II. UNE INTÉGRATION DES ÉSPÉ DANS LE TISSU UNIVERSITAIRE VARIABLE SELON LES ACADÉMIES

A. L'ACHÈVEMENT DÉLICAT DE L' « UNIVERSITARISATION » DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS

1. Les difficultés rencontrées par les ÉSPÉ pour s'imposer au coeur de la formation des enseignants
a) Un projet pédagogique nouveau mais inscrit dans un processus historique de long terme

La loi n o 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation avait créé un institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) dans chaque académie, à partir du 1 er septembre 1990 . Les instituts étaient autonomes en disposant du statut d'établissement public à caractère administratif, mais ils étaient rattachés à une ou plusieurs universités de l'académie. Leur création s'était voulue une étape majeure de l'universitarisation, ce dont témoignaient le recrutement d'enseignants-chercheurs et la mission de recherche qui leur était confiée. Une deuxième phase était ouverte avec l'intégration des IUFM dans les universités prévue par la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 pour l'avenir de l'école, puis avec la « mastérisation » des cursus de formation en 2010 , qui a été marquée par l'abandon de l'alternance.

La phase actuelle correspond, depuis la rentrée 2013, à la confirmation de la mastérisation, accompagnée d'un retour de l'alternance en M2 et de la création des ÉSPÉ dont les missions prolongent et renouvellent celles des IUFM d'origine. Votre rapporteur partage l'opinion de Sophie Genelot enseignant-chercheur à l'université de Bourgogne (IREDU), entendue le 7 janvier 2014, qui considère que « ce ne sont pas les structures qui permettent le processus d'universitarisation, mais l'organisation et les contenus des cursus de formation. » Dans le même temps, il ne s'agit pas pour l'éducation nationale d'abandonner la formation des enseignants aux seules universités en n'assumant pas ses responsabilités de futur employeur. De ce point de vue, la phase nouvelle d'universitarisation concrétisée dans les ÉSPÉ repose sur la construction partenariale des parcours de master et du suivi des étudiants.

L'objectif fondamental de la réforme en cours est d'abandonner un système de formation séquentiel, prévoyant consécutivement des volets académique et pratique sans véritable articulation pour passer à une formation intégrée accordant toute sa place à la formation professionnelle. C'est dans notre pays une notion nouvelle, voire révolutionnaire, même si elle bénéficie en France depuis longtemps aux ingénieurs et aux professionnels de la santé. Plus largement, les ÉSPÉ assurent une fonction de construction et de consolidation interne du système éducatif par le partage des visées et la construction d'une culture commune entre les enseignements supérieur et scolaire .

Les acteurs de terrain ne sont pas partis de rien ; ils se sont appuyés sur les IUFM existants et sur la première phase de mastérisation, mais en même temps, il leur fallait accomplir la révolution demandée par le projet pédagogique des ÉSPÉ.

Le processus de reconstruction de la formation des enseignants est encore inabouti, mais l'ampleur et la complexité de la réforme demande une appréciation de ses effets dans la durée, une fois stabilisée l'organisation des structures, des cursus, des maquettes et des concours. Les écoles sont aujourd'hui encore dans une configuration de transition ; le travail doit se continuer au-delà de la période de mise en place des structures et des maquettes. Nous en sommes à l'amorçage d'un processus dynamique , qui se heurte fatalement à de nombreuses réticences héritées du poids des habitudes, de la difficulté à mettre sur pied dans des délais extrêmement courts une formation nouvelle et aux inévitables problèmes qui surgissent lorsqu'on veut faire travailler ensemble des acteurs différents qui se connaissent mal.

Ainsi que l'ont indiqué lors de leur audition, le 14 janvier 2014, Claude Fabre et François Louveaux, coordonnateurs du groupe interministériel de pilotage des ÉSPÉ, les inquiétudes qui s'expriment sont « à la fois logiquement liées à la mise en place d'une opération complexe, à la montée en charge progressive des ÉSPÉ, mais aussi à une inégale prise de conscience de la nature, de l'ambition, de la nouveauté des ÉSPÉ, de leur caractère fédérateur, mais enfin, aussi, aux regrets d'autres solutions non choisies (seulement universitaires ; seulement écoles de formation ; prérecrutements plus massifs...), à la comparaison avec des modèles anciens pour regretter qu'il n'aient pas été repris ou au contraire craindre que les ÉSPÉ ne s'en distinguent finalement pas et connaissent les mêmes difficultés. »

Les rentrées 2013 et 2014 doivent être appréciées comme de premières étapes importantes mais pas définitives. Des imperfections dans la construction des années de M1 et de M2 devront être corrigées sur pièces. Il est illusoire de penser qu'un schéma abstrait, aussi parfait puisse-t-il paraître, sera conservé intact à l'épreuve de l'application concrète et du terrain. Les consultations et les négociations initiales, bien qu'indispensables pour caler le projet et obtenir l'accréditation, ne permettent pas d'anticiper toutes les difficultés.

Des ajustements ont été nécessaires au cours de l'année et le seront encore à moyen terme . Une approche modeste et empirique acceptant une part d'erreurs et de tâtonnements est la méthode qu'il convient d'adopter. La question des maquettes par exemple mérite d'être reposée chaque année en l'absence d'un modèle idéal perpétuellement valide. De ce point de vue, la création des ÉSPÉ donne l'opportunité d'acclimater en France une culture réformiste de l'amélioration par ajustements successifs , comme le remarquait Marie Mégard, inspectrice générale de l'éducation nationale, auditionnée le 7 janvier 2014.

