B. LA QUESTION DE L'ÉTABLISSEMENT DE RATTACHEMENT ET DES MOYENS DE L'ÉSPÉ

1. L'enjeu déterminant des modalités de portage de l'ÉSPÉ et de son positionnement dans le paysage universitaire académique

La mise en place des ÉSPÉ est indiscutablement compliquée par la reconfiguration du paysage universitaire dans plusieurs académies , en raison des regroupements opérés par la voie soit des communautés d'universités et établissements (Toulouse, Lyon, Grenoble, Paris, Lille...), soit des fusions d'universités (Bordeaux, Aix-Marseille, Strasbourg, Lorraine...) Dans ces conditions, se pose la question du rattachement de la composante ÉSPÉ à l'université historique d'intégration de l'IUFM (Lyon I - Claude Bernard, Toulouse II - Jean Jaurès, Paris IV, par exemple), ou à la communauté (Lille, Montpellier, Rennes). De ce rattachement dépend la capacité de mutualisation des moyens entre établissements partenaires en matière de formation des enseignants.

Sur les 30 ÉSPÉ créées par arrêtés à la rentrée 2013, on distingue principalement cinq cas de figure en termes de positionnement par rapport à l'offre universitaire territoriale :

- trois ÉSPÉ ont d'ores et déjà été constituées en composantes d'une COMUE qui préfigure la fusion des universités qui en sont membres fondateurs :


• l'ÉSPÉ de l'académie de Lille avec la COMUE « Université Lille Nord de France ». Un service de gestion et d'appui a été constitué par l'université d'Artois, intégratrice de l'ex-IUFM, afin d'accompagner le transfert de la gestion de l'ÉSPÉ à la COMUE (redéploiements, reversements de postes d'encadrement administratif à la COMUE...) dès le 1 er janvier 2015. La fusion des trois universités de Lille a, en outre, été annoncée comme un objectif au terme du prochain contrat quinquennal (2015-2019) 36 ( * ) ;


• l'ÉSPÉ de l'académie de Montpellier avec la COMUE « Université Montpellier Sud de France ». La création de la « nouvelle université de Montpellier », issue de la fusion des universités Montpellier I et Montpellier II, a été approuvée par les conseils d'administration concernés le 22 mai 2014 et devrait intervenir le 1 er janvier 2015 ;


• l'ÉSPÉ de l'académie de Rennes avec la COMUE « Université européenne de Bretagne ». Le projet de fusion des universités Rennes I et Rennes II en une université de Rennes a été validé par leurs conseils d'administration respectivement les 14 et 18 mars 2014 ;

- quatre ÉSPÉ ont été constituées en composantes d'une « grande université » résultant d'une fusion d'établissements et pour lesquelles le transfert de l'ÉSPÉ à une structure de coopération supplémentaire (notamment une COMUE) ne sera étudié que dans un second temps : c'est le cas des universités de Strasbourg, de Lorraine, de Bordeaux et d'Aix-Marseille. Trois de ces universités sont déjà parties prenantes ou en voie de participer à des regroupements universitaires (COMUE ou association) dans leurs académies respectives :


• l'université de Strasbourg est chef de file de la coordination territoriale de l'offre d'enseignement supérieur et de recherche dans l'académie de Strasbourg, dans le cadre d'une convention d'association d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche, au sens de l'article L. 718-16 du code de l'éducation, avec l'université de Haute-Alsace à Mulhouse, l'Institut national des sciences appliquées (INSA) de Strasbourg, la bibliothèque nationale et universitaire (BNU) de Strasbourg, l'École nationale du génie de l'eau et de l'environnement (ENGEES) de Strasbourg et l'École nationale supérieure d'architecture (ENSAS) de Strasbourg ;


• l'université d'Aix-Marseille envisage de conclure une convention d'association avec l'université d'Avignon et des Pays de Vaucluse ;


• l'université de Bordeaux fait partie de la communauté d'universités et établissements d'Aquitaine, avec comme autres membres fondateurs l'université Bordeaux III, l'Institut polytechnique de Bordeaux, l'Institut d'études politiques de Bordeaux et l'École nationale supérieure des sciences agronomiques (ENSSA) de Bordeaux Aquitaine, et comme membre associé, notamment, l'université de Pau et des Pays de l'Adour. Les statuts de l'ÉSPÉ de l'académie de Bordeaux prévoient son élévation au rang de composante de la COMUE d'Aquitaine ;

- neuf ÉSPÉ ont été constituées en composantes de l'université qui accueillait historiquement en son sein l'IUFM mais qui est, d'ores et déjà, partie prenante d'une COMUE académique . Pour un grand nombre de ces universités, l'opportunité d'élever l'ÉSPÉ au rang de composante mutualisée au niveau de la COMUE peut être sérieusement envisagée à moyen terme, d'autant que, dans certains cas, la COMUE préfigure la fusion des universités qui en sont membres fondateurs (Clermont-Ferrand et Grenoble, à l'image de Lille, Montpellier et Rennes, qui ont déjà élevé l'ÉSPÉ au niveau de la COMUE). Les ÉSPÉ concernées sont les suivantes :


• l'université Lyon I (COMUE « Université de Lyon », qui rassemble notamment les trois universités lyonnaises et l'université de Saint-Étienne - Jean Monnet) ;


• l'université Clermont-Ferrand II (COMUE « Clermont Université », qui compte parmi ses membres l'université Clermont-Ferrand I - Blaise Pascal). Les présidents des universités clermontoises préparent une fusion à l'horizon 2015-2016 ;


• l'université de Cergy-Pontoise (COMUE « Université Paris Grand Ouest », que l'université Versailles-Saint-Quentin en-Yvelines a quittée en 2013 pour se rapprocher du campus Paris-Saclay) ;


