ETUDE COMPARATIVE INTERNATIONALE RÉALISÉE PAR LA DIRECTION GÉNÉRALE DU TRÉSOR

Analyse comparative dans 13 pays

Contribution des services économiques des pays suivants :
Allemagne, Canada, Chine, Corée, Chypre, États-Unis, Inde, Israël, Japon, Royaume-Uni, Russie, Singapour, Thaïlande

Mai 2014

Ce document de travail, réalisé par le réseau international de la DG Trésor sur la base d'un cahier des charges et questionnaire précis fournis par le(s) commanditaire(s), permet de disposer d'un panorama de diverses situations à l'international. Toutefois, il ne constitue d'aucune manière une prise de position de la DG Trésor (et par extension celle des ministères économique et financier) sur le sujet donné. La DG Trésor ne peut en aucun cas être tenue responsable de l'utilisation et de l'interprétation de l'information contenue dans ce document.

I. ALLEMAGNE VIII. ISRAËL

II. CANADA IX. JAPON

III. CHINE X. ROYAUME-UNI

IV. CHYPRE XI. RUSSIE

V. CORÉE DU SUD XII. SINGAPOUR

VI. ÉTATS-UNIS XIII. THAÏLANDE

VII. INDE

I. ALLEMAGNE

Q1/- Les monnaies virtuelles ont-elles fait l'objet de débats, de travaux (rapports, auditions publiques, etc.), de prises de position publiques ou politiques ? Avez-vous identifié des réflexions en cours sur le sujet ? Des think-tanks sont-ils actifs sur le sujet ?

Suite à une série de faillites de plateformes en ligne basées sur des monnaies virtuelles (la dernière étant la plateforme japonaise Mt.Gox ) dont la presse allemande s'est fait l'écho ces dernières années, la Bundesbank et le superviseur allemand, la BaFin, informent sur leur site internet le consommateur sur la nature des monnaies virtuelles.

Plusieurs députés se sont emparés du sujet, notamment Frank Schäffler (député FDP sous l'ancienne législature) qui a posé une question au gouvernement l'année passée sur le traitement fiscal des bitcoins (cf. réponse Q6). La commission des affaires économiques du Landtag de Bavière a invité en mars dernier le membre du directoire de la Bundesbank, Carl-Ludwig Thiele, sur ce sujet. Ce dernier s'est montré très rassurant face aux questions des députés bavarois en affirmant que l'utilisation des bitcoins est un épiphénomène et le restera tant que « la monnaie virtuelle ne sera pas émise par une banque centrale indépendante qui garantirait la stabilité de la valeur de la monnaie ».

Un jeune député, Jens Zimmermann (SPD), membre de la commission des Finances, a récemment animé un groupe de travail du groupe parlementaire SPD au Bundestag sur les monnaies virtuelles où il se prononce pour une régulation de cette activité avant qu'elle ne représente un réel danger.

Commerzbank, qui a pris position en mai 2013 sur le sujet 42 ( * ) , réclame que le superviseur de la bourse surveille également les plateformes de monnaies virtuelles, estimant que les risques de ces nouvelles monnaies ne devaient pas être sous-estimés.

Par ailleurs, C.-L. Thiele (membre du directoire de la Bundesbank) interviendra à la fin du mois de mai sur le sujet des bitcoins (« Monnaie virtuelle - Bitcoin, moyen de paiement ou objet de spéculation ? ») devant un parterre d'acteurs du secteur financier allemand et de responsables politiques sur invitation de la Commerzbank.

Q2/- Les autorités publiques se sont-elles montrées plutôt favorables ou circonspectes sur les monnaies virtuelles, notamment le bitcoin ?

Les autorités publiques allemandes se montrent plutôt circonspectes sur les monnaies virtuelles.