Pour mener à l'avenir les ajustements souples et les réglages fins dont a besoin la réforme, il serait bon de s'appuyer sur les leçons tirées de l'expérience des IUFM . Lors de son audition du 7 janvier 2014, Antoine Prost, historien de l'éducation, a fortement défendu les IUFM qui auraient été victimes de campagnes de dénigrement médiatique, alors même que les rapports officiels pointaient une amélioration significative de la formation des enseignants. Pour tirer un profit maximal de cette étude historique, il conviendrait de distinguer finement les situations selon les académies car les IUFM présentaient des visages très divers, qui se retrouvent encore largement aujourd'hui dans les nouvelles ÉSPÉ et expliquent en partie les climats locaux plus ou moins harmonieux dans lesquels se déroule leur installation.

Comme l'a rappelé Antoine Prost, il existait en effet d'importantes différences de structures, notamment dans la gestion des anciennes écoles normales. Certains IUFM très centralisés les ont traitées comme de simples sites, d'autres IUFM ressemblaient à des structures peu intégrées de coordination des anciennes écoles normales qui gardaient leurs directeurs. D'autres différences d'ordre pédagogique étaient également discernables, par exemple en termes d'analyse des pratiques, exercice encore inconnu en 1990. Il s'agissait d'analyser en dehors du stage ce qui s'était fait pendant le stage. Certains IUFM avaient organisé des séquences distinctes, tandis que d'autres avaient fonctionné avec la même structure uniforme pendant toute l'année, si bien que tout reposait sur la qualité du tuteur de stage.

b) Le chantier de la coopération entre les ÉSPÉ et les UFR disciplinaires

Dans la formation d'un enseignant, la dimension professionnelle et didactique dépend essentiellement des professionnels de terrain, qui ont vocation à être associés intimement au cursus, pas seulement lors du suivi des stages mais aussi dans les ÉSPÉ. De ce point de vue, l'universitarisation ne peut être un référentiel absolu pour toutes les parties de la formation.

Cependant, il faut aussi admettre que les futurs enseignants doivent apprendre à faire évoluer leurs pratiques professionnelles, ne serait-ce que sous la pression du développement du numérique. Leur formation, y compris dans ces aspects pédagogiques et didactiques, ne peut se contenter de les amener à répéter de « bons » gestes ou de « bonnes » pratiques. Ce ne sont pas forcément les enseignants de terrain qui pourront leur transmettre cette capacité perpétuelle de remise en question de leurs savoirs et de leurs postures de professeur. La réflexivité est en revanche une pratique consubstantielle à une formation universitaire de haut niveau. Elle est stimulée par la confrontation avec les apports de la recherche, auxquels seules les universités peuvent donner accès.

Par conséquent, le succès de la réforme dépend de la qualité de la coopération entre les ÉSPÉ et les autres composantes universitaires afin de conjuguer les dimensions professionnelles et académiques et de développer simultanément les compétences pédagogiques, didactiques et disciplinaires. Ce point, qui est devenu en apparence un lieu commun, se heurte à la nature même du système d'enseignement supérieur français, qui privilégie historiquement les cloisonnements et les hiérarchies.

Sur le papier, dans les dossiers d'accréditation, la formation des enseignants bénéficie de la contribution des UFR et les enseignants-chercheurs de différentes équipes de recherche des universités intégratrice et partenaires participent aux masters MEEF. Toutefois, ils interviennent plutôt dans la préparation des épreuves disciplinaires des concours du second degré et demeurent généralement peu impliqués dans la formation des professeurs des écoles. De surcroît, lors de son audition le 14 janvier 2014, Patrick Rayou, professeur en sciences de l'éducation à l'université Paris VIII a fait part à la mission de ses inquiétudes « sur le caractère trop périphérique de la formation professionnelle pour le second degré. Les situations sont très variables selon les universités, mais on voit que le souci de la professionnalisation peut être facilement tiré du côté des savoirs à enseigner et minorer les savoirs pour enseigner. »

Même lorsqu'ils interviennent activement dans les masters MEEF, les enseignants-chercheurs ne trouvent pas les accroches nécessaires dans les maquettes pour irriguer leurs cours avec leurs propres recherches. Sans apport véritable des travaux de recherche et sans participation suffisante aux modules transversaux à vocation professionnalisante, la contribution des UFR se limite trop souvent à une préparation académique aux concours . L'année de M2 en préparation les verra probablement peu s'intéresser aux stages des étudiants. Un des enjeux de la réforme est de permettre aux enseignants-chercheurs des UFR de devenir authentiquement des formateurs d'enseignant.

Comme le président de l'université Toulouse III-Paul Sabatier l'a noté devant la mission, la querelle entre les partisans des disciplines et les pédagogues est théoriquement dépassée, mais elle ressurgit constamment, parce qu'elle se greffe à des questions d'identité pour chacun des acteurs . Très schématiquement, on trouve une identité constituée autour d'un champ académique et orientée vers la recherche, d'un côté, et gouvernée par la situation de classe et l'interaction avec des élèves, de l'autre. Dans les situations les plus conflictuelles, chacun s'inquiète parallèlement d'être exclu de la formation des futurs enseignants et de ne pas parvenir à transmettre des éléments fondamentaux de sa culture professionnelle. Il y a bien quelque chose du spectre à la Derrida dans cette rupture ancienne entre l'université et l'école, entre l'académique et le professionnel qui hante encore le projet d'ÉSPÉ.

