Audition du Contre-amiral Chevallereau, secrétaire général
adjoint de la Mer

M. André Trillard, président, co-rapporteur du groupe de travail sur la maritimisation

Monsieur le secrétaire général adjoint, nous avons souhaité vous auditionner à plusieurs titres : au titre du groupe de travail sur la maritimisation que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a créé dans la perspective de la mise à jour du Livre blanc et de la loi de programmation qui suivra, et au titre de la délégation à l'outre-mer, à laquelle nous avons souhaité ouvrir cette audition et qui travaille sur les enjeux des zones économiques exclusives (ZEE).

Nous avons également souhaité vous entendre en votre double qualité de secrétaire général adjoint de la Mer, en charge de la coordination de l'action de l'État en mer, et en tant que militaire, amiral, officier de marine, qui, je l'imagine, réfléchit à l'évolution du format et des missions de la marine nationale.

Je voudrais vous exposer l'état de notre questionnement. Depuis que l'homme navigue, la maîtrise des mers est un facteur de puissance. Il semble qu'avec la mondialisation nous ayons franchi une étape supplémentaire. La division internationale du travail entraîne une extrême sensibilité de nos économies à la fluidité des échanges maritimes et renforce la nécessité d'assurer la sécurité et la libre circulation des navires aux abords des ports et dans les zones stratégiques que constituent les détroits. La raréfaction des ressources terrestres conduira demain la France à exploiter le potentiel considérable des ressources des espaces maritimes et de leur sous-sol. Cette situation changera le visage de nos territoires d'outre-mer et modifiera les attentes à l'égard des pouvoirs publics.

Nous avons compris qu'à travers la fonction garde-côtes, le secrétariat général de la mer avait notamment pour fonction de réfléchir aux moyens à mettre en oeuvre pour sécuriser ces flux et ces ressources. C'est un des objets de la stratégie maritime exposée dans le Livre bleu. Nous avons également entendu que le secrétariat général de la Mer avait pour fonction d'estimer le format souhaitable de la fonction garde-côtes pour assurer ses missions (sauvetage des grands navires en mer, lutte contre les trafics, préservation des ressources halieutiques, lutte contre la pollution, protection des aires marines protégées). Il s'agit de définir les besoins des différentes administrations et les moyens nécessaires.

Pouvez-vous nous dire où vous en êtes de la définition de ce format ? Est-ce que ce format correspond au format actuel des administrations concernées ? Est-ce que les évolutions prévisibles dans l'exploitation des ressources en mer conduiront à faire évoluer ce format ? Est-ce que ces évolutions sont prises en compte par les administrations concernées ? Quelle est la position de la France par rapport à ses homologues - je pense à la Grande-Bretagne ?

Contre Amiral Patrick Chevallereau, secrétaire général adjoint de la Mer

Je prends la suite devant vous du chef d'état-major de la Marine, qui est venu accompagné, alors que je suis seul. C'est assez révélateur : le secrétariat général de la Mer est une petite structure, composée de douze chargés de mission, avec pourtant un rôle transversal de consultation et de coordination interministérielle.

Je vais effectivement essayer de contribuer à l'éclairage que vous recherchez sur les questions que vous évoquez, surtout en qualité de secrétaire général adjoint.

Pour bien aborder la question de l'articulation entre les enjeux et les capacités qu'il nous faut détenir, je voudrais insister sur quelques points importants de cette maritimisation.

Tout d'abord, elle est bien réelle : elle est indissociable, elle accompagne, elle conditionne le phénomène irréversible de mondialisation. Elle comporte deux grands volets économiques : d'une part, les flux maritimes, considérables, et, d'autre part, le domaine de l'accès aux ressources des océans. Cette question de l'accès aux ressources génère ce que certains appellent aujourd'hui un phénomène de territorialisation des océans.

