Rapport d'information n° 634 (2013-2014) de M. Michel BERSON , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 juin 2014

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N° 634

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le financement public de la sûreté nucléaire , de la radioprotection et de la transparence nucléaire

Par M. Michel BERSON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Jacques Chiron, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Le principe de responsabilité première de l'exploitant , qui prévaut en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, suppose un encadrement et un contrôle des autorités publiques afin d'en assurer l'effectivité. Alors que la législation et la réglementation générales reviennent au Gouvernement, le contrôle est assuré par l' Autorité de sûreté nucléaire (ASN), une autorité administrative indépendante créée en 2006, avec l'appui technique de l' Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Ces deux entités forment le « dispositif dual » de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Conséquence des multiples évolutions de ce dispositif au cours des dernières décennies, le financement de ce dernier s'avère particulièrement complexe . Tout d'abord, une large part des ressources de l'IRSN ont vocation à financer la mission d'appui technique assurée par l'Institut auprès de l'ASN et peuvent être inscrites, de facto , dans le budget de cette dernière. Ensuite, les crédits budgétaires accordés à l'ASN et à l'IRSN relèvent de cinq programmes rattachés à quatre missions distinctes . Par ailleurs, l'IRSN est l'affectataire d'une contribution acquittée par les exploitants d'installations nucléaires de base (INB).

Au total, les financements publics attribués à l'ASN et à l'IRSN en 2013 s'élevaient à 302,1 millions d'euros , dont 249,1 millions d'euros de crédits budgétaires et 53 millions d'euros provenant de la contribution affectée à l'IRSN.

Le financement de la transparence nucléaire , qui repose sur le Haut Conseil pour la transparence et l'information pour la sécurité nucléaire (HCTISN) ainsi que sur les commissions locales d'information (CLI), réunies au sein de l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI), paraît souffrir d'une complexité équivalente.

Aussi, un effort de rationalisation et de pérennisation du financement de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence s'impose . Celui-ci semble d'autant plus nécessaire que le dispositif de sûreté nucléaire sera confronté à des défis sans précédent au cours des années à venir , qui mobiliseront pleinement ses ressources humaines et financières : le contrôle du vieillissement des réacteurs électronucléaires, des travaux consécutifs au retour d'expérience de l'accident de Fukushima, du démantèlement de réacteurs électronucléaires, ou encore l'instruction des dossiers de nouvelles installations - y compris celui du centre industriel de stockage géologique (CIGÉO).

Au lendemain de l'accident de Fukushima, l'enjeu n'est pas seulement financier, mais également démocratique , eu égard à la demande sociale croissante en matière de sûreté et de transparence nucléaires.

Ainsi votre rapporteur spécial a-t-il formulé différentes recommandations tendant à renforcer et pérenniser le financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ainsi que de la transparence , sur la base de trois principes : l'indépendance du contrôle, la rationalisation du financement et la transparence démocratique.

* *

*

Recommandation n° 1 : Faire figurer, dans la documentation budgétaire transmise au Parlement, le budget de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en coûts complets.

Recommandation n° 2 : Assurer un financement pérenne de la sûreté nucléaire par la création d'une contribution de sûreté et de transparence nucléaires (CSTN) perçue par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et acquittée par les exploitants d'installations nucléaires, dont le produit est plafonné et l'excédent reversé au budget général de l'État.

Recommandation n° 3 : Doter l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de la personnalité morale.

Recommandation n° 4 : Réformer le régime juridique de la contribution additionnelle due par les exploitants des installations nucléaires de base et perçue par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Recommandation n° 5 : Créer une annexe au projet de loi de finances de l'année - un « jaune budgétaire » - retraçant l'ensemble des financements publics qu'il est prévu de consacrer à la sûreté nucléaire, à la radioprotection et à la transparence nucléaire, afin d'en faciliter la lisibilité politique.

Recommandation n° 6 : Créer une délégation parlementaire à la sûreté et à la transparence nucléaires, commune à l'Assemblée nationale et au Sénat, rendant un avis public, préalablement à l'examen du projet de loi de finances de l'année, portant sur les moyens financiers et humains consacrés à la sûreté et à la transparence nucléaires.

Recommandation n° 7 : Réaliser, à des fins de simplification, un examen général de la réglementation applicable en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Mesdames, Messieurs,

Le 11 mars 2011, vingt-cinq ans après Tchernobyl, la catastrophe de Fukushima a brutalement réinscrit la question nucléaire au coeur des préoccupations politiques, sociales et environnementales des États industrialisés . Un accident nucléaire aux conséquences aussi dramatiques ne pouvait qu'aviver les angoisses inhérentes à cette « radicalisation de la modernité » décrite par le sociologue britannique Anthony Giddens 1 ( * ) ; les risques ne sont plus locaux mais, dorénavant, mondiaux et les évolutions technologiques leur ont conféré une intensité sans précédent. Aussi la défiance à l'égard de la production d'énergie d'origine nucléaire, que l'on savait prononcée dans des pays comme l'Allemagne, la Belgique ou l'Italie, s'est-elle accrue et diffusée.

Plus que jamais, la sûreté nucléaire et la radioprotection constituent donc un enjeu majeur, en particulier en France, où l'énergie nucléaire représente près de 75 % de la production totale d'électricité. Cet enjeu est tout d'abord financier, dans la mesure où les autorités en charge de contrôler le respect des règles en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection par les exploitants d'installations nucléaires doivent disposer des moyens humains et financiers d'exercer pleinement leur mandat . Mais il est également démocratique, dès lors que tous les citoyens ont le droit de constater, en particulier par leurs représentants, l'effectivité du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection ; en outre, au nom du principe de transparence, ceux-ci doivent pouvoir accéder à une information fiable en ce domaine .

Votre rapporteur spécial estime, par ailleurs, que l'existence d'« autorités expertes », chargées de garantir la pleine maîtrise des risques liés aux activités humaines, est une condition du progrès technique . Parce qu'elles ont pour mission d'anticiper les grands risques technologiques, sanitaires et environnementaux et d'éviter qu'ils ne se réalisent, celles-ci contribuent à préserver la confiance qui doit nécessairement accompagner le développement de la recherche scientifique ainsi que ses applications . En quelque sorte, ces autorités sont les garantes d'une mise en oeuvre « raisonnée » du principe de précaution ; de par leur mission de prévention des risques, elles autorisent la réalisation des efforts d'innovation sur lesquels se fondent les avancées scientifiques 2 ( * ) .

Le domaine du nucléaire, certainement plus que les autres encore pour les raisons qui viennent d'être évoquées, nécessite l'intervention d'autorités d'expertise et de contrôle. En France, ce rôle est assuré par l' Autorité de sûreté nucléaire (ASN), autorité indépendante qui « participe au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et à l'information du public » 3 ( * ) , et par l' Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui constitue le principal expert sur lequel s'appuie cette dernière et dont le financement repose essentiellement sur une dotation inscrite au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Alors que se dessinent les grandes orientations budgétaires qui structureront le prochain budget triennal de l'État, ces deux institutions s'apprêtent à faire face à de nombreux défis dont, notamment, le contrôle du vieillissement des réacteurs électronucléaires, des travaux consécutifs au retour d'expérience de l'accident de Fukushima, du démantèlement de réacteurs électronucléaires, ou encore l'instruction des dossiers de nouvelles installations - y compris celui du centre industriel de stockage géologique (CIGÉO). Quels que soient les choix qui seront réalisés, à l'avenir, concernant la part de l'énergie d'origine nucléaire dans le bouquet énergétique de la France, il sera toujours nécessaire d'assurer la gestion du parc d'installations existant et des déchets nucléaires.

Aussi les moyens accordés au système français de sûreté nucléaire, de radioprotection et de transparence devront-ils être à la hauteur des enjeux, et ce dans un contexte de redressement des comptes publics. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur spécial s'est vu confier par la commission des finances du Sénat, en application de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), une mission de contrôle sur le financement public de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence nucléaire .

REMIÈRE PARTIE - LE SYSTÈME FRANÇAIS DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE, DE RADIOPROTECTION ET DE TRANSPARENCE : UN ÉTAT DES LIEUX

La sûreté nucléaire et la radioprotection relèvent, au premier chef, de la responsabilité des exploitants d'activités nucléaires 4 ( * ) - qui incluent aussi bien la production d'électricité nucléaire et le transport de substances radioactives, que les activités intervenant dans les domaines médical, comme l'imagerie et la radiothérapie, vétérinaire, industriel et de recherche. Pour autant, il revient à l'État de veiller au respect des différentes normes et procédures concourant à la sûreté nucléaire et à la radioprotection . À la suite des évolutions intervenues au cours des dernières décennies, cette mission de contrôle a été confiée à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui bénéficie de l'expertise de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ; ces deux entités forment ce qu'il est convenu d'appeler le « dispositif dual » de sûreté nucléaire et de radioprotection .

Fruit des évolutions précitées, le financement de ce dispositif s'avère particulièrement complexe , faisant intervenir de multiples programmes et missions du budget de l'État, ainsi qu'une taxe affectée. Le financement de la transparence nucléaire , qui repose sur le Haut Conseil pour la transparence et l'information pour la sécurité nucléaire (HCTISN) de même que sur les commissions locales d'information (CLI), réunies au sein de l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI), semble souffrir des mêmes défauts et paraît également appeler un effort de rationalisation et de clarification.

Ces différents éléments sont précisés dans les développements qui suivent, après une brève présentation du système français de sûreté nucléaire, de radioprotection et de transparence .

I. SÛRETÉ, TRANSPARENCE, SÉCURITÉ ET RADIOPROTECTION : QUELQUES DÉFINITIONS

Bien que souvent confondues, la sécurité et la sûreté nucléaires constituent toutefois deux notions bien distinctes qui ont été définies par l'article 1 er de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire 5 ( * ) (TSN), dont les dispositions ont été reprises, pour l'essentiel, par les articles L. 125-12 et L. 591-1 du code de l'environnement.

La sécurité nucléaire , en effet, affiche un périmètre plus large et englobe la sûreté. Ainsi, l'article L. 591-1 précité indique que la « sécurité nucléaire comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance ainsi que les actions de sécurité civile en cas d'accident ». Ce même article précise également la définition de la sûreté nucléaire , qui renvoie à « l'ensemble des dispositions techniques et des mesures d'organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l'arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base ainsi qu'au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d'en limiter les effets », ainsi que celle de la radioprotection , correspondant à « la protection contre les rayonnements ionisants, c'est-à-dire l'ensemble des règles, des procédures et des moyens de prévention et de surveillance visant à empêcher ou réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants produits sur les personnes, directement ou indirectement, y compris par les atteintes portées à l'environnement ».

La notion de transparence nucléaire est, quant à elle, spécifiée à l'article L. 125-12 du code de l'environnement qui dispose que celle-ci « est constituée par l'ensemble des dispositions prises pour garantir le droit du public à une information fiable et accessible en matière de sécurité nucléaire ».

Votre rapporteur spécial a souhaité concentrer ses analyses sur le financement public de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence nucléaire en matière civile ; aussi le présent rapport ne traite-t-il ni de la sécurité nucléaire entendue au sens restreint 6 ( * ) , soit la lutte contre les actes de malveillance, ni de la sûreté nucléaire et de la radioprotection relatives aux activités nucléaires intéressant la défense 7 ( * ) .

En France, la distinction des autorités chargées de la sûreté et de la sécurité nucléaires - l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et le Haut
Fonctionnaire de Défense et de Sécurité 8 ( * ) (HFDS) placé auprès du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) - résulte de la différence fondamentale qui existe entre ces deux missions. Si la sûreté et la sécurité des installations nucléaires relèvent toutes deux de la responsabilité première des exploitants, principe sur lequel nous revenons infra , la sécurité nucléaire fait également appel à des moyens spécifiques, placés entre les mains de l'État, comme les services de renseignement ou encore les forces de l'ordre . D'ailleurs, il existe peu d'exemples dans le monde où la sûreté et la sécurité sont confiées à une même entité. Aussi, eu égard à sa spécificité et à celle de ses acteurs, la sécurité nucléaire n'est-elle pas étudiée plus avant par votre rapporteur spécial.

II. SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET RESPONSABILITÉ DES EXPLOITANTS

En France, l'approche générale de sûreté applicable à toute installation nucléaire repose sur la responsabilité première de l'exploitant 9 ( * ) ; ce principe fondateur est, à ce jour, inscrit à l'article L. 593-6 du code de l'environnement qui dispose que l'« exploitant d'une installation nucléaire de base est responsable de la sûreté de son installation », de même que dans les conventions internationales auxquelles la France est partie 10 ( * ) .

Par suite, l'essentiel des dépenses en matière de sûreté nucléaire échoit aux exploitants d'installations nucléaires . Le programme de « Grand carénage », engagé par Électricité de France (EDF) en vue d'intégrer aux réacteurs électronucléaires les mesures de sûreté « post-Fukushima » et de remplacer les gros composants des centrales dans la perspective de la prolongation de leur durée d'exploitation au-delà de 40 ans (cf. infra ), permet d'illustrer cet état de fait. En effet, une part substantielle des investissements prévus dans ce cadre, qui avaient été estimés en 2011 à 55 milliards d'euros pour la période 2011-2025 11 ( * ) , devrait être consacrée à un renforcement du niveau de sûreté des installations nucléaires. Bien que cette part soit difficile à isoler, il convient de relever qu'EDF a évalué à 10,6 milliards d'euros les investissements consécutifs à la mise en oeuvre des prescriptions de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), formulées à la suite des évaluations complémentaires de sûreté (ECS) réalisées au lendemain de l'accident de Fukushima (cf. encadré ci-après). Les dépenses consenties du fait de ces prescriptions s'élèveraient à 200 millions d'euros pour Areva ; le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA), quant à lui, a prévu une enveloppe de 289 millions d'euros à cet effet pour les années 2012 à 2019.

Les montants susmentionnés font clairement apparaître que le « coût » de la sûreté nucléaire repose, avant tout, sur les exploitants des installations nucléaires , qui ont à leur charge la réalisation des travaux répondant aux exigences de sûreté. Pour autant, le principe de responsabilité première de l'exploitant doit nécessairement faire l'objet d'un encadrement par l'État , qui exerce cette compétence par l'intermédiaire de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), notamment, avec l'aide de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Les évaluations complémentaires de sûreté (ECS)

À la suite d'une saisine du Premier ministre le 23 mars 2011, soit quelques jours après l'accident de Fukushima, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a procédé à des évaluations complémentaires de sûreté (ECS) des installations nucléaires françaises . Ces évaluations ont porté sur la résistance des installations aux séismes, aux inondations, aux pertes de source froide - qui alimente le circuit de refroidissement -, aux pertes d'alimentation électrique, ainsi que sur la gestion opérationnelle des situations accidentelles. Ainsi, 79 installations nucléaires jugées prioritaires ont fait l'objet d'une évaluation .