Votre rapporteur a pu constater lors des déplacements de la mission en académie que cette collaboration essentielle entre UFR et ÉSPÉ au service d'une formation intégrée restait encore largement en chantier, malgré certaines réussites locales incontestables . Il faut parvenir à dépasser la situation latente de concurrence entre composantes qui freine la coopération.

Des régimes très différents d'interaction prévalent d'une académie à l'autre selon l'importance de l'IUFM par le passé, selon la force des universités . Même entre des académies assez comparables comme Versailles et Créteil ou Lyon et Toulouse, on retrouve des oppositions très significatives. D'un côté, la mastérisation a définitivement placé les universités dans une situation de force, de l'autre, des IUFM très actifs, bien dotés par le passé et porteurs d'une culture d'autonomie très forte tentent de se perpétuer dans les nouvelles ÉSPÉ. Une certaine inertie historique prolonge les tensions anciennes .

Nul ne sous-estime la transformation profonde, complexe et parfois douloureuse, qu'implique localement la réforme engagée par le gouvernement. Selon l'expression du directeur de l'école de Toulouse, la création des ÉSPÉ oblige à un « travail de deuil » ceux qui n'ont pas su développer des liens de confiance depuis l'intégration des IUFM à l'université en 2008 ou la mastérisation en 2010 : certaines universités doivent procéder à des arbitrages financiers et abandonner des formations ou leur ambition d'être seules aux commandes, certains anciens IUFM doivent aussi renoncer à leurs habitudes et à leur autonomie historique.

Dans certaines universités, les UFR travaillent déjà en bonne intelligence avec les ÉSPÉ au service du projet commun. L'antériorité de la collaboration et du dialogue entre l'IUFM et les universitaires est un facteur important de facilitation de la réforme . L'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand, qui présente un modèle harmonieux de coopération sans trace de défiance, en constitue un excellent exemple. En concertation avec le rectorat et l'université, les équipes avaient déjà très fortement fait évoluer le cadre des IUFM, en ouvrant un master en 2004, en avance sur le droit existant et appuyé sur un laboratoire de recherche fort.

Pour autant, aucune tradition de travail en commun ne prémunit contre toutes les tensions et ne dispense d'une concertation constante. Elle ne doit pas non plus contribuer à minorer la nouveauté du projet d'ÉSPÉ qui doit aller au-delà des anciens IUFM. Le risque existe là où peu de tensions se manifestent de simplement prolonger le partage existant de la responsabilité des formations, ne serait-ce que pour respecter les délais très courts de mise en place et assurer aux étudiants une préparation aux concours solide.

Votre rapporteur retient l'analyse de Sophie Genelot sur l'exemple concret de l'ÉSPÉ de l'académie de Dijon, située dans une académie monouniversitaire, où l'intégration de l'IUFM s'est bien déroulée :

« La répartition des contributions a été reconduite sur la base d'une collaboration ancienne et positive avec les UFR, qui assuraient par le passé la préparation aux concours du second degré, l'IUFM assurant entièrement les masters PE et CPE et contribuant de façon assez importante (300 h sur les deux années) à la formation didactique -disciplinaire- et professionnelle -transversale- des masters enseignants du second degré.

Les différents acteurs avaient dressé le bilan à la fin des trois années de mise en oeuvre de la première vague de mastérisation : plus que d'une collaboration et d'articulation réelle des différents contenus, il s'agissait davantage de contenus "accolés" et de partenaires qui "se côtoyaient" et intervenaient de façon "parallèle" dans la formation.

Les nouvelles maquettes de 2013 n'ont pas permis d'avancée majeure ou de saut qualitatif de ce point de vue, car les différentes contraintes de la réforme de 2013 (délai très court d'élaboration des maquettes, élaboration à la fois des cursus et création d'une nouvelle structure, réduction des horaires d'enseignement dans les masters en raison de l'instauration d'une alternance très lourde en M2) ont plutôt conduit les différents partenaires à aménager "à la marge" les maquettes 2010. De fait, la place de la recherche n'est pas à la hauteur de ce que l'on pourrait attendre d'un niveau master ; elle est sacrifiée notamment au bénéfice de la préparation au concours. » 22 ( * )

Outre les contrastes géographiques déjà évoqués, il convient de relever des contrastes disciplinaires , certains champs se révélant plus ou moins propices à l'intégration des dimensions professionnelles. Le directeur de l'ÉSPÉ de l'académie d'Aix-Marseille, au cours de son audition le 3 avril 2014, s'est réjoui d'officier au sein d'une grande université fusionnée pluridisciplinaire, car pouvait s'y croiser un large panel de points de vue sur la formation. Les professeurs de médecine pouvaient aider à faire partager à leurs collègues de lettres et sciences humaines l'intérêt d'une professionnalisation progressive au cours de la formation.