La Bundesbank, par l'intermédiaire d'un des membres de son directoire, C.-L. Thiele, a indiqué que les monnaies virtuelles ne sont actuellement qu'un phénomène de niche, mais met clairement en garde contre les risques qu'elles représentent. Il s'est prononcé dans ce sens récemment sur les bitcoins en particulier : « en réalité, le bitcoin est un instrument hautement spéculatif en raison des fortes et rapides variations, quasiment inexplicables, qui ne présente aucune garantie. L'épargnant peut perdre à tout moment la totalité de son investissement. La confiance dans la stabilité de la valeur de la monnaie est une condition importante pour l'utiliser en tant que moyen d'échange. Il manque donc un élément important au bitcoin pour jouer un rôle significatif en tant que moyen de paiement. Avec environ 70 000 transactions au niveau mondial, le bitcoin ne représente pas plus qu'un épiphénomène. Si l'on évoque les 60 millions de virements et prélèvements qui sont opérés tous les jours en Allemagne, on peut douter du potentiel du bitcoin - indépendamment de la fluctuation de sa valeur - à devenir un système de paiement significatif » 43 ( * ) .

La Bundesbank rappelle en outre que les monnaies virtuelles, à la différence des monnaies classiques, ne bénéficient pas de la garantie d'un État.

De son côté, le superviseur allemand, la BaFin, qui a décidé en juillet dernier d'encadrer les activités des plateformes en ligne des monnaies virtuelles (cf. Q4), met en garde épargnants et consommateurs à l'égard des monnaies virtuelles en expliquant dans sa lettre mensuelle de janvier dernier 44 ( * ) que le bitcoin, par exemple, peut être perdu ou volé comme tout autre monnaie en espèces. La BaFin signale que les coûts de transaction augmenteront probablement proportionnellement au nombre de bitcoins en circulation en raison des besoins croissants en capacité informatique pour les gérer. Le superviseur rappelle en outre que les monnaies virtuelles peuvent servir à du blanchiment d'argent, ce qui peut entraîner la fermeture d'une plateforme d'échanges et « avoir des conséquences dommageables également pour l'utilisateur honnête ».

Q3/- Certains acteurs des monnaies virtuelles mènent-ils un travail de lobbying auprès des institutions publiques (administrations, Parlement, régulateurs) ? Si oui, quels sont les arguments mis en avant ? Quelles sont leurs demandes ?

Les fédérations représentant cette activité ( Bundesverband Bitcoin e.V., Bundesverband Digitale Wirtschaft ) mènent un travail de lobbying assez peu prononcé jusqu'à présent, selon un interlocuteur du Bundestag.

Q4/- Les monnaies virtuelles font-elles l'objet d'une définition légale ? Des évolutions légales ou règlementaires sont-elles envisagées ? Si oui, préciser les principales dispositions.

Le superviseur allemand, BaFin, a qualifié en juillet 2013 dans une notice d'orientation 45 ( * ) les bitcoins d'unités de compte ( Rechnungseinheiten ). La loi sur le secteur bancaire ( Kreditwesengesetz , §1 Abs.11 Satz 1 n°7, KWG) classifie les unités de comptes dans la catégorie des instruments financiers ( Finanzinstrumente ), de même que les devises. Cette définition officialisée par la BaFin (il s'agit désormais d'un usage établi par l'administration, Verwaltungspraxis ) permet au superviseur d'appliquer aux bitcoins les règles qu'il applique à tout instrument financier et de décider si l'activité contrôlée doit être exercée avec un agrément bancaire.

Q5/- Les régulateurs sont-ils intervenus pour encadrer l'utilisation des monnaies virtuelles ? Les plateformes dédiées à l'utilisation de ces monnaies sont-elles soumises à des obligations spécifiques ?

La BaFin, a publié, dans sa lettre mensuelle de janvier dernier, une analyse des bitcoins dans laquelle elle explique les cas dans lesquels l'obtention d'un agrément est obligatoire, à savoir lorsque l'échange de bitcoins se fait dans le cadre d'un service rémunéré (et non d'un simple achat, vente ou prospection).

Q6/- Les administrations fiscales ont-elles pris position sur la nature des monnaies virtuelles et, partant, sur les conséquences fiscales qui y sont attachées ?