• l'université Toulouse II (COMUE « Université fédérale de Toulouse », qui rassemble notamment l'université Toulouse I - Capitole, l'université Toulouse III - Paul Sabatier et le centre universitaire de formation et de recherche Jean-François Champollion). L'ÉSPÉ, provisoirement rattachée à l'université Toulouse II - Jean Jaurès, devrait être transformée dans un délai d'un an et demi en composante de la COMUE ;


• l'université Grenoble I (COMUE « Université de Grenoble », qui compte également parmi ses membres fondateurs l'université Grenoble II - Pierre-Mendès-France, l'université Grenoble III - Stendhal et l'université de Savoie-Chambéry). La fusion des trois universités grenobloises est prévue pour 2016 ;


• l'université Paris IV (COMUE « Sorbonne Universités », qui comprend également l'université Paris VI - Pierre-et-Marie-Curie, l'université Paris II - Panthéon-Assas s'étant retirée du regroupement à la rentrée 2013) ;


• l'université de Nantes (COMUE « Nantes Angers Le Mans », dont font partie l'université d'Angers et l'université du Mans) ;


• l'université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (COMUE « Université Paris-Est », qui compte aussi parmi ses membres l'université Paris-Est Marne-la-Vallée) ;


• l'université d'Orléans (COMUE « Centre - Val de Loire Université », dont fait partie l'université de Tours) ;

- dix ÉSPÉ ont été constituées en composantes d'universités parties prenantes à des COMUE inter-académiques ou transfrontalières , pour lesquelles il est difficilement envisageable d'élever l'ÉSPÉ au rang de composante de la COMUE compte tenu de l'exigence de proximité de l'offre de formation des maîtres sur des territoires aussi étendus (parfois insulaires, cf. l'académie de Corse) :


• l'ÉSPÉ de l'académie de Caen et l'ÉSPÉ de l'académie de Rouen sont rattachées respectivement à l'université de Caen et à l'université de Rouen, qui font partie de la COMUE « Normandie Université », qui compte également parmi ses membres l'université du Havre ;


• l'ÉSPÉ de l'académie d'Amiens et l'ÉSPÉ de l'académie de Reims, sont rattachées respectivement à l'université d'Amiens et à l'université de Reims, qui font partie de la COMUE interacadémique dénommée « Université fédérale européenne Champagne Ardenne Picardie » ;


• l'ÉSPÉ de l'académie de Besançon et l'ÉSPÉ de l'académie de Dijon sont rattachées respectivement à l'université de Franche-Comté et à l'université de Bourgogne, qui font partie de la COMUE « Université de Bourgogne Franche-Comté » ;


• l'ÉSPÉ de l'académie de Poitiers et l'ÉSPÉ de l'académie de Limoges sont rattachées respectivement à l'université de Poitiers et à l'université de Limoges, qui font partie de la COMUE « Limousin Poitou-Charentes », qui compte également parmi ses membres l'université de La Rochelle. Fin mai 2014, les établissements des régions Centre, Poitou-Charentes et Limousin ont annoncé réfléchir à la création d'une COMUE non fusionnelle tri-régionale ;


• l'ÉSPÉ de l'académie de Nice et l'ÉSPÉ de Corse sont rattachées respectivement à l'université de Nice Sophia Antipolis et à l'université Corte de Corse, qui avaient constitué un « pôle de recherche et d'enseignement supérieur euro-méditerranéen » 37 ( * ) , auquel participent également l'université Sud-Toulon-Var, l'université de Gênes et l'université de Turin, ainsi que l'université Paris VI, et qui a vocation, selon les membres fondateurs, à devenir un groupement européen de coopération territoriale (GECT) 38 ( * ) ;

- quatre ÉSPÉ sont situées en outre-mer :


• l'ÉSPÉ de l'académie de La Réunion rattachée à l'université de La Réunion ;


• deux ÉSPÉ aux Antilles, soit l'ÉSPÉ de l'académie de la Guadeloupe et l'ÉSPÉ de l'académie de la Martinique, aujourd'hui composantes de l'université des Antilles et de la Guyane (UAG), qui ont vocation à être rattachées ensemble à l'université des Antilles, à la suite de la scission de l'UAG, à la rentrée 2014 ;


• l'ÉSPÉ de l'académie de la Guyane, aujourd'hui encore composante de l'UAG, bientôt rattachée à l'université de la Guyane, créée à la rentrée 2014.

Le positionnement de l'ÉSPÉ par rapport à son environnement universitaire académique n'est pas sans conséquence pour le niveau de contribution (en moyens humains et financiers) des établissements partenaires de l'université intégratrice, pour la gouvernance de l'école, pour le statut de ses personnels et pour les conditions d'inscription des étudiants. Il ressort de l'ensemble des auditions et des déplacements effectués par votre mission d'information que l'élévation de l'ÉSPÉ au rang de composante de la COMUE constitue la solution la plus pertinente à terme dans le cas de COMUE rassemblant des universités situées sur un territoire homogène ou servant de tremplin à une future fusion d'établissements , une fois que le projet pédagogique et scientifique aura été suffisamment mûri et que les coopérations entre établissements auront été consolidées.

Cette perspective est clairement assumée par les ÉSPÉ qui ont vocation à devenir une composante forte d'une future université issue d'une fusion, comme c'est le cas des ÉSPÉ d'ores et déjà constituées en composantes des COMUE de Lille, Montpellier et Rennes, mais aussi des ÉSPÉ composantes d'universités membres d'une COMUE et impliquées dans un projet de fusion à terme (Clermont-Ferrand et Grenoble). Votre mission d'information estime que l'élévation de l'ÉSPÉ au rang de composante de la COMUE devrait également s'imposer dans le cas des COMUE de Lyon-Saint-Étienne et de Toulouse, même si les universités qui en sont membres n'envisagent pas une fusion dans un avenir proche.

Il apparaît que les ÉSPÉ rattachées à une université dans une académie comportant d'autres établissements réunis au sein d'une COMUE sont les plus en difficulté pour présenter un budget de projet cohérent et solide permettant de mettre en avant clairement l' apport interuniversitaire .

