C. GUIDER L'ADMINISTRÉ

La mission a estimé que le régime juridique du droit d'accès aux documents administratifs, révisé, ajusté et complété à plusieurs reprises, restait pertinent au fond , même si la lecture de la loi n'est pas toujours aisée, y compris pour les administrations elles-mêmes, en raison d'une complexité terminologique inhabituelle qui mêle informations, documents et données mais en articule les définitions en distinguant entre contenus et supports 314 ( * ) .

L'articulation entre le régime général de communication de 1978 et les régimes autonomes d'accès à certains documents, pour des usages limités, par un nombre souvent restreint de personnes (contribuables ou électeurs locaux, élus locaux ...), a été largement clarifiée par la commission d'accès aux documents administratifs et la jurisprudence 315 ( * ) .

Reste donc à faciliter l'exercice concret par les citoyens de leur droit à communication.

La mission préconise à cet égard un ensemble de mesures pratiques de nature à faciliter l'identification des documents pertinents et de l'administration compétente (1) et à améliorer l'accès aux services détenteurs des documents (2).

Il lui a par ailleurs semblé qu'il serait souhaitable d'examiner l'opportunité d'ouvrir un accès anticipé à certaines informations protégées (3).

1. Faciliter l'identification des documents pertinents et de l'administration compétente

Le citoyen recherche habituellement des informations plutôt que des documents administratifs et ignore dans nombre de cas quel en est le support formel et à quel service s'adresser. Or la loi ne lui donne pas le droit d'obtenir de l'administration qu'elle élabore un document répondant à ses besoins et lui fait obligation de désigner un document préexistant 316 ( * ) , ou à tout le moins de fournir suffisamment d'éléments pour que l'administration puisse identifier un document répondant à ses préoccupations

a) Assouplir l'obligation de désigner un document en cas d'urgence vitale

Pour faciliter la tâche du citoyen, il pourrait être envisagé d'assouplir l'exigence de désignation d'un document, sur le modèle de l'accès aux informations environnementales dans le cadre des dispositions du code de l'environnement prises pour l'application de la directive de 1983 317 ( * ) .

Cette approche, a priori séduisante, n'apparaît toutefois pas efficace d'un point de vue opérationnel. Le nombre des documents et données détenus par l'administration est en effet considérable et l'on voit mal que les services administratifs qui raisonnent en fonction des missions qui leur sont confiées et des documents qu'elles les conduisent à établir ou à recevoir, soient en mesure d'identifier rapidement un document pertinent si la demande n'est pas suffisamment précise.

Dans certaines hypothèses d'urgence vitale toutefois, notamment en matière de santé, l'assouplissement de l'exigence de désignation d'un document pourrait être envisagé, d'autant que, sauf à ignorer les faits en cause, l'administration se sera très probablement d'ores et déjà préoccupée de réunir les éléments d'information utiles qu'elle pourra donc communiquer sans tarder, sous réserve des exceptions prévues par la loi.

Recommandation principale n° 3

Prévoir que la demande de communication peut porter sur des informations, sans que le demandeur en ait à identifier le support, dès lors que l'accès à celles-ci présente un caractère d'urgence vitale, notamment en matière de santé.

b) Compléter l'information fournie par les répertoires des documents

Les administrations et organismes concernés par le droit d'accès aux documents administratifs sont en principe tenus de mettre à disposition des « répertoires des principaux documents dans lesquels figurent des informations publiques » 318 ( * ) .

Ces registres, lorsqu'ils existent, sont souvent publiés sur le site internet de l'organisme, ce qui en facilite la consultation ; ils ne sont toutefois pas toujours très aisés à localiser sur des portails riches en informations très diverses et l'expérience montre que le moteur de recherche associé ne permet pas toujours de les trouver.

Par ailleurs, même lorsqu'ils sont publiés, ces fichiers, souvent dénommés répertoires des informations publiques, sont peu précis : ils ne listent pas des types d'informations mais se contentent de reprendre l'intitulé parfois très sibyllin des documents qu'il recense et ne comporte aucun descriptif des informations que ceux-ci contiennent.