Le ministère fédéral des Finances a précisé le statut fiscal des bitcoins en août dernier dans une réponse à une question parlementaire.

S'agissant de l'impôt sur le revenu : le BMF a indiqué le 7 août 2013 que les revenus dégagés à l'occasion de la revente de bitcoins sont taxables en application de l'article 23 (1) point 2 de l'EStG (loi d'imposition des revenus) au titre des plus-values privées ( Private Veräusserungsgeschäfte ).

L'article 23 de l'EStG prévoit que sont imposables au titre des plus-values privées les plus-values dégagées à l'occasion de la cession de biens immobiliers ou assimilés dans le délai de dix ans et les plus-values dégagées à l'occasion de la cession d'autres biens (ou marchandises, « andere Wirtschaftsgüter ») dans le délai de moins d'un an. Cette catégorie comprend notamment les bijoux, l'or, les tableaux, les pièces de collection...

Par ailleurs, le texte indique que si le revenu net ainsi dégagé est inférieur à 600 euros sur une période de moins d'un an, le revenu est exonéré d'impôt sur le revenu.

Les plus-values dégagées sont à déclarer en même temps que l'ensemble des revenus de l'année.

Le BMF ne s'est, en revanche, pas prononcé sur le traitement pratique des plus-values dégagées à l'occasion d'opérations successives d'achat et revente de bitcoins dans le délai d'un an. La réponse indique seulement que le sujet sera soumis aux plus hauts responsables des administrations fiscales allemandes à l'occasion d'une de leurs prochaines réunions. Les articles parus dans la presse indiquent que la solution qui s'impose est l'application de la méthode Fifo (First-in-first-out).

S'agissant de la TVA : le BMF s'est prononcé à deux reprises, les 7 août et 27 septembre 2013 pour clarifier l'application de l'exonération prévue pour les moyens de paiements légaux (« gesetzliche Zahlungsmitteln ») au § 4 Nr 8b de l'UStG (loi sur la TVA).

Dans la première réponse, le BMF estime que le bitcoin - ne rentrant pas dans la définition des moyens de paiements légaux - ne peut bénéficier d'une exonération au titre du paragraphe de l'UStG précité. La seconde réponse indique, qu'en revanche, le 8c du § 4 de l'UStG pourrait servir de base légale pour une telle exonération.

Q7/- Les autorités publiques ont-elles entrepris des actions d'information ou de prévention vis-à-vis des épargnants ou des consommateurs ?

La Bundesbank et la BaFin informent depuis l'année passée sur leur site internet ou lors de conférences sur les risques que représentent les monnaies virtuelles, comme mentionné dans la réponse à la question 2.

Q8/- Constate-t-on une progression des investissements (publics ou privés) en matière de monnaies virtuelles ?

Le superviseur allemand a constaté une utilisation plus répandue du bitcoin à partir de 2011, qui s'est traduite pour la BaFin par une montée en puissance du nombre de questions qui lui sont adressées pour exercer une activité sur la base de la monnaie virtuelle. Actuellement, le superviseur reçoit en moyenne une question par jour sur ce sujet, notamment de personnes qui souhaitent installer un distributeur automatique. Jusqu'à présent, la BaFin n'a pas délivré d'autorisation à cet effet, mais ne l'exclut pas à court ou moyen terme dans le cas où le demandeur est déjà détenteur d'un agrément. Le volume des transactions en bitcoin en Allemagne n'est pas connu, ni la BaFin, ni le BMF ne disposant pas de données fiables.


* 42 http://zertifikate.commerzbank.de/SiteContent/1/1/2/544/11/120_waehrungsstrategie.html.

* 43 http://www.bundesbank.de/Redaktion/DE/Standardartikel / Presse / Gastbeitraege /
2014_04_11_thiele_die_bank.html

* 44 http://www.bafin.de/SharedDocs/Veroeffentlichungen/DE/Fachartikel/2014/fa_bj_1401_bitcoins.html

* 45 http://www.bafin.de/SharedDocs/Veroeffentlichungen/DE/Merkblatt/mb_111220_finanzinstrumente.html

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