L'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand fait figure, à cet égard, d'exception, dans la mesure où l'équipe de direction a démontré une grande capacité d'anticipation à travers la mise en place d'une gouvernance cohérente associant de façon très étroite l'ensemble des établissements partenaires, et en particulier l'université Clermont-Ferrand I, en actant très tôt le principe de fusion en vue de la création d'une seule université de Clermont-Ferrand.

Pour sa part, le rectorat de l'académie de Lyon oeuvre pour un rattachement à terme de l'ÉSPÉ, aujourd'hui composante de l'université Lyon I, à la COMUE « Université de Lyon ». Toutefois, cette évolution institutionnelle nécessitera un délai de réflexion et de concertation entre l'ensemble des acteurs concernés. La collaboration interuniversitaire sur le projet de l'ÉSPÉ a significativement progressé puisque plusieurs parcours de formation du MEEF se déroulent dans les autres universités que l'université intégratrice. Néanmoins, les étudiants continuent d'être inscrits à l'université au sein de laquelle ils suivent la plus grande partie de leur formation, ne permettant pas à l'ÉSPÉ de disposer d'une vision consolidée immédiate de l'ensemble des étudiants suivant ses enseignements.

À l'instar de nombreux autres IUFM, l'IUFM de Lyon était doté d'une forte autonomie pédagogique et financière, qui se traduisait par des moyens sanctuarisés parfois considérables et des fonds de roulement généreux. Le processus d'intégration de l'institut à l'université Lyon I en 2007 a constitué un moment délicat et a fait l'objet de crispations qui se sont de nouveau manifesté lors de l'élaboration du budget prévisionnel, si bien que les partenaires ne sont pas parvenus à établir un budget de projet.

Une des principales craintes manifestées par les responsables de l'université Lyon I à l'idée d'une élévation de l'ÉSPÉ au rang de composante de la COMUE réside dans les incertitudes qui pèsent sur la pérennisation des moyens de l'école . En effet, ils redoutent, au sein d'une COMUE d'une vingtaine de membres, dont seulement quatre universités, qu'une majorité de partenaires se dégage pour freiner le développement de l'ÉSPÉ. Votre mission d'information a relevé un attachement presque « sentimental », et compréhensible dans une certaine mesure, de l'université Lyon I à sa spécialisation historique en matière de formation des enseignants.

Le manque de coordination entre les universités lyonnaises dans la mise en place des parcours de formation est pourtant préjudiciable à la lisibilité de l'offre de formations de l'ÉSPÉ, celle-ci devant négocier ses maquettes avec quatre vice-présidents de conseil des études et de la vie universitaire (CEVU des universités Lyon I, II, III et de Saint-Étienne). On dénombre 35 parcours de formation sur l'ensemble de l'académie, dont quatre spécifiquement dédiés à la formation des futurs professeurs des écoles : le parcours principal se déroule au sein de l'université Lyon I, mais l'université Lyon II en propose deux et l'université Lyon III un. L'éclatement de la formation des professeurs du premier degré interroge, d'autant que les enseignements des parcours à Lyon II et Lyon III sont assurés à 80 % par des formateurs de Lyon I. La nécessité pour les enseignants d'être présents sur une multitude de sites (Lyon I, II et III et les autres sites académiques tels que Bourg-en-Bresse dans l'Ain, Saint-Étienne dans la Loire et Villeurbanne dans le Rhône) constitue une lourde contrainte, à l'origine de souffrances pour une partie du personnel.

Les universités partenaires ont encore trop tendance à considérer l'ÉSPÉ comme une composante universitaire ordinaire et ne tiennent pas suffisamment compte de la dimension de projet académique fédérateur qu'elle se doit de porter. Les établissements ne semblent pas avoir pris, à ce stade, la pleine mesure des enjeux de pilotage académique coordonné , de mutualisation des fonctions support (encore trop souvent assumées jusqu'ici par des enseignants de Lyon I en sus de leur service pédagogique) et de fédération des potentiels de recherche en matière de sciences de l'éducation (les conditions d'intervention au titre de la recherche d'enseignants-chercheurs issus de différents laboratoires sont encore mal évaluées).

D'une façon générale, afin de permettre aux ÉSPÉ de disposer d'une vision consolidée de leurs besoins, pour la construction d'un budget de projet solide et cohérent, il convient, dans un premier temps, de clarifier les conditions d'inscription des étudiants aux parcours de formation des enseignants . À cet égard, une centralisation de l'inscription pédagogique de l'ensemble de ces étudiants au niveau de l'ÉSPÉ , complétée par une inscription administrative à l'UFR partenaire concernée, semble incontournable. Il est indispensable, en effet, que l'ÉSPÉ puisse avoir connaissance des adresses électroniques de tous les étudiants concernés afin de pouvoir leur communiquer des informations aussi cruciales que les dates d'examens, de concours, les changements de salles de cours...

Dans d'autres cas, le positionnement de l'ÉSPÉ par rapport à la COMUE est apparu problématique, comme l'illustre le cas du rattachement de l'ÉSPÉ d'Aquitaine à l'université de Bordeaux, issue de la fusion des universités Bordeaux I, Bordeaux II et Bordeaux IV à compter du 1 er janvier 2014. Son administratrice provisoire, Martine Jaubert, a en effet regretté devant la mission d'information que l'ÉSPÉ ait été rétrogradée au niveau d'une simple composante de la nouvelle université alors qu'il était initialement envisagé qu'elle soit considérée comme un collège de formation.