Ensuite, je veux attirer votre attention sur le fait que la France est un cas assez unique dans ce contexte de maritimisation :

- il y a chez nous l'existence d'une ambition maritime affichée par les autorités gouvernementales et le monde politique en général d'ailleurs : c'est le discours présidentiel du Havre, le Livre bleu de 2009 (la stratégie nationale pour la mer et les océans), les comités interministériels de la mer tenus fin 2009 et en juin 2011, essentiels pour la mise en oeuvre de cette politique, et puis, dans le contexte de la campagne présidentielle, toute la classe politique s'engage sur la mer ;

- la deuxième caractéristique française, c'est une situation géographique absolument unique au monde : premièrement, deux façades maritimes métropolitaines, dont une qui nous met en position de contrôler des zones de trafic maritime parmi les plus denses du monde (le dispositif de séparation de trafic de Ouessant, celui des Casquets au large du Cotentin, et, bien sûr, le Pas-de-Calais, détroit vital pour les grands ports de l'Europe du Nord) ; deuxièmement, ce sont des territoires d'outre-mer, répartis sur tous les océans, avec de fortes densités de population par endroits, avec des intérêts économiques et des zones maritimes exclusives extrêmement étendues. Même les États-Unis, premier pays mondial en termes d'espaces maritimes sous juridiction, ne présentent pas une telle diversité en matière de dispersion géographique.

Cette France maritime a des atouts et des faiblesses. Indépendamment des caractéristiques évoquées, il faut avoir à l'esprit les 300 000 emplois directs que représente l'économie maritime et l'excellence de certaines filières : la recherche océanographique avec l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), l'exploration, l'exploitation et la maintenance offshore avec des compagnies comme Technip ou Bourbon, la filière nautique, la construction navale militaire avec DCNS, nos grands armateurs. Il y a là des capacités intellectuelles, un savoir-faire technologique remarquable, une énergie, un potentiel d'innovation, une capacité à emporter des marchés et, donc, vu du secrétariat général de la Mer, des perspectives de croissance.

Mais il y a aussi des faiblesses :

- la difficulté pour une majorité des Français à réellement se tourner vers la mer. Non pas la mer que l'on regarde quand on est sur la plage, comme le disait Tabarly, mais la mer du grand large, celle des flux maritimes, de l'exploration des grands fonds, de la maîtrise des immenses espaces de nos zones sous juridiction. Une mer dans laquelle innover, investir ;

- une autre difficulté évidemment : les contraintes budgétaires qui sont les nôtres et qui ne vont pas aller en diminuant. Elles pèsent sur les administrations qui concourent à l'action de l'État en mer notamment.

Il y a là quelque chose de contradictoire avec le volontarisme politique que je viens d'évoquer. En fait, la difficulté est bien de passer de la parole aux actes. Car, finalement, la France, historiquement, n'a pas vraiment l'âme d'une nation maritime comme peuvent l'avoir d'autres pays, tels le Royaume-Uni, les États-Unis, la Norvège, le Danemark et d'autres pays demain. Cette absence traditionnelle de tropisme maritime compte lorsque l'heure est à faire des choix budgétaires.

Un groupe de nations a aujourd'hui totalement intégré ce phénomène de maritimisation dans la planification de ses investissements pour les années qui viennent : c'est celui des puissances émergentes (Chine, Inde et Brésil, en particulier). Les efforts chinois sont connus : une volonté de maîtrise des mers adjacentes dans un premier temps, puis, mécaniquement avec le développement de son économie, des ambitions maritimes plus larges avec la nécessité de disposer d'une capacité de contrôle de ses voies de communication maritimes et, donc, le développement de points d'appui pour ses forces navales (le « collier de perles » de l'Océan Indien). En ce qui concerne le Brésil, c'est une véritable stratégie maritime qui est mise en oeuvre autour du concept « d'Amazonie Bleue ». Ce concept vise notamment au développement d'une marine puissante destinée à protéger les grands flux maritimes qui sillonnent l'Atlantique et qui continuent de se développer le long des côtes africaines. « L'Amazonie bleue », c'est aussi un programme d'investissements économiques très importants en direction des grands fonds de l'Atlantique sud.