Dans son avis du 3 janvier 2012 sur les évaluations complémentaires de la sûreté des installations nucléaires prioritaires 12 ( * ) , l'ASN a considéré que « les installations examinées présent[aient] un niveau de sûreté suffisant pour qu'elle ne demande l'arrêt immédiat d'aucune d'entre elles », tout en précisant que « la poursuite de leur exploitation nécessit[ait] d'augmenter dans les meilleurs délais, au-delà des marges de sûreté dont elles disposent déjà, leur robustesse face à des situations extrêmes ». Les préconisations formulées par l'Autorité à cette occasion ont été précisées - en cohérence avec les conclusions de la Commission européenne sur les tests de résistance réalisés sur les réacteurs nucléaires présents au sein de l'Union européenne 13 ( * ) - par différentes décisions, notamment des 26 juin 2012 et 23 janvier 2014, parmi lesquelles figurent en particulier la mise en place :

- d'une force d'action rapide nucléaire (FARN), composée de moyens humains et matériels permettant de secourir un réacteur accidenté en eau et en électricité 14 ( * ) ;

- d'une alimentation électrique supplémentaire sur chaque réacteur (les « diesels d'ultime secours ») 15 ( * ) ;

- de « noyaux durs » de dispositions matérielles et organisationnelles permettant de maîtriser les fonctions fondamentales de sûreté des situations extrêmes soit, en quelque sorte, la « bunkérisation » des fonctions essentielles 16 ( * ) .

Les décisions de l'ASN, juridiquement contraignantes pour les exploitants, impliquent la réalisation de travaux importants pour ces derniers, mais également un investissement particulier en matière de ressources humaines et de compétences . La mise en oeuvre des différentes mesures préconisées suit un calendrier arrêté par l'Autorité et est contrôlée par cette dernière ; selon le Gouvernement, les « exploitants répondent de manière globalement satisfaisante aux prescriptions de l'ASN ».

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

III. LE SYSTÈME FRANÇAIS DE SÛRETÉ ET DE RADIOPROTECTION : UN « DISPOSITIF DUAL »

L'article L. 591-2 du code de l'environnement prévoit que la définition de la réglementation en matière de sécurité nucléaire - donc de sûreté nucléaire et de radioprotection - et la mise en oeuvre des contrôles nécessaires à son application reviennent à l'État. Aussi ces missions sont-elles assurées par les services du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) et par l'Autorité de sûreté nucléaire.

Au sein du MEDDE, la mission de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (MSNR) est chargée de l'ensemble des missions revenant au Gouvernement dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. La MSNR est notamment compétente pour l' élaboration de la législation et de la réglementation générales et le suivi des grands dossiers nationaux - suites de l'accident de Fukushima, questions de santé publique, etc. Relevant de la direction générale de la prévention des risques (DGPR), la MNSR est placée sous la responsabilité du chef du service des risques technologiques (SRT) et est composée de huit agents répartis en deux équipes : l'une traitant des installations nucléaires de base (INB) et assurant le secrétariat du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) et l'autre étant chargée des questions relatives à la radioprotection et au nucléaire de proximité - mines d'uranium, sites et sols pollués, installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), etc.

En outre, la MSNR assure le pilotage des procédures individuelles majeures concernant les installations nucléaires de base (INB), le Gouvernement étant compétent, après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), pour accorder les autorisations de création, de modification notable 17 ( * ) , de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement, de changement d'exploitant ou encore de modification de périmètre 18 ( * ) .

Toutefois, il revient à l'ASN de prendre les décisions relatives aux principales étapes de la vie d'une INB ; en effet, comme nous allons le voir, c'est à l'Autorité que revient la mission de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. À ce titre, elle bénéficie du concours technique de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avec laquelle elle forme le « dispositif dual » de sûreté nucléaire et de radioprotection .

A. L'AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE

L' Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est une autorité administrative indépendante (AAI) instituée par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (TSN). Sa création a constitué l'aboutissement d'un long processus de mise en place d'une expertise en matière de sûreté nucléaire en France. C'est au début de l'année 1960 qu'est fondée, sur la base des exemples américain, britannique et canadien, une Commission de sûreté des installations atomiques (CSIA) au sein du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) ; celle-ci était chargée d'avaliser toute construction, mise en fonctionnement ou modification des conditions de fonctionnement d'installation nucléaire 19 ( * ) . Néanmoins, l'arrivée d'Électricité de France (EDF) dans le domaine du nucléaire a conduit à une évolution du système de sûreté : en juin 1967, un groupe d'expert ad hoc pour la sûreté des réacteurs - composé de représentants du CEA, d'EDF et du ministère de l'industrie - est mis en place, qui devient le Groupe permanent en 1972.

Dans la continuité de ce processus de formalisation de l'expertise en matière de sûreté nucléaire, un échelon administratif est créé en mars 1973 au sein du ministère de l'industrie pour l'examen de la sûreté des installations nucléaires : il s'agit du Service central de sûreté des installations nucléaires (SCSIN). Ce dernier devient la direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN) en 1991, puis la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (DGSNR) en 2002. Toutefois, la soumission de ces services à « l'autorité entière du Gouvernement [pouvait] susciter des interrogations sur l'interaction entre les préoccupations de sûreté nucléaire et de radioprotection et d'autres objectifs que le Gouvernement doit aussi assumer, comme veiller à l'approvisionnement énergétique ou jouer son rôle d'actionnaire principal de grands opérateurs du secteur nucléaire » 20 ( * ) ; c'est la raison pour laquelle une autorité administrative indépendante a été instituée, la France faisant ainsi converger son modèle avec celui des autres pays disposant d'installations nucléaires.

1. Les compétences de l'Autorité de sûreté nucléaire

L'article L. 592-1 du code de l'environnement dispose que l'Autorité de sûreté nucléaire « participe au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ainsi qu'à l'information du public dans ces domaines ». À ce titre, elle intervient dans trois champs principaux.

Tout d'abord, l'ASN participe à l'élaboration de la réglementation en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection . Alors que les règles générales en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection sont établies par le Gouvernement en lien avec l'Autorité, cette dernière donne également un avis sur les principales procédures individuelles concernant les installations nucléaires de base (cf. supra ). Par ailleurs, elle dispose d'un pouvoir décisionnel propre, soumis à l'homologation du Gouvernement, pour préciser les décrets et arrêtés portant sur la sûreté et la radioprotection . Il en va ainsi pour ce qui est de la mise en service des installations, de leur déclassement, de l'édiction de prescriptions techniques particulières, l'autorisation ou l'enregistrement d'une ICPE située à l'intérieur du périmètre d'une INB et des modifications non notables des installations.

Tableau n° 1 : Inspections réalisées par l'ASN en 2013

Nombre d'inspections

Nombre d'inspections inopinées

Pourcentage des inspections inopinées

Installations nucléaires de base

764

187

24,5 %

Installations nucléaires de proximité

1 165

280

24,0 %

Transport de substances radioactives

131

54

41,2 %

Organismes et laboratoires agréés

131

60

45,8 %

TOTAL

2 191

581

26,5 %

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

Ensuite, l'Autorité de sûreté nucléaire assure le contrôle du respect des règles générales et des prescriptions particulières relatives à la sûreté nucléaire et organise une veille permanente en matière de radioprotection sur le territoire national 21 ( * ) - il convient de rappeler qu'il existe également des sources naturelles d'exposition aux rayonnements ionisants, à l'instar du radon. L'inspection constitue le moyen privilégié de contrôle à la disposition de l'ASN. Celle-ci est proportionnée au niveau de risque présenté par l'installation ou l'activité et à la manière dont l'exploitant assume ses responsabilités ; elle consiste à vérifier, par sondage, la conformité d'une situation donnée à un référentiel réglementaire ou technique. L'inspection fait l'objet d'une lettre de suite adressée au responsable du site contrôlé, qui est rendue publique, et les non-conformités relevées peuvent faire l'objet de sanctions administratives ou pénales. En 2013, 2 191 inspections ont été

réalisées dont 26,5 % de manière inopinée (cf. tableau ci-avant) 22 ( * ) .

Enfin, l'Autorité assiste le Gouvernement dans les situations d'urgence radiologique , apporte son concours aux autorités compétentes et informe, le cas échéant, le public de l'état de la sûreté de l'installation à l'origine de la situation d'urgence, de ses éventuels rejets dans l'environnement et de leurs risques pour la santé des personnes et l'environnement.

2. L'organisation de l'Autorité de sûreté nucléaire

L'article L. 592-2 du code de l'environnement précise que l'Autorité de sûreté nucléaire « est constituée d'un collège de cinq membres nommés en raison de leur compétence dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ». Trois des membres, dont le président, sont désignés par le Président de la République ; il convient de souligner qu'en application de la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution 23 ( * ) , la nomination du président de l'Autorité fait l'objet d'un avis public de la commission compétente en matière d'énergie de chaque assemblée 24 ( * ) . Les deux autres membres sont désignés respectivement par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat . La durée de leur mandat est de six ans et celui-ci n'est pas renouvelable.

Les services de l'ASN comprennent une direction générale de laquelle dépendent huit directions centrales et onze divisions territoriales (cf. organigramme ci-après). Ces divisions territoriales, localisées près des installations nucléaires, sont hébergées au sein des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DRÉAL) dont les directeurs sont également délégués territoriaux de l'Autorité de sûreté nucléaire.

Organigramme de l'Autorité de sûreté nucléaire

3. Des modalités de financement complexes

À la suite de la création du Service central de sûreté des installations nucléaires (SCSIN) en 1973 (cf. supra ), l'article 17 de la loi du 27 décembre 1975 de finances rectificative pour 1975 25 ( * ) a institué un système de redevances en application duquel « les exploitants des installations nucléaires de base [étaient] assujettis au paiement de redevances perçues au titre des demandes d'autorisation de création et des autorisations réglementaires subséquentes ainsi qu'au paiement de redevances annuelles » ; le produit des redevances ainsi perçues, dont le montant était fixé en loi de finances, était rattaché au budget de l'industrie par voie de fonds de concours et servait à assurer le financement du dispositif de sûreté nucléaire . Toutefois, l'article 43 de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 26 ( * ) a substitué à ce système de redevances une taxe sur les installations nucléaires de base 27 ( * ) , dite « taxe INB », affectée au budget général de l'État. Aussi, corrélativement, il a été procédé à la budgétisation des crédits correspondant à la mission de contrôle des installations nucléaires qui relevait alors de la direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN).

Ces modalités de financement sont restées inchangées jusqu'à aujourd'hui : la taxe sur les installations nucléaires de base, dont le produit s'élevait à 579,4 millions d'euros en 2013 28 ( * ) , demeure affectée au budget général de l'État et l'Autorité de sûreté nucléaire est financée par des crédits budgétaires.

Pour autant, les modalités de financement de l'ASN s'avèrent relativement complexes . Les ressources de cette dernière dépendent, directement ou indirectement, de programmes distincts, ainsi que d'une taxe affectée à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Les moyens de fonctionnement de l'Autorité sont inscrits au sein du programme 181 « Prévention des risques » de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » 29 ( * ) ; les crédits exécutés dans ce cadre s'élevaient à 52,3 millions d'euros en 2013. Cette enveloppe intègre, depuis 2012, les crédits de fonctionnement des divisions territoriales de l'ASN , hébergées par les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DRÉAL) - ces crédits relevaient auparavant du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer » et ont été estimés à 1,4 million d'euros en 2012. Ce regroupement des crédits de fonctionnement a constitué une simplification non négligeable de la maquette budgétaire.

Tableau n° 2 : Évolution du budget de l'Autorité de sûreté nucléaire

(en millions d'euros)

Exécution 2008

Exécution 2009

Exécution 2010

Exécution 2011

Exécution 2012 (1)

LFI 2013

Exécution 2013 (2)

LFI 2014

Programme

181 (3)

37,4

43

44,1

45,4

49,0

58,3

52,3

59,2

Programme

217 (4)

1,4

1,4

1,4

1,4

-

-

-

-

Programme

218

4,8

5,3

5,1

5,4

6,1

-

6,9

-

Programme 190

(appui de l'IRSN à l'ASN)

67,3

73,3

74,4

45,5

44,6

45,2

41,5

45,2

Part contribution IRSN dédiée à l'appui de l'ASN

-

-

-

30,0

37,6

39,8

39,8

39,8

TOTAL

110,9

123,0

125,0

127,7

137,3

143,3

140,5

144,2

Note de lecture : le présent tableau ne comporte que des crédits de paiement (CP).

(1) Depuis 2012, les crédits de fonctionnement des divisions territoriales de l'ASN sont prises en compte dans le programme 181.

(2) En exécution 2013, des crédits de fonctionnement supplémentaires ont été versés pour couvrir les besoins exceptionnels au titre des dépenses immobilières consécutives à l'installation du siège de l'ASN à Montrouge.

(3) L'exécution du programme 181 prend en compte le transfert de crédits effectué en gestion vers le programme 218.

(4) Chiffres issus de la valorisation des seules dépenses de fonctionnement directes et identifiables imputables aux divisions territoriales de l'ASN.

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

Une part de la dotation versée par le programme 181 est transférée au programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » au titre des tâches administratives déléguées par l'ASN aux ministères économiques et financiers .

En effet, la gestion de la paie des personnels de l'Autorité continue, à la demande de cette dernière, à être assurée par les ministères économiques et financiers. À cette fin, une convention valant délégation de gestion a été établie le 10 novembre 2010 - dont le renouvellement est en cours - entre l'ASN, le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) et les ministères économiques et financiers.

Un certain nombre de prestations de fonctionnement sont également prises en charge par ces derniers , en vertu d'une convention de prestation de services signée le 2 juillet 2010 ; celles-ci ont trait au cadre de vie (fournitures de bureau, frais de déplacement, de représentation, parc automobile, etc.), à l'immobilier (bail du siège de l'ASN, loyers, taxes, charges locatives et fluides) et aux ressources humaines (formation continue et prestations d'action sociale). Le montant de ces prestations a atteint, en 2013, 3,3 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 6,9 millions d'euros en crédits de paiement (CP) (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 3 : Prestations de fonctionnement prises en charge par les
ministères économiques et financiers en 2013

(en millions d'euros)

AE

CP

Affranchissement

11 108

11 108

Fournitures de bureau

26 602

19 102

Frais de mission

1 401 000

1 401 000

Frais de représentation

21 902

21 902

Traduction

236 346

236 346

Gardiennage

106 629

106 629

Nettoyage

29 564

29 564

Accueil

31 174

31 174

Autres dépenses de logistique (déchets, dératisation, désinfection, etc.)

1 876

1 876

Mobilier de bureau/déménagement

327 046

327 046

Parc automobile

3 861

3 861

Loyers

269 087

3 139 732

Charge locatives

574 466

1 288 884

Fluides

137 058

137 058

Formation continue (IGPDE)

96 927

96 927

Action sociale

19 847

19 847

TOTAL

3 294 493

6 872 056

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

Le financement de l'Autorité repose donc à ce jour, en coûts directs, sur deux programmes - les programmes 181 et 218. Le Gouvernement a, en outre, indiqué à votre rapporteur spécial que « les financements de l'ASN aujourd'hui identifiés sur les P 217 "conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables", P 333 "moyens mutualisés des administrations déconcentrés" (mission "direction de l'action du gouvernement") et 309 "entretien des bâtiments de l'État" (mission "gestion des finances publiques et des ressources humaines") le sont uniquement au titre des coûts indirects issus de la comptabilité d'analyse des coûts et ayant vocation à présenter les dépenses des politiques publiques en coûts complets ». Si votre rapporteur spécial peut concevoir la difficulté de cet exercice, il estime qu' une présentation des financements de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en coûts complets eût été préférable, de manière à disposer d'une vision exhaustive des moyens consentis à la sûreté nucléaire et à la radioprotection et à renforcer la lisibilité du dispositif 30 ( * ) . Ceci serait d'autant plus souhaitable que la documentation budgétaire transmise au Parlement, et notamment celle relative à la mission « Écologie, développement et aménagement durables », ne comprend pas de présentation consolidée du budget de l'ASN.