À la lecture des statuts de la nouvelle université de Bordeaux, il apparaît que l'ÉSPÉ, bien qu'elle soit effectivement identifiée comme unité opérationnelle à l'instar des autres composantes de formation (UFR, unités ou départements de formation...), fait l'objet d'un chapitre distinct au même titre que les instituts universitaires de technologie (IUT), compte tenu de leur statut spécifique. Le président de la nouvelle université de Bordeaux a rappelé que l'ÉSPÉ avait, du reste, le même niveau de prérogatives que les collèges 39 ( * ) et que son directeur fait partie du bureau exécutif réunissant les directeurs de collège. En outre, les statuts de l'ÉSPÉ prévoient son rattachement à terme à la COMUE entre l'université de Bordeaux, l'université Bordeaux III et l'université de Pau et des Pays de l'Adour.

2. La question cruciale des moyens

Conformément à l'article L. 721-3 du code de l'éducation, « chaque école supérieure du professorat et de l'éducation dispose, pour tenir compte des exigences de son développement, d'un budget propre intégré au budget de l'établissement public dont elle fait partie ». À l'instar des écoles et instituts régis par l'article L. 713-9 du même code, il est précisé que les ministres compétents ont la faculté de « lui affecter directement des crédits et des emplois attribués à l'établissement public », c'est-à-dire de flécher au profit de l'ÉSPÉ, au sein de la dotation globale attribuée aux universités, les moyens humains et financiers que le Gouvernement estime nécessaires pour assurer une politique de formation des enseignants de qualité. L'article L. 721-3 précité prévoit également que « le directeur de l'école prépare un document d'orientation politique et budgétaire », présenté aux instances délibératives des établissements partenaires de l'ÉSPÉ. Ce document a vocation à présenter un projet collectif de site accompagné d'un « budget de projet », permettant d'agréger l'ensemble des ressources mises en commun par les établissements partenaires en faveur de la formation des enseignants, mission dont l'ÉSPÉ est chargée d'assurer la maîtrise d'ouvrage.

Plusieurs ÉSPÉ ont fait état d'une diminution substantielle de leur budget de fonctionnement par rapport aux ressources de l'IUFM, pouvant aller dans certains cas jusqu'à - 30 %. Elle s'explique, selon les responsables des masters MEEF, par des arbitrages financiers opérés par le conseil d'administration de l'université intégratrice au nom de la nécessaire répartition des moyens entre composantes dans un cadre budgétaire contraint (Toulouse II - Jean Jaurès, Bordeaux, Aix-Marseille...). Il apparaît que la faculté de fléchage des moyens au profit des ÉSPÉ ouverte par l'article L. 721-3 du code de l'éducation n'a pas été formellement exercée par les ministres pour une série de raisons :

- les autorités ministérielles n'ont pas souhaité recourir à un dispositif de fléchage contraignant, jugé contradictoire avec l'autonomie budgétaire dont disposent les universités. Une intervention ministérielle directe dans la gestion de leurs ressources aurait constitué un signal d'autant plus négatif que de nombreux établissements d'enseignement supérieur sont confrontés à des situations financières délicates qui se traduisent par des redéploiements de postes, voire des gels dans les recrutements. Les présidents d'université soit renvoient l'État à sa responsabilité dans l'insuffisance des moyens attribués globalement aux universités pour justifier des arbitrages en défaveur de certaines ÉSPÉ, soit ont mis en avant les fonds de roulement substantiels accumulés par certains IUFM ;

- les ministres ont préféré confier aux recteurs le soin de veiller à la préservation des postes lors de la transformation des IUFM en ÉSPÉ (par la voie de la concertation avec les présidents d'université en cas de situation défavorable à l'ÉSPÉ). La sanctuarisation des supports budgétaires correspondants à ces postes (la mobilité d'une personne qui exerce son droit d'option lors de la transformation IUFM-ÉSPÉ ne doit pas induire, théoriquement, de mobilité du poste) constitue l'un des principes fondamentaux de la mise en oeuvre des ÉSPÉ, réaffirmé par l'administration et les services académiques lors de l'examen des dossiers d'accréditation. Toutefois, le respect strict de ce principe doit s'apprécier au regard de la situation particulière de chaque université et, en particulier, du niveau de coopération des UFR disciplinaires avec l'ÉSPÉ et de la capacité des partenaires à élaborer un budget de projet cohérent.

Dans une note de service en date du 17 juin 2013, la directrice générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle a rappelé aux présidents d'université et aux recteurs d'académie qu' « afin d'assurer la réussite de ces écoles et de la formation des futurs enseignants, il est indispensable que les moyens actuels des IUFM soient affectés à la mise en place des futures ÉSPÉ, qu'il s'agisse des moyens budgétaires ou des ressources humaines. Il devrait en être de même pour les moyens actuellement consacrés à cette mission dans les UFR et les services académiques ». Afin de prévenir un climat de compétition entre composantes d'une même université ou entre universités partenaires au sein d'une même académie pour l'obtention de financements au titre des étudiants accueillis en master MEEF, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a pris soin de déconnecter, dans le cadre du système théorique d'allocation des moyens à la performance et à l'activité entre universités (SYMPA), le financement de l'activité de l'ÉSPÉ du lieu d'inscription administrative des étudiants en master MEEF .

Ces directives ont été renforcées par une note de service de la DGESIP, en date du 12 novembre 2013, qui a fourni un cadre d'interprétation aux dispositions de l'article 83 de la loi de refondation de l'école, relatif aux conditions de transfert des personnels des IUFM vers les ÉSPÉ et au droit d'option de ces personnels : « les agents qui exercent leurs fonctions dans les instituts universitaires de formation des maîtres à la date de leur dissolution sont appelés à exercer dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation, dans le respect des dispositions statutaires qui leur sont applicables et sous réserve de leur accord, sans préjudice de l'article L. 719-6 dudit code. » La directrice générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle rappelle que « le principal objectif de cet article est donc la pérennisation des équipes de personnels des anciens IUFM au sein des nouvelles ÉSPÉ. » Dans ces conditions, le droit d'option « doit s'analyser comme relevant d'un droit à la mobilité des personnels et non pas comme un transfert d'emploi ».