Pour contribuer à camper le décor, il est nécessaire de revenir sur la notion de risques et de menaces qui s'exercent dans la dimension maritime. Ils sont de nature variée : des risques écologiques, des trafics illicites, le développement d'une criminalité maritime favorisé par des zones de non droit qui bordent certains océans et dont une des conséquences est l'émergence d'une véritable « industrie » de la piraterie maritime, le pillage des ressources halieutiques, des différends territoriaux et, enfin, une privatisation de l'emploi de la force armée en mer aussi qui pourrait devenir préoccupante si on ne canalise pas ce phénomène.

La question de la prise en compte à sa juste mesure de cette situation est un peu au coeur de la réflexion de votre groupe de travail sur la maritimisation. Je voudrais formuler une série de remarques qui ont leur importance si l'on veut mener cette réflexion sur les moyens :

- les espaces maritimes sont un lieu propice à l'expression du continuum sécurité - défense qui est l'un des axes importants du Livre blanc de 2008. Sur mer, les protagonistes, acteurs privés ou étatiques, jouent au chat et à la souris, s'observent, se jaugent, s'intimident. Comme il s'agit d'espaces géographiques où ces protagonistes ont la possibilité de se trouver au contact les uns des autres, il existe une possibilité d'escalade souvent plus importante que dans d'autres milieux. Ce sont donc des espaces au sein desquels la détermination et la crédibilité des acteurs sont des facteurs clés ;

- en conséquence, la ligne rouge de l'action armée en mer est souvent approchée, parfois franchie : on pense à la destruction de la corvette sud-coréenne Chenchuan par un mini sous-marin nord-coréen il y a deux ans, au différend turco-chypriote en Méditerranée orientale autour de questions de délimitations maritimes avec, à la clé, l'accès à des gisements d'hydrocarbures, à la résurgence d'une nouvelle guerre froide autour des Malouines, à la territorialisation de l'Arctique autour de la question des ressources des grands fonds et de l'ouverture de nouvelles routes maritimes, aux disputes en mer de Chine méridionale et enfin, bien sûr, aux poussées de fièvre récurrentes autour du détroit d'Ormuz.

Je mentionnais à l'instant la notion de crédibilité. Je voudrais rappeler le rôle qu'a joué dans le déclenchement du conflit des Malouines, en 1982, la perception par les Argentins que la volonté de souveraineté britannique était émoussée compte tenu de la décision de retrait du seul patrouilleur de la Royal Navy stationné dans les îles.

On assiste à un développement des atteintes à la sûreté maritime, dans un registre de relativement basse intensité sur l'échelle possible des conflits. Cette situation se traduit par l'intrusion dans le paysage maritime d'acteurs criminels non-étatiques comme les pirates, les trafiquants... C'est une caractéristique de ce début de XXI e siècle. On a plutôt l'impression d'une amplification du phénomène de piraterie, tant en termes d'espaces géographiques concernés qu'en termes de moyens mis en oeuvre pas ces acteurs. La presse se fait l'écho de l'activité de piraterie en Océan Indien, mais la situation devient préoccupante dans le golfe de Guinée, où se trouvent des intérêts économiques français. Dans le domaine de la lutte contre les trafics illicites - qui constitue en effet l'une des cinq grandes priorités de l'action de l'État en mer - nous sommes toujours confrontés à des flux importants par voie maritime aux Antilles, en Méditerranée et dans les atterrages des côtes d'Afrique de l'Ouest.

Après ce long constat, il s'agit bien de tirer les conséquences en termes de besoins capacitaires de cette conjonction entre le développement bien réel des risques et des menaces, l'importance et, plus encore, le potentiel économique des océans avec nos atouts nationaux et, enfin, notre volonté affichée d'une politique maritime nationale. C'est ainsi à un exercice de cohérence qu'il faut nous livrer, dans un contexte difficile de pression sur les budgets des ministères.