En outre, l'Autorité de sûreté nucléaire bénéficie du concours technique de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). À ce titre, ce dernier bénéficie de ressources identifiées qui peuvent, de fait, être intégrées au budget de l'ASN. En effet, au titre de sa mission d'appui, l'IRSN reçoit une dotation - qui s'élevait à 41,5 millions d'euros en 2013 - du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ; à cela vient s'ajouter la part dédiée à cet effet de la contribution due par les exploitants des installations nucléaires de base (INB) 31 ( * ) , pour 39,8 millions d'euros en 2013.

Au total, sans qu'il soit tenu compte des coûts indirects découlant des activités de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), les moyens financiers mis à la disposition de cette dernière ont atteint 140,5 millions d'euros en 2013 . Depuis 2010, le budget de l'ASN - tenant compte des financements dédiés à la mission d'appui de l'IRSN - ont progressé de 12,4 %. Cette évolution résulte notamment, d'une part, de l'abondement, à compter de 2012, de l'enveloppe portée par le programme 181, à hauteur de 4 millions d'euros, pour rembourser la mise à disposition de 22 emplois supplémentaires par l'IRSN (cf. infra ), décidée au lendemain de l'accident de Fukushima et, d'autre part, du relèvement des moyens conférés à l'IRSN au titre de sa mission d'appui.

L'État s'est, de toute évidence, attaché à concilier renforcement du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection à la suite de l'accident de Fukushima et redressement des comptes publics . Aussi, dans le cadre du budget triennal 2013-2015, les moyens budgétaires de l'ASN ont été stabilisés au niveau atteint en 2012 et celle-ci a engagé une politique d'optimisation de la dépense qui a conduit à mettre en oeuvre différentes mesures d'économies, notamment en ce qui concerne ses moyens de fonctionnement courant (frais de déplacement, dépenses logistiques, etc.).

4. Les moyens humains de l'Autorité de sûreté nucléaire

Conformément à l'article L. 592-12 du code de l'environnement, les moyens humains dont peut disposer l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) comprennent des personnels sous plafond d'emploi - fonctionnaires et contractuels - et des personnels mis à disposition (MAD), provenant de différentes institutions telles que l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA), l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), ou encore des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) (cf. tableau ci-après). La masse salariale de l'Autorité, qui atteignait 40 millions d'euros environ en 2013 , s'impute sur les crédits du programme 181.

Tableau n° 4 : Évolution des effectifs de l'Autorité de sûreté nucléaire

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Plafond d'emploi (en ETPT)

330

339

361

361

361

363

Personnels sous plafond (en ETPT)

327

337

345

359

362

361

Mises à disposition*, dont :

94

93

85

83

102

104

IRSN

56

52

44

41

59

61

CEA

35

36

35

35

35

35

AP-HP

03

4

05

05

06

06

ANDRA

1

01

01

01

01

SDIS

1

1

01

* Personnes physiques

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

En 2013, les personnels sous plafond d'emplois représentaient 361 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et les personnels mis à disposition (MAD), 104 personnes physiques . Entre 2010 et 2013, le nombre de personnels sous plafond a progressé de 16 ETPT (+ 4,6 %) et celui de personnels MAD, de 21 personnes (+ 22,3 %) ; en effet, il convient de rappeler qu' à la suite de l'accident de Fukushima, des emplois ont été créés au profit de l'IRSN, dont la moitié devait être mis à disposition de l'ASN . C'est donc essentiellement par le biais de ces mises à disposition que les moyens humains de l'Autorité ont été renforcés après 2011.

Tableau n° 5 : Évolution du nombre d'inspecteurs de l'ASN

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Sûreté nucléaire

166

142

180

191

196

193

Radioprotection

137

139

156

151

155

145

Note de lecture : certains inspecteurs détiennent deux habilitations et sont donc comptabilisés dans les deux catégories reprises dans le présent tableau - à titre d'exemple, en 2013, 266 inspecteurs travaillaient pour l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), alors que la somme des lignes du tableau donnerait un total de 338 inspecteurs pour cette même année.

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

Une part substantielle des personnels de l'Autorité est en charge des missions d'inspection dans les domaines tant de la sûreté nucléaire que de la radioprotection, comme le montre le tableau ci-avant.

En tout état de cause, comme le faisaient déjà apparaître les modalités de financement de l'ASN présentées précédemment, les moyens dont disposent cette dernière ne peuvent être appréhendés de manière exhaustive sans qu'il soit tenu compte de la mission d'appui exercée par l'IRSN pour laquelle ce dernier reçoit des ressources identifiées .

B. L'INSTITUT DE RADIOPROTECTION ET DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE

L' Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est un établissement public industriel et commercial 32 ( * ) (EPIC) issu de la fusion, en 2001 33 ( * ) , de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) et de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN). Créé en 1976 en tant qu'entité du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), l'IPSN regroupait les experts de la sûreté nucléaire et de la radioprotection de ce dernier 34 ( * ) ; aussi, depuis lors, les services administratifs qui ont précédé l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) (cf. supra ) exerçaient leurs compétences avec l'appui technique de l'IPSN. Le « système dual » de sûreté nucléaire et de radioprotection trouve donc ses origines dès avant la création de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'IRSN .

Le fonctionnement de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est précisé par le décret du 22 février 2002 35 ( * ) . Celui-ci est l'expert public en matière de recherche et d'expertise relatives aux risques nucléaires et radiologiques ; aussi l'IRSN traite-t-il l'ensemble des questions scientifiques et techniques associées à ces risques, et ce aussi bien en France qu'à l'étranger.

Conformément à l'article 1 er du décret précité, l'IRSN exerce, à l'exclusion de toute responsabilité d'exploitant nucléaire, des missions dans les domaines suivants : la sûreté nucléaire , la sûreté des transports de matières radioactives et fissiles , la protection de l'homme et de l'environnement contre les rayonnements ionisants et la protection des installations nucléaires et des transports de matières radioactives et fissiles contre les actes de malveillance .

À titre principal, les travaux réalisés par l'Institut visent à apporter un appui technique aux pouvoirs publics et à l'ASN en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection , mais également en ce qui concerne la sécurité nucléaire 36 ( * ) et le nucléaire de défense . Ceci explique la diversité des sources de financement de l'Institut à ce jour. En effet, au titre des différentes missions susmentionnées, l'IRSN perçoit tout à la fois des financements budgétaires et extrabudgétaires , auxquels viennent s'ajouter les produits résultant des prestations commerciales offertes par celui-ci.

1. Les ressources budgétaires et extrabudgétaires de l'IRSN

L'essentiel de l'enveloppe budgétaire de l'IRSN provient du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ; les crédits versés par l'intermédiaire de ce dernier se sont élevés à 199,3 millions d'euros en 2013, et ce au titre de quatre domaines distinct : recherche et missions de service public, appui aux pouvoirs publics, appui à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), sûreté nucléaire et radioprotection des activités de défense, contrôle des matières nucléaires, protection contre la malveillance (cf. tableau ci-après).

À cela vient s'ajouter une dotation du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » de la mission « Défense » , qui était de 3,4 millions d'euros en 2013. Celle-ci vise à financer les expertises réalisées par l'IRSN dans le domaine du nucléaire de défense, notamment au profit du Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND) 37 ( * ) .

Par ailleurs, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est le bénéficiaire d'une contribution additionnelle due par les exploitations des installations nucléaires de base (INB). Cette dernière a été créée par l'article 96 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 38 ( * ) . La création de cette contribution a résulté des travaux engagés dans le cadre du contrat d'objectifs entre l'État et l'IRSN pour la période 2006-2009, portant sur les possibilités d'adaptation des mécanismes de financement des activités d'expertise assurées par l'Institut en appui technique des autorités publiques et, notamment, de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ; l'objectif poursuivi était d' améliorer la flexibilité des ressources mises à disposition de l'IRSN par rapport à l'évolution des besoins résultant de l'activité des exploitants nucléaires , tout en préservant l'indépendance de celui-ci à l'égard des exploitants. Aussi a-t-il été préféré à la mise en place d'un mécanisme de redevance, un temps envisagé, l'institution d'une contribution nouvelle 39 ( * ) . Il convient de rappeler qu'avant l'établissement effectif de la contribution, en 2007, l'IRSN a bénéficié de l'attribution d'une part du produit de la taxe sur les installations nucléaires de base, dite « taxe INB » (cf. supra ), pour un montant de 10 millions d'euros 40 ( * ) .

Tableau n° 6 : Évolution du budget de l'Institut de radioprotection
et de sûreté nucléaire

(en millions d'euros)

Exécution 2008

Exécution 2009

Exécution 2010

Exécution 2011

Exécution 2012 (1)

LFI 2013

Exécution 2013 (2)

LFI 2014

Programme

190, dont :

212,6

237,4

243,8

210,8

202,0

206,3

199,3

186,4

(1)

123,3

140,3

146

141,8

135,4

138,1

135,2

118,85

(2)

3,9

3,8

4,1

4,2

3,5

4,6

3,8

4,45

(3)

67.3

73.3

74.4

45,5

44,6

45,15

41,5

45,15

(4)

18.1

20

19,3

18,5

18,5

18,45

18.5

17,95

Programme

212

3,3

3,1

3,4

3,4

3,5

3,4

3,4

3,5

Programme

217

0,1

-

-

0,1

0,2

-

-

0,2

Contribution IRSN

-

-

-

33,4

48,2

53,0

53,0

53,0

Autres

Financements*

33,1

39,3

41,3

38,9

38,1

37,9

37,9

42,7

TOTAL

249,1

279,8

288,5

286,6

292

300,6

293,6

285,8

Note de lecture : (1) Recherche et missions de service public ; (2) Appui technique aux pouvoirs publics ; (3) Appui technique à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ; (4) Sûreté nucléaire et radioprotection des activités de défense, contrôle des matières nucléaires, protection contre la malveillance.

* Autres financements d'origines française ou étrangère - notamment, cofinancements publics et privés.

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

Le régime de la contribution perçue par l'IRSN est proche de celui de la « taxe INB » : le montant de la contribution est déterminé, pour chaque catégorie d'installation - réacteurs nucléaires de production d'énergie, usines de traitement de combustibles irradiés, etc. -, par application d'un coefficient multiplicateur à une somme forfaitaire . Cette somme forfaitaire tient lieu d'assiette à la contribution et la loi précise les limites dans lesquelles les coefficients peuvent être déterminés par arrêté des ministres chargés du budget, de l'énergie et de l'écologie (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 7 : Tableau de l'article 96 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 créant la contribution IRSN

Catégories

Sommes forfaitaires

(en euros)

Coefficient multiplicateur

Réacteurs nucléaires de production d'énergie autres que ceux consacrés à titre principal à la recherche

380 000

1 à 2

Réacteurs nucléaires de production d'énergie consacrés à titre principal à la recherche

300 000

1 à 2

Autres réacteurs

150 000

1 à 2

Installations de séparation des isotopes des combustibles nucléaires

145 000

1 à 2

Usines de fabrication de combustibles nucléaires

145 000

1 à 2

Usine de traitement de combustibles irradiés

250 000

1 à 2

Installations de traitement d'effluents liquides radioactifs et/ou de traitement de déchets solides radioactifs

145 000

1 à 2

Usines de conversion en hexafluorure d'uranium

145 000

1 à 2

Autres usines de préparation et de transformation des substances radioactives

145 000

1 à 2

Installations destinées au stockage définitif de substances radioactives

100 000

1 à 2

Installations destinées à l'entreposage temporaire de substances radioactives

100 000

1 à 2

Irradiateur ou accélérateur de particules

20 000

1 à 2

Réacteurs nucléaires de production d'énergie autres que ceux consacrés à titre principal à la recherche à l'arrêt définitif

145 000

1 à 2

Laboratoires et autres installations nucléaires de base destinées à l'utilisation de substances radioactives

145 000

1 à 2

Réacteurs nucléaires de production d'énergie consacrés à titre principal à la recherche à l'arrêt définitif

145 000

1 à 2

Autres réacteurs à l'arrêt définitif

145 000

1 à 2

Le produit de la contribution versée à l'IRSN a crû au cours des dernières années, passant de 33,4 millions d'euros en 2011 à 53 millions d'euros en 2013 - en l'état actuel du droit, le montant potentiel maximal du produit de cette contribution est de 66 millions d'euros. L'attribution de la contribution à l'Institut n'a pas conduit à un accroissement net d'un même montant des ressources de celui-ci, puisqu' une baisse de ses crédits budgétaires est intervenue corrélativement en 2011 .

Pour autant, les moyens financiers de l'IRSN ont été relevés à la suite de l'accident de Fukushima . Les actions mises en place en 2011
- audits des installations et évaluations complémentaires de sûreté (ECS) - mobiliseront l'expertise de l'Institut au cours des prochaines années. Aussi, pour permettre à ce dernier d'absorber la charge de travail supplémentaire et contribuer au financement des évaluations complémentaires de sûreté, une levée partielle de la réserve de précaution du programme 190 est intervenue en 2011 pour un montant de 5,5 millions d'euros, puis le produit de la contribution due par les exploitants a été augmenté de 14,8 millions d'euros , ce qui a permis de compenser la diminution de 8,8 millions d'euros de la subvention pour charges de service public du programme 190 entre 2011 et 2012. Le montant de cette contribution a également été accru de 4,8 millions d'euros en 2013. Ces différentes augmentations ont permis à l'IRSN de financer l'accroissement de ses moyens humains à compter de 2011 (cf. infra ).

Tableau n° 8 : Cofinancements obtenus par l'IRSN en 2012 et 2013

(en milliers d'euros)

Clients

Exécution 2013

Exécution 2012

EDF

3 544

5 843

AREVA

1 913

1 362

COMMISSION EUROPEENNE

1 465

842

OCDE

730

728

MINISTERE DE LA DEFENSE/DGA

449

84

CEA

247

245

STUK RADIATION ANC NUCLEAR

241

84

AURAMET E.V.

162

0

GRS

120

31

STOCKHOLM UNIVERSITY

106

112

ANDRA

100

172

AUTRES

348

186

TOTAL

9 425

9 689

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

L'IRSN jouit également d'autres sources de financement qui comprennent, notamment, les cofinancements provenant de partenaires publics ou industriels , dont le montant a atteint 9,4 millions d'euros en 2013, après 9,7 millions d'euros en 2012 (cf. tableau ci-avant). Les données présentées ne concernent que les cofinancements au sens strict, hors subventions perçues auprès des collectivités publiques ou des organismes internationaux.

Enfin, il convient de rappeler que l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est autorisé à développer des activités de prestations à caractère commercial . Ces prestations comprennent tout à la fois des activités commerciales à caractère concurrentiel et portées par des structures dédiées - les Business Units -, des activités de valorisation des plateaux techniques, des laboratoires et des compétences d'expertise et, enfin, la vente de produits issus des développements de la recherche. Les ressources provenant du produit des prestations de l'IRSN représentent en moyenne 7 % de son budget annuel , selon le Gouvernement, qui estime que « ces activités, outre le fait d'accroître les ressources propres à l'Institut, constituent une modalité pour faire progresser la sûreté nucléaire et la radioprotection, complémentaire des missions d'appui aux pouvoirs publics ».

Au total, le budget de l'IRSN atteignait 293,6 millions d'euros en 2013 , dont 255,7 millions d'euros de financements publics - comprenant 202,7 millions d'euros de crédits budgétaires et 53 millions d'euros de taxe affectée.