2. La construction souhaitable d'une culture d'école et l'enjeu du tronc commun de formation

Telle que l'a dessinée le législateur, l'ÉSPÉ nouvelle n'est pas simplement une construction juridique et administrative chargée de fédérer diverses formations. Elle doit devenir un lieu de dépassement des contradictions idéologiques entre les IUFM et les universités. Pour cela, il faut parvenir à les doter progressivement d'une identité propre et à bâtir un esprit d'école que chacun partage au-delà des métiers, des cultures et des pratiques administratives .

C'est la conviction de votre rapporteur, qui ne peut que se féliciter de la voir partagée par bon nombre d'acteurs. À Lyon, par exemple, tant le directeur de l'ÉSPÉ que le président du conseil de l'école ont pointé l'écueil d'une ÉSPÉ virtuelle qui ne serait pas véritablement porteuse d'un projet. Pour emprunter les mots de Patrick Rayou, il faut trouver les voies et les moyens de faire émerger « la culture commune nécessaire à des institutions qui forment des enseignants, dans lesquelles ceux-ci se rencontrent, travaillent ensemble, créent des savoirs professionnels en même temps qu'ils en reçoivent, et aussi créent des appartenances. » 23 ( * )

Le sentiment d'appartenance à l'ÉSPÉ doit être développé par une inscription à l'ÉSPÉ de tous ses étudiants, parallèlement à leur inscription à l'université. Très concrètement, cette solution permettrait aussi de disposer des coordonnées de tous les étudiants pour les informer directement sans passer par les universités.

Dans cette perspective de constitution d'une culture propre d'école avec un fort sentiment d'appartenance, on peut s'interroger sur certaines initiatives. L'université de Cergy-Pontoise, établissement intégrateur de l'ÉSPÉ de l'académie de Versailles, a constitué en son sein un institut d'éducation qui a pour mission prioritaire de contribuer à la mise en oeuvre des missions assignées à l'ÉSPÉ. Selon l'article 1 er de ses statuts, il offre des formations initiales en licence, master et doctorat, des formations en alternance, mais aussi des possibilités de formation continue, et il développe la recherche en éducation. L'institut d'éducation met en oeuvre des formations dans le cadre des quatre mentions MEEF de l'ÉSPÉ. Il participe à l'action culturelle, à la formation de formateurs et aux relations internationales de l'ÉSPÉ. Dans ce cadre, et sous la coordination de l'ÉSPÉ, il collabore avec les UFR de l'université de Cergy-Pontoise ainsi qu'avec les autres composantes des universités de l'académie. Doté d'un conseil et d'un directeur, l'institut d'éducation pourrait passer pour une réplique de l'ÉSPÉ de l'académie de Versailles.

Lors de leur audition commune, le 3 avril 2014, le recteur de l'académie de Versailles, la directrice de l'ÉSPÉ et les cinq présidents d'université concernés ont approuvé l'installation de cette composante. On peut comprendre l'intérêt d'une telle construction, qui permet de préserver la spécificité des apports de l'université de Cergy-Pontoise et de l'ex-IUFM. Cette initiative peut être de nature à apaiser les tensions dans un contexte très sensible de concurrence entre les universités. Elle renvoie également à une demande de préservation d'une culture institutionnelle. De ce point de vue, elle est légitime.

Toutefois, l'articulation entre l'institut et l'ÉSPÉ n'est pas nette et l'on pourrait craindre une perte de sens et de substance de l'ÉSPÉ. En d'autres termes, il faut prendre garde à ce que cette solution à des problèmes organisationnels ne prévienne pas l'émergence d'une culture commune au niveau de l'ÉSPÉ qui puisse être partagée par tous, et consolider la formation des futurs enseignants.

Quelles que soient les structures et les procédures administratives, l'émergence d'une culture d'école nécessitera surtout l'effacement de la dichotomie inscrite dans les parcours de formation des enseignants du premier et du second degré . Cet objectif n'est pas facile à réaliser dans la mesure où le clivage mis en cause est un héritage de la constitution des écoles normales face à l'université et reflète aussi différentes approches du métier, plus polyvalente et globale dans le premier degré, plus portée par l'exigence de la transmission disciplinaire dans le second.

De fait, la formation disciplinaire des professeurs des écoles est encore trop exclusivement assurée dans les ÉSPÉ par les enseignants du second degré des ex-IUFM qui, se sont formés au public du premier degré grâce à leurs collaborations avec les maîtres-formateurs. Parallèlement, il faut regretter l'insuffisance des recherches en didactique spécifiques au premier degré. La mission retient les pistes avancées par Marie Mégard 24 ( * ) pour atténuer la dichotomie :

- faire préciser à l'employeur Éducation nationale les besoins de complémentarité entre le primaire et le secondaire, notamment sur le cycle de transition CM2-6 e ;

- constituer des viviers de formateurs polyvalents capables de travailler auprès de futurs enseignants du premier comme du second degré.

Néanmoins, c'est par l'établissement de véritables troncs communs de formation au sien des maquettes que l'on parviendra à développer une culture professionnelle partagée entre le primaire et le secondaire. D'ores et déjà, de nombreuses ÉSPÉ ont non seulement pris conscience de l'enjeu mais aussi mis en place des modules intéressants et innovants.