Les documents mentionnés ne comportent souvent pas d'indication de date ; ils apparaissent dans un ordre de classement aléatoire, parfois sous des rubriques thématiques.

Enfin, ces répertoires se contentent avant tout d'énumérer des documents publiés par ailleurs sur le site et auxquels un lien permet éventuellement d'accéder, comme les circulaires ou autres interprétations du droit positif, quelques rapports, des statistiques, mais, sauf exception (par exemple l'accès au dossier médical), ne font pas mention des documents non publiés.

Il apparaît donc nécessaire de rappeler aux administrations et organismes concernés leur obligation d'établir des répertoires des informations publiques et d' en élargir la portée .

Devraient notamment être systématiquement indiqués la nature des informations figurant dans les documents, la date et la périodicité de mise à jour, les principaux types de documents non publiés et les informations qu'ils contiennent. L' indexation de ces répertoires faciliterait les recherches.

L' ouverture et la mise en ligne de l'ensemble des répertoires sur la plateforme data.gouv.fr permettrait en outre des recherches transversales et l'identification du service compétent.

Recommandation principale n° 4

Prévoir la publication systématique des répertoires d'informations publiques sur les sites internet des administrations et organismes soumis à l'obligation de communication.

Préciser pour chaque type de documents sa date, la périodicité éventuelle de la mise à jour et le type d'informations contenues.

Y lister l'ensemble des documents publiés, assortis d'un lien pour y accéder, ainsi que les types de documents détenus par l'administration mais non publiés.

2. Faciliter l'accès aux services détenteurs des documents administratifs

L'administré n'a pas une connaissance précise du droit d'accès ni de l'organisation des services et ignore souvent comment saisir l'administration et à quel service s'adresser.

La désignation des personnes responsables de l'accès aux documents administratifs, prévue par la loi depuis 2005, a constitué à cet égard un progrès qu'il faut conforter 319 ( * ) en simplifiant matériellement la saisine de l'administration afin que le droit d'accès ne reste pas purement formel.

Le développement des portails publics offre à cet égard un support qu'il convient d'exploiter au mieux comme le font d'ores et déjà de grandes administrations et certaines collectivités locales. C'est ainsi que certains sites internet réservent à l'accès aux documents administratifs un espace immédiatement identifiable sur leur page d'accueil . Un rappel des principes d'accès y est proposé ainsi qu'une adresse de saisine électronique permettant la délivrance automatique d'un récépissé.

Cette pratique devrait être généralisée, la présentation du droit d'accès pouvant également être opérée par renvoi au site de la Cada grâce à un lien installé sur le portail.

Afin que les citoyens repèrent immédiatement le point d'entrée sur la page d'accueil du site , celui-ci pourrait être formalisé par une icône normalisée, systématiquement reprise sur l'ensemble des sites publics.

Enfin, il est important de ne pas laisser de côté ceux qui ne maîtrisent pas l'outil internet ou n'y ont pas accès, en leur indiquant un interlocuteur (en principe la personne responsable de l'accès aux documents administratif prévue par la loi) qu'ils peuvent saisir par courrier.

Recommandation principale n° 5

Mettre en place sur la page d'accueil de chaque portail administratif un point d'entrée électronique normalisé pour les demandes de communication, assorti d'un dispositif d'envoi d'avis de réception automatique valant preuve de la saisine.

Présenter sur les sites des administrations les principes et modalités d'exercice du droit d'accès aux documents administratifs ou installer un lien renvoyant aux pages de présentation du droit d'accès sur le site de la Cada.

Indiquer à ceux qui ne savent pas s'orienter dans l' e -administration ou qui n'y ont pas accès un interlocuteur qu'ils peuvent saisir par courrier et par téléphone.