Pour conclure ces développements relatifs aux moyens financiers de l'IRSN, il convient de relever que celui-ci a été mis à contribution du redressement des comptes publics dans le cadre du budget triennal 2013-2015 . La partie du budget de l'Institut financée par des subventions pour charge de service public (SCSP) a été diminuée de 15 millions d'euros au total sur trois ans. À cette baisse programmée s'est ajoutée une réduction supplémentaire de 15 millions d'euros - recul de la SCSP du programme 190 de 20 millions d'euros sur l'exercice 2014, partiellement compensée par l'augmentation de la contribution de 5 millions d'euros pour 2013 et 2014. Si le Gouvernement précise que « cette diminution n'[a] pas impacté les moyens dédiés à l'appui technique », votre rapporteur spécial regrette que celle-ci ait été réalisée au détriment des activités de recherche de l'Institut qui constituent, selon lui, une dimension essentielle du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection (cf. infra ).

2. Les moyens humains de l'IRSN

En 2013, le nombre d'emplois rémunérés par l'IRSN s'élevait à 1 703 équivalents temps plein (ETP), correspondant à 1 657 ETP sous plafond d'emploi et à 46 ETP hors plafond. Ainsi, comme le fait apparaître le tableau ci-après, le nombre d'emplois rémunérés a crû de 27 ETP (+ 1,6 %) entre 2010 et 2013 ; cette hausse résulte d'une évolution contrastée des emplois sous plafond et de ceux hors plafond.

Tableau n° 9 : Évolution des effectifs de l'IRSN

2008

2009

2010

2011

2012

LFI 2013

2013

LFI 2014

Emplois rémunérés (ETP)

1606

1669

1676

1642

1686

1 725

1 703

1 689

Sous plafond

1606

1664

1666

1629

1627

1 666

1 657

1 630

Hors plafond

0

5

10

13

59

59

46

59

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

À la suite de l'accident de Fukushima, a été acté par le Gouvernement le principe du recrutement par l'Institut de 44 salariés supplémentaires , dont 22 destinés à être mis à disposition de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) (cf. supra ). En outre, le plafond d'emplois de l'établissement, initialement soumis à une baisse de 108 ETP (- 6,5 %), a bénéficié d'une correction technique à la hausse en 2013, ce qui a limité la baisse du plafond à 72 ETP (- 4,3 %) au cours du triennal 2012-2015 . Les emplois hors plafond, quant à eux, ont crû notamment du fait des postes financés par des ressources commerciales et de ceux liés aux activités de formation par la recherche - soit les doctorants - faisant l'objet d'un cofinancement d'un partenaire de l'IRSN ou d'un financeur externe
- comme, l'Agence nationale de la recherche (ANR), les collectivités territoriales, les financements européens, etc.

C. LES RELATIONS ENTRE L'ASN ET L'IRSN

Ainsi que cela était indiqué, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) apporte un appui technique à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ; aussi l'article L. 592-14 du code de l'environnement prévoit-il que l'ASN « est consultée par le Gouvernement sur la part de la subvention de l'État à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire correspondant à la mission d'appui technique apporté par cet institut à l'autorité » 41 ( * ) et qu'une « convention conclue entre l'autorité et l'institut règle les modalités de cet appui technique ».

Cette convention précise, tout d'abord, le périmètre de l'appui technique apporté par l'IRSN à l'ASN ; celui-ci peut être sollicité pour : l'élaboration des textes normatifs au niveau national ou international ; l'instruction technique des dossiers déposés par les exploitants dans le cadre du régime des autorisations individuelles relatives aux activités nucléaires et, pour les installations nucléaires de base, le réexamen périodique de sûreté des installations ; le contrôle par l'Autorité des activités à risque nucléaire ou radiologique, notamment l'inspection de ces activités ; l'amélioration de la maîtrise des risques nucléaires et radiologiques grâce à l'analyse des incidents déclarés ; la préparation à la gestion d'une crise et, le cas échéant, la participation à l'organisation technique de crise en cas d'accident ou d'incident nucléaire ou radiologique ; la préparation à des actions internationales ; l'information du public et des parties prenantes concernées sur la sûreté nucléaire et la radioprotection en France et à l'étranger. En outre, à la demande de l'ASN, l'IRSN peut contribuer à l'information des agents de l'Autorité et à la formation interne de ces derniers 42 ( * ) .

Les résultats des actions d'appui technique de l'IRSN peuvent prendre la forme, notamment, d'avis ou de notes techniques adressés à l'ASN, de rapports écrits présentés aux groupes permanents d'experts (GPE) placés auprès de l'Autorité, d'un appui technique pour les inspections de cette dernière, etc.

Un protocole d'application de la convention est conclu chaque année entre les services de l'ASN et de l'IRSN, dressant une liste des principales actions d'appui technique à réaliser pour l'année considérée ; ces actions font l'objet d'un suivi périodique et d'un bilan présenté dans une synthèse annuelle 43 ( * ) et lors de la première des auditions, qui se tiennent deux fois par an, de l'Institut par le collège de l'ASN - la seconde ayant vocation à préparer les priorités des actions de l'année suivante et à éclairer l'Autorité dans le cadre de l'avis qu'elle rend sur la part du budget de l'IRSN consacrée à l'appui technique.

Des réunions de concertation stratégiques entre les états-majors de l'ASN et de l'IRSN ont lieu trois fois par an, à l'instar des réunions d'avancement et de suivi qui couvrent des sujets de nature technique.

Enfin, il convient de rappeler que l'Autorité bénéficie de la collaboration de personnels mis à disposition, contre remboursement, par l'IRSN - 61 personnes en 2013 (cf. supra ).

Aussi l'Institut constitue-t-il le principal expert sur lequel s'appuie l'ASN ; pourtant, comme l'a indiqué le Gouvernement à votre rapporteur spécial, « cette dernière cherche à diversifier ses sources d'expertise, afin de bénéficier de compétences spécifiques complémentaires ».

En tout état de cause, une remise en cause du « dispositif dual », composé de l'ASN et de l'IRSN - dont l'efficacité n'est plus à démontrer -, ne semble pas, à ce jour, souhaitable . En effet, l'existence de deux entités distinctes permet, tout d'abord, d' éviter que le poids de la décision ne pèse sur l'organisme en charge de l'expertise et de la recherche associée . Ensuite, nombre d'interlocuteurs ont indiqué à votre rapporteur spécial que le fait de disposer de sources distinctes d'informations en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection - en particulier lors de la survenance d'un accident nucléaire, tel que celui de Fukushima - constituait une garantie supplémentaire de l'exhaustivité et de la fiabilité de celles-ci . Enfin, un transfert à l'ASN des moyens de l'IRSN en matière d'expertise et de recherche dédiés à sa mission d'appui technique aboutirait à remettre en cause les activités déployées par ce dernier à l'international et auprès de clients privés - qui fournissent des ressources non négligeables et participent au renforcement de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (cf. supra ).

IV. LE DISPOSITIF DE TRANSPARENCE NUCLÉAIRE

À titre de rappel, la transparence nucléaire est, aux termes de l'article L. 125-12 du code de l'environnement, « constituée par l'ensemble des dispositions prises pour garantir le droit du public à une information fiable et accessible en matière de sécurité nucléaire » - ce qui intègre la sûreté nucléaire et la radioprotection (cf. supra ). La mise en oeuvre de ce principe relève de différentes entités. Ainsi, selon l'article L. 125-13 du code précité, l'« État veille à l'information du public en matière de risques liés aux activités nucléaires [...] et à leur impact sur la santé et la sécurité des personnes ainsi que sur l'environnement » ; en outre, il « est responsable de l'information du public sur les modalités et les résultats du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection » et « fournit au public une information sur les conséquences, sur le territoire national, des activités exercées hors de celui-ci, notamment en cas d'incident ou d'accident » .

Pour autant, dans la suite logique de la responsabilité première de l'exploitant, l'article L. 125-14 du code de l'environnement, les personnes exerçant des activités nucléaires « doivent en particulier respecter le droit qu'a toute personne d'être informée sur les risques liés aux activités nucléaires et leur impact sur la santé et la sécurité des personnes et sur l'environnement ainsi que sur les rejets d'effluents des installations » ; de même, tout exploitant d'une installation nucléaire de base doit établir, chaque année, un rapport qui contient des informations concernant les dispositions prises en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, les incidents et accidents en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, la nature et les résultats des mesures des rejets radioactifs et non radioactifs de l'installation dans l'environnement, ainsi que la nature et la quantité de déchets radioactifs entreposés sur le site de l'installation et les mesures prises pour en limiter le volume et les effets sur l'environnement.

L'application du principe de transparence nucléaire repose également sur l' Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui participe à l'information du public dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection 44 ( * ) , ainsi que sur le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) et les commissions locales d'information (CLI) selon des modalités qui vont être explicitées.

A. LE HAUT COMITÉ POUR LA TRANSPARENCE ET L'INFORMATION SUR LA SÉCURITÉ NUCLÉAIRE

Créé par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité nucléaire (TSN) - sur la base, notamment, des préconisations du rapport rendu en 1998 au Premier ministre par le député Jean-Yves Le Déaut sur le système de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire 45 ( * ) -, le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) a remplacé, à compter de 2008, le Conseil Supérieur de la Sécurité et de l'Information Nucléaire (CSSIN) . L'article L. 125-34 du code de l'environnement précise que le Haut Comité « est une instance d'information, de concertation et de débat sur les risques liés aux activités nucléaires et l'impact de ces activités sur la santé des personnes, sur l'environnement et sur la sécurité nucléaire » ; à ce titre, il « peut émettre un avis sur toute question dans ces domaines ainsi que sur les contrôles et l'information qui s'y rapportent » - aussi, il rend des avis publics et publie un rapport annuel 46 ( * ) - et « se saisir de toute question relative à l'accessibilité de l'information en matière de sécurité nucléaire et proposer toute mesure de nature à garantir ou améliorer la transparence » 47 ( * ) . L'article L. 125-35 du code précité prévoit également que le HCTISN « peut faire réaliser des expertises nécessaires à l'accomplissement de ses missions et organiser des débats contradictoires » ; de même, « il organise périodiquement des concertations et des débats concernant la gestion durable des matières et des déchets nucléaires radioactifs ».

Les membres du Haut Comité sont nommés pour six ans et comprennent deux députés et deux sénateurs désignés par leurs assemblées respectives, deux représentants des commissions locales d'information (CLI), des représentants d'associations de protection de l'environnement et d'associations ayant des activités dans le domaine de la santé, des représentants des personnes responsables d'activités nucléaires, des représentants d'organisations syndicales de salariés représentatives, des personnalités choisies en raison de leur compétence scientifique, technique, économique ou sociale, ou en matière d'information et de communication
- dont trois désignées par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), une par l'Académie des sciences et une par l'Académie des sciences morales et politiques - et des représentants de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), des autres services de l'État concernés et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) 48 ( * ) . Le président du HCTISN est nommé parmi les parlementaires, les représentants des CLI et les personnalités choisies en raison de leur compétence. En bref, le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire constitue un lieu privilégié de rencontre entre l'État, les entités de contrôle et d'expertise et la société civile .

L'article L. 125-39 du code de l'environnement, prévoit que les crédits nécessaires à l'accomplissement des missions du Haut Conseil sont inscrits au budget de l'État . Ces crédits, qui s'élèvent à 150 000 euros par an , relèvent de l'action n° 01 du programme 181 de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ». Selon les réponses adressées par le Gouvernement à votre rapporteur spécial, « la prise en charge des frais de déplacement des membres du Haut Comité, ainsi que les frais associés à la tenue des réunions constituent l'essentiel des dépenses assumées par le Haut Comité ». Ce dernier dispose, par ailleurs, du support technique de la mission de sûreté nucléaire et de radioprotection (MSNR) du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) (cf. supra ).

B. LES COMMISSIONS LOCALES D'INFORMATION

L'article L. 125-17 du code de l'environnement prévoit qu' une commission locale d'information est instituée auprès de tout site comprenant une ou plusieurs installations nucléaires de base (INB) 49 ( * )
- celles-ci avaient été créées par une circulaire du Premier ministre, Pierre Mauroy, du 15 décembre 1981. Il est précisé que cette « commission est chargée d'une mission générale de suivi, d'information et de concertation en matière de sûreté nucléaire, de radioprotection et d'impact des activités nucléaires sur les personnes et sur l'environnement pour ce qui concerne les installations du site » ; à ce titre, elle « assure une large diffusion des résultats de ses travaux sous une forme accessible au plus grand nombre ».

Une commission locale d'information comprend quatre catégories de membres : des élus - députés et sénateurs du département concerné, conseillers régionaux, conseillers généraux et conseillers municipaux -, parmi lesquels est choisi le président, des représentants d'associations de protection de l'environnement , des représentants des organisations syndicales de salariés représentatives dans les entreprises exploitant les installations nucléaires intéressées ainsi que des personnes qualifiées et des représentants du monde économique 50 ( * ) . Les représentants de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), des autres services de l'État concernés et de l'agence régionale de santé (ARS), ainsi que des représentants de l'exploitant de l'installation peuvent assister, avec voix consultative, aux séances de la commission et ont accès de plein droit à ses travaux.

Il existe, à ce jour, 37 commissions locales d'information qui sont réunies depuis 2000 au sein d'une fédération, l' Association nationale des comités et des commissions locales d'information (ANCCLI) 51 ( * ) . Lors de l'audition des instances dirigeantes de l'ANCCLI par votre rapporteur spécial, il lui a été indiqué que cette dernière avait « un rôle de mutualisation, de fédération, de formation » et pour mission de relayer « les préoccupations locales auprès des instances nationales ».

Lieux privilégiés de l'expression de l'« expertise citoyenne » et du « bon sens des non-experts » en matière de sûreté nucléaire , les commissions locales d'information jouent un rôle essentiel dans l'information des publics et peuvent, de ce fait, favoriser l'émergence d'un débat public constructif
- comme ce fut le cas dans le cadre du projet de centre industriel de stockage géologique (CIGÉO). Si le dispositif français semble, à ce jour, être l'un des plus aboutis, force est de constater que le développement des CLI est entravé par un manque évident de moyens.

Pour l'ensemble des commissions locales d'information et l'ANCCLI, l'enveloppe versée par l'État a été portée par les ministres successifs chargés de l'écologie à un million d'euros environ à compter de 2012 - celle-ci est financée à partir des crédits d'intervention de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) inscrits à l'action n° 09 du programme 181.

Tableau n° 10 : Subventions allouées par l'État aux CLI et à l'ANCCLI

(en euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

ANCCLI

218 000

328 000

220 480

190 625

433 825

422 000

CLI

205 704

312 865

390 520

395 500

566 175

538 000

TOTAL

423 704

640 865

611 000

586 125

1 000 000

960 000

Source : Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Ainsi, la subvention moyenne pour chaque commission locale d'information est de 16 000 euros environ , selon le Gouvernement. Alors que l'objectif était, semble-t-il, celui d'un partage du financement des CLI entre l'État et les collectivités territoriales, et notamment les conseils généraux 52 ( * ) , il apparaît que la contribution de ces dernières est nettement supérieure à celle de l'État. La contribution des collectivités territoriales comprend, généralement, une subvention, mais aussi la mise à disposition de personnels, de fournitures, de moyens de télécommunication , etc. Les moyens ainsi apportés sont, toutefois, difficiles à estimer.