Dans un courrier en date du 10 mars 2014, adressé par le ministre de l'éducation nationale et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche aux présidents d'université, aux recteurs d'académie et aux directeurs d'ÉSPÉ, il est clairement indiqué qu' « il est donc indispensable que les moyens affectés aux ex-IUFM soient a minima préservés dans les budgets propres intégrés des ÉSPÉ, notamment les emplois, afin d'anticiper les perspectives d'accroissement notable des flux et de prendre en compte les caractéristiques de ces masters professionnels préparant à l'enseignement et aux métiers de l'éducation et de la formation ». Ils ont précisé, toutefois, que ces emplois peuvent « ne pas être tous pourvus à un moment T, si les besoins d'enseignement et d'encadrement ne le justifient pas et que certains enseignants risquent d'être en sous-service. Ils doivent pouvoir être pourvus dès que cela devient nécessaire ».

En outre, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l'éducation nationale se sont accordés, en mars 2014, sur le principe d'une inscription pédagogique obligatoire dans l'ÉSPÉ de tous les étudiants préparant un master MEEF , applicable « quelle que soit la configuration universitaire de l'académie », en soulignant qu' « il est de la responsabilité des présidents des universités partenaires de tout mettre en oeuvre pour que ce principe soit respecté dès la prochaine rentrée universitaire ». Il est rappelé que la centralisation par l'ÉSPÉ de la totalité des inscriptions pédagogiques en master MEEF est incontournable afin que les directeurs d'ÉSPÉ disposent de « données fiables sur les inscriptions dès le mois d'octobre de chaque année universitaire ». Ils ont indiqué que, néanmoins, « cette inscription pédagogique pourrait être doublée sans démarche administrative supplémentaire de la part de l'étudiant » 40 ( * ) .

Conformément à l'article L. 713-9 du code de l'éducation, l'IUFM bénéficiait d'une large autonomie financière, avec des moyens fléchés et sanctuarisés par les ministères de tutelle. Toutefois, depuis la mise en oeuvre des responsabilités et compétences élargies (RCE) dans le cadre de la « loi LRU », le budget de chaque université est désormais globalisé . L'université perçoit une subvention de l'État à partir du système de répartition des moyens à la performance et à l'activité (SYMPA), charge à elle par la suite de répartir en interne cette dotation entre ses différentes composantes. Une nouvelle contrainte pour les IUFM est apparue dans les années récentes, avec l'inscription de certains étudiants en master MEEF dans d'autres établissements que l'université intégratrice de l'institut.

Afin de surmonter ces difficultés et d'assurer un financement soutenable de l'ÉSPÉ, l'établissement d'un contrat d'objectifs et de moyens entre la composante, l'université intégratrice, les établissements partenaires et le rectorat est incontournable . Ce document devrait permettre d'établir les déclarations de charges et les dépenses incompressibles de la composante , afin de pouvoir en déduire le niveau des dotations qui lui sont fléchées et de ses ressources propres. C'est à partir de ce document, fondé sur des données comptables et financières objectives, que peut être déterminé le niveau de la contribution d'équilibre.

Votre groupe de travail souhaite revenir sur les conditions d'élaboration des budgets de projet de plusieurs ÉSPÉ, afin d'identifier les principales difficultés rencontrées et les pistes d'amélioration envisageables :


• L'ÉSPÉ de l'académie de Lyon :

Le vice-président chargé des moyens de l'université Lyon I indique que, sur le budget total de l'ÉSPÉ s'établissant à 1,2 million d'euros, près de 973 000 euros sont apportés par la seule université intégratrice, 274 000 provenant des autres établissements partenaires. Au sein de ce budget intégré de composante ne figure pas la masse salariale, qui s'élève pour l'ÉSPÉ à 16,6 millions d'euros gérés au niveau du budget global de l'université intégratrice. Pour l'université Lyon I, la dépense liée au glissement vieillesse-technicité est évaluée entre 700 000 euros et 900 000 euros pour l'ÉSPÉ, sur une masse salariale globale de l'université de 210 millions d'euros.

Les universités partenaires n'intègrent pas nécessairement le fait que l'université hôte de l'ÉSPÉ supporte seule des charges de fonctionnement pour des activités pourtant mutualisées . À titre d'exemple, le site de la Loire à Saint-Étienne, dont l'université Lyon I assume l'intégralité des charges de fonctionnement, est fréquenté presque exclusivement par des étudiants provenant des universités partenaires.

Le principal défi dans la constitution d'un budget de projet soutenable et sincère réside dans la capacité des établissements partenaires à s'entendre sur la définition d'un mécanisme d'optimisation du potentiel enseignant afin de tirer pleinement profit des gisements d'efficience. Dans le cas de l'ÉSPÉ de l'académie de Lyon, on constate que le personnel de formation devrait permettre de délivrer 48 000 heures d'enseignement, soit un potentiel d'enseignement supérieur aux 47 000 heures de charges d'enseignement nécessaires identifiées en fonction des besoins étudiants constatés. Or, le contrôleur de gestion de l'université Lyon I a fait observer que 6 000 heures complémentaires avaient été dépensées dans le cadre de l'ÉSPÉ.

Une autre difficulté, particulièrement handicapante, résulte de l' absence de socle de calcul commun entre universités partenaires dès lors que la comptabilité analytique n'a pas encore été généralisée au sein des universités françaises , contrairement aux prescriptions réglementaires. La dotation de fonctionnement de l'IUFM devait théoriquement être calculée sur la base de cinq critères applicables aux autres composantes universitaires :

- un retour sur les droits d'inscription : la composante devait se voir reverser 90 % des frais acquittés par ses étudiants ;

- une dotation d'activité, fonction du nombre d'étudiants présents aux examens ;

- les dotations complémentaires résultant de la réussite aux appels à projet ;

- une dotation contractuelle négociée chaque année dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens (COM) ;

- une dotation d'heures complémentaires en fonction de l'écart entre le potentiel enseignant disponible et les charges d'enseignement identifiées.

