B. UNE ALLIANCE QUI DOIT ASSURER LA DÉFENSE DE L'EUROPE EN EUROPE

La crise en Ukraine remet la question de la défense européenne au coeur des préoccupations.

L'attitude et les actions de la Russie vis-à-vis de la Crimée et dans l'est de l'Ukraine, ont brisé le postulat de la faiblesse de la menace d'une attaque conventionnelle contre le territoire de l'OTAN.

Sans doute, s'agit-il d'un pays tiers, non membre de l'Alliance 270 ( * ) , mais sa proximité géographique et culturelle avec les pays de l'est de l'Europe dont certains comme l'Ukraine comptent des minorités russophones en leur sein, a créé une forte inquiétude chez ceux-ci (Pays baltes, Pologne, Roumanie). Ils se sentent directement menacés et demandent des mesures de réassurance supplémentaires.

À cet égard, l'Alliance a répondu de façon immédiate en déployant des forces militaires et navales en Pologne et en Mer Noire (voir supra p. 94). La France a pris part à ces déploiements pour signifier clairement à ses alliés d'Europe orientale le sens de l'Alliance qui est une garantie des 28 par les 28.

Le sommet de l'OTAN sera une occasion pour réaffirmer certains principes clefs au sein de l'OTAN, notamment que la défense collective est au coeur des missions de l'Alliance, que la solidarité entre alliés est là et qu'il n'y a pas de raisons d'en douter et que l'article 5 n'est pas simplement un engagement des alliés américains vis-à-vis des Européens mais entre tous ses membres . Il devrait discuter d'un plan d'action pour la réactivité « Readiness Action Plan » incluant des mesures complémentaires de réassurance et des considérations de long terme visant à adapter la posture de l'OTAN aux implications stratégiques de la crise russo-ukrainienne.

L'OTAN aura à décider si elle doit donner une permanence à ce dispositif, voire même le renforcer comme le souhaiteraient les États d'Europe orientale. Cette question doit être examinée avec prudence. Il n'est pas certain que, d'un point de vue militaire, la présence de bases de l'OTAN ait un sens autre que symbolique. Cette proposition a un coût. Enfin, d'un point de vue diplomatique, elle risquerait d'affaiblir la position de l'OTAN vis-à-vis de la Russie, dans la mesure où les alliés s'étaient engagés dans l'Acte fondateur de 1997 entre l'organisation et la Russie à ne pas déployer de forces substantielles de combat sur les territoires des anciens pays membres du Pacte de Varsovie.

La réassurance passera probablement par un accroissement des exercices militaires de l'OTAN en Europe orientale et une participation plus active des alliés et notamment des États-Unis à ces exercices. Cette solution aurait le mérite de permettre d'entretenir le niveau nécessaire d'interopérabilité entre les forces militaires au moment où les opérations communes sont en diminution.

L'OTAN devra aussi adapter sa posture et ses réponses au nouveau type de modes d'action ambigus employés au cours de cette crise : intervention de groupes paramilitaires, de militaires sans insigne ni identification, dans des régions comptant des minorités russophones et en protection de ces populations prétendument menacées, montée en puissance de groupes revendiquant l'autonomie, l'indépendance voire le rattachement à la Russie, utilisation massive des outils de communication, recherche d'une consolidation juridique des actions (organisation de referendum, prise de contrôle d'assemblée régionales ou locales) ...

De façon connexe, la crise russo-ukrainienne présente, sous un jour nouveau, un certain nombre de questions comme celle des relations avec la Russie, avec laquelle la coopération a été suspendue et celle de l'adhésion de nouveaux États, qui souhaitent des liens plus forts avec l'OTAN comme la Géorgie et le Monténégro mais dont la situation est complexe.

Elle pose également, la question du partage des responsabilités et des charges entre les pays membres.


* 270 Mais qui avait obtenu de la Russie et des États-Unis un certain nombre de garanties dans le cadre du démantèlement de ses forces nucléaires (Mémorandum de Budapest de 1994).

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