Pour autant, à titre indicatif, il convient de relever que dans une commission locale d'information comme celle de Cadarache, pour un budget approchant 190 000 euros, la dotation versée par l'ASN était de 50 000 euros en 2012, et celle apportée par les collectivités territoriales de 134 700 euros. En outre, plusieurs CLI sont financées exclusivement par le conseil général
- comme, par exemple, celles de Chinon, de Chooz ou encore de Civaux.

En tout état de cause, selon le président de l'ANCCLI, Jean-Claude Delalonde, la majorité des CLI ne sont pas, aujourd'hui, en mesure d'assurer pleinement leurs missions, ne disposant pas de la présence d'un chargé de mission . En effet, les budgets des CLI étaient compris, en 2012, entre 2 000 euros et 190 000 euros, nombre d'entre-elles ne pouvant donc pas recruter un salarié.

Enfin, il convient de rappeler que l'article L. 125-31 du code de l'environnement prévoit que les commissions dotées de la personnalité juridique peuvent recevoir une partie du produit de la taxe sur les installations nucléaires de base créée par la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, dite « taxe INB ». Cependant, à ce jour, cette disposition n'a jamais été appliquée, en raison de la difficulté technique inhérente à l'attribution d'une part de la « taxe INB » aux différentes CLI . C'est, en grande partie, la raison pour laquelle peu de commissions ont fait le choix de se doter de la personnalité juridique comme les y autorisent les dispositions de l'article L. 125-23 du code précité 53 ( * ) .

V. LA RECHERCHE : UNE COMPOSANTE STRATÉGIQUE DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE

Enfin, pour conclure cet état de lieux, votre rapporteur spécial souhaite rappeler le rôle essentiel joué par la recherche dans l'efficacité du système de sûreté nucléaire et de radioprotection . À cet égard, il convient de rappeler qu'à la suite de l'accident de Fukushima, 50 millions d'euros pour la « Recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection » ont été inscrits dans le cadre des Investissements d'avenir (IA).

Cependant, il est particulièrement difficile d'isoler les dépenses de recherche spécifiquement dédiées à la sûreté nucléaire et à la radioprotection . Aussi votre rapporteur spécial n'a pu obtenir que le montant des dépenses de recherche financées par crédits publics en matière nucléaire, qui s'élevaient à 417,3 millions d'euros en 2013 (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 11 : Les dépenses de recherche financées par crédits publics
en matière nucléaire

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

LFI 2014

CEA (1)

256,8

259,2

254,7

270,6

259,5

279,2

270,4

IRSN (2)

143,1

143,1

143,1

144,3

141,9

138,1

118,7

TOTAL

399,9

402,3

397,8

414,9

401,4

417,3

389,1

(1) Ces montants correspondent à la subvention en coûts complets des segments « systèmes industriels nucléaires du futur » (SINF), « optimisation du nucléaire industriel actuel » (ONIA) et « grands outils du développement nucléaire » (GODN) de l'action n° 10 du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Ces montants ne tiennent pas comptes des Investissements d'avenir.

(2) Ces montants correspondent à la sous-action « Recherche et missions de services public » de l'action n° 11 du programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Cependant, l'IRSN n'a pas été en mesure, dans les délais impartis, d'isoler les dépenses de recherche en matière nucléaire financées par des crédits publics.

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

La recherche menée par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) à partir des fonds publics qui lui sont attribués porte essentiellement sur le développement et la mise au point d'outils de calcul et de méthodologies nécessaires à la réalisation d'études en support à l'expertise des dossiers de sûreté . Elle a pour objectif principal la prévention des accidents et la limitation de leurs conséquences. Ainsi, concernant les dernières années, doivent être soulignés les travaux menés pour la mise au point, la performance et la validation d'outils comme CATHARE (thermohydraulique pour les accidents de réacteurs à eau), SOFIA (simulateur d'analyse de situations accidentelles), HEMERA (évaluation des projets de gestion des coeurs de réacteurs et des critères de sûreté, notamment en situations accidentelles), ou encore ASTEC (conditions d'accidents graves dans les réacteurs). Ces outils sont utilisés dans le cadre de différents dossiers présentant, aujourd'hui et pour l'avenir, un enjeu majeur : l'analyse du projet de réacteur pressurisé européen (EPR), l'affinement des évaluations probabilistes de sûreté, le réexamen de sûreté des réacteurs existants, etc.

En outre, d'importantes modifications portant sur les matériels ou les procédures ont été mises en oeuvre sur les réacteurs nucléaires à la suite des travaux de recherche menés par l'IRSN .

Dans ces conditions, votre rapporteur spécial ne peut que rappeler son regret de constater que la contribution de l'Institut au redressement des comptes publics soit essentiellement passée par une diminution des crédits budgétaires destinés au financement de la recherche (cf. supra ).

S'agissant du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA), l'identification des dépenses de recherche portant précisément sur la sûreté nucléaire est d'autant plus délicate que de telles activités s'intègrent généralement à des projets plus larges. À titre d'exemple, le programme « optimisation du nucléaire industriel actuel » (ONIA) vise tout à la fois à améliorer les performances, la sûreté et la sécurité des technologies employées dans les réacteurs actuels et les usines du cycle du combustible.

Le CEA dispose d'importants moyens pour modéliser le comportement des installations et des matériaux en situation normale ou d'accident grave . Par exemple, celui-ci construit actuellement le réacteur de recherche Jules Horowitz (RJH), qui participera à l'amélioration de la connaissance du comportement des combustibles et des matériaux sous irradiation, domaine utile pour l'étude des problématiques de sûreté, tout en assurant une part importante de la production européenne de radioéléments pour le secteur médical.

Par ailleurs, le Commissariat couvre également d'autres thématiques importantes pour la sûreté, telles que la sûreté des déchets, l'analyse du retour d'expérience à la suite de l'accident de Fukushima, et la radioprotection .

Enfin, il a été indiqué à votre rapporteur spécial que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) avait lancé le programme « Nucléaire, énergie, environnement, déchets, société » (NEEDS), visant à identifier tous les projets de recherche du Centre en matière nucléaire et les financements associés. Actuellement, environ 2 millions d'euros de financement ont été recensés dans ce cadre. Quant à l' Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), il a été précisé à votre rapporteur spécial que celui-ci « effectu[ait] également des actions de recherche en matière nucléaire, qui sont financées par les exploitants nucléaires via des taxes affectées », sans qu'aucune donnée chiffrée ne lui soit communiquée.

DEUXIÈME PARTIE - LES ENJEUX FINANCIERS ET DÉMOCRATIQUES DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE, DE LA RADIOPROTECTION ET DE LA TRANSPARENCE

Les développements présentés dans la première partie ont permis de mettre en évidence la relative complexité des modalités de financement de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence . Ainsi, le financement du système de sûreté nucléaire et de radioprotection repose sur cinq programmes relevant de quatre missions distinctes et fait également intervenir une taxe affectée. S'il est également tenu compte des coûts indirects découlant des activités de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le nombre de programmes s'élève à sept et celui des missions concernées à cinq.

Aussi, il serait préférable de disposer d' une présentation des financements de l'ASN en coûts complets, de manière à disposer d'une vision exhaustive des moyens consentis à la sûreté nucléaire ainsi qu'à la radioprotection et à renforcer la lisibilité du dispositif - de cette manière, toute évolution des moyens fournis « indirectement » à l'Autorité pour l'exercice de ses missions serait identifiable.

Cette préoccupation s'inscrit, en outre, dans la perspective d'un renforcement du contrôle parlementaire sur le financement de la sûreté, de la radioprotection et de la transparence, comme cela est précisé infra .

Recommandation n° 1 : Faire figurer, dans la documentation budgétaire transmise au Parlement, le budget de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en coûts complets.

Eu égard aux enjeux sans précédent auxquels sera confronté, dans un futur proche, le système français de sûreté nucléaire, de radioprotection et de transparence, un effort de rationalisation et de pérennisation de son financement s'impose , et ce tout en donnant de nouvelles marges de manoeuvre et de contrôle au Parlement en ce domaine.

I. LES DÉFIS À VENIR DU SYSTÈME DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE

Afin d' évaluer les besoins supplémentaires nécessaires au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection dans les années à venir , l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) s'est attachée à identifier et à hiérarchiser les principaux enjeux associés à celui-ci. Les résultats de cet exercice ont été communiqués par le Gouvernement à votre rapporteur spécial. Ainsi, les principaux sujets à traiter dans les années à venir sont au nombre de sept :

- contrôle du vieillissement et durée de fonctionnement des réacteurs électronucléaires ;

- contrôle des travaux consécutifs au retour d'expérience de l'accident de Fukushima pour l'ensemble des installations nucléaires de base (INB) - près de 1 000 prescriptions devant être mises en oeuvre d'ici 2022 ;

- contrôle de l'entrée en fonction, vers 2016, du réacteur pressurisé européen (EPR) sur le site de Flamanville ;

- encadrement et contrôle du démantèlement des réacteurs électronucléaires : recevabilité des dossiers et premiers travaux ;

- encadrement et analyse du réexamen de sûreté des quelque 50 installations exploitées par Areva et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA) , et notamment de l'usine de retraitement de La Hague ;

- instruction des dossiers réglementaires des nouvelles installations (réacteur Jules Horowitz, centre industriel de stockage géologique - CIGÉO -, réacteur thermonucléaire expérimental international - ITER -, réacteur ASTRID, « petits réacteurs modulaires », etc.) ;

- élargissement de la transparence , information du public, commissions locales d'information (CLI) et international.

Lors de l'audition de leurs responsables, les représentants de l'ASN et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ont indiqué à votre rapporteur spécial que pour répondre à ces grands enjeux dans la durée, il était nécessaire de renforcer les moyens humains et financiers
- essentiellement sous la forme de crédits de personnel - du dispositif de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection
.

Cette préoccupation apparaît également dans l'avis de l'Autorité du 6 mai 2014 relatif au budget du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour les années 2015 à 2017 54 ( * ) , qui a estimé « indispensable d'engager maintenant le renforcement des moyens humains et financiers de l'ASN et de l'IRSN, dans la perspective de disposer, au terme du triennal, d'un renfort de 190 emplois (125 pour l'ASN, 65 pour l'IRSN) et d'un budget accru de 36 M€ (21 M€ pour l'ASN, 15 M€ pour l'IRSN) » - ce renforcement devant intervenir de manière progressive au cours des trois prochaines années.

Si ces moyens supplémentaires doivent faire l'objet d'un examen minutieux, notamment au regard des possibles gains d'efficience, votre rapporteur spécial note, malgré tout, que la mise sous tension à venir du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection a été reconnue par les exploitants d'installations nucléaires eux-mêmes , qui craignent, à ce titre, un engorgement de l'ASN et de l'IRSN qui retarderait l'examen de leurs dossiers de sûreté - en particulier dans un contexte marqué par d'importantes décisions industrielles prises par les exploitants, comme le souhait de prolonger la durée de vie des réacteurs existants (cf. encadré ci-après).

La poursuite du fonctionnement des réacteurs nucléaires au-delà de 40 ans

En 2009, Électricité de France (EDF) a émis le souhait d'étendre la durée de fonctionnement de ses réacteurs nucléaires significativement au-delà de quarante ans et de « maintenir ouverte l'option d'une durée de fonctionnement de 60 ans pour l'ensemble des réacteurs ». Les réacteurs nucléaires français ont été autorisés sans limitation de durée de fonctionnement ; pour autant, tous les dix ans, ils doivent faire l'objet d'un examen de sûreté détaillé. Ce réexamen de sûreté décennal est complémentaire au contrôle régulier des installations.

Quarante ans correspondent à la durée de fonctionnement des réacteurs initialement envisagée par EDF. Aussi, pour aller au-delà de cette durée de conception, la démonstration de sûreté doit-elle être révisée ou complétée. En particulier, l'exploitant doit démontrer que le vieillissement des matériels est maîtrisé compte-tenu de la nouvelle durée de fonctionnement envisagée ; certains équipements doivent être remplacés et des améliorations de sûreté doivent être apportées . C'est à ce titre que la durée de quarante ans constitue une étape significative au regard du fonctionnement du réacteur.

Dans les années à venir, les réacteurs actuels coexisteront avec des réacteurs de type EPR ou équivalent, dont la conception répond à des exigences de sûreté significativement renforcées. Dès lors, trois objectifs s'imposent, selon le Gouvernement :

- démontrer la conformité des réacteurs avec la réglementation applicable ;

- apporter la démonstration de la maîtrise du vieillissement et de la gestion de l'obsolescence de ses équipements ;

- rehausser le niveau de sûreté des réacteurs au regard des nouvelles exigences de sûreté exigées actuellement pour les réacteurs de type EPR ou équivalent, de l'état de l'art en matière de technologies nucléaires et de la durée de fonctionnement visée.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) considère que la poursuite du fonctionnement des réacteurs au-delà de quarante ans n'est envisageable que si elle est associée à u n programme volontariste et ambitieux d'améliorations au plan de la sûreté , en cohérence avec les objectifs de sûreté retenus pour les nouveaux réacteurs et les meilleurs pratiques sur le plan international.

L'Autorité insiste, en particulier, pour que les études de réévaluation de sûreté et les objectifs radiologiques associés soient considérés au regard des objectifs de sûreté applicables aux nouveaux réacteurs , tel l'EPR, conformément à la position retenue en 2010 par l'association des responsables des autorités de sûreté nucléaire en Europe (WENRA).

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

En outre, quelle que soit l'ampleur jugée souhaitable du renforcement des moyens publics de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, votre rapporteur spécial estime que celui-ci devra intervenir sans attendre . En effet, tout report de cette opération qui paraît, de toute évidence, nécessaire, exposerait le dispositif français à des pertes de compétences en raison du renouvellement insuffisant, ou insuffisamment rapide, des ressources humaines de l'ASN et de l'IRSN.

Enfin, votre rapporteur spécial a acquis la conviction, au fil des auditions qu'il a menées, que l'efficacité du « dispositif dual » dépasse le seul enjeu de la sûreté nucléaire dès lors que celui-ci participe par ailleurs pleinement à la réputation de la filière nucléaire française à l'étranger et donc à sa compétitivité .

II. CONFORTER LE FINANCEMENT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE, DE LA RADIOPROTECTION ET DE LA TRANSPARENCE

Le contexte actuel paraît, par conséquent, appeler une rénovation du financement du contrôle et de la sûreté nucléaire ainsi que de la radioprotection et de la transparence , qui doit être menée sur la base de trois principes : l'indépendance du contrôle, la rationalisation du financement et la transparence démocratique.

Tout d'abord, votre rapporteur spécial estime que l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) devrait bénéficier d' un financement mixte, composé de dotations budgétaires 55 ( * ) et d'une taxe affectée, acquittée par les exploitants des installations nucléaires .

Il apparaît, en effet, que les budgets de nombreuses autorités en Europe sont abondés, partiellement ou en totalité, par des taxes ou des redevances supportées par les exploitants . Ainsi, sont financés exclusivement par des taxes les autorités belge - l'Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) - et espagnole - le Conseil de sécurité nucléaire (CSN) ; l'agence britannique - l'Office for Nuclear Regulation (ONR) - tire, quant à elle, 98 % de ses ressources de taxes, la part restante de ses ressources étant fournie par l'État. L'Inspection fédérale de sécurité nucléaire (IFSN) suisse reçoit une redevance des opérateurs et l'Autorité suédoise de sûreté radiologique (SSM) perçoit une dotation de l'État qui repose sur les redevances payées par chaque exploitant à ce dernier.