Or, il apparaît, dans le cas de l'ÉSPÉ de l'académie de Lyon, que la dotation allouée par l'université au budget propre intégré de la composante, de 973 000 euros, reste bien supérieure à la dotation qui aurait découlé de l'application stricte du modèle (713 000 euros). En outre, le contrôleur de gestion a relevé que les taux d'exécution budgétaire de l'IUFM étaient traditionnellement faibles . Alors que l'objectif de dépenses correspond à 92 % d'exécution budgétaire en dépenses de fonctionnement (taux moyen constaté pour l'ensemble des composantes) et à 99 % en dépenses salariales, l'IUFM affiche des taux d'exécution budgétaire qui oscillent entre 80 % et 88 %. Sur les ressources propres, les taux d'exécution se sont établis à 79 % en 2010 et 84 % en 2011 et 2012. Cette situation, qui complique singulièrement la justification de la dépense, pénalise l'université dans ses négociations dans l'élaboration du budget de projet avec les établissements partenaires qui peuvent arguer du risque que leurs contributions, si elles sont mal évaluées, ne seraient en définitive pas consommées.

La mise en place d'une comptabilité analytique, qui permettrait de consolider les données budgétaires, d'évaluer précisément le coût d'un étudiant en master MEEF et de le comparer au coût moyen d'un étudiant en master, dépend à la fois du niveau de maîtrise des outils d'analyse prospective comptable et financière par les gestionnaires de l'établissement et de la volonté politique manifestée par l'équipe dirigeante. La COMUE devrait constituer, logiquement, le cadre le plus pertinent afin de définir un référentiel de calcul partagé.

À l'évidence, les présidents des universités accueillant une ÉSPÉ devront s'efforcer d'intégrer pleinement cette composante, bien que particulière et dérogatoire, dans son modèle d'allocation interne des moyens, selon des critères transparents. À terme, l'ÉSPÉ doit pouvoir justifier ses charges de fonctionnement à partir du coût objectivé de ses étudiants, quitte à ce que celui-ci soit pondéré par des coefficients qui permettent de prendre en compte des contraintes particulières (une recherche disparate et éclatée, d'où la difficulté à consolider les individualités de recherche liées aux activités de l'ÉSPÉ en l'absence d'unités de recherche qui lui seraient spécifiquement adossées, l'équilibre à assurer entre les dimensions professionnelle, disciplinaire et de recherche du master MEEF, accueil des étudiants sur quatre sites sur l'ensemble de l'académie, une mission spécifique de partage de la culture scientifique 41 ( * ) ...)


• L'ÉSPÉ de l'académie de Toulouse :

La mise en place de l'ÉSPÉ de l'académie de Toulouse a été compliquée par une série de tensions autour du schéma de gouvernance de la nouvelle structure . Les acteurs de la réforme doivent désormais « faire le deuil » de leurs belles réussites individuelles qui constituent, du reste, un héritage appréciable et l'atout principal du dossier : l'IUFM de l'université Toulouse II, jusqu'ici particulièrement puissant et bien structuré, avec à sa disposition d'importants moyens et des locaux de bonne qualité, avait réussi la performance de dépasser l'éclatement traditionnel entre les formations des enseignants des premier et second degrés ; l'université Toulouse III était parvenue, de son côté, à mettre en place un master de formation des enseignants du second degré de belle facture...

Il s'agit pour les établissements partenaires de dépasser maintenant des rivalités historiques 42 ( * ) et leurs visions stratégiques respectives afin de dessiner ensemble un horizon fédérateur. L'habilitation provisoire accordée à l'ÉSPÉ de l'académie de Toulouse a précisément pour objectif d'inciter l'ensemble des acteurs de la réforme à s'entendre sur la gouvernance et le modèle économique. Le dossier de l'ÉSPÉ acte le principe de son élévation au rang de composante de la COMUE, en précisant que son rattachement fonctionnel provisoire à l'université Toulouse II n'empêche pas le développement d'une maîtrise d'ouvrage confiée à la COMUE avec un comité stratégique et un pilotage assuré de concert par la rectrice et les présidents des universités partenaires.

Il convient de rappeler que l'ÉSPÉ de l'académie de Toulouse dispose d'un héritage solide et d'un savoir-faire exceptionnel qui lui permettent de se positionner en pointe sur différents champs de formation :

- l' école normale d'apprentissage lui permet de proposer des formations techniques dont l'excellence est largement reconnue, dans des champs de compétences nouveaux (exemple : cuisine collective, culture et didactique disciplinaire...) ;

- grâce à une gamme de formations et de parcours aussi diversifiée, l'ÉSPÉ est en mesure de proposer la quatrième mention du master MEEF en formation des formateurs autour de trois parcours. Elle fait partie des 17 ÉSPÉ habilitées à ouvrir cette quatrième mention ;

- l'ÉSPÉ a mis en place une structure fédérative de recherche (SFR) regroupant une vingtaine de laboratoires afin de faire émerger une masse critique de recherche en sciences de l'éducation. Plus de 200 enseignants-chercheurs issus de différentes unités de recherche ont accepté de participer à ce projet et d'aider à l'organisation de séminaires d'études et de colloques. Cette structure fédère non seulement des laboratoires mais également des partenaires de terrain : rectorat, associations pédagogiques, branches pédiatriques de l'hôpital universitaire... Elle constitue une interface originale entre les chercheurs et les professionnels de terrain confrontés aux problèmes de l'éducation spécialisée.

