2. Un outil pédagogique fondamental confié entièrement à des éditeurs privés

La spécificité du manuel scolaire réside dans le fait que, support pédagogique obligatoire, sa réalisation relève pourtant entièrement d'éditeurs privés, qui se doivent de composer avec des exigences concurrentielles complexes.

Ainsi, le « marché » du manuel scolaire, évalué à environ 350 millions d'euros 9 ( * ) , est partagé entre quelques grandes maisons d'édition (Hatier, Bordas, Nathan, Belin...), dont nous avons reçu des représentantes au cours d'une table-ronde organisée le 29 avril 2014.

Notre délégation s'est interrogée sur la cohérence de ce modèle : est-il normal, et même souhaitable, qu'un document pédagogique aussi essentiel à la construction individuelle et citoyenne des enfants soit entièrement laissé à l'initiative privée ?

Au cours de la table-ronde du 29 avril 2014, qui a permis aux éditeurs de manuels et aux concepteurs des programmes de dialoguer, le chef de service à la Direction générale de l'enseignement scolaire au ministère de l'Éducation nationale (DGESCO) a expliqué que toute la chaîne du manuel scolaire reposait sur un équilibre de liberté et de responsabilité qui devait garantir des mécanismes d'autorégulation vertueux.

Ce mécanisme d'autorégulation repose sur :

- la liberté et l'indépendance totale du Conseil supérieur des programmes (CSP) tout d'abord, ainsi qu'en dispose la loi ;

- mais aussi la liberté et responsabilité des éditeurs qui ont la charge de concevoir les manuels, d'en choisir les auteurs, d'en vérifier la rédaction, toutes tâches qui sont de leur seul ressort ;

- la liberté, enfin, dans le choix des manuels par les enseignants.

Certes, on pourrait considérer que ce principe de liberté et de responsabilité pour la conception des programmes et des manuels pourrait concourir à la réduction des stéréotypes, l'autorégulation pouvant provenir :

- du jeu du marché dans l'offre éditoriale ;

- de la diversité de cette offre qui induit un traitement différencié des manuels proposés ;

- mais aussi de la liberté de choix des enseignants, qui peut elle-même avoir des vertus de régulation puisqu'ils peuvent ne pas sélectionner les manuels qui comporteraient des stéréotypes sexistes.

Pourtant, les professionnels qui se sont emparés du sujet, et en particulier, le Centre Hubertine Auclert 10 ( * ) qui passe au crible chaque année les manuels scolaires d'un niveau dans une matière donnée, ont démontré que ces mécanismes n'avaient encore guère porté leurs fruits.


* 9 Ce chiffre a été communiqué par le Directeur du réseau CANOPÉ.

* 10 Le Centre Hubertine Auclert a été créé en 2009 à l'initiative de la région Ile-de-France et d'associations féministes. Il regroupe plus de 80 associations, syndicats et collectivités territoriales désireux de promouvoir une culture de l'égalité femmes-hommes. Il centralise des ressources, outils et documents destinés aux porteurs de projets en faveur de l'égalité. Il accompagne ces acteurs et actrices dans le cadre d'un appui personnalisé ou d'échanges collectifs. Il réalise un travail d'éducation à l'égalité auprès des établissements scolaires, des enseignants et des acteurs de l'éducation. Il accueille également depuis juillet 2013 un observatoire régional des violences faites aux femmes.

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