Ainsi, le financement de l'ASN par une taxe acquittée par les exploitants ne ferait pas figure d'exception en Europe ; pour autant, votre rapporteur spécial estime que tout retour à la situation antérieure, au cours de laquelle la sûreté nucléaire française était financée par des redevances payées par les opérateurs (cf. supra ), devrait être exclu , afin de préserver l'indépendance de l'Autorité, voire d'éviter que celle-ci ne puisse être mise en doute.

La mise à la charge des exploitants de cette nouvelle contribution semble se justifier, au-delà des fortes contraintes budgétaires qui s'imposent aujourd'hui à l'État, par le fait que les choix effectués par ces derniers
- comme, par exemple, l'allongement de la durée de fonctionnement des réacteurs - expliquent une large part de l'intensification des activités de l'ASN et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). En outre, il convient de rappeler que les entreprises exploitant commercialement des installations nucléaires - soit EDF et Areva - bénéficieraient d'un renforcement du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection , qui leur éviterait d'être confrontées aux coûts substantiels susceptibles de résulter d'un engorgement de l'Autorité de sûreté nucléaire. À ce titre, il a été indiqué à votre rapporteur spécial que l'arrêt d'un réacteur nucléaire représentait un coût de 1,2 million d'euros par jour pour EDF .

Quelle forme prendrait cette taxe nouvelle ? Votre rapporteur spécial estime que celle-ci, qui pourrait être dénommée contribution de sûreté et de transparence nucléaires (CSTN), devrait être conçue sur le modèle de la contribution additionnelle due par les exploitations des installations nucléaires de base perçue par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) (cf. supra ). Le montant de la contribution serait déterminé, pour chaque catégorie d'installation - réacteurs nucléaires de production d'énergie, usines de traitement de combustibles irradiés, etc. -, par application d'un coefficient multiplicateur à une somme forfaitaire. De cette manière, la contribution pourrait être modulée selon les installations concernées, permettant d'éviter d'accroître les charges des organismes de recherche financés à l'aide de crédits budgétaires, à l'instar du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA). Toutefois, à la différence notable de la contribution dont bénéficie l'IRSN, les coefficients appliqués dans le cadre de la CSTN seraient fixés par le Parlement , et non pas par arrêté ministériel. De cette manière, le Parlement retrouverait une marge de manoeuvre dans le pilotage des ressources dédiées à la sûreté nucléaire et à la radioprotection dont le prive en grande partie l'article 40 de la Constitution lorsqu'il s'agit de crédits budgétaires.

Pour autant, votre rapporteur spécial a parfaitement conscience des limites inhérentes à l'affectation de ressources fiscales , qui a fait l'objet d'une analyse approfondie par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) dans un rapport de juillet 2013 portant sur la fiscalité affectée 56 ( * ) . Aussi souhaite-t-il que le dispositif dont il propose la création évite les écueils identifiés par le rapport précité.

À ce titre, de manière à éviter une augmentation non contrôlée de la dépense publique en raison d'un « pilotage par les recettes », il serait opportun de plafonner le produit de la contribution affecté à l'ASN, l'excédent devant être reversé au budget général de l'État , suivant le mécanisme prévu par l'article 46 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 57 ( * ) .

Ainsi, dans un contexte budgétaire très contraint, la CSTN pourrait doter l'ASN de moyens supplémentaires pérennes qui lui permettraient de conforter son dispositif de contrôle, pour mieux répondre aux besoins engendrés par les grands enjeux susmentionnés.

Recommandation n° 2 : Assurer un financement pérenne de la sûreté nucléaire par la création d'une contribution de sûreté et de transparence nucléaires (CSTN) perçue par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et acquittée par les exploitants d'installations nucléaires, dont le produit est plafonné et l'excédent reversé au budget général de l'État.

Toutefois, il convient de préciser selon quelles modalités la contribution de sûreté et de transparence nucléaire serait « fléchée » vers les activités de l'ASN. Deux solutions paraissent, a priori , envisageables : la création d'un compte d'affectation spéciale (CAS) à cet effet ou l' affectation directe de la contribution à l'Autorité .

Si ces deux solutions auraient leur pertinence, une affectation directe à l'ASN serait de nature à conforter son indépendance . Néanmoins, pour qu'une telle opération soit juridiquement possible, il serait nécessaire de doter l'Autorité de la personnalité juridique et de transformer, par suite, cette autorité administrative indépendante (AAI) en autorité publique indépendante (API) , pourvue de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Une telle solution a été retenue pour différentes autorités, comme l'Autorité des marchés financiers (AMF), l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), ou encore la Haute autorité de santé (HAS). Seulement, comme l'avait souligné le Conseil d'État dans un avis du 8 septembre 2005 58 ( * ) , l'attribution de la personnalité morale s'accompagne de celle de la responsabilité juridique - alors que dans le cas des autorités administratives indépendantes (AAI), qui ne disposent pas de personnalité propre, il revient à l'État de réparer les conséquences des fautes commises ; aussi votre rapporteur spécial estime que ce point devra, le cas échéant, faire l'objet d'une analyse approfondie.

Recommandation n° 3 : Doter l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de la personnalité morale.

Si, comme le souligne le Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport sur la fiscalité affectée, « le lien entre la taxe affectée et l'indépendance de l'entité bénéficiaire n'est pas établi », dans l'esprit de votre rapporteur spécial, le renforcement de l'indépendance de l'Autorité de sûreté nucléaire ne découlerait pas de l'affectation de la contribution seule, mais de l'affectation de cette taxe sous le regard vigilant du Parlement , qui aurait à examiner chaque année son montant, afin de s'assurer que celui-ci est tout à la fois suffisant et non surévalué au regard des besoins réels de l'ASN.

D'ailleurs, dans cette même logique, votre rapporteur spécial considère que le régime juridique de la contribution perçue par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire 59 ( * ) (IRSN) (cf. supra ) devrait être modifié selon les principes qui viennent d'être énoncés : ses coefficients seraient déterminés par le Parlement et non plus par arrêtés des ministres chargés du budget, de l'énergie et de l'écologie, et son montant serait plafonné .

Recommandation n° 4 : Réformer le régime juridique de la contribution additionnelle due par les exploitants des installations nucléaires de base et perçue par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Enfin, s'agissant de la transparence nucléaire, votre rapporteur spécial estime que le financement des commissions locales d'information (CLI) et de l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI) devrait reposer sur la contribution de sûreté et de transparence nucléaires (CSTN) , dont il propose la création (cf. recommandation n° 2). En effet, les modalités actuelles de l'attribution des subventions de l'État, réalisée par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) selon une logique de financement sur projet, paraissent les plus à même de garantir l'efficacité et la rationalité de la dépense ; aussi devraient-elles être maintenues. Dans ces conditions, l'affectation de la CSTN à l'ASN viendrait se substituer à la possibilité, prévue par l'article L. 125-31 du code de l'environnement (cf. supra ), d'attribuer directement une part de la « taxe INB » aux CLI ayant opté pour un statut associatif ; ce mécanisme, particulièrement complexe et jamais mis en oeuvre, serait ainsi supprimé à des fins de rationalisation et de lisibilité.

III. RENFORCER LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE

Enfin, eu égard à l'enjeu et à l'importance de la demande sociale en ce sens, votre rapporteur spécial considère que tous les citoyens ont le droit de constater, en particulier par leurs représentants, l'effectivité du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection ; en particulier, ils doivent pouvoir s'assurer du caractère suffisant des moyens humains et financiers qui lui sont dédiés.

De ce fait, il conviendrait de rendre plus lisibles les modalités de financement du dispositif de sûreté nucléaire, de radioprotection et de transparence. L'avis de l'Autorité de sûreté nucléaire du 6 mai 2014 précité préconise de « regrouper, au sein d'un même programme budgétaire, l'ensemble des moyens consacrés au contrôle, à l'expertise, soutenue par des activités de recherche, et à l'information en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection dans le domaine civil ». Pour autant, votre rapporteur spécial n'est pas absolument certain qu'un tel regroupement suffirait à garantir la lisibilité et la visibilité des financements de la sûreté nucléaire , et ce d'autant que les programmes budgétaires ne retracent pas, comme il l'a déjà indiqué, les dépenses inhérentes au fonctionnement du dispositif en coûts complets, et ne font donc pas apparaître l'ensemble des moyens mobilisés en ce domaine.

Aussi estime-t-il préférable la création d'un « jaune budgétaire », annexé au projet de loi de finances de l'année , regroupant l'ensemble des financements publics qu'il est prévu de consacrer à la sûreté nucléaire, à la radioprotection et à la transparence et comprenant une présentation, en coûts complets (cf. recommandation n° 1), des budgets prévisionnels de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Ce document devrait également retranscrire les données relatives à l'exécution pour l'année échue. En outre, celui-ci intègrerait les avis annuels de l'ASN relatifs au budget du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Ainsi, un seul et même document permettrait de disposer d'une vision complète de l'ensemble des financements publics consacrés à ces questions , renforçant leur accessibilité et leur lisibilité pour le Parlement et les citoyens.

Recommandation n° 5 : Créer une annexe au projet de loi de finances de l'année - un « jaune budgétaire » - retraçant l'ensemble des financements publics qu'il est prévu de consacrer à la sûreté nucléaire, à la radioprotection et à la transparence nucléaire, afin d'en faciliter la lisibilité politique.

Enfin, afin de permettre au Parlement d'exercer efficacement son droit de regard sur le financement de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence, votre rapporteur spécial recommande la création d'une délégation parlementaire à la sécurité et à la transparence nucléaires, commune à l'Assemblée nationale et au Sénat , dont les membres seraient désignés parmi les membres des commissions permanentes compétentes en matière d'énergie, d'environnement et de finances.

Cette structure « légère », qui pourrait utilement s'appuyer sur l'expertise développée par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), aurait vocation à suivre l'activité générale et les moyens des organismes et services chargés de la définition et de la mise en oeuvre de la réglementation en matière de sûreté - telle que définie à l'article L. 591-1 du code de l'environnement (cf. supra ) - et de transparence nucléaires .

Fondant ses travaux sur le « jaune budgétaire » dont il est proposé la création (cf. recommandation n° 5), mais également sur les auditions des ministres compétents et des responsables des organismes concernés, la délégation parlementaire rendrait un avis public, préalablement à l'examen du projet de loi de finances de l'année, portant sur les moyens financiers et humains consacrés à la sûreté et à la transparence nucléaires .

Recommandation n° 6 : Créer une délégation parlementaire à la sûreté et à la transparence nucléaires, commune à l'Assemblée nationale et au Sénat, rendant un avis public, préalablement à l'examen du projet de loi de finances de l'année, portant sur les moyens financiers et humains consacrés à la sûreté et à la transparence nucléaires.

IV. LES PERSPECTIVES DU CADRE RÈGLEMENTAIRE DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION

Pour conclure le présent rapport, votre rapporteur spécial souhaite aborder la question des perspectives du cadre règlementaire de la sûreté nucléaire et de la radioprotection . Au cours des dernières années, et notamment depuis l'entrée en vigueur de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (TSN), la réglementation applicable en ce domaine a progressé de manière substantielle - renforçant la sûreté des activités et installations nucléaires françaises.

Toutefois, au cours des différentes auditions qu'il a réalisées, votre rapporteur spécial a pu constater que les additions successives de dispositions relatives aux matériels et aux procédures pouvaient exposer les exploitants à des exigences de sûreté parfois difficiles à mettre en oeuvre . Cette situation conduit, de toute évidence, à accroître la charge de travail de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), allongeant les délais de traitement des dossiers, et impose aux exploitants la mobilisation d'importants moyens humains et financiers, dont il n'est pas exclu qu'elle puisse détourner des préoccupations « de base » s'agissant de la sûreté. Aussi votre rapporteur spécial se demande-t-il, de manière volontairement provocante, si trop de sûreté ne tuerait pas la sûreté .

Votre rapporteur spécial a parfaitement conscience de la sensibilité et de la complexité d'un tel sujet ; malgré tout, il estime qu'un examen général de la réglementation applicable en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection - qui s'est fortement alourdie depuis l'entrée en vigueur de la loi TSN - devrait être mené, de manière à en éliminer les éventuelles redondances ou contradictions susceptibles d'être apparues au cours des dernières années. En quelque sorte, il s'agit d'appliquer le « choc de simplification » au cadre règlementaire de la sûreté nucléaire .

Recommandation n° 7 : Réaliser, à des fins de simplification, un examen général de la réglementation applicable en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

CONCLUSION

« La filière nucléaire est une filière d'avenir pour notre pays » a déclaré le Premier ministre Manuel Valls lors d'une visite réalisée dans une forge d'Areva au Creusot le 20 juin 2014 ; de même, la place de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique national est au coeur du débat sur la transition énergétique.

Si la part de l'énergie nucléaire doit être réduite de 75 % à 50 % en 2025, elle restera très importante et le parc nucléaire français n'en demeurera pas moins l'un des tout premiers au monde.

Aussi ce débat implique-t-il la prise en compte de la sûreté des réacteurs électronucléaires actuels et futurs.

L'élaboration de la stratégie nationale de transition énergétique offre l'opportunité de renforcer - sous la vigilance du Parlement - le dispositif de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, et d'assurer à ce dispositif des moyens financiers pérennes à un niveau garantissant son efficience.

Le débat sur la transition énergétique doit être l'occasion de refondre le système de financement public de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence nucléaire .

Alors que l'État connait de fortes contraintes budgétaires, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) voient leurs charges croître, en raison des enjeux sans précédent auxquels ils doivent faire face.

Un accroissement significatif et pérenne de leurs moyens financiers et humains s'avère nécessaire , faute de quoi, dans les trois prochaines années, des choix stratégiques devront être faits.

Les choix de l'ASN pourraient alors se concentrer sur les activités de contrôle de la sûreté des installations existantes, au détriment des projets nouveaux porteurs d'avenir, et ceux de l'IRSN risqueraient de privilégier les activités d'expertise au détriment des programmes de recherche.

Or, sans innovation technologique et sans efforts de recherche scientifique, la sûreté nucléaire cesse d'avancer.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 18 juin 2014 sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a entendu une communication de M. Michel Berson, rapporteur spécial, sur le financement de la sûreté nucléaire.

M. Philippe Marini , président . - Nous allons maintenant entendre une communication du rapporteur spécial Michel Berson portant sur le financement de la sûreté nucléaire.

M. Michel Berson , rapporteur spécial . - La commission des finances m'a confié le soin de réaliser un contrôle budgétaire portant sur le financement de la sûreté nucléaire. Je vais vous livrer les résultats de cet exercice, dans la perspective de la publication d'un rapport d'information. La question du nucléaire a fortement marqué l'actualité récente. Après que le Gouvernement a annoncé son souhait d'allonger la durée de vie des centrales nucléaires, l'Assemblée nationale a constitué une commission d'enquête sur le coût de la filière nucléaire, dont les travaux viennent de s'achever. De même, à la demande de cette commission d'enquête, la Cour des comptes a produit, à la fin du mois de mai, une estimation du coût de production de l'électricité nucléaire, actualisant les données déjà publiées en 2012 sur ce sujet.

Je me suis intéressé, quant à moi, à un sujet beaucoup plus spécifique - marginalement traité dans les travaux précités -, à savoir le financement public de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence nucléaire. Toutefois, je n'ai traité ni la protection contre les actes de malveillance, ni le nucléaire militaire - qui constituent des problématiques particulières.