Les débats entre l'université intégratrice et les établissements partenaires se sont concentrés sur la juste répartition des contributions. La focalisation sur les moyens de l'IUFM, considéré par l'équipe dirigeante de l'université intégratrice comme une structure historiquement sur-dotée, et sur le droit d'option de ses personnels explique une série d'antagonismes entre les acteurs, à l'origine d'un démarrage difficile . L'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) a estimé, dans un rapport fin 2013, que l'ÉSPÉ disposait des moyens d'accueillir ses étudiants et même de se développer : par une série de redéploiements, elle devrait être en mesure de s'ajuster à ses besoins propres, sous réserve qu'elle évolue dans le périmètre de fonctionnement décrit par le rapport de l'IGAENR, qui suppose la restitution de onze postes d'enseignants et d'une vingtaine de postes de personnels ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers et de service (IATOS).

Le président de l'université Toulouse II insiste sur le décalage entre l'importance des moyens et le fort niveau d'encadrement dont dispose l'IUFM par rapport aux autres composantes de l'établissement. Il indique que le coût d'un étudiant de l'ÉSPÉ est presque deux fois supérieur à celui d'un étudiant inscrit dans une autre composante. Si on peut raisonnablement justifier une partie du différentiel observé par le poids des contraintes organisationnelles et matérielles que suppose une formation dispensée sur plusieurs sites académiques éloignés, il faut demeurer vigilant face aux dépenses non justifiées.

Le fait d'intégrer un IUFM fortement doté en emplois et en crédits a pu être pénalisant pour un certain nombre d'universités à dominante « lettres et sciences humaines » (LSH) 43 ( * ) : dans le cadre de la dotation globale calculée selon le modèle SYMPA, l'université était bien souvent identifiée comme sur-encadrée en raison du poids de l'IUFM, ce qui laissait peu de marge de manoeuvre pour une redistribution d'une partie de la subvention de l'État en faveur des autres composantes. À cette situation, s'est ajoutée, ainsi que le souligne le président de l'université Toulouse II, la contrainte de l'université intégratrice d'assurer le développement de l'ÉSPÉ en restituant ce qu'elle s'était efforcée de mutualiser et globaliser (en raison de la non-augmentation de la subvention de l'État pendant des années), ce qui a été perçu par l'équipe dirigeante de l'établissement comme une « double peine ».

Dans ces conditions, la présidence de l'université a pris la décision, fortement critiquée, de procéder à des redéploiements d'emplois, dont les supports relevaient de l'IUFM, vers d'autres composantes identifiées comme déficitaires en postes. Des prélèvements et des gels de postes ont été opérés sur l'ex-IUFM (comme cela s'était, du reste, produit sous le mandat des présidents précédents), de même qu'un prélèvement d'un million d'euros sur le budget de fonctionnement de l'institut. L'annonce de ces mesures a coïncidé avec la communication d'une augmentation significative du nombre d'inscriptions à l'ÉSPÉ. Cet affichage contradictoire n'a pas manqué de mettre une partie des personnels « sous tension ».

Le président de l'université Toulouse II a souligné que le potentiel d'enseignement avait été évalué, au sein de l'ÉSPÉ, à 60 000 heures. Il a relevé qu'en dépit de situations de sous-service correspondant à près de 20 000 heures, 15 000 heures complémentaires avaient dû être consenties pour mener à bien les enseignements de l'ÉSPÉ. La mise en place d'une véritable politique de gestion prospective était traditionnellement entravée par l'absence d'outils permettant d'anticiper les besoins réels de la structure et la persistance d'un certain nombre de résistances , traversées par des logiques de défense des sites territoriaux et des postes. L'administration de l'IUFM n'avait pas, jusqu'ici, partagé la même culture de redistribution interne des moyens et de gestion prévisionnelle qui prévalait au sein de l'université.

Si la rectrice reconnaît les problèmes de décharge de service et de décalage entre les moyens et les besoins réels de l'ex-IUFM, elle a rappelé, à juste titre, que tous les problèmes ne pouvaient être raisonnablement réglés dans des délais aussi courts. Le développement au sein de l'ÉSPÉ d'une culture de gestion prévisionnelle et soutenable, à la fois ambitieuse et responsable, prendra un certain temps. Il convient de rétablir, dans un premier temps, la sérénité et la confiance de l'ensemble des personnels dans la pertinence d'un projet solide et cohérent au service de la formation des futurs enseignants, dans un esprit de collaboration et de mutualisation des forces avec les établissements partenaires. À cet égard, la rectrice plaide pour un rattachement de l'ÉSPÉ à la COMUE le plus rapide possible, idéalement dès l'ouverture de l'exercice budgétaire 2015.

Il est à souligner que le rectorat doit assumer, en tant qu'employeur, une partie non négligeable des dépenses engagées par le budget de projet de l'ÉSPÉ, notamment la prise en charge des frais de transport des stagiaires. Or, il ne dispose pas des moyens correspondants.


• L'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand :

L'ÉSPÉ d'Auvergne dispose d'une équipe ambitieuse et motivée, avec des cadres administratifs de haut niveau, capable de mettre en oeuvre une politique proactive de gestion du changement , afin que le service rendu aux étudiants gagne en efficacité et en qualité.

L'histoire riche de l'IUFM de Clermont-Ferrand explique que la réforme ait pu être réalisée sans doute plus naturellement que dans d'autres académies. L'IUFM s'inscrivait dès 2004 dans une dynamique universitaire forte, en anticipant la mastérisation avec l'ouverture d'un master, alors même que ce n'était pas la vocation de l'institut. Il a mis sur pied un laboratoire de recherche à fort potentiel, qui a été converti en équipe d'accueil en 2006 et a obtenu la note « A + » lors de sa dernière évaluation par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES). Un deuxième master, international, a été créé à cette même date, en partenariat avec l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), de même que quatre parcours de formation pour adultes. En 2010, l'institut a ouvert un master en sciences de l'éducation qui permet, par exemple, d'approfondir la recherche dans des domaines spécifiques comme l'éducation spécialisée.

Dans ces conditions, l'IUFM a basculé naturellement sur l'organisation universitaire. Consciente de l'importance des vocations à susciter dès la licence, l'ÉSPÉ a accordé une place particulière, au sein de sa gouvernance, aux UFR des deux universités de Clermont-Ferrand.