L'enquête réalisée entre décembre 2013 et janvier 2014 par le bureau de liaison du réseau des ÉSPÉ révèle ainsi que :

- deux tiers des écoles ont mis en place un tronc commun ;

- dans 44 % des cas, le tronc commun permet un mélange des étudiants des mentions 1, 2 et 3 du master MEEF 25 ( * ) ;

- 17 % en moyenne du temps de formation est consacré au tronc commun, avec une prédominance de travaux dirigés.

Dans l'académie de Lyon , la mission a pu constater que les équipes avaient relevé le défi de la création de cadres communs pour tous les parcours MEEF du premier et du second degré. Un bloc de formation a été mis en place sur les différents sites avec le même contenu. En M1, il rassemble les compétences de base en psychologie de l'enfant, en sociologie, en philosophie de l'éducation, ainsi que le module pour agir en fonctionnaire de l'État responsable. Il représente quatre fois 12 heures sur un volume de 600 heures. C'est certes moins de 10 % mais cela constitue un premier pas. D'après le directeur de l'ÉSPÉ de l'académie de Lyon, il est difficile de faire plus dans l'immédiat en raison d'un manque de psychologues et de philosophes compétents et disponibles. Les enseignements sont liés aux situations de classe et prennent en compte la perspective du concours. En M2 l'année prochaine, pour les admis au concours, il est prévu de travailler sur l'égalité entre les hommes et les femmes, sur la morale laïque, sur la violence scolaire et sur l'éducation à la santé. Un approfondissement en psychologie de l'enfant et de l'adolescent sera également possible. Les étudiants devront choisir quatre thématiques pour un volant de 48 heures.

Dans l'académie de Dijon , depuis 2010, les masters avaient déjà été construits au niveau de l'université de Bourgogne en incorporant un tronc commun à tous les masters préparant aux métiers d'enseignant du premier et du second degré comme de CPE. Ce tronc commun constituait la dimension proprement professionnelle de la formation et comprenait la didactique des disciplines enseignées, les sciences humaines et sociales appliquées à l'éducation et les stages.

L'ÉSPÉ de l'académie d' Aix-Marseille a choisi de proposer un tronc commun à géométrie variable. Selon son directeur 26 ( * ) , la maquette a été construite « à l'envers », à partir de mises en situation sur le terrain en abordant une problématique commune sous différents angles. Ainsi, la gestion du handicap n'est pas appréhendée au cours d'une conférence mais en évoquant concrètement les différentes manières dont la question de l'accueil d'un élève handicapé peut se poser pour un professeur de dessin, de lettres, etc. En M2, le tronc commun pourra s'appuyer sur l'accueil dans les établissements scolaires et les échanges entre les futurs enseignants sur leur expérience de stage. À nouveau, il s'agira de partir de situations concrètes et de croiser les points de vue entre professionnels de l'éducation en formation.

D'après les données recueillies auprès de la directrice de l'ÉSPÉ de l'académie de Créteil , trente modules prennent en compte des compétences transversales de façon à stabiliser un socle de culture commune. Il s'agit d'un authentique élargissement par rapport à l'offre de l'ancien IUFM. La psychologie de l'enfant et les sciences cognitives sont mobilisées. Des modules de sensibilisation aux enjeux de mixité et de laïcité sont prévus. La prévention du décrochage scolaire, qui constitue une des traits distinctifs de l'académie par l'ampleur du phénomène, est traitée grâce à l'appui des enseignants-chercheurs du centre ESCOL de l'université Paris VIII. L'approche du phénomène de la violence scolaire repose sur la collaboration avec l'Observatoire universitaire international de l'éducation et de la prévention, créé au sein de l'université Paris-Est Créteil en septembre 2011.

Enfin, en s'appuyant sur la réflexion menée dans l'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand , votre rapporteur recommande de ne pas construire un tronc commun rassemblant les principes pédagogiques en opposition à un tronc disciplinaire . Malgré les difficultés opérationnelles, il faut travailler sur le transfert et l'intégration entre ce qui est enseigné dans le tronc commun et ce qui est enseigné dans le disciplinaire et le didactique. La construction de la culture commune pourrait utilement progresser dans l'année de stage, en construisant un lien entre les deux tuteurs scolaire et universitaire de l'étudiant. Faire en sorte que les tuteurs universitaires puissent aller dans les établissements serait un pas en avant important .

3. Des équipes pluricatégorielles de formateurs à conforter

La refondation de l'école a mis l'accent sur la mise en place d'équipes pluricatégorielles d'intervenants et de formateurs au sein des ÉSPÉ afin de dépasser le modèle des IUFM pour assurer le mélange cohérent et progressif de perfectionnement disciplinaire et de développement des compétences professionnelles. C'est également un enjeu essentiel pour diffuser une culture professionnelle commune entre tous les acteurs et préparer les futurs enseignants aux mutations du système éducatif, qu'il s'agisse de la pénétration croissante du numérique ou de la participation grandissante des collectivités territoriales. Comme l'ont rappelé Claude Fabre et François Louveaux, « ce chantier est à relier aussi avec la volonté, largement exprimée lors de la concertation, d'offrir aux enseignants des possibilités de mobilité professionnelle, d'évolution de carrière. Par ailleurs, ces formateurs seront, dans leurs écoles et établissements des ressources, des relais pour la rénovation pédagogique de grande ampleur, partagée par tous, que la situation exige. » 27 ( * )