Avant toute chose, je voudrais rappeler que la sûreté nucléaire constitue un enjeu sociétal majeur. Même si l'on s'oriente, dans les années à venir, vers une diminution de la part de l'énergie nucléaire dans le bouquet énergétique, il sera toujours nécessaire de s'assurer que le parc d'installations existant, ainsi que la gestion des déchets nucléaires, répondent bien à des normes rigoureuses de sûreté. En outre, au lendemain de l'accident de Fukushima, la demande sociale de sûreté et de transparence s'agissant de l'énergie nucléaire est croissante.

Je rappellerai également que la sûreté nucléaire doit être assurée en premier lieu par les exploitants des installations nucléaires, qui réalisent les investissements en ce domaine. Pour autant, il revient à l'État de définir la réglementation en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, de mettre en oeuvre les contrôles nécessaires à son application et de garantir, en toute transparence, une information fiable et accessible au public.

Ceci implique donc une intervention des services du ministère de l'écologie, mais également de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Ces deux organismes forment le « dispositif dual » sur lequel repose le système français de sûreté nucléaire et de radioprotection, système dont l'efficacité n'est plus à démontrer.

L'ASN - qui constitue, depuis 2006, une autorité administrative indépendante (AAI) - assure le contrôle des activités nucléaires, la délivrance de certaines autorisations ayant trait aux installations nucléaires et l'édiction de prescriptions techniques. L'IRSN - établissement public industrielle et commercial (EPIC) de l'État - est en charge des activités d'expertise et de recherche en matière d'évaluation des risques. Aussi, il assure un appui technique à l'ASN de façon autonome.

Avant de présenter mes conclusions et propositions, je voudrais formuler quelques observations.

Tout d'abord, le financement du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection est particulièrement complexe. La loi de finances pour 2000 a institué une taxe sur les installations nucléaires de base - dite « taxe INB » - dont le rendement a atteint près de 580 millions d'euros en 2013. Pour autant, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ne sont pas directement financés par cette taxe : leurs ressources proviennent de dotations inscrites au budget général de l'État, notamment au sein des missions « Écologie, développement et aménagement durables » et « Recherche et enseignement supérieur ». L'enveloppe budgétaire de ces deux entités est évaluée, dans la loi de finances pour 2014, à 261 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 266 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit un montant - il faut le souligner - inférieur à 50 % du produit de la « taxe INB » perçue par l'État. Les crédits dédiés à l'ASN et à l'IRSN sont portés par un total de cinq programmes relevant de quatre missions distinctes. En outre, l'IRSN est l'affectataire d'une contribution spécifique versée par les exploitants d'installations nucléaires dont le rendement a atteint 53 millions d'euros en 2013. La consolidation des moyens budgétaires et extrabudgétaires alloués au dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection est donc potentiellement difficile.

Ensuite, le financement de la transparence nucléaire souffre de défauts similaires. Ainsi, le Haut Comité pour la transparence et l'information pour la sûreté nucléaire (HCTISN) bénéficie d'une dotation de la mission « Écologie, développement et aménagements durables » ; cependant, les commissions locales d'information (CLI) - constituées auprès de chaque installation nucléaire - sont financées par les collectivités territoriales et à partir du budget de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). La loi a également prévu que certaines commissions puissent bénéficier d'une partie du produit de la « taxe INB », mais cette possibilité n'a jamais été utilisée par l'État.

Un effort de clarification dans le financement du dispositif de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence nucléaire s'impose donc, ne serait-ce que pour des raisons de pilotage efficace de ce dispositif et d'accessibilité démocratique.

Cette clarification est d'autant plus nécessaire que les enjeux auxquels seront confrontés l'ASN et l'IRSN dans les années à venir sont de taille et qu'ils vont nécessiter la mobilisation de moyens conséquents. Parmi ces enjeux figurent le contrôle des travaux consécutifs à l'accident de Fukushima, le contrôle de l'entrée en fonctionnement vers 2016 du réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville, l'encadrement et le contrôle du vieillissement, comme du démantèlement, des réacteurs électronucléaires, l'encadrement et l'analyse du réexamen de sûreté des installations exploitées par Areva et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et l'instruction des dossiers réglementaires des nouvelles installations, comme le centre de stockage géologique CIGÉO, le réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER), ou encore le réacteur Jules Horowitz. Par ailleurs, il sera nécessaire de maintenir une recherche de niveau mondial et de tenir compte d'une demande accrue de transparence aussi bien en France qu'au niveau international.

Ainsi, à terme, eu égard aux enjeux qui viennent d'être cités, les besoins supplémentaires de l'ASN et de l'IRSN approcheraient environ 36 millions d'euros, intégrant la création d'un peu moins de 200 postes budgétaires.

Cet état des lieux étant dressé, j'en viens à mes propositions.

Face à la double nécessité de dégager des moyens de financement supplémentaires au profit de l'ASN et de l'IRSN et de clarifier le système de financement de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence nucléaire, je me suis attaché à formuler cinq propositions principales tendant à refonder ce dernier sur la base de trois principes : l'indépendance du contrôle, la rationalisation du financement et la transparence démocratique. Cette refondation vise à conforter le « dispositif dual » de sûreté nucléaire et de radioprotection, à renforcer les crédits finançant ce dispositif et à placer le système de financement sous le contrôle du Parlement.

Tout d'abord, il me semble nécessaire de faire reposer une partie du financement de l'ASN sur une taxe affectée - que l'on pourrait appeler contribution de sûreté et de transparence nucléaires (CSTN) -, acquittée par les exploitants d'installations nucléaires, sur le modèle de la contribution actuellement perçue par l'IRSN. Il conviendrait, néanmoins, de prendre garde de ne pas accroître les charges des organismes financés à l'aide de crédits budgétaires, à l'instar du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA).

Il paraît, en effet, justifié que les entreprises exploitant commercialement des installations nucléaires - soit EDF et Areva - puissent apporter une contribution complémentaire au dispositif de sûreté nucléaire dès lors qu'un renforcement des moyens de celui-ci se ferait également à leur profit et éviterait qu'elles ne soient confrontées aux coûts qui pourraient résulter d'un engorgement de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). À ce titre, je rappelle que l'arrêt d'un réacteur nucléaire représente un coût de plus d'un million d'euros par jour pour EDF... L'affectation d'une telle taxe nécessiterait, pour des raisons juridiques, de doter l'Autorité de la personnalité morale.

Il s'agit, de cette manière, de renforcer l'indépendance de l'ASN. En effet, cette dernière est, aujourd'hui, exclusivement financée par des dotations budgétaires dont le montant est arrêté, chaque année, sur proposition du Gouvernement. Aussi, du fait de l'article 40 de la Constitution, le Parlement ne dispose que de marges de manoeuvre réduites pour s'opposer, le cas échéant, à une baisse non justifiée de ces dotations. C'est pourquoi, je propose que le Parlement soit chargé de « piloter » le produit de cette taxe - à la différence de la contribution versée à l'IRSN dont le montant est fixé par arrêté ministériel.

Cette taxe garantirait la pérennité des ressources de l'Autorité. Toutefois, parce qu'il ne saurait être question d'affecter une ressource sans contrôle à un organisme, cette taxe devrait être plafonnée, l'excédent de recettes étant reversé au budget général de l'État. Ainsi l'indépendance de l'Autorité de sûreté nucléaire serait-elle garantie sous le contrôle vigilant du Parlement.

Ensuite, cette nouvelle contribution aurait également vocation à financer les commissions locales d'information (CLI). Elle se substituerait, par conséquent, à l'attribution d'une part du produit de la « taxe INB », qui constitue un mécanisme si complexe qu'il n'a jamais été mis en oeuvre. Les dotations de ces commissions continueraient à être versées par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), selon une logique de projet, permettant une allocation raisonnée des moyens.

Il me semble, par ailleurs, que la contribution perçue par l'IRSN devrait être modifiée selon les mêmes principes que cette taxe affectée à l'Autorisé de sûreté nucléaire, qu'il s'agisse de la fixation du montant par le Parlement, du plafonnement, etc.

Dans un souci de simplification et de cohérence, le financement de l'ASN et de l'IRSN reposerait, dès lors, sur une dotation de l'État et une contribution payée par les exploitants d'installations nucléaires.

Au total, ces nouvelles modalités de financement renforceraient l'indépendance du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection, ainsi que les pouvoirs du Parlement, tout en tirant les enseignements utiles des travaux réalisés par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) sur les taxes affectées.

Afin de permettre au Parlement d'exercer efficacement son droit de regard sur le financement de la sûreté nucléaire, je propose également, d'une part, la création d'une délégation parlementaire à la sûreté et à la transparence nucléaires, commune à l'Assemblée nationale et au Sénat, qui aurait vocation à rendre un avis, chaque année, sur le financement du dispositif de sûreté nucléaire et, d'autre part, la création d'un « jaune budgétaire » consolidant l'ensemble des ressources attribuées à la sûreté nucléaire et à la radioprotection. Ce nouveau document renforcerait la lisibilité politique du financement de la sûreté nucléaire.

Enfin, plus en marge de mon sujet, je souhaiterais que le « choc de simplification » puisse être étendu à la réglementation de la sûreté nucléaire. Dans un contexte où d'importants investissements de sûreté sont demandés aux exploitants d'installations nucléaires, un effort de rationalisation doit être consenti. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité nucléaire (TSN), la règlementation se complexifie et produit des coûts supplémentaires. Les prescriptions de plus en plus élevées et les exigences de détail ne sont pas toujours en rapport avec le surcroît de sûreté qu'elles devraient engendrer. La réglementation semble se constituer selon un processus incrémental, parfois au mépris de son applicabilité technique : trop de sûreté nucléaire tuerait-elle la sûreté ?

M. Philippe Marini , président . - Merci, Monsieur le rapporteur, pour ce très intéressant exposé, qui m'a rappelé de vieux souvenirs...

Vous avez indiqué que le produit de la « taxe INB » était de l'ordre de 580 millions d'euros par an tandis que le budget de l'IRSN et de l'ASN s'élevait à environ 260 millions d'euros. Pourriez-vous préciser où va la différence entre ces deux sommes ?

Vous avez formulé des propositions claires et constructives sur le rôle du Parlement et les conditions d'affectation d'une taxe à ces deux organismes. Mais, dans le passé, un tel système d'affectation directe existait ; on s'est quelque peu écarté depuis lors, semble-t-il, de la clarté et de la transparence...

Enfin, dans votre esprit, le produit de 580 millions d'euros de la « taxe INB » a-t-il vocation à rester constant ou bien les exigences supplémentaires en termes de sûreté nucléaire devront-elles se traduire en coûts supplémentaires - qui se répercuteront, d'une manière ou d'une autre, sur le coût de l'électricité nucléaire ?

M. Michel Berson , rapporteur spécial . - La « taxe INB » n'est, à ce jour, pas affectée, conformément au principe d'universalité budgétaire. Elle alimente le budget général à hauteur de 580 millions d'euros.

Pour l'avenir, on pourrait, en théorie, envisager une diminution du produit de cette taxe alimentant les caisses de l'État, par exemple pour compenser l'instauration d'une taxe affectée aux deux opérateurs de la sureté nucléaire. Mais cela ne correspond guère à l'air du temps. La stabilité de ce produit est, à mes yeux, l'hypothèse la plus probable. Au total, les charges reposant sur les exploitants sont donc appelées à augmenter, en liaison avec les sept grands défis dont je vous ai parlé précédemment.

Ma proposition va simplement dans le sens du maintien d'une dotation d'État, à laquelle s'ajouterait l'affectation d'une taxe sous le contrôle du Parlement afin de renforcer l'indépendance de l'ASN et de l'IRSN.

M. Philippe Marini , président . - Ce serait, en quelque sorte, un régime mixte entre le régime passé et le régime actuel.

M. Michel Berson , rapporteur spécial . - Par le passé, le financement passait par des redevances et non par des taxes, ce qui pouvait poser un problème d'indépendance des opérateurs de sûreté à l'égard des acteurs de la filière nucléaire.

M. Philippe Marini , président . - C'est exact. Nous nous rapprocherions plutôt des anciennes taxes parafiscales que « sainte LOLF » est censée avoir abolies mais qui prolifèrent néanmoins...

M. Michel Berson , rapporteur spécial . - Oui, mais l'affectation serait plafonnée dans un souci de responsabilité.

M. Philippe Marini , président . - Si la commission des finances abandonnait cette logique, ce serait à désespérer de tout.

M. Roger Karoutchi . - Michel Berson a parlé de rationalisation, de transparence, d'équilibre ou encore de contrôle en matière de sureté nucléaire. Mais, au-delà, l'ASN est-elle réformable ? Doit-elle être conservée ou bien est-ce l'ensemble du système actuel qu'il convient de changer ? Pour ma part, j'ai le sentiment que tout n'est pas sous contrôle.

M. Edmond Hervé . - Je voudrais pour ma part souligner le rôle des commissions locales d'information (CLI) dans notre dispositif. Il est nécessaire de veiller à la qualité de leurs conditions de travail.

Par ailleurs, notre rapporteur nous a proposé la création d'une délégation parlementaire à la sûreté nucléaire. Les instances actuelles de contrôle seraient-elles insuffisantes ? Pour ma part, je me méfie de la multiplication de tels organismes car il est préférable de pas « énerver » les contrôlés.

M. Philippe Marini , président . - En l'occurrence, cette expression pourrait être prise au sens propre, « vidé de son système nerveux central »...

M. Philippe Dallier . - En définitive, les Français aimeraient savoir si l'ASN a effectivement les moyens d'exercer ses missions. Concrètement, a-t-elle les capacités de vérifier sur le terrain si tout est mis en oeuvre pour que les installations nucléaires fonctionnent dans les meilleures conditions ? Récemment, des militants associatifs ont réussi à s'introduire dans des installations, ce qui peut nous inquiéter : ils n'avaient que des banderoles, mais qu'en serait-il si, un jour, quelqu'un s'approchait aussi près en étant armé d'explosifs ? Certes, un certain nombre de mesures sont d'ores et déjà prises, comme la mise en place de clôtures et de barbelés. L'ASN dispose-t-elle donc bien des moyens de ses contrôles, y compris au plan budgétaire ?

M. Michel Berson , rapporteur spécial . - En réponse à Roger Karoutchi, j'indiquerais que l'ASN est réformable et doit être réformée pour lui permettre d'exercer les nouvelles missions qui lui incombent. Mais le système de financement actuel ne lui permettra plus de faire face aux défis qui s'imposent à elle, dans un horizon proche - peut-être de deux ou trois ans. Il faut en tout cas garder le caractère dual qui est propre à la France, et s'articule autour de l'ASN, qui joue un rôle de pilote, et de l'IRSN en tant qu'outil d'expertise et de recherche. Il convient néanmoins de proposer une articulation plus fluide permettant à l'ASN et à l'IRSN de fonctionner dans de meilleures conditions, sur le plan de l'organisation et du financement. Notre système dual est reconnu internationalement comme étant particulièrement performant, et a permis de hisser la France aux premiers rangs mondiaux : nous devons conserver la compétitivité de notre filière nucléaire qui est particulièrement élevée. Il n'est pas question de révolutionner un dispositif qui a fait ses preuves.