En termes de modèle économique, l'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand surprend par la solidité de son budget de projet, fondé sur une vision analytique de ses recettes et de ses dépenses, à partir d'une détermination en coûts complets de la formation. La principale difficulté, bien identifiée par l'école, concerne d'ailleurs le manque de visibilité sur les moyens disponibles, compte tenu du contexte général de financement contraint des universités et de la planification de certaines charges lourdes (fluides, pyramidage des emplois...), qui supposent une forte capacité prospective afin d'optimiser les dépenses.

À l'instar des autres académies, l'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand a bâti un budget de projet sur deux principes :

- le maintien, au cours des cinq prochaines années (2013-2018), des moyens consentis à la formation des enseignants par l'ensemble des partenaires (ministères, rectorat, universités et autres établissements impliqués dans le projet) ;

- l' adaptation progressive des moyens à la montée en charge de l'ÉSPÉ en termes de déploiement de son offre de formation et d'accroissement des effectifs étudiants . À ce titre, l'ÉSPÉ devrait pouvoir compter sur des postes supplémentaires prélevés sur la part affectée à la région Auvergne des 1 000 postes à créer au sein du ministère de l'éducation nationale pour la formation des maîtres et la part affectée aux universités clermontoises des 1 000 postes à créer au sein du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, à hauteur de 2 % de ces créations de postes compte tenu du poids de l'académie dans les effectifs enseignants et étudiants (soit 20 postes consentis par ministère).

Dans leur dossier d'accréditation, les porteurs du projet précisent que « le budget de l'ÉSPÉ fédère les participations de l'ensemble des partenaires à la mise en oeuvre de l'offre de formation présentée dans ce projet. Il intègre le budget de la composante ÉSPÉ et s'articule autour de lui. Chaque partenaire reste néanmoins totalement maître de la mobilisation des budgets qu'il affecte au projet. Il s'agit bien d'un budget de projet, centré sur un axe spécifique des politiques publiques : la formation aux métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation ».

Le budget global de l'ÉSPÉ a ainsi été fixé à 18,55 millions d'euros pour 2013 et se décompose de la façon suivante :

- le budget de la composante ÉSPÉ, principalement alimenté par l'apport de l'ex-IUFM, évalué à près de 10,5 millions d'euros en 2012 et qui devrait être maintenu à l'identique pour les cinq prochaines années ;

- les financements consentis par les partenaires :

. les services centraux de l'université intégratrice, à hauteur de 2,2 millions d'euros ;

. les UFR de langues, lettres et sciences humaines, de sciences et technologie et de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), à hauteur de 1,1 million d'euros ;

. l'université d'Auvergne (Clermont-Ferrand I), à hauteur de 0,19 million d'euros (montant prévisionnel de la participation à l'horizon 2018) ;

. la communauté d'universités et établissements « Clermont Université », à hauteur de 0,26 million d'euros ;

. le rectorat, à hauteur de 4,5 millions d'euros ;

. les collectivités territoriales (montant de la participation non évalué : seuls les conseils généraux se sont jusqu'ici impliqués dans le financement de l'IUFM, les communes et les communautés d'agglomération ayant participé au financement des sites d'Aurillac, de Clermont-Ferrand et Chamalières, de Moulins et du Puy-en-Velay).

À terme, au niveau de la gouvernance, l'ÉSPÉ sera placée au coeur du collegium de langues, lettres et sciences humaines de la future université fusionnée, qui devrait être dénommée « Clermont-Auvergne » . Dans une logique de mutualisation des moyens qui suppose la capacité pour l'établissement de dégager des marges de manoeuvre au sein de son budget global afin d'améliorer l'efficience du service public, l'ensemble des composantes seront appelées à contribuer à la mise en oeuvre d'un projet commun partagé. Si chacune des 23 composantes de la future université tient un discours d'autonomie et de défense de « pré-carrés », dans le cadre d'un budget global hyper-fragmenté, l'unité du projet d'établissement n'aura plus de sens. Seul un dialogue de gestion formalisé par la conclusion de contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre les responsables de composante et l'équipe dirigeante de l'université permettra de consolider les principes fondamentaux de projet d'établissement partagé et de budget globalisé .

Visualiser le document en format PDF.


* 36 Dans un communiqué en date du 7 avril 2014, les présidents des trois universités lilloises ont annoncé que « le rapprochement des trois universités de Lille a désormais clairement pour but la fusion des établissements, au plus tard à la fin du prochain contrat quinquennal [2015-2019]. Cette démarche a été présentée, par les trois président(e)s, aux conseils d'administration des trois universités, qui l'ont approuvée ».

* 37 Signature de la convention de coopération le 28 mars 2008, mais absence de statut juridique clarifié.

* 38 Outil de coopération transfrontalière doté de la personnalité juridique composé d'États membres, de collectivités territoriales et/ou d'organismes de droit public à titre facultatif (règlement (CE) n° 1082/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relatif à un groupement européen de coopération territoriale).

* 39 Les collèges et les départements de recherche assurent le pilotage intermédiaire et transversal et correspondent à des regroupements de composantes de formation internes qui se voient reconnaître, sur le fondement de l'article L. 713-1 du code de l'éducation, des prérogatives dans la conduite du dialogue de gestion avec l'échelon central.

* 40 Courrier du 10 mars 2014 de Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, et de Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

* 41 En matière de partage de la culture scientifique, les budgets de projet de certaines ÉSPÉ peinent à surmonter la confusion entre les missions de communication et de culture.

* 42 Au moment de l'intégration de l'IUFM à l'université, les universités Toulouse II et III avaient été mises en concurrence.

* 43 Avant l'intégration de l'IUFM, l'université Toulouse II était identifiée comme historiquement sous-encadrée, comme bon nombre d'universités à dominante LSH.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page