3. Examiner l'opportunité d'ouvrir un accès anticipé à certaines informations protégées

« Avant même d'être un enjeu culturel, les archives ont une vocation régalienne et citoyenne » 320 ( * ) .

Si le secret est parfois légitime, il ne doit toutefois par faire obstacle à la transparence démocratique nécessaire . Or certains documents non communicables immédiatement et versés aux archives publiques à l'issue de leur durée d'utilité administrative restent inaccessibles pendant parfois plusieurs décennies, voire plus d'un siècle, en raison des secrets prévus par la loi, notamment le secret de la vie privée et la protection des intérêts de l'Etat.

La loi de 2008 sur les archives a abaissé le délai courant de communicabilité de 30 à 25 ans. Restent toutefois un certain nombre de délais plus longs, dont le bienfondé n'est généralement pas contestable dans son principe 321 ( * ) , mais qui pourraient, au cas par cas, pour certains fonds, faire l'objet d'un réexamen afin de mesurer la gravité effective des atteintes susceptibles d'être portées aux secrets ou intérêts en cause au regard de l'intérêt général qui s'attacherait à leur ouverture afin, notamment, d'éclairer l'histoire nationale .

L'article L. 213-3, II, du code du patrimoine prévoit la possibilité d'une ouverture anticipée, partielle ou totale, de fonds par l'administration des archives, après accord de l'autorité dont émanent les documents, et la loi de 2008 sur les archives publiques a élargi cette faculté à l'ensemble des archives publiques.

Les Archives nationales, diplomatiques et de la défense nationale ont fait un usage très modéré de cette faculté d'ouverture anticipée 322 ( * ) alors que l'opportunité de décider des dérogations générales spécifiques mériterait d'être examinée plus largement lorsque la demande sociale est forte .

Pour les archives classifiées " secret défense ", communicables à l'issue d'un délai de 50 ans, porté en certaines circonstances à 75 ou 100 ans 323 ( * ) , l'opportunité de leur déclassification anticipée pourrait également être examinée plus largement . La sensibilité d'une information ou d'un support classifié pouvant évoluer en fonction du temps ou des circonstances, il revient à l'autorité productrice d'apprécier la durée utile de classification et éventuellement de revoir la date d'échéance initialement fixée lorsque les circonstances ou changé 324 ( * ) .

Recommandation

Examiner l'opportunité d'une ouverture anticipée de certains fonds d'archives, en fonction des demandes de la société civile, après appréciation de la gravité des atteintes susceptibles d'être portées aux secrets ou intérêts en cause au regard de l'intérêt général qui s'attacherait à leur ouverture pour éclairer l'histoire nationale.


* 314 À cet égard, la codification prévue par la récente loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens, pourrait offrir un cadre utile en la matière.

* 315 Voir première partie, I § A. La Cada présente clairement les différents régimes et leur portée sur son site, à l'intention des demandeurs.

* 316 On rappellera à cet égard que la jurisprudence considère cependant qu'une extraction spécifique d'une base de données n'est pas assimilable à l'élaboration d'un nouveau document, dans la mesure où sa réalisation ne conduit pas à des efforts démesurés de l'administration. Voir supra chapitre liminaire, § A.

* 317 Voir chapitre liminaire, § A.

* 318 Art. 17, alinéa 1 er , de la loi n°78-753 - voir chapitre liminaire, § A.

* 319 Voir en ce sens la recommandation principale n°2.

* 320 M. Hervé Lemoine, directeur du service interministériel des archives de France (Siaf), lors de son audition par la mission le 20 mars 2014 dont le compte rendu est reproduit dans le tome II.

* 321 Le prochaine loi sur le patrimoine pourrait toutefois être l'occasion de quelques ajustements utiles.

* 322 Exemples mentionnés dans la première partie, I, §B, 2, c.

* 323 Voir chapitre liminaire, § A, 2, d.

* 324 Réévaluation prévue par l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale annexée à l'arrêté du 30 novembre 2011

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