS

L'installation « à la hussarde » des nouvelles agences a marqué le climat social pour plusieurs années. Les agents transférés, dont les cultures professionnelles sont très diverses, conservent des statuts différents, ce qui complique sensiblement la gestion des ressources humaines.

Le changement de structure a coïncidé avec une évolution souvent profonde des modalités d'exercice des missions. Cette évolution, à laquelle les agents n'ont pas été suffisamment préparés, intervient en outre dans un contexte de réduction du plafond d'emplois. En d'autres termes, les ARS, à peine créées, doivent apprendre à faire mieux avec moins de moyens.

Une telle situation est source de mal-être chez les agents, voire d'une « perte de repères » selon l'expression utilisée par certains syndicats. Une claire priorité doit donc être accordée par les autorités de tutelle à l'amélioration du climat social dans les agences.


• Faire vivre pleinement les instances représentatives du personnel dans les ARS et donner un rôle plus actif au comité national de concertation.


• Utiliser les marges de manoeuvre dont disposent les ARS dans les négociations collectives pour aller plus loin dans l'harmonisation des statuts des agents.


• Inciter l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (Ucanss) à mieux prendre en compte ses agents affectés dans les ARS et envisager la possibilité de mettre en place une convention collective unique en remplacement des neuf existantes.


• Améliorer la fluidité des parcours professionnels pour que les ARS soit véritablement perçues comme une opportunité dans la carrière.


• Engager une véritable politique de prévention des risques psycho-sociaux pour contrer le sentiment de mal-être exprimé par un grand nombre d'agents.


• Renforcer les politiques de formation et d'accompagnement des personnels dans l'évolution de leurs métiers.


• Evaluer précisément l'intérêt de créer un statut unique pour les agents des ARS.

III. - Simplifier et rendre plus efficace l'exercice des missions

Les ARS sont dotées d' un champ de compétences très vaste : soins de ville ; secteurs hospitalier et médico-social ; santé publique et prévention ; sécurité et veille sanitaires. Toutefois, elles ne disposent pas des mêmes capacités d'action selon ces différents secteurs, ce qui limite naturellement l'objectif de décloisonnement et la possibilité de réfléchir en termes de parcours de santé ou de prise en charge globale d'une personne.

Même si elle estime que les missions de sécurité et veille sanitaires sont « détachables » du coeur de compétences des agences, la Mecss juge préférable à ce stade de stabiliser ce champ de compétences, mais une attention particulière devra être portée à l'exercice des missions régaliennes de l'Etat.

L'exercice de leurs missions par les ARS doit être simplifié, notamment en termes de procédures, avec une logique forte de subsidiarité et d'opérationnalité .

En outre, les ARS doivent disposer de plus de moyens d'action sur les soins de ville, en particulier en termes financiers. Pour cela, une réflexion doit être menée, en vue de la prochaine loi relative à la stratégie nationale de santé, sur la dichotomie persistante entre l'Etat et l'assurance maladie.


• Stabiliser le périmètre de compétences des ARS tout en veillant à la bonne organisation de leurs missions régaliennes.


• Revoir les modalités d'exercice des missions dans une logique d'accompagnement des acteurs plus que de contrôle.


• Mieux séparer les missions de régulation, d'inspection/contrôle et de nomination/évaluation des directeurs en ce qui concerne les établissements publics de santé.


• Faciliter l'accès des ARS aux données de santé , notamment celles de l'assurance maladie, mais dans un cadre législatif sécurisé et protecteur des libertés publiques.


Consolider le Fonds d'intervention régional (FIR) :

- stabiliser son champ ;

- transférer la gestion des crédits de l'assurance maladie vers les ARS ;

- lui donner un cadre pluriannuel.


Renforcer les moyens d'action des ARS sur l'organisation des soins de ville , par exemple en évaluant la possibilité de dégager des enveloppes financières (hors tarifs et honoraires) à la disposition des agences au sein des conventions entre l'assurance maladie et les professionnels de santé.

IV. - Démocratiser la gouvernance et accroître la transparence

Selon les auditions menées par la Mecss, l'appréciation portée sur les actions de l'agence dépend de manière sensible de la personnalité de son directeur général. Pour s'extraire de cette logique, un meilleur équilibre des pouvoirs doit être recherché , tant dans la gestion interne que dans la composition et le rôle du conseil de surveillance . Les décisions doivent être prises plus collégialement et apparaître comme telles.


• Mettre en place les conditions de la confiance entre le directeur général, les personnels et les partenaires :

- rendre la prise de décision plus collégiale et transparente au sein des ARS, notamment en définissant explicitement par décret les missions des comités exécutifs et des comités de direction ;

- assurer la publication systématique des lettres de mission qui sont adressées annuellement aux directeurs généraux.


Démocratiser le conseil de surveillance :

- créer quatre collèges composés d'un nombre égal de membres : Etat ; assurance maladie ; collectivités territoriales ; usagers et personnalités qualifiées ;

- n'attribuer qu'une voix à chaque membre ;

- élire le président au sein du collège des collectivités territoriales .


• Elargir les missions du conseil de surveillance, sans bloquer le fonctionnement de l'agence :

- lui soumettre pour avis l'ensemble du projet régional de santé et les documents qui le composent ;

- lui permettre de se saisir de tout sujet entrant dans le champ de compétences de l'agence et d'émettre un avis ;

- lui demander d'approuver, à la majorité simple, le budget et les documents financiers de l'agence, tout en prévoyant une procédure de mise en oeuvre exceptionnelle par le ministre en cas de blocage persistant.

V. - Affermir la démocratie sanitaire

La démocratie sanitaire est une idée encore récente et toujours intimement liée à certaines crises. Dorénavant, elle doit pleinement s'affermir, tant au niveau national que dans les territoires et dans les établissements de santé et médico-sociaux.

Dans le cadre d'un rapport sur les ARS, la Mecss ne formule des propositions que sur l'une des facettes de la démocratie sanitaire, à savoir les conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA) et les conférences de territoire. La Mecss souhaite renforcer leur autonomie et leur capacité délibérative , tout en rationalisant les structures pour éviter les doublons.


• Fournir aux CRSA les moyens d' exercer leurs compétences de manière indépendante :

- assurer la formation de leurs membres ;

- leur attribuer un budget global , géré de manière autonome ;

- désigner les représentants au plus près des territoires.


• Conforter leur mission d'organisation de débats publics, notamment en élargissant le champ des débats à l'ensemble des compétences des ARS (y compris le médico-social).


• Alléger les obligations réglementaires des CRSA pour qu'elles s'organisent plus librement et plus simplement.


• Fixer des délais minimums d'examen et de consultation pour les avis qu'elles doivent rendre.


• Evaluer l'intérêt des conférences de territoire :

- conduire une étude précise sur le rapport coût/bénéfice de ces structures, notamment en termes de charge de travail pour les bénévoles ;

- rendre leur constitution facultative mais prévoir de les organiser sur les territoires où existent des contrats locaux de santé en articulant leurs travaux avec ceux des CRSA.

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