Nos espaces maritimes doivent être surveillés, contrôlés et nos intérêts en mer doivent être protégés : c'est ce que disent finalement les cinq missions prioritaires de l'action de l'État en mer. Elles ne sont réalisables qu'à condition d'en avoir la capacité. Cette approche capacitaire est au coeur de la démarche en cours d'un format global de la fonction gardes-côtes. À propos de cette démarche, je voudrais insister sur deux points :

- l'appellation « fonction gardes-côtes » n'est peut-être pas idéale, car elle donne l'impression de préoccupations d'ordre côtier. Or il s'agit aussi et surtout de la surveillance, du contrôle et de la protection d'espaces maritimes en haute mer, d'étendue considérable - il y a dans la notion de fonction gardes-côtes à la française une idée de profondeur des espaces maritimes ;

- la fonction gardes-côtes est un outil au service du concept national d'action de l'État en mer, qui s'exerce dans le domaine de la sécurité et de la sûreté maritime, pas dans le domaine de la guerre sur mer. Définir un format global de la fonction gardes-côtes est donc un exercice différent de celui qui consiste à formater nos forces armées pour répondre à des contrats opérationnels de défense.

Il demeure néanmoins que, parmi les administrations qui concourent à la fonction gardes-côtes, la marine nationale apporte environ 80 % des moyens, essentiellement du fait de sa compétence d'administration hauturière. Donc, formater la fonction gardes-côtes pour des missions de sûreté et de sécurité maritime, c'est aussi influer sur le format de la marine nationale. Il n'y a rien d'illogique, car nous sommes dans le cadre pertinent du continuum sécurité-défense.

Pour définir le format global de la fonction gardes-côtes, nous avons adopté une méthodologie qui part des cinq grandes missions prioritaires, puis qui étudie à la fois les caractéristiques communes de nos espaces maritimes et leurs caractéristiques particulières : les besoins de présence de patrouilles autour de la Nouvelle-Calédonie ne sont pas les mêmes qu'en Manche-Mer du Nord ou dans le secteur des îles Kerguelen ; les menaces qui s'exercent dans le nord du canal du Mozambique, non loin de Mayotte, autour des îles Glorieuses, et qui sont caractérisées par l'extension géographique de la piraterie, par l'immigration illégale, ne sont pas les mêmes que dans les Caraïbes, où l'on a une forte dimension trafic de stupéfiants.

Bien sûr, toutes les administrations qui contribuent à la fonction gardes-côtes sont étroitement associées à ce travail de définition d'un format global.

Une autre caractéristique de notre approche, c'est qu'elle ne peut pas se limiter aux seuls moyens - nautiques ou aériens. Car l'efficience d'un dispositif, en vue d'un effet à obtenir, résulte aussi de synergies dans la formation du personnel, les doctrines, les organisations des administrations respectives, les infrastructures et l'interopérabilité des matériels. Une démarche capacitaire n'est pertinente que si elle est globale. C'est d'autant plus vrai en période de difficultés financières.

Cet objectif de synergie est important. Il est concrétisé par l'instauration récente pour les différentes administrations qui interviennent en mer (marine nationale, douanes, sécurité civile, affaires maritimes...) de sessions de formation supérieures communes. Cette synergie passe aussi par l'expérimentation d'un centre maritime commun en Polynésie française, qui regroupe notamment la coordination du sauvetage, la fusion de l'information maritime et le contrôle des pêches.

Il est une composante de ce format global sur laquelle je voudrais insister : c'est celle de la surveillance maritime qui inclut une dimension satellitaire. Nous déployons d'importants efforts en la matière et cette question occupe également beaucoup la Commission européenne dans le cadre de la Politique Maritime Intégrée de l'Union Européenne. La difficulté, au niveau européen, est celle du partage de l'information entre des secteurs de compétence très différents (contrôle des pêches, immigration illégale, lutte contre les narcotrafics, assistance et sauvetage en mer). Il ne peut y avoir de politique maritime sans surveillance maritime...