Les ÉSPÉ doivent relever le défi de la présence effective des personnels des écoles, des établissements, des services rectoraux, y compris des chefs d'établissements et des inspecteurs, mais aussi des représentants associatifs et de l'éducation populaire. Dans un rapport de janvier 2013 28 ( * ) , les inspections générales regrettaient la participation insuffisante des professionnels de terrain aux enseignements délivrés en IUFM, en particulier pour le second degré, en constatant un lien de plus en plus distendu entre les professeurs agrégés et certifiés et le fonctionnement des classes. De l'aveu de nombreux acteurs rencontrés au cours de la mission, les équipes de formateurs ne sont pas encore vraiment plurielles et des adaptations doivent être réalisées pour assurer la mixité, voire la fusion entre l'éducation nationale et l'enseignement supérieur . Il est important à cette fin que le vivier de formateurs bénéficie d'une véritable animation, afin qu'il fasse corps au sein de l'ÉSPÉ.

Le vivier de formateurs à la disposition des ÉSPÉ peut être divisé en deux catégories : les formateurs de statuts divers (enseignants-chercheurs, professeurs des écoles, certifiés...) qui sont l'héritage des IUFM et un certain nombre de formateurs en service partagé entre l'université et un établissement scolaire . Même si la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l'école de la République a prévu la reprise des moyens humains des anciens IUFM afin de garantir la continuité du service public et de protéger les personnels, la mise en oeuvre du projet novateur des ÉSPÉ nécessite des mouvements importants d'adaptation des ressources humaines .

Certaines ÉSPÉ ont déjà tracé des pistes. L'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand a modifié 27 % de ses ressources humaines et vise un équilibre de trois tiers : un tiers d'enseignants-chercheurs, un tiers d'enseignants des premier et second degrés à plein temps à l'ÉSPÉ, un tiers de professionnels de terrain en service partagé.

Plus généralement, ainsi que le note la CPU, « les deux viviers de formateurs sont appelés à se renouveler et à évoluer dans deux directions : d'une part, les ÉSPÉ devront étoffer leurs ressources en enseignants chercheurs pour faire face aux défis d'une formation de niveau master ; d'autre part, elles devront accueillir en plus grand nombre des formateurs conservant un exercice professionnel (une ou plusieurs classes) du type de celui auquel nous formons les étudiants. » 29 ( * )

Dans la première direction, le mouvement de recrutement d'enseignants-chercheurs pour rééquilibrer l'effectif est déjà en marche dans certaines ÉSPÉ, comme celle de l'académie de Créteil. La balance ne doit pas cependant trop pencher du côté de l'enseignement supérieur et la contribution de l'éducation nationale doit parallèlement être maintenue. À cet égard, on peut signaler l'effort du rectorat de Toulouse qui a accordé à l'ÉSPÉ 20 postes : 15 équivalents temps plein (ETP) pour le second degré et 5 ETP pour le premier degré. Ces données sont à comparer avec l'enquête du bureau de liaison du réseau des ÉSPÉ qui constate une mise à disposition par les rectorats en moyenne de 4 ETP sur le premier degré et de 3 ETP sur le second degré. L'affectation à temps complet de personnels de l'éducation nationale dans l'ÉSPÉ pourrait être complétée par une astreinte à un retour périodique à temps complet sur le terrain pour prendre régulièrement le pouls de l'évolution des élèves et de la vie des établissements.

Dans la seconde direction, il faut réfléchir aux modalités de repérage et de mise à disposition des formateurs professionnels venus du terrain. L'erreur à ne pas commettre réside dans le recrutement de « formateurs de terrain » hors-sol, qui n'auraient plus que des liens nominaux avec les écoles et les établissements. On peut irriguer les formations de l'ÉSPÉ et leur apporter son expérience sans faire partie de son personnel permanent. C'est pourquoi il est utile de recourir à des professeurs en poste devant leurs classes qui exercent une part de leur service dans les ÉSPÉ pour un temps donné.

Cette solution déjà pratiquée dans les IUFM, notamment grâce aux professeurs des écoles - maîtres formateurs (PEMF) ou à des dispositifs d'affectation partielle à l'année d'enseignants du second degré, doit être poursuivie et enrichie. Il n'en demeure pas moins que les rectorats rencontrent les plus grandes difficultés à assurer une participation significative des professionnels aux équipes pluricatégorielles intervenant au sein des ÉSPÉ. L'enquête nationale déjà citée conduite par le bureau de liaison du réseau des ÉSPÉ fait apparaître, en M1, une proportion de professionnels (PEMF, formateurs de terrain pour le second degré, IEN, IA-IPR et autres professionnels) encore bien insuffisante, de 20 % pour la mention premier degré à 23 % pour la mention second degré, en-deçà du seuil de 30 % envisagé en rythme de croisière de la réforme. 30 ( * )

Le ministère de l'éducation a engagé une réflexion sur la constitution d'un vivier renouvelé de « professeurs formateurs académiques » (PFA) pour le second degré , disposant d'un statut et de missions propres calqués sur celui de PEMF. Les corps d'inspection ont ainsi été chargés d'identifier des enseignants susceptibles d'intervenir en tant que PFA au sein des ÉSPÉ en étant déchargés de trois à six heures de service en établissement. Par exemple, le rectorat de Créteil met à disposition dix emplois sur des réseaux de tuteurs : l'ÉSPÉ bénéficiera d'environ trente personnes dès la rentrée prochaine qui disposeront du statut PFA. Sont concernées des enseignants du second degré qui travaillent déjà dans l'accompagnement de stagiaires depuis plusieurs années. Le détachement de PFA auprès des ÉSPÉ dépendra de la capacité du rectorat à assurer leurs remplacements dans leurs établissements scolaires.