Edmond Hervé a appelé notre attention sur le caractère essentiel des commissions locales d'information. Je me suis efforcé de réfléchir dans trois domaines : la sûreté nucléaire, la radioprotection et la transparence nucléaire. La transparence n'est pas à négliger et elle constitue aujourd'hui un enjeu sociétal majeur. Il est de la responsabilité du Parlement de traiter cette question. Par conséquent, la création d'une délégation parlementaire exerçant une mission de contrôle permettrait de donner beaucoup plus de lisibilité à un système qui, s'il n'est pas opaque, n'en est pas moins très complexe, le financement étant réparti entre cinq programmes relevant de quatre missions pour des montants qui, somme toute, ne sont pas considérables. Les enjeux budgétaires s'élèvent à 580 millions d'euros si on prend en compte le produit de la « taxe INB », plus de 260 millions d'euros au titre des dotations de l'État et une cinquantaine de millions d'euros pour la taxe spécifique dont bénéficie l'IRSN. C'est pourquoi je propose la mise en place d'une délégation parlementaire couplée à la création d'un « jaune budgétaire ». Une solution, un temps envisagée, aurait été de créer un programme unique, mais cette proposition ne nous est pas apparue viable dans l'immédiat.

Enfin, Philippe Dallier a parlé non de sûreté nucléaire mais de sécurité nucléaire, en faisant mention de tous les actes de malveillance, que ceux-ci soient de nature terroriste ou de simples manifestations intempestives. La sécurité nucléaire relève de la responsabilité des exploitants, qui doivent réaliser les travaux nécessaires, ainsi que de celle de l'État au titre des services de renseignements et des forces de police en charge de l'ordre public autour des installations nucléaires. Il s'agit d'une autre problématique. Concernant la sûreté nucléaire, je peux garantir que l'ASN dispose des moyens intellectuels et techniques nécessaires, notamment via l'IRSN, pour assurer ses missions de pilotage et de contrôle.

Enfin, pour finir, je souhaiterais ajouter qu'alors que la phase préalable au débat sur la transition énergétique arrive à son terme et que les contraintes budgétaires de l'État se renforcent, le moment semble venu de faire franchir une étape au système de financement de la sûreté nucléaire dans notre pays. Si l'ASN et l'IRSN n'enregistrent pas, au cours de trois prochaines années, un accroissement substantiel de leurs ressources pour faire face à leurs missions dont le poids est croissant, des choix devront être faits. Le risque est que les moyens soient concentrés sur la sûreté des installations existantes au détriment des projets nouveaux ; de même, les activités de recherche pourraient être réduites pour compenser une insuffisance de ressources pour abonder les tâches d'expertise.

À l'issue de ce débat, la commission a donné acte de sa communication à M. Michel Berson, rapporteur spécial, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Mme Patricia Blanc, directrice générale de la prévention des risques, déléguée aux risques majeurs

M. Benoît Bettinelli, chef de la mission pour la sûreté nucléaire et la radioprotection

Association nationale des comités et commissions locales d'information

M. Jean-Claude Delalonde, président

M. Florion Guillaud, Trésorier

M. Michel Demet, conseiller technique

Autorité de sûreté nucléaire

M. Pierre-Frank Chevet, président

M. Jean-Christophe Niel, directeur général

M. Alain Delmestre, directeur général adjoint

M. Grégoire Deyirmendjian, directeur auprès du directeur général

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

M. Jacques Repussard, directeur général

Mme Audrey Lebeau-Livé, chargée des relations parlementaires auprès du directeur général

Électricité de France

M. Dominique Minière, directeur délégué de la direction Production Ingénierie

M. Bertrand Le Thiec, directeur adjoint de la direction des affaires publiques

Areva

M. Dominique Guilloteau, directeur Sûreté, Santé, Sécurité, Développement Durable

M. Guillaume Renaud, responsable des relations institutionnelles


* 1 Cf. Anthony Giddens, Les conséquences de la modernité , 1994.

* 2 La nécessité de concilier les principes de précaution et d'innovation a été exposée par votre rapporteur spécial lors de la discussion générale sur la proposition de loi constitutionnelle visant à modifier la Charte de l'environnement pour exprimer plus clairement que le principe de précaution est aussi un principe d'innovation (cf. compte rendu intégral de la séance du Sénat du mardi 27 mai 2014, pages 4349 et suivantes).

* 3 Cf. article L. 592-1 du code de l'environnement.

* 4 Les activités nucléaires sont définies par l'article L. 1333-1 du code de la santé publique comme les « activités comportant un risque d'exposition des personnes aux rayonnements ionisants [...], émanant soit d'une source artificielle, qu'il s'agisse de substances ou de dispositifs, soit d'une source naturelle lorsque les radionucléides naturels sont traités ou l'ont été en raison de leurs propriétés radioactives, fissiles ou fertiles, ainsi que les interventions destinées à prévenir ou réduire un risque radiologique consécutif à un accident ou à une contamination de l'environnement ».

* 5 Loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

* 6 Selon l'article R. 1333-1 du code de la défense, la mission de sécurité nucléaire consiste à assurer la « protection des matières nucléaires contre la perte, le vol, le détournement ou tout acte visant à les altérer, les détériorer ou les disperser ».

* 7 En vertu de l'article R. 1333-37 du code de la défense, la politique de sûreté nucléaire et de radioprotection relative aux installations et activités nucléaires intéressant la défense relève du ministre de la défense et du ministre chargé de l'industrie. Sont ainsi concernées les installations nucléaires de base secrètes, les systèmes nucléaires militaires, les sites et installations d'expérimentation nucléaires intéressant la défense, les anciens sites d'expérimentation nucléaires du Pacifique et les transports de matières fissiles ou radioactives liés aux activités d'armement nucléaire et de propulsion nucléaire navale.

* 8 La mission de sécurité nucléaire, définie aux articles R. 1333-1 et suivants du code de la défense, relève de la compétence du ministère chargé de l'énergie, à l'exception des matières nucléaires destinées à un usage militaire, et est assurée par le Haut Fonctionnaire de Défense et de Sécurité (HFDS) placé auprès du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE). Depuis janvier 2010, le HFDS dispose d'un département de la sécurité nucléaire (DSN), intégré au Service de défense, de sécurité et d'intelligence économique (SDSIE), qui bénéficie d'effectifs propres et du concours technique de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

* 9 La responsabilité première de l'exploitant est distincte de la responsabilité civile de ce dernier. La responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire relève d'un régime juridique spécifique. Si la responsabilité civile nucléaire est engagée sans qu'une faute ait à être démontrée, ont été fixés des plafonds de durée et de montants d'indemnisation des dommages causés aux personnes et aux biens. Les conventions internationales en vigueur à ce jour - la convention de Paris du 29 juillet 1960, la convention complémentaire signée à Bruxelles le 31 janvier 1963 et leurs protocoles additionnels - prévoient trois tranches cumulatives d'indemnisation, incombant à l'exploitant (dans la limite de 91,5 millions d'euros) puis, le cas échéant, à l'État de l'exploitant (109,8 millions d'euros) et, enfin, aux États parties aux conventions (143,7 millions d'euros). Le protocole signé le 12 février 2004 portant modification de la convention de Paris a relevé ces plafonds d'indemnisation, notamment en ce qui concerne les exploitants (700 millions d'euros) ; toutefois, ce protocole n'est pas encore entré en vigueur, n'ayant pas été ratifié par certains États signataires.

* 10 À titre d'exemple, l'article 9 de la convention de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) du 17 juin 1994 sur la sûreté nucléaire stipule que « Chaque Partie contractante fait le nécessaire pour que la responsabilité première de la sûreté d'une installation nucléaire incombe au titulaire de l'autorisation correspondante et prend les mesures appropriées pour que chaque titulaire d'une autorisation assume sa responsabilité ».

* 11 Le montant des investissements de maintenance prévus dans le programme de « Grand carénage » est désormais évalué à 62,5 milliards d'euros pour la période 2011-2025 ; néanmoins, ce montant relève d'un périmètre différent des 55 milliards d'euros précités, près de 13 milliards d'euros de charges opérationnelles ayant été requalifiés en investissements.

* 12 Cf. avis n° 2012-AV-0139 de l'Autorité de sûreté nucléaire du 3 janvier 2012 sur les évaluations complémentaires de la sûreté des installations nucléaires prioritaires au regard de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.

* 13 Cf. Communication de la Commission du 4 octobre 2012 au Conseil et au Parlement européen sur les évaluations globales des risques et de la sûreté (« tests de résistance ») des centrales nucléaires dans l'Union européenne et les activités y afférentes (COM(2012) 571 final).

* 14 La force d'action rapide nucléaire (FARN) est en mesure d'intervenir sur un réacteur depuis la fin de l'année 2012.

* 15 58 « diesels d'ultime recours » devront être mis en place en 2018, les sites commençant à en être équipés à compter de 2016.

* 16 Pour les centrales nucléaires, le « noyau dur » a commencé à être déployé en 2014.

* 17 L'article 31 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 précise que constitue une modification notable d'une installation nucléaire de base un changement de sa nature ou un accroissement de sa capacité maximale, une modification des éléments essentiels pour la protection de la sécurité, de la santé et de la salubrité publiques, ou pour la protection de la nature et de l'environnement, ainsi que l'ajout, dans le périmètre de l'installation, d'une nouvelle installation nucléaire de base.

* 18 Cf. section 1 du chapitre III du titre IX du livre V de la partie législative du code de l'environnement et décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives.

* 19 Cf. Cyrille Foasso, « L'expertise de la sûreté nucléaire en France. Un point de vue institutionnel et technique », La revue pour l'histoire du CNRS , 16, 2007.

* 20 Cf. exposé des motifs de la lettre rectificative n° 217 (2005-2006) au projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, annexée au procès-verbal de la séance du Sénat du 22 février 2006.

* 21 L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est également chargée de l'inspection du travail dans les centrales nucléaires. Dans ce domaine, le programme d'inspections est établi selon des modalités spécifiques qui prennent en compte les priorités définies par la direction générale du travail.

* 22 Chaque année, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) élabore un programme prévisionnel d'inspections qui reflète ses priorités pour l'année suivante. Ce programme fait l'objet d'une élaboration collective - entre les divisions territoriales et les directions centrales de l'Autorité -, fondée sur une évaluation des enjeux en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection dans les différentes installations et activités. Les priorités nationales couvrent 76 % de la capacité d'inspection de l'ASN, les priorités locales, 19 %, et la part non spécifiée du programme, 5 % de cette capacité.

* 23 Loi n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application des du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

* 24 L'article 13 de la Constitution prévoit qu'une « loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés ».

* 25 Loi n° 75-1242 du 27 décembre 1975 de finances rectificative pour 1975.

* 26 Loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000.

* 27 La taxe sur les installations nucléaires de base est due par les exploitants pour chacune de leurs installations nucléaires de base (INB) à compter de l'autorisation de création jusqu'au déclassement. Dans la période séparant l'autorisation de mise en arrêt définitif du déclassement, soit durant la période de démantèlement, la taxe est réduite de 50 %.

* 28 Cf. tome I de l'évaluation des voies et moyens année au projet de loi de finances pour 2014.

* 29 Avant 2008, la dotation de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) était inscrite au sein du programme 127 « Contrôle et prévention des risques technologiques et développement industriel » de la mission « Développement et régulation économiques ».

* 30 Cf. infra , recommandation n° 1.

* 31 La contribution additionnelle au profit de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) due par les exploitants des installations nucléaires de base (INB) est examinée plus avant infra , dans les développements relatifs à l'IRSN.

* 32 L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de la défense, de l'environnement, de l'industrie, de la recherche et de la santé.

* 33 Cf. article 5 de la loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale.

* 34 Cf. Cyrille Foasso, op. cit.

* 35 Décret n° 2002-254 du 22 février 2002 relatif à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

* 36 L'Institut de radioprotection et de sûreté technique (IRSN) apporte une contribution technique aux travaux du ministère chargé de l'énergie dans le cadre de ses compétences en matière de sécurité nucléaire (cf. supra ) ; ainsi, l'Institut et ses experts instruisent au plan technique les dossiers de sécurité des opérateurs nucléaires, etc.

* 37 Les installations et activités nucléaires intéressant la défense sont soumises au contrôle d'une autorité indépendante, le Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND), qui s'appuie sur les avis techniques de l'IRSN, comme le fait l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour les activités et installations du secteur nucléaire civil (cf. articles R. 1412-1 et suivants du code de la défense).

* 38 Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 39 Cf. réponse du ministère chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique à la question écrite n° 16135 de M. Roland Courteau, publiée dans le Journal officiel du Sénat du 17 février 2011, page 408.

* 40 Cf. article 42 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007.

* 41 L'article L. 592-14 du code de l'environnement prévoit également que l'« Autorité de sûreté nucléaire propose au Gouvernement les crédits nécessaires à l'accomplissement de ses missions ».

* 42 Toutefois, la participation des agents de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) aux formations organisées par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), conformément à ses missions d'enseignement en radioprotection ainsi qu'en sûreté et en sécurité nucléaires, s'inscrit dans le cadre des prestations rémunérées réalisées par l'Institut.

* 43 L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) établit, pour la fin du premier trimestre de l'année n+1 , une synthèse qui présente le bilan des actions réalisées au cours de l'année n . Ce bilan s'appui au premier chef sur l'état de réalisation du protocole annuel et de ses priorités techniques. Il rend compte également des moyens financiers mobilisés en appui à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et présente un état de l'ensemble des moyens humains engagés. Cette synthèse est présentée au collège de l'ASN au plus tard au début du deuxième trimestre de l'année n+1 .

* 44 Cf. article L. 592-1 du code l'environnement.

* 45 Cf. rapport au Premier ministre de Jean-Yves Le Déaut, député, Le système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire : la longue marche vers l'indépendance et la transparence , 1998.

* 46 Cf. article L. 125-36 du code de l'environnement.

* 47 Par ailleurs, le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) peut être saisi par le ministre chargé de la sûreté nucléaire, par les présidents des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, par le président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), par les présidents des commissions locales d'information ou par les exploitants d'installations nucléaires de base de toute question relative à l'information concernant la sécurité nucléaire et son contrôle.

* 48 Cf. L. 125-37 du code de l'environnement.

* 49 L'article L. 125-18 du code de l'environnement dispose qu'il « peut être créé une même commission locale d'information pour plusieurs installations nucléaires de base proches, ou une commission par site sur lequel a été implanté une installation nucléaire de base ».

* 50 Cf. article L. 125-20 du code de l'environnement et article 5 du décret n° 2008-251 du 12 mars 2008 relatif aux commissions locales d'information auprès des installations nucléaires de base.

* 51 Cf. article L. 135-32 du code de l'environnement.

* 52 À cet égard, il convient de rappeler que l'article L. 125-21 du code de l'environnement prévoit que la création des commissions locales d'information (CLI) relève de la compétence des présidents de conseil général.

* 53 En 2013, seules 12 commissions locales d'information (CLI) disposaient d'une personnalité juridique.

* 54 Cf. avis n° 2014-AV-0205 de l'Autorité de sûreté nucléaire du 6 mai 2014 relatif au budget du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France pour les années 2015 à 2017.

* 55 Le maintien d'un financement sur crédits budgétaires de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) trouve sa justification, notamment, dans le fait qu'une part des compétences exercées par cette dernière ne peut être imputée à des activités nucléaires comme, par exemple, la radioprotection liée aux sources naturelles d'exposition aux rayonnements ionisants.

* 56 Cf. Conseil des prélèvements obligatoires, La fiscalité affectée. Constats, enjeux et réformes , juillet 2013.

* 57 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ;

* 58 Cf. avis du Conseil d'État du 8 septembre 2005, Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCAMIP) (avis n° 371 558).

* 59 Cf. article 96 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

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