Nous souhaitons que ce format global soit défini cet été ou, au plus tard, à l'automne. Se posera la question de sa visibilité, de son poids, en fonction du niveau auquel il sera endossé. L'exercice ne sera pas achevé car il faudra ensuite que les administrations convergent vers ce format global : il sera nécessaire de bâtir des schémas directeurs par administration pour rejoindre ce format.

Les instruments de cette convergence sont d'abord les comités directeurs de la fonction gardes-côtes et les groupes de travail qui en découlent. À un niveau plus élevé, c'est le Comité interministériel de la mer (CIMER) qui définit des orientations et est surtout en mesure de procéder à des arbitrages, ce que le secrétariat général de la Mer ne peut faire aujourd'hui. Le CIMER est un instrument puissant dont il faut maintenir la fréquence de réunion.

Je dirais que le format actuel des administrations concernées n'est sans doute pas très éloigné de ce dont nous disposons actuellement. Mais il y a quelques points de vigilance que le format global devrait justement mettre en lumière. La question du renouvellement des moyens est ainsi cruciale : en certains endroits, elle pose des difficultés.

Et puis, en effet, il faut se pencher sur les perspectives d'exploitation de nouvelles ressources marines : l'existence prochaine, possible, de plateformes d'exploitation pétrolière au large de la Guyane pose la question de l'adéquation des moyens de l'État à cette nouvelle situation, en matière de surveillance ou de lutte antipollution.

D'une manière générale, le développement possible de l'exploitation de ressources minérales extraites du fond des océans génèrera des flux de trafic nouveaux, dans des zones qu'il faudra surveiller et qu'il faudra parfois sécuriser. Tout cela concernera beaucoup la haute mer, et donc beaucoup la marine nationale. Mais, à ce stade de nos connaissances, il est difficile de faire précisément rentrer ces considérations dans un format global de la fonction gardes-côtes. Cependant, ce n'est pas parce que cette projection dans le futur n'est pas simple qu'il ne faut pas anticiper. Dans ce contexte, nous avons évidemment tout intérêt à au moins préserver les outils de notre capacité de contrôle des mers.

Il faut être prêt au phénomène de surprises stratégiques, à l'exemple du 11 septembre ou du printemps arabe. Le XXI e siècle sera peut-être le siècle des surprises stratégiques sur mer.

S'agissant de nos partenaires, les États-Unis accordent toujours à la dimension maritime une importance particulière. Plus globalement, dans les pays dont l'effort de défense diminue, essentiellement en Europe, la dimension maritime diminue moins. Dans les pays qui augmentent leur effort de défense, notamment en Asie, la dimension maritime est celle qui augmente le plus. C'est le signe qu'il y a une prise en compte globale de la maritimisation. http://www.senat.fr/senfic/lorgeoux_jeanny11106f.html

M. Jeanny Lorgeoux

Vous avez évoqué la nécessité d'équipements capacitaires en haute mer. Pouvez-vous être plus précis ? Du pétrole a été découvert en Guyane : quels moyens seront nécessaires pour surveiller la zone ? http://www.senat.fr/senfic/revet_charles95062k.html

M. Charles Revet

Vous avez souligné la difficulté des Français de se tourner vers la mer. Je suis plus nuancé que vous. Je constate qu'au niveau des écoles maritimes, la marine nationale refuse aujourd'hui des candidatures. Au niveau des écoles maritimes classiques, c'est l'inverse. L'explication réside dans la différence des processus de formation : pour les officiers, il est très large, alors que la formation des écoles maritimes est peu attrayante. J'ai l'impression qu'il existe aujourd'hui une prise de conscience en la matière. À mon avis, les Français peuvent s'intéresser à la mer mais on a tout fait pour les en désintéresser. Qu'en pensez-vous ? Est-ce que la nouvelle formation maritime est même adaptée ?

Dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, il était prévu la mise en place, pour la fin de l'été 2011, de schémas régionaux de l'aquaculture marine. Alors que l'aquaculture se développe partout dans le monde, ce n'est pas le cas en France, faute d'espace. Où en sont ces schémas, dans l'hexagone et outre-mer ? http://www.senat.fr/senfic/trillard_andre01056v.html

M. André Trillard

Plusieurs questions :

- le projet de DCNS visant à utiliser un sous-marin nucléaire comme centrale électrique pose à mes yeux des problèmes de sécurité. Où en est ce projet ?

- vous avez évoqué la sécurité des navires de passagers. Il s'agit de navires transportant 4 000 personnes. Il est rare de disposer sur le territoire d'un département des moyens permettant de sauver 4 000 personnes !

- la France aime-t-elle globalement sa mer ? Une seule illustration : le grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire représente 27 000 hectares. Aujourd'hui, il ne reste que 150 hectares constructibles, en raison des zones protégées.

Contre Amiral Patrick Chevallereau

Les espaces naturels se multiplient : c'est une bonne chose mais il faut aussi prendre garde à cette évolution. On ne doit pas créer un chapelet de secteurs sur nos côtes où on ne pourra pas investir.

La problématique des grands navires est une préoccupation du secrétariat général de la Mer. Nous travaillons à un concept d'intervention sur ce type de navires : il s'agit de privilégier l'intervention d'équipes de sauvetage à bord plutôt que l'évacuation, quand la flottabilité du navire est préservée, l'évacuation étant elle-même accidentogène. Il s'agit cependant d'un problème extrêmement difficile.

Je n'ai pas beaucoup d'éléments sur le projet Flexblue de DCNS.

Avons-nous aujourd'hui les capacités adéquates ? Nos moyens actuels constituent un minimum : nous n'avons plus de « gras ». En certains endroits, nous avons même des inquiétudes en matière de renouvellement des moyens, à l'exemple du Nord du canal du Mozambique : une aire marine protégée y a été créée, des pirates y sont actifs... Nous sommes en train de réfléchir avec les administrations concernées (Marine nationale, ministère de l'Environnement, ministère de l'Agriculture et de la Pêche) à l'action de l'État dans cette zone très étendue : on réfléchit à des mutualisations de missions et à la participation croisée de ministères. Les discussions sont difficiles, notamment en raison des contraintes budgétaires. http://www.senat.fr/senfic/lorgeoux_jeanny11106f.html

M. Jeanny Lorgeoux

Dans l'hypothèse où nous aurions de l'argent, que faudrait-il ?

Contre Amiral Patrick Chevallereau

Il faudrait assurer de la présence et donc disposer de moyens navals, aptes à faire face à l'intégralité du spectre de menaces. Du fait du risque de piraterie, par exemple, les bateaux devraient être capables de mettre à l'eau des bateaux armés d'intervention rapide. En matière de pêche, une capacité de coercition est également nécessaire. Par ailleurs, des moyens aériens et des images satellites sont également indispensables.

S'agissant de la relation des Français à la mer, il existe bien entendu des communautés maritimes vigoureuses et convaincues. Mais il faut investir, il faut faire des choix et des arbitrages. J'espère que la réforme de la formation maritime en cours ira dans la bonne direction. Globalement, il faut intéresser les Français à la mer, et donc parler de la mer. http://www.senat.fr/senfic/cornano_jacques11114f.html

M. Jacques Cornano

On a évoqué le déclin de l'aquaculture en raison du manque d'espace. Pourtant, il y a de l'espace outre-mer !

Contre Amiral Patrick Chevallereau

Je n'ai pas beaucoup d'éléments sur ce sujet. On a tout de même des opportunités pour développer l'aquaculture.

Après la stratégie maritime atlantique de Lisbonne de novembre dernier, s'est mis en place un Forum atlantique et un plan d'action atlantique est en train de se développer, impliquant la Commission européenne et les cinq États membres situés sur la façade atlantique. Cette stratégie balaie l'ensemble des aspects de la mer, dont l'aquaculture. Le secrétariat général de la Mer et les ministères concernés, dont le ministère de l'Outre-mer, travaillent sur le sujet et formuleront des propositions, qui pourront porter sur l'aquaculture. http://www.senat.fr/senfic/antoinette_jean_etienne08072b.html

M. Jean-Étienne Antoinette, co-rapporteur de la délégation

Depuis plusieurs semaines, on évoque les atouts de la Guyane en matière de mer. Je souligne cependant que c'est la seule région qui ne compte pas d'école des métiers de la mer.

Vous avez évoqué le centre commun de Polynésie française et la mutualisation à La Réunion. Serait-il utile de faire la même chose entre les Antilles et la Guyane ?

S'agissant des forages actuels au large de la Guyane : y a-t-il une réflexion sur les moyens qui pourraient être alloués pour contrôler l'activité future ? Est-il prévu de renforcer les moyens de l'État dans la zone ? http://www.senat.fr/senfic/vergoz_michel11025f.html

M. Michel Vergoz

Quelle articulation y a-t-il entre l'action de l'État et les élus locaux, outre-mer notamment ? Le secrétariat général de la Mer est au coeur du système : comment incluez-vous les outre-mer dans la réflexion ? http://www.senat.fr/senfic/tuheiava_richard08071a.html

M. Richard Tuheiava, co-rapporteur de la délégation

Je vois l'intérêt du travail croisé entre la commission des affaires étrangères et la délégation à l'outre-mer. Le statut des collectivités d'outre-mer n'est pas que celui des DOM. Nous sommes dans une relation statutaire permettant une certaine autonomie de gestion de l'espace maritime. Par ailleurs, je souhaite souligner qu'il existe une relation différente à la mer dans nos territoires : nous baignons dans la mer depuis plusieurs millénaires. Comment faire en sorte que, pour ces collectivités, la mer soit un levier de développement prioritaire ? http://www.senat.fr/senfic/claireaux_karine11023d.html

Mme Karine Claireaux

Certains territoires sont complètement tournés vers la mer, notamment outre-mer. Ainsi, Saint-Pierre-et-Miquelon n'existe que par la mer. Je voudrais par ailleurs attirer votre attention sur un projet très intéressant : le projet Océanide, visant à faire la démonstration du lien entre la mer et la prospérité et la puissance d'un État. http://www.senat.fr/senfic/boutant_michel08058d.html

M. Michel Boutant

Pendant des siècles, la seule activité économique liée à la mer a été la pêche. La mer regorge aujourd'hui d'intérêts multiples : ressources minérales, énergie, transport... Certains regrettent que des zones maritimes soient sanctuarisées. Se pose à mes yeux la question des conflits d'intérêt, notamment entre les environnementalistes et les partisans du développement économique. Comment anticiper les potentiels conflits d'intérêt à venir ?

Contre Amiral Patrick Chevallereau

Il y a, bien entendu, des territoires pour lesquels la mer est dans les gènes depuis des millénaires, à l'exemple de la Polynésie française. S'agissant également de l'outre-mer, plusieurs remarques :

- le ministère de l'Outre-mer est l'un des ministères avec lesquels nous avons des contacts très réguliers ;

- je voudrais signaler l'intérêt des conférences maritimes régionales, dont une s'est tenue l'année dernière à Papeete. Une conférence devrait avoir lieu en Guyane avant la fin de l'année 2012. Il s'agit d'enceintes privilégiées du dialogue entre ces départements et les représentants gouvernementaux ;

- nous nous sommes réjouis qu'en 2011 les autorités de La Réunion aient publié un Livre bleu sur l'Océan Indien ;

- tout récemment, un contrat de compétence en matière de lutte anti-pollution a été passé entre la Nouvelle-Calédonie et l'État, avec un transfert de responsabilités ;

- s'agissant du centre maritime commun de Polynésie, il s'agit pour l'instant d'une expérimentation. Au terme d'un an d'expérience, une évaluation sera faite et nous réfléchirons à la réplication d'une telle structure. Cependant, je ne vous cache pas que des questions de périmètre se posent.

Le secrétariat général de la Mer s'est investi dans le projet Océanide, qui a été évoqué. C'est un vecteur possible pour soutenir les préoccupations dont nous avons discuté aujourd'hui.

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