Les établissements scolaires sont appelés à être constamment associés à la définition des maquettes de formation proposées par l'ÉSPÉ de sorte que leurs innovations et leurs retours d'expérience alimentent les contenus didactiques et les méthodes enseignés aux futurs enseignants. Lors de son audition par la mission d'information 31 ( * ) , Catherine Gay-Boisson, proviseure du lycée Emmanuel Mounier à Angers, a ainsi insisté sur le fait que « les établissements ne doivent pas être simplement [...] des fournisseurs potentiels de lieu de stage » et que la formation devait être centrée « dès le départ sur la réalité des situations dans les établissements ». Elle a appelé à « croiser la formation » des tuteurs universitaires et des tuteurs en établissement.

L'intervention accrue des professionnels de terrain dans les cursus de formation aura d'autant plus d'effet que ceux-ci auront été formés . La question de la formation des formateurs devra être prise à bras le corps par les universités et par l'éducation nationale pour garantir la pérennité et la qualité de la formation professionnelle dispensée dans les ÉSPÉ.

De la même manière qu'enseigner est un métier qui s'apprend, former est également un métier qui s'apprend . Pour l'instant, les intervenants issus de l'éducation nationale sont généralement recrutés sur la base de leur seule expertise d'enseignement. On peut partager le scepticisme de Sophie Genelot lorsqu'elle estime qu'« il ne suffit pas d'être un bon professeur repéré par les corps d'inspection pour être un bon formateur. » Aussi importante soit l'expertise d'enseignement, « elle ne peut suffire à intervenir auprès d'étudiants des masters Enseignement, si ce n'est seulement sous la forme d'une transmission de "bonnes pratiques" -ou plus exactement de pratiques conformes aux exigences institutionnelles du ministère- à laquelle pourrait se réduire leur intervention, qui s'apparenterait à un compagnonnage insuffisamment distancié. » 32 ( * )

Il semble nécessaire de faire accéder au niveau du master davantage de formateurs , une possibilité complémentaire étant, comme à Clermont-Ferrand, de réfléchir à la création d'un diplôme universitaire visant les formateurs de terrain .

Par ailleurs, la participation des mouvements d'éducation populaire aux formations dispensées dans les ÉSPÉ , dont le législateur avait clairement exprimé le souhait lors des débats sur la refondation de l'école, ne progresse que lentement . Certains dossiers d'accréditation comprennent des déclarations d'intention ambitieuses, mais d'après la Ligue de l'enseignement, « les associations ont plutôt le sentiment qu'il s'agit d'une place à prendre, plutôt qu'une place qui leur est faite 33 ( * )

4. Des initiatives pertinentes d'adossement à la recherche

Le critère le plus net de l'universitarisation demeure la diffusion des acquis de la recherche dans la formation des enseignants. La place de la recherche au sein des ÉSPÉ est garantie par la loi et doit être au moins équivalente à celle qu'elle occupe dans tous les autres masters professionnels, mais il est trop tôt pour mesurer si les ÉSPÉ constitueront un progrès significatif sur les IUFM à cet égard.

Il convient de définir le type de recherches qui peuvent être utilement intégrées aux parcours MEEF. À l'évidence, il s'agit de mettre le futur enseignant dans une posture d'analyse critique et de lui permettre de devenir un praticien réflexif autonome capable de s'adapter aux publics particuliers d'élèves qui lui seront confiés au cours de sa carrière. En résumé, la recherche axée sur les pratiques et les activités dans la classe est la plus utile.

Toutes les conditions ne semblent pas réunies pour la diffusion de la recherche en sciences de l'éducation dans les masters MEEF. En particulier en M 1, la préparation des concours formate considérablement la formation. Les étudiants eux-mêmes sont les premiers à s'inquiéter de tout module ou cours qui ne serait pas directement utile pour passer les épreuves du concours. C'est ce qui a expliqué notamment le mouvement de protestation des étudiants de l'ÉSPÉ de l'académie d'Aix-Marseille au mois de décembre. Il existe une tension irrésolue entre la logique de concours et la logique de recherche qui sont par nature hétérogènes. Pour reprendre les termes de Patrick Rayou, « l'une vise des certitudes, l'autre implique la traversée d'incertitudes. » 34 ( * )

La qualité et l'approfondissement de l'adossement à la recherche de la formation des enseignants sont très variables selon les dossiers d'accréditation . Chaque ÉSPÉ a son projet propre d'articulation entre la recherche et la formation, les ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur n'ayant pas imposé d'approche unique pour tenir compte de la diversité des sites.

Sans la prétention d'établir un panorama exhaustif, la mission s'est vue présenter un échantillon varié d'initiatives. Certains sites comme Clermont-Ferrand ont proposé la mise en place d'un réseau lorsque d'autres s'en remettent à un appel à projets avec un budget alloué collectivement par les établissements partenaires, à l'instar de Besançon.

