D. MIEUX INSÉRER LES FORCES SPÉCIALES DANS LA COMMUNAUTÉ DU RENSEIGNEMENT

1. Les forces spéciales au service de l'anticipation stratégique

195. Trop souvent confinées dans des tâches de réaction immédiate, les forces spéciales peuvent également être utilisées de façon performante dans une stratégie d'anticipation et d'influence. Comme le dit joliment Alain Quinet, les forces spéciales permettent de « percer l'opacité du monde ». Dans la bande sahélo-saharienne ou plus au sud, ce ne sont pas tant le désert ou la forêt équatoriale qui posent problèmes (et ils le font), que la connaissance des ethnies, des idiomes et des coutumes. L'action spéciale ce n'est pas frapper fort. C'est frapper juste.

196. L'anticipation stratégique n'est pas une prospective tous azimuts, mais la capacité dans les domaines ou les zones où les forces spéciales présentent une plus-value d'être capable d'analyser l'environnement, de hiérarchiser les menaces, d'identifier une capacité d'action et des synergies possibles avec les forces alliées.

197. Le bénéfice des déploiements permanents, de l'ancrage dans la culture et la pratique de la langue ne sont plus à prouver. Ces déploiements permettent de promouvoir des liens de confiance avec les autorités partenaires et assurent une connaissance profonde de chaque environnement opérationnel. La TF SABRE est de ce point de vue un succès français.

198. Cela passe par l'insertion du COS dans un dispositif plus global d'anticipation et de coopération et sa juste prise en compte par le niveau de décision politique. Ce dispositif pourrait peut-être s'inspirer de ce qui a été fait par l'Amiral Mac Raven dans la réforme de l'USSOCOM depuis 2011 et la mise en place du Global SOF network. L'USSOCOM accueille dans son état-major plus d'une centaine d'officiers de liaison des différentes administrations et organisations gouvernementales. Ils enrichissent les ressources et contribuent à la vision globale. De manière symétrique, l'USSOCOM dispose au sein des mêmes agences et organisations de près de 320 officiers. En France, des passerelles existent déjà entre le COS et les agences de renseignement, mais elles se limitent à quelques officiers.

199. N'oublions pas de relever combien la participation aux forces de l'OTAN en Afghanistan a joué un rôle structurant sur notre propre système de forces spéciales.

2. La coopération avec les agences nationales de renseignement

200. Le renseignement, sous toutes ses formes, est le premier et sans doute le plus important, élément constitutif d'un système de forces spéciales. Sans lui, aujourd'hui, aucune opération spéciale n'est possible. Il est donc essentiel que tous les services qui contribuent à la production du renseignement fonctionnent correctement et que l'architecture de l'ensemble soit optimale.

201. De ce point de vue, la création d'un coordonnateur national du renseignement et la constitution d'une communauté du renseignement ont constitué des avancées notables par rapport au statu quo ante . Cela a permis d'instaurer une instance de dialogue se réunissant à échéance fixe et régulière et de fluidifier ainsi les échanges d'information, ce qui était auparavant difficile. Il semble néanmoins possible d'aller au-delà en capitalisant sur les acquis de la période récente.

202. Les relations entre la DGSE et les forces spéciales n'ont pas toujours été à un niveau optimal. Mais là encore, il semblerait que les choses évoluent dans un sens positif depuis la mise en place du dispositif SABRE et vos rapporteurs peuvent témoigner du fait que les forces spéciales s'estiment pleinement satisfaites du niveau de coordination désormais atteint.

203. Les relations entre les forces spéciales et la Direction du renseignement militaire DRM sont excellentes. Rappelons que le 13 e RDP relève pour emploi opérationnel de la DRM et du COS. Ces bonnes relations sont pour ainsi dire dans l'ordre naturel des choses puisque la DRM est en charge de produire le Renseignement d'Intérêt Militaire (RIM), directement utilisable par les forces spéciales. Elles ont sans doute été largement facilitées par les parcours de commandement entre le COS et la DRM, à l'instar des généraux André Ranson, Benoît Puga et Christophe Gomart, qui ont été GCOS avant de devenir DRM.

204. La DRM a beaucoup souffert des réductions budgétaires. Après une montée en puissance de ses effectifs jusqu'en 2006, ceux-ci n'ont cessé de décroitre pour atteindre en 2013, le niveau de l'année 1995. Dans le cadre de la LPM 2014-2019, la dynamique de croissance a été relancée. Une réforme a été initiée au travers d'un document intitulé « ordre général aux armées, directions et services 2014-2016 "cap 2020" » du 17 février 2014. Cette réforme prévoit, notamment, le renforcement de la coopération de la DRM avec les autres services de renseignement français, la poursuite de la mutualisation des moyens techniques avec la DGSE, le développement d'une capacité de renseignement géospatial (GEOINT) et une meilleure intégration dans le processus de ciblage.

205. Il semble donc nécessaire, comme l'y invite le Livre blanc de 2013, que le gouvernement renforce, dans les faits, la capacité des forces spéciales à « se coordonner avec les services de renseignement ».

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