Le dossier d'accréditation de l'ÉSPÉ de l'académie de Dijon propose la création d'un conseil scientifique en marge du COSP, qui serait composé de représentants des équipes de recherche en éducation et qui serait chargé de définir les axes prioritaires de la recherche en éducation au sein de l'ÉSPÉ. Une ligne budgétaire spécifique dans le budget de l'ÉSPÉ est prévue pour des appels à projets de recherche. L'université de Bourgogne prévoit également l' intégration à l'ÉSPÉ de l'Institut de recherche sur l'éducation (IREDU) , une structure pionnière et de pointe en sociologie et en économie de l'éducation, à compter de septembre 2014. L'expérience passée de collaboration entre l'ex-IUFM et l'université de Bourgogne pour développer la recherche en didactique des disciplines scolaires a montré combien la réceptivité des laboratoires variait d'une discipline à l'autre, les langues étant nettement plus ouvertes que les mathématiques.

Parmi les propositions les plus intéressantes, il faut aussi mentionner la création d'une structure fédérative de recherche (SFR) à Toulouse qui regroupe des unités de recherche des universités partenaires, de l'Inserm, de l'ENFA. Elle travaillera également en association avec le groupement d'intérêt scientifique Serious Games 35 ( * ) , avec le Collectif des associations partenaires de l'école (CAPÉ) de Midi-Pyrénées et avec le Centre Ressources Autisme. Cette structure serait financée par l'ÉSPÉ, une contribution des partenaires et un apport du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

L'enjeu scientifique de la SFR est de mettre en relation des recherches qui d'ordinaire communiquent peu entre elles autour de trois axes : le travail enseignant, les didactiques et l'ingénierie de formation ; la différenciation des parcours et des apprentissages ; les environnements informatiques pour l'apprentissage humain . De cette nouvelle articulation, on peut espérer qu'émergeront de nouvelles connaissances et de nouveaux outils pertinents pour la formation des enseignants. L'articulation avec l'ÉSPÉ serait assurée de plusieurs manières :

- des commandes de recherches et de veille émanant du COSP ;

- une consultation de la SFR, dotée d'un conseil et d'un directoire, pour les recrutements d'enseignants-chercheurs de l'ÉSPÉ ;

- un lien permanent avec une cellule dédiée à l'innovation , créée au sein de l'ÉSPÉ.

Enfin, pour illustrer d'autres modalités de diffusion de la recherche au service de la transformation des pratiques, on peut citer le Centre de valorisation des innovations pédagogiques (CVIP) , qui est en cours d'installation au sein de l' ÉSPÉ de l'académie de Créteil . Il a pour objet la coordination et le développement des projets d'innovations pédagogiques à destination des publics de l'ÉSPÉ. Il s'appuie pour cela sur les centres d'innovation pédagogique et les services d'ingénierie pédagogique des universités intégratrice et partenaires. Cette structure de diffusion de l'innovation, notamment en matière d'utilisation du numérique, doit servir d'appui à la transformation concrète des pratiques. En cheville avec le délégué académique au numérique, elle devrait permettre de faire de certains établissements des lieux de formation reliés directement à l'ÉSPÉ, dans lesquels les changements de pratique demandés par l'avancée des technologies seront expérimentés et analysés.

L'adossement des masters MEEF aux laboratoires de recherche des universités est nécessaire, à la fois pour préparer au mieux les étudiants à élaborés des mémoires solides et pertinents et pour faire évoluer les pratiques professionnelles du corps enseignant à long terme. Mais, il faut immédiatement ajouter un bémol : les troncs communs des deux années de master, par ailleurs surchargées d'un nombre important d'exercices différents, ne peuvent pas suffire pour transmettre et faire assimiler aux étudiants les derniers résultats de la recherche, même réduits à leur application au champ éducatif. Pour tirer profit des travaux en neurosciences, en linguistique, en prévention de la violence, il leur faudrait des bases en psychologie cognitive, en sociologie, en philosophie, qui ne sont justement acquises qu'au niveau du master. C'est dès la licence que ces bases devraient pouvoir être acquises par les étudiants qui se destinent aux métiers du professorat de telle sorte que les masters MEEF puissent construire sur ces acquis et faire de la recherche un catalyseur plutôt qu'un supplément d'âme.


* 22 Audition du 7 janvier 2014.

* 23 Audition du 14 janvier 2014.

* 24 Audition du 7 janvier 2014.

* 25 Mention 1 : premier degré ; mention 2 : second degré ; mention 3 : encadrement éducatif.

* 26 Audition du 3 avril 2014.

* 27 Audition du 14 janvier 2014.

* 28 Évolution et état des lieux des moyens mis en oeuvre pour la formation des enseignants , rapport IGEN-IGAENR n° 2013-005, janvier 2013.

* 29 Audition du 28 janvier 2014.

* 30 Cette proportion atteint, néanmoins, 33 % pour la mention encadrement éducatif.

* 31 Audition du 28 janvier 2014.

* 32 Audition du 7 janvier 2014.

* 33 Audition du 4 février 2014.

* 34 Audition du 14 janvier 2014.

* 35 Ce GIS vise à créer un environnement de collaboration durable sur le moyen terme entre des acteurs de la recherche, de l'innovation et du transfert de technologie travaillant sur le sujet des jeux sérieux. Il constitué d'enseignants chercheurs et ingénieurs répartis dans différents établissements de la communauté Université de